4.3. L’histoire des villes italiennes : VENEZIA - Pour mieux comprendre Venise et son histoire - 1
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Jean Guichard POUR MIEUX COMPRENDRE VENISE et SON HISTOIRE, (Ce que vous ne savez pas toujours quand vous n’allez à Venise qu’en « touriste »...) (La pointe de la Douane de mer, de Travani et Lefebvre, 1855) Venise, un mythe ? Oui mais lequel ? Celui que viennent parcourir pour son « pittoresque » les touristes pressés qui logent ailleurs et font un petit tour à Venise, histoire de se faire photographier sur la place Saint-Marc avec un pigeon sur l'épaule (l'un de ceux qui déposent des tonnes de fiente dans les greniers des palais) ou face au Pont des Soupirs, et qui retourneront chez eux avec une gondole en plastique éclairée de l'intérieur par de petites lampes rouges et fabriquées à Taïwan ? Un de ces « barbares » que  décrit dans une chanson Alberto d'Amico : In carovana 'riva le bisteche         En caravane arrivent les beaftecks e femo s-ciompe tuta l'istà nous faisons des plongeons  pendant tout l'été amaestrai come le foche dressés comme des phoques       e i foresti bate le man                 et les étrangers battent des mains Qui ne les a vus, en été, dans les « calli », torses nus brûlés par le soleil, jetant dans les canaux leurs canettes de bière vides, écrasant leurs cigarettes sur les dalles de marbre et allant le soir reprendre leur voiture au Tronchetto pour aller dormir à Jesolo, ayant laissé Venise plus sale et sans qu'elle ait gagné un sou ? On comprend les édiles de la ville quand ils ont décidé d'instaurer une taxe d'entrée à Venise pour tous ceux qui n'y résident pas, fût-ce temporairement, ou d'établir un numerus clausus à l'entrée du pont routier. Le Directeur de l'Office de Tourisme proposa même en 1983  de faire passer un examen aux candidats à Venise afin de s'assurer qu'ils avaient le minimum de culture nécessaire pour profiter vraiment de la ville, et le leur donner en cas de besoin : un cours de formation pour mériter Venise ? « À Venise, -disait-il -, les pierres parlent, mais il faut savoir les comprendre ; pour venir à Venise une préparation serait nécessaire, il faudrait presque un examen culturel pour les touristes, parce qu'il est difficile de comprendre cette ville, si pleine d'histoire » (La Stampa, 8 novembre 1983), et il souhaitait remplacer le tourisme de masse par un tourisme de qualité, « certes pas lié aux conditions économiques, mais au bien très précieux de la connaissance ». Mais faire comprendre Venise n'est pas chose aisée : tout le monde sait quelque chose de Venise, le Carnaval, la gondole, Saint-Marc, la ville qui s'enfonce, les Quatre saisons de Vivaldi, Casanova, les prisons, les pigeons, une Venise romantique, des histoires d'amants qui se retrouvent et puis se quittent, Musset, George Sand, Byron, Wagner, la mort à Venise ... et quelques clichés,  avec une part de vérité comme tous les clichés, mais qui créent une épouvantable nappe de brume qu'il faut dissiper pour accéder à une vue plus vraie de la réalité vénitienne. * Où faut-il donc chercher le « mythe » de Venise ? Un mythe raconte toujours l'origine des choses, comme les mythes grecs ou la Genèse ou l'histoire de Gilgamesh, les mythes indo-américains ou africains. Mais les vrais mythes, ceux qui durent à travers les siècles, les histoires que l'on continue à se raconter, ne nous parlent de l'origine que pour mieux nous projeter dans l'avenir, -ce pourquoi on lit toujours Homère et Virgile, on fait toujours le récit de l'histoire des ancêtres, et la Genèse prend un sens pour les incroyants comme pour les croyants. Robinson Crusoé est le mythe de l'avenir du capitalisme anglais, et pas seulement une histoire qui se déroule dans le passé originel. Ainsi le mythe fait le lien entre le passé et le futur, et par là il éclaire le présent. * Il en est ainsi de Venise. Venise est un « mythe » parce que l'histoire de sa construction, de son développement entre le VIIIe et le XVe siècle, de ses choix économiques et politiques à partir du XVIe siècle, tout cela trace un modèle fascinant de ville à échelle humaine. Venise est un cas unique, elle n'a pas d'antécédent  