4.3. L’histoire des villes italiennes : VENEZIA - Pour mieux comprendre Venise et son histoire - 4
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Le reste du peuple est pauvre, ouvriers, porteurs (les « facchini », - d'où le français « faquin » -, venus de la « province »,
Bergame, etc...), domestiques, mendiants, ... ; mais c'est une pauvreté « contrôlée » par la République, comme tout le reste. On
en a pour preuve la quantité d'instituts de charité, d'hospices qui accueillent les incurables et les mendiants (cf l'église de « San
Lazzaro dei mendicanti », au bord du « Rio dei mendicanti », le canal des mendiants) ; le nombre de ces institutions est parfois
de quatre fois supérieur à ceux des autres villes italiennes. Un autre instrument de contrôle de la pauvreté, ce sont les 190
boutiques, tenues par des « étrangers » de la Valtellina (des « forestieri », les italiens qui ne sont pas de Venise, à ne pas
confondre avec les « stranieri », ceux qui appartiennent à d'autres nations) et protégées par l'Etat, qui vendent des « luganeghe
», c'est-à-dire des viandes bon marché, sous forme de saucisses, de tripes et autres viscères comestibles, ce qui permet
d'assurer à la population une alimentation carnée suffisamment riche en protéines et en lipides. 190 boutiques : autant que de
paroisses, une par paroisse, mise à la disposition de tous, à proximité de tous, même les vieillards et les impotents, « à portée de
pied »! L'Etat maintenait ainsi un équilibre de l'alimentation du corps comme de l'âme pour le petit peuple vénitien, assurant un
ordre « harmonieux » entre les classes sociales, ce qui explique que la République n'a pas connu de luttes de classes analogues
à celles de Florence ou de Naples.
Un autre élément d'intégration sociale est la corporation de petites entreprises, de métiers, d' « arte », dont le modèle sont les «
Scuole », ou « Fraglie » : ce sont des corporations à fond religieux, contrôlées par l'Etat, à but caritatif, pour soulager les misères des populations en cas de crise
(épidémies, guerres, famines), ou à but professionnel et mutualiste, pour défendre les intérêts des diverses professions, former les apprentis, régler les horaires
de travail et le prix des marchandises et assurer le progrès technique. Même les « stranieri » présents à Venise pour leur travail pouvaient s'organise en
« Scuola » pour défendre leurs intérêts : Scuola dei Fiorentini, dei Milanesi, degli Albanesi, degli Schiavoni, Scuola Greca, à
côté de celle des « Barbieri », « Barcaroli », « Bombardieri », « Fruttaroli », « Laneri », « Linaroli », « Luganegheri », « Mureri »,
« Orefici », « Pittori », « Pollaiuoli », « Sartori », « Setaioli », « Tajapiera », « Varotari » (tanneurs), etc. Il y avait même une
« Scuola dei Picai » (degli impiccati = des pendus) dont les membres accompagnaient le supplice des condamnés à mort (San
Fantin), une « Scuola dei Battuti » (des flagellants qui se battaient jusqu'au sang avec des verges dans les processions
publiques), une Scuola degli Zoppi (des boiteux, mutilés de guerre) et une « Scuola dei morti » ! A partir de 1539, l'adhésion à
une corporation devint obligatoire. On les appelait ainsi « écoles » parce qu'on y enseignait les préceptes de la foi chrétienne.
Chacune avait son église, où on honorait le saint protecteur de son activité, et son local de réunion avec chapelle, salle
capitulaire, « albergo », archives, trésor, que l'on faisait construire par les plus grands architectes et décorer par les plus grands
peintres. Chacune était dirigée par les bourgeois les plus riches (seuls votaient les maîtres, - les
ouvriers et apprentis étant exclus du vote, mais pouvant devenir maîtres à leur tour) qui y accumulaient
un patrimoine artistique immense ; il n'en reste guère que celle de San Rocco (les fresques du
Tintoret), de San Giorgio degli Schiavoni - à droite - (fresques de Carpaccio), celles de San Marco,
della Carità, della Misericordia (transformées en édifices d'utilité publique), celle de San Giovanni
Evangelista (siège de la Società di Arti edificatorie), et celle de San Teodoro (cinéma).