grec ou romain, elle n'est pas marquée par la féodalité en plein Moyen-âge, ni dépendante de l'empire ou de la papauté, républicaine et laïque en pleine Europe monarchique et chrétienne, dotée d'un des premiers empires coloniaux et d'une flotte exceptionnelle, le plus stable des Etats italiens dans ses dix siècles d'existence. Certes elle n'a pas surgi de rien, mais elle donne toujours l'impression d'être née comme Vénus de l'écume de la mer. Venise est une ville- archétype, ville modèle et idéal de développement harmonieux, d'équilibre entre la société urbaine et la nature, dans le respect absolu d'un écosystème très fragile ; et la crise actuelle de Venise, son dépeuplement, son « enfoncement », sa transformation en musée ..., sont emblématiques de la crise des villes contemporaines, ses causes profondes sont en concentré celles de nos villes, de Toulouse, de Milan ou de Londres ; le problème de Venise est donc notre problème. « Et si cette ville ou plutôt ce double de ville, n'était pas au passé mais au futur? Si notre présent s'y éclairait, comme le passé, d'une façon aussi inattendue qu'inquiétante? »  (Philippe Sollers). Et parcourir Venise, goûter son charme encore inoubliable, c'est en même temps apprendre des choses sur nous-mêmes, réfléchir aux solutions de nos problèmes d'urbanisme et de vie quotidienne dans la ville comme au cadre idéal de nos amours. Cela donne sens à la tradition du voyage de noces à Venise ! Vérité oubliée des clichés ! * Marinetti avait très bien compris cela, lui qui voyait en Venise le contre-modèle de sa  ville idéale : du béton partout, des rues pour faire circuler le maximum de tramways, et de voitures, et il proposait logiquement de combler les canaux de Venise, -Grand Canal compris -, pour en faire des voies de circulation automobile et des lieux d'industrie et de commerce.  (Cf Marinetti, Boccioni, Carrà, Russolo, Contro Venezia passatista, in : Luciano De Maria, Marinetti e il futurismo, Mondadori, 1973, pp. 26- 30) et le Discours futuriste de Marinetti aux Vénitiens (in : Jean-Pierre de Villers, Debout sur la cime du monde, Manifestes futuristes, 1909-1924, Editions Dilecta, 2008, p. 44), voir en annexe le texte Contre Venise passéiste  et le Discours de Marinetti aux Vénitiens,) * Voilà du coup défini l'objectif de ce dossier : quelques informations et propositions pour faciliter votre visite de Venise. Elles ne remplacent pas un guide ni les lectures que vous pourrez faire avant ou après le voyage, parmi les innombrables textes sur Venise ou ayant Venise pour cadre, dont quelques uns sont rappelés dans la bibliographie. Bonnes flâneries ! Francesco Guardi, Le doge sur le Bucentaure près de la rive de Sainte Hélène, Louvre, 1770-5 (détail) Quand tes murs de marbre seront recouverts par les eaux il y aura un cri des nations pour tes portiques engloutis une longue plainte sur la mer violente Byron Ode à Venise Table des matières (les numéros de pages renvoient à l’édition originale papier - les pages en bleu renvoient au site) Pour comprendre l’histoire de Venise et ses problèmes actuels p. 4      cette page 1 I) L’environnement naturel de Venise. La lagune avant Venise entre la nature et l’histoire p. 5 1. – La lagune, élément naturel et culturel p. 5 2. – La lagune avant l’histoire p. 5 3. – l’occupation romaine p. 7 4. – Les invasions barbares et la fin de l’empire romain d’Occident p. 9   page 2 Rappel de quelques dates (312-774) 5. – La formation des « îles » et les prémices de Venise    p.10 II) L’ « invention » de Venise entre VIIIe et XIIe siècles 1. – L’autorité du dux entre Francs, Byzantins et Église catholique        p. 11 2. – L’affirmation de Venise aux Xe et XIe siècles       p. 13 3. – Saint Marc et le lion p. 14 4.–Vers le grand empire vénitien p.16 Byzance (rappel) p. 16 a) Venise et Byzance p. 16 b) En Europe p. 16 c) Les croisades p. 17 d) Le développement urbain p.18 (La place saint-Marc, la « forma urbis », les églises, la maison) (Lexique de la maison) p. 24 III) Comment Venise s’est enrichie, pourquoi elle s’est appauvrie  page 3  1) Un capitalisme marchand p. 24 a) Commerce et manufacture p. 24 b) Une classe politique figée gère un capitalisme d’État p. 25 c) Structure de la population vénitienne p. 26 Schéma de la place Saint-Marc p. 27 Schéma de l’organisation politique vénitienne p. 28 2) Un régime statique qui n’évolue pas vers un capitalisme industriel  page 4 Petite nomenclature vénitienne p. 37 Chronologie sommaire (814-1381 et 1381-1866) p. 38 3) La situation actuelle de Venise page 5 a) Le problème p. 40 b) Les causes p. 40 c) Les solutions proposées       p. 41 Évolution de « l’Acqua alta » depuis 1897 Navires à l’ancre devant l’Arsenal (Détail du plan de Jacopo de’ Barbari) POUR COMPRENDRE  L'HISTOIRE DE VENISE ET SES PROBLÈMES ACTUELS I. -L'environnement naturel de Venise - La lagune avant Venise entre nature et histoire Le premier chef-d'oeuvre de Venise, ce ne sont ni ses palais, ni ses églises, ni ses peintures : tout cela repose sur un autre chef-d'oeuvre, la lagune. Venise a la caractéristique à peu près unique d'être une « ville de lagune » et non pas simplement une « ville de delta » comme Amsterdam, Calcutta, Saigon ou Saint- Pétersbourg : elle ne se dresse ni sur l'embouchure d'un fleuve, ni au bord de la mer, ni en contact avec la terre ferme, mais elle est composée d'un système d'îles à l'intérieur de la lagune. 1. - La lagune, élément naturel et culturel La lagune est d'abord un élément naturel de formation antérieure à l'arrivée de l'homme et indépendante de sa présence ;  mais elle devient ensuite un élément culturel, dans la mesure de l'intervention humaine pour transformer le milieu naturel et en modifier les facteurs. Une lagune est un milieu côtier, résultat d'une interaction entre des fleuves et la mer. Les matériaux solides apportés par les fleuves se sédimentent au contact de l'onde contraire des marées et forment des cordons littoraux de sable qui s'étendent jusqu'à former un plan d'eau entre terre et mer.  Ces cordons (« lido ») présentent des interruptions (les « bocche a mare ») à travers lesquelles le flux et le reflux des marées permet le renouvellement permanent en eau salée. La lagune est donc un milieu de transition en transformation perpétuelle selon que l'emporte l'action de la mer (la houle, les courants, l'ampleur des marées, le régime des vents ...) ou le travail de sédimentation des fleuves (quantité de matériaux déposés, ce qu'on appelle « l'atterrissement", « l'interrimento »). A ces facteurs s'ajoutent les phénomènes d'abaissement du sol ou d'élévation du niveau de la mer (par exemple par fonte des glaciers). C'est dire qu'une lagune est par nature un élément fragile et mouvant dont il faut préserver l'équilibre dynamique entre la mer et les fleuves, pour éviter la transformation ou en bras de mer ou en terre ferme. La lagune devient un élément culturel, à partir de l'époque historique où les hommes commencent à intervenir sur son évolution naturelle. La forme de la lagune de Venise est dans une large mesure artificielle, fruit d'une politique visant non pas à faciliter le passage de la mer à la terre ferme par les fleuves, mais au contraire, à partir du XIVème siècle, à bloquer les eaux  fluviales, à les détourner de la lagune pour laisser l'eau salée de la mer pénétrer plus profondément, envahir la zone côtière interne de la lagune et « isoler » ainsi la ville, en faire une île. La matrice fluviale de Venise est ainsi neutralisée, aucun fleuve ne débouchant plus dans la lagune (ni le Brenta au sud ni le Sile au nord), au profit de la matrice maritime. D'où une double image de Venise : à marée haute, la ville apparaît comme un ensemble d'îles émergeant du plan d'eau de la lagune ; mais à marée basse, lorsque les « francs-bords » (la « golena », les terrains en bordure de l'eau) sont découverts, on retrouve le tracé méandreux d'un delta de fleuve plus ou moins marécageux. D'où aussi les difficultés que rencontrent les administrations pour préserver cet équilibre, à partir du moment où Venise a perdu la maîtrise de ses eaux pour tomber sous la domination autrichienne d'abord (du Traité de Campoformio en 1797 par lequel Bonaparte remettait à l'Autriche Venise à peine conquise, jusqu'en 1866) puis sous domination de l'Etat central italien à partir de 1866, deux pouvoirs assez indifférents à la spécificité de la lagune et de la ville et qui amorcèrent le déclin de Venise, qu'il faut donc dater du XIXème siècle et non pas du XVIIème selon un cliché qui a de la peine à mourir. 