A côté des « Scuole », il y avait les « Arti » (corporations de métiers), chacune ayant aussi son lieu de
culte et son saint protecteur : Arte dei Barileri (à San Silvestro ; San Tommaso di Canterbury), dei
Boteri (fabricants de tonneaux ; à Santa Maria Assunta ; Maria Vergine della Purificazione), dei
Conciacurame (tanneurs de cuir ; Beata Giuliana di Collalto), dei Carboneri (à San Salvador ; San
Lorenzo), dei Caldereri (chaudronniers ; à San Luca ; San Giovanni Decollato), dei Libreri (aux Santi Giovanni e
Paolo ; San Tommaso d'Aquino), dei Capoteri (tailleurs de vêtements de marins ; à San Nicolò da Tolentino ; San
Nicolò), dei Remeri (rameurs ; à San Bartolomeo), dei Farmacisti (à Santo Stefano ; San Salvatore), etc...
Bien d'autres lieux et d'autres moments assuraient la stabilité vénitienne, la cohésion de la cité, sa continuité
même dans les changements (« semper idem » est une des devises de Venise, inscrite sur les billets du théâtre
San Giovanni Crisostomo où les spectacles se renouvelaient constamment ...) : les grandes églises où on
célébrait les fêtes publiques (La Salute ...), le port du masque dans un Carnaval qui durait presque six mois de
l'année, etc. Et cet extraordinaire théâtre qu'est la ville elle-même, lieu de célébration de sa propre gloire, de ses
victoires, de sa richesse, de son importance internationale, dans un ensemble unique et inimitable, presque
utopique. Tout cela sous le contrôle bienveillant ou répressif (l'appareil policier et d'espionnage le plus
perfectionné d'Europe) de l'Etat qui assure la permanence et le développement de son propre mythe, entretenu
et répandu ensuite dans toute l'Europe par les « touristes », ambassadeurs, lettrés, souverains, artistes.
Et les Vénitiens avaient conscience de cette unicité, de cette supériorité : « Moi, je suis le grand lion, je m'appelle
Marc. Quiconque s'opposera à moi sera anéanti » (« Io sono el gran leon, Marco m'appello - disperso andrà chi
me sarà rubello »). Ils étaient « d'abord vénitiens, ensuite chrétiens », rivaux de Rome, systématiquement
indépendants de Rome, quasiment hérétiques, refusant l'inquisition d'Eglise au profit d'une inquisition d'Etat, hostiles aux papistes
(« Les Vénitiens croient beaucoup en saint Marc, assez en Dieu, peu ou point au pape »), ce qui
valut à Venise son prestige politique international mais aussi l'hostilité de Rome et des grandes
puissances, constituées à plusieurs reprises en ligues qui jamais ne réussirent à abattre la «
Sérénissime ». Venise fut dans l'Europe chrétienne la seule puissance laïque, qui pratiqua la
séparation de l'Eglise et de l'Etat, refusant par exemple l'existence de tribunaux ecclésiastiques pour
juger les prêtres qui sont soumis aux tribunaux civils, ou bien expulsant du Grand Collège et du
Sénat ceux qui avaient des parents cardinaux chaque fois que l'on y discutait de politique
ecclésiastique et des rapports avec Rome ; le procès-verbal indiquait alors : « cazzadi Papalisti »
(Les Papistes ayant été chassés ...). Le frère Paolo Sarpi (1552-1623), de l'ordre des Servites, fut le
théoricien et l'avocat de ce principe de séparation ; il mérite sa statue sur le Campo Santa Fosca.
Mais, malgré les tentatives de quelques ambassadeurs anglais, les Vénitiens refusèrent toujours
d'adhérer à la Réforme, pratiquèrent toujours un catholicisme orthodoxe et s'efforcèrent de rester en
bons termes avec Rome, sauf quand l'indépendance de la patrie était en jeu : politique oblige !
La date de naissance officielle de Venise est selon les anciennes chroniques le 25 mars 421. La
légende est significative : le 25 mars était à la fois la date de la création du monde selon les Grecs
anciens, celle du début du printemps selon les Romains et celle de l'annonce faite par l'Ange à
Marie, donc de la conception de Jésus. La naissance de Venise a donc quelque rapport avec celle
de Jésus, du monde et du printemps ... La légende ne dit-elle pas aussi que c'est la Vierge Marie
qui indiqua la voie à suivre à ceux qui voulaient fuir les barbares, en leur montrant réfléchie dans le
ciel la vision des îles au milieu d'une lagune peuplée de barques ? Quant à l'année elle coïnciderait
avec l'érection de la première église de Venise, San Giacomo in Rialto (construite en réalité au XIème siècle pour les marchands du
Rialto, mais toujours objet d'une visite du doge le Jeudi Saint en souvenir des indulgences accordées par le pape Alexandre III en
1177). Toujours est-il que la date légendaire continua jusqu'en 1797 à être utilisée dans
l'établissement du calendrier vénitien, avec l'indication M.V., More Veneto, « selon l'usage de Venise » comme les
Romains dataient leur calendrier Ab Urbe Condita, « à partir de la fondation de la ville ». La création de Venise est une
sorte de commencement absolu, l'apparition de quelque chose de radicalement nouveau dans la conscience des
Vénitiens. La légende dit d'ailleurs aussi qu'ayant créé le monde, Dieu se reposa le septième jour, et laissa les Vénitiens
« inventer » Venise : « Nous verrons bien - dit-il - ce qu'ils sauront faire » ... Et ils inventèrent Venise!
(De haut en bas : Tailleur ducal, Raffineurs de cire,
Pompiers, Fabriquant de futaine).
2. - Un régime statique qui n'évolue pas vers un capitalisme industriel
L'Europe du XVIIème siècle connaît une lente émergence des Etats nationaux ; la structure interne des monarchies
change et se donne une organisation administrative plus efficace, un système de prélèvement fiscal, une armée
permanente, etc., jetant ainsi les bases du capitalisme européen des XVIIIème et XIXème siècles.
Il y a deux exceptions, deux républiques dans l'Europe monarchiste, l'une ancienne, Venise, l'autre récente, issue de la guerre d'indépendance contre l'Espagne,
la République hollandaise, Amsterdam. Ce sont deux villes de situation géographique semblable, aux confins des « barene », à moitié immergées par la mer.
Amsterdam est la nouvelle Venise ; elle naît avec l'appui politique et
l'aide financière de Venise (environ un million de ducats) ; Venise
investit dans la banque d'Amsterdam, dans la Compagnie des Indes
Occidentales et dans la construction. Il y a une grande proximité
idéologique, politique et économique des deux villes.
Mais elles se développent aussi selon deux logiques différentes :
* la Hollande emprunte à Venise des structures économiques
et étatiques à travers lesquelles c'est la classe des marchands qui se
transforme en classe dirigeante ; mais à Venise cette classe
abandonne l'activité économique directe lorsqu'elle devient une
aristocratie dirigeante, alors que les marchands hollandais
constituent une bourgeoisie productive qui exerce le pouvoir et
accumule des richesses sous la direction d'institutions publiques très
efficaces : banque, bourse, impôts, magasins d'Etat qui constituent
des stocks, etc.