2.- La lagune avant l'histoire Les sondages, carottages, photographies aériennes nous permettent de faire maintenant des hypothèses plus précises sur la formation de la lagune. A la fin de l'Ere tertiaire (Pliocène : vers 3 millions d'années), le niveau de la mer était particulièrement haut et l'eau recouvrait toute l'actuelle plaine du Po (cf carte 1). Au début de l'ère Quaternaire, le refroidissement du climat provoqua des glaciations successives qui font descendre le niveau de la mer d'environ 90 m. par rapport au niveau actuel ; la ligne de côte descendait jusque vers la moitié de l'Adriatique (cf carte 2).     Il y a environ 6000 ans, la fonte des glaces fait remonter le niveau de l'eau qui correspond alors à peu près à l'état actuel. Les alluvions fluviales forment des cordons de dunes derrière lesquels l'eau douce stagne, tandis que l'eau de mer pénètre par les ouvertures entre les cordons, correspondant au débouché des fleuves dans la mer. C'est alors que se forment les lagunes primordiales dans les régions de Venise et de Ravenne, avec une prédominance des eaux fluviales qui donne aux lagunes un aspect marécageux. C'est seulement il y a environ 2000 ans (peu avant ou peu après Jésus-Christ) que l'avancée de la mer donne à la morphologie lagunaire sa forme actuelle marquée par une prédominance de l'eau saumâtre et une diminution progressive des terrains  marécageux. L'image d'une ville qui se serait construite sur des îlots déserts épars au milieu des eaux d'une vaste lagune préhistorique est donc parfaitement improbable ; la montée des eaux de mer se fait probablement en plusieurs fois (aux IV-Vèmes siècles, au IXème et encore aux XI-XIIIèmes siècles) ; au IXème siècle, quand est construite la première « basilique » Saint-Marc, l'îlot de San Servolo est encore décrit comme « loco angusto ... infra paludes » (lieu étroit au milieu des marais). De même les relevés par photos aériennes réalisés à Heraclea (au niveau de Jesolo. La ville est aujourd'hui ensevelie sous 50 cm de terres agricoles) en 1977 et 1983 font apparaître un ensemble de petits lots rectangulaires étalés le long du méandre d'un fleuve côtier courant entre les marais d'eau douce, dont les rives furent bonifiées et urbanisées. On peut faire l'hypothèse que, dès l'époque romaine et peut-être étrusque, il en fut de même du site de Venise : régularisation, protection, bonification des méandres fluviaux alors dominants avant l'avancée de la mer. A la lettre, il n'y a pas de « lagune » mais des terres agricoles sillonnées de canaux et plus ou moins marécageuses 3. - L'occupation romaine On sait en particulier, à travers le témoignage de Tite Live, que les deux villes de Padoue et Altinum alimentaient des trafics maritimes à l'époque préromaine, et devaient entretenir, à l'embouchure des fleuves Brenta (le Medoacus des Romains qui donnera son nom à Malamocco) et Sile, des villages qui constituaient des points de contrôle des embarcations à fond plat capables de remonter les fleuves et que l'on pouvait tirer facilement sur la rive. Le site de la future Venise n'est pas non plus le "désert" évoqué par le mythe selon lequel on passerait du chaos initial à la splendeur vénitienne, comme dans le récit biblique de la Genèse ! Les Romains conquièrent la région à partir de 229 av.J.C. ; ils construisent en 148 av. J.C. la Via Postumia de Gênes à Aquileia et y ajoutent en 132 av. J.C. la Via Popilia (Ravenne-Padoue) et la Via Annia (Padoue-Aquileia) puis la Via Flavia (Aquileia-Pola). Padoue était une des villes les plus riches de la région, Aquileia (fondée par les Romains en 181 av. J.C. comme avant-poste contre les tribus des Gaulois transalpins, la plus importante ville commerciale du nord de l'Italie) et Altino, un grand port qui jouissait du monopole du commerce de l'ambre. Le site de la future Venise est alors traversé par un cordon de dunes parallèle à la côte qui séparait l'aire occidentale d'influence fluviale à usage agricole (comme le confirment les « centuriations »  révélées par photos satellites en 1977) et l'aire orientale soumise à l'envahissement par les eaux de mer. Les Romains creusent par ailleurs des canaux (« fossa ») qui longent la côte de Ravenne à Aquileia. L'aire de la future Venise est ainsi prise dans un réseau de relations comportant : 1) le trafic maritime vers Padoue et Altino ; 2) le trafic par les canaux internes ; 3) l'exploitation agricole des bonifications de l'aire fluviale riches en fruits, légumes, bois, roseaux pour la construction des cabanes et des refuges, mais aussi de l'exploitation du sel. L’archéologie contemporaine découvre qu’il y eut en fait une occupation préromaine de la lagune, encore en cours. (Voir les recherches de Ernesto Canal, Revue Archeologia, n° 66 ; nov./déc. 1997, pp. 18-34.) Aquileia fut, après Milan et Ravenne, une des villes les plus importantes du nord de l'Italie romaine, porte vers l'orient, couloir de trafics multiples, chef-lieu de province riche en monuments, siège des institutions impériales ; elle est renforcée par la tradition d'une fondation apostolique par l'évangéliste Marc, délégué par Pierre à l'évangélisation de l'Italie du nord, et par la légende du martyr Ermacoras premier évêque d'Aquileia, qui aurait été converti directement par Marc et ordonné par Pierre lui-même à Rome, avant de mourir dans les persécutions de Néron. Ses évêques Ruffin, Cromatius et Jérôme pouvaient être comparés aux grands saints plus connus que furent Ambroise, Zénon et Augustin. Il y eut probablement une liturgie propre à Aquileia jusqu'à l'uniformisation sur l'unique modèle romain en 1596. La ville eut des liens privilégiés avec Alexandrie d'Egypte (d'où la légende des dépouilles de Marc volées à Alexandrie), pays d'origine des premières communautés judéo-chrétiennes venues s'installer sur les côtes de l'Adriatique nord. C'est dans les mêmes lieux que se diffuse le christianisme à partir du moment où il devient religion d'Etat (Concile de Nicée, 325), et où la capitale de l'Italie et de l'Afrique est transférée à Milan (293) tandis que Constantin déplace le centre de l'Empire à Byzance rebaptisée Constantinople (330 après J.C.). L'Eglise de Milan, dominée par la grande figure de Saint Ambroise, élit Eliodore évêque d'Altino en 381 et Cromatius évêque d'Aquileia en 388 ; un autre évêque, celui de Concordia, revendique les reliques de Saint jean l'Evangéliste et de Saint Thomas apôtre pour les églises de cette aire côtière définie comme Venetia maritima, partie de la Xème « Regio » augustéenne (Venetia et Histria). En 402, Ravenne devient la capitale de l'empire romain d'Occident, après la cassure imposée par les invasions des tribus germaniques. A cette époque les lagunes de Ravenne ont déjà commencé à être comblées par atterrement, le delta du Pô avance et la rive s'éloigne de plus en plus, condamnant bientôt le port de Ravenne, Classis. Pline place déjà Spina parmi les villes disparues ; elle sera remplacée par Comacchio, grande rivale de Venise dans le commerce maritime et fluvial. Page suivante
Alberto d'Amico, Ariva i barbari, I dischi del sole, 1973 (reprint Ala bianca)
1) L’eau de la lagune 2) Les terres émergées,îles, « barene », etc 3) Le fonds boueux de la lagune 4) La couche argileuse compacte ou  ableuse 5) La nappe phréatique 6) La couche de tourbe 7) Les volumes de gaz méthane. La ville de Venise repose sur une couche argileuse comme une couche douce et élastique, homogène qui la défend contre d’éventuelles secousses telluriques. Pour construire une maison, on enfonçait les pieux jusqu’à la couche d’argile sous-marine (Cf. ci- contre)  (Source : Ferruccio Piazzoni ,Turismo scolastico, Moizzi Ed. op.cit. p. 46)
Construction d’une maison : les pieux de rouvre ou de mélèze (aujourd’hui de béton) venaient reposer sur la couche d’argile ; ils soutenaient, à l’abri de l’eau, une série de planches sur lesquelles reposent les blocs en pierre d’Istrie des fondations et par- dessus les murs en brique de la maison. Les pieux étaient plantés des deux façons ci- contre. Ci-dessous : fondations du Rialto.
Limites de la lagune actuelle par rapport à celle de l’époque romaine (Lagunarie, 1981)
La Xème Regio romaine et les routes consulaires
Carte 1
Carte 2