* à Venise, la bourgeoisie est exclue du pouvoir d'Etat par
l'aristocratie qui se contentera de gérer un patrimoine immense, fruit
du commerce international, et considéré comme autosuffisant. Il n'y
a donc pas ou peu de mobilité sociale, la société est figée, il n'y a
pas de développement de la ville entre le XVIème et le XVIIIème
siècle, il n'y a pas de lien réel avec la terre ferme ; Venise reste une
ville-Etat-île qui s'isole progressivement. Cet isolement volontaire se
traduit dans les rapports avec la terre ferme :
a) Amsterdam développe un réseau de canaux
concentriques qui intègre la terre
ferme dans la structure de la
ville : le plan d'urbanisme de
1607 soude Amsterdam à la terre
ferme par trois canaux artificiels
creusés en demi-cercle autour
des anciennes murailles, et
urbanise 650 hectares de terrain
sur lesquels s'installe la ville
nouvelle, avec ses zones
résidentielles, manufacturières,
artisanales et marchandes, selon
une stricte planification publique
(cf schéma) ;
b) Venise aurait pu
concevoir un plan de
développement comparable (cf
schéma). Au contraire, la lagune
est pensée de façon statique
et défensive, elle isole la ville
qui s'interdit ainsi toute possibilité
de développement.
Certes Venise a une politique de terre ferme : après des années de débats, le doge
Enrico Dandolo (1329-1339) décide de sortir la République de son splendide isolement en contrôlant l'arrière-pays jusqu'alors menacé par les Carrara (Padoue),
les Della Scala (Vérone) et les Visconti (Milan). Cette décision est motivée par deux dangers qui menacent la ville : d'une part l'alimentation de Venise devient
problématique avec l'augmentation de la population ; par peur de la famine, il fallait accumuler à Venise des stocks énormes de galettes de blé ; la possession
de la terre ferme répondait à ce premier problème. D'autre part, Venise craint de voir ses rivaux manipuler le cours des fleuves qui conditionnait le maintien de la
lagune : Padoue avait déjà tenté de détourner le cours du Brenta pour favoriser l'enterrement de la lagune et donc ruiner Venise.
Venise décide donc d'ajouter la puissance territoriale à la puissance maritime : conquête de Treviso en 1339, de Vicenza en 1404, de Vérone en 1405, de
Padoue en 1406, du Frioul en 1420, de Bergame et Brescia en 1426. D'autres villes se mettent sous la protection de Venise pour se soustraire à de petits tyrans
locaux, et constituent une sorte de fédération sous la domination de Venise marquée par l'installation du Lion de Saint Marc sur une colonne. C'est l'époque où
le paysage de terre apparaît dans la peinture vénitienne, qui utilisait jusqu'alors surtout le paysage maritime.
Le 17 avril 1345, le Grand Conseil vote une loi (366 pour, 315 contre, 42 abstentions) qui abolit l'interdiction faite aux habitants de la ville d'acquérir des biens sur
la terre ferme : jusqu'alors, si un Noble avait des propriétés en terre ferme, il était exclu du Conseil au moment des votes importants ; on ne voulait pas que le
Conseil dégénère en lobby de propriétaires fonciers, ni que la Noblesse, qui avait tous les pouvoirs à Venise, tombe sous l'influence de potentats locaux et
trahisse les secrets d'Etat en échange de faveurs. Mais la séparation reste totale entre l'ancienne noblesse de terre ferme dépouillée de ses pouvoirs au profit
des nobles vénitiens qui monopolisent les fonctions politiques et s'installent peu à peu dans leur résidence secondaire de terre ferme dans les somptueuses «
villas », lieux de villégiature d'été en même temps que de contrôle plus direct de la production agricole. Douze familles (dont les Contarini et les Pisani)
possèdent des propriétés de 5000 à 15000 hectares ; cent familles, des propriétés de 1000 à 5000 hectares. La rente foncière se multiplie par dix, la population
par quatre, nourrie par le maïs, « pain du pauvre » ; l'agriculture se développe, on parle de « Santa agricoltura ». Le Traité de Bruxelles de 1517, qui marque la
fin de la guerre avec la Ligue antivénitienne de Cambrai, provoque un regain d'intérêt pour la terre : les nobles vénitiens acquièrent de plus en plus de propriétés
foncières, et c'est le boom de la construction. De plus, l'empereur Maximilien 1er libère tous les territoires vénitiens de la sujétion féodale à l'empire : la
République peut désormais contrôler sans partage la noblesse terrienne rebelle dont on rase les châteaux et les forteresses. On voit fleurir les traités
d'architecture, dont celui de Palladio, qui théorisent la construction de la villa, le choix du site, les cultures, les plantations en fonction des phases de la lune, le
traitement du personnel agricole ... et les recettes d'herbes aromatiques (la mélisse contre la peste, le romarin contre la dépression, l'essence de citron contre
les morsures de serpent, etc.). Une administration sage, qui n'impose pas d'impôts exagérés, qui ne saccage pas les terres par une chasse désordonnée comme
la pratiquaient les petits nobles terriens, fait que Venise est aimée par le peuple, les paysans, les
artisans.
Mais cette politique de terre ferme illustre aussi l'isolement de la noblesse vénitienne, qui se
consacre désormais à une activité financière, investissant ses énormes capitaux, accumulés les
siècles précédents, dans l'agriculture, comme elle investit dans l'industrie qui prospère sur la
terre ferme (industrie textile surtout), mais sans participer elle-même directement à l'activité
productive. Ainsi se réalise une séparation nette entre une noblesse détentrice exclusive du
pouvoir politique et des profits du commerce international, et une bourgeoisie industrielle et
artisanale qui produit la richesse mais ne participe pas au gouvernement de la République.
Ainsi Venise survit jusqu'à sa chute dans un refus conservateur de jeter les bases économiques
et politiques d'un futur développement capitaliste, elle reste ce qu'elle est au XVIIème. Le
capitalisme du XIXème siècle ne pourra se développer que contre le centre historique de l'île,
dans un fossé entre la ville et la terre ferme que la construction des ponts (ferroviaire en 1841-
46, routier en 1932-3 ) ne comble qu'artificiellement.
Voilà donc une hypothèse de lecture : Venise reste figée à un stade de capitalisme mercantiliste porté à la perfection, avec une totale
compénétration de la classe dirigeante et des structures d'Etat, un équilibre parfait des pouvoirs publics, administratifs et économiques dans le
cadre de l'Etat, un contrôle total de la production, de la circulation et de la consommation des ressources par le moyen d'institutions monétaires
et financières d'économie publique des plus perfectionnées. Cet équilibre sera mis en cause par le développement du capitalisme industriel et la
création de marchés nationaux et internationaux qui font que, dès la fin du XVIIIème siècle, la classe dirigeante de cette Ville-Etat perd le contrôle
économique et culturel de la ville, d'où la crise actuelle : altération du milieu lagunaire en fonction des exigences du profit industriel, abandon de
la ville historique au profit de Marghera et Mestre où se retire la population pauvre, dépeuplement du centre, dégradation de l'habitat, des oeuvres
d'art, etc.
Là est sans doute aussi le charme exceptionnel de Venise : l' archaïsme d'une ville qui est restée à un stade antérieur de relations sociales plus
humaines correspondant aux exigences d'un capitalisme commercial, de l'échange direct entre les hommes, dans le respect des règles de comportement et de
fonctionnement qui ont produit la ville. On dit les Vénitiens extrovertis et que Venise est le lieu idéal des rencontres, celle des rois que Voltaire évoque dans
Candide, celle des amoureux, celle des grands colloques de recherche aujourd'hui ; ce n'est sans doute pas par hasard que Venise a eu un maire philosophe,
Massimo Cacciari. La correspondance est parfaite aussi entre la ville touristique et la réalité historique. Mais quelle fragilité : encore faut-il que les touristes
comprennent vraiment ce qu'est Venise, au-delà d'un pittoresque de surface. Du travail reste à faire pour les futurs « operatori turistici » ...!
Petite nomenclature vénitienne :
* Il SESTIERE (Quartier) : Venise est divisée en 6 « sestieri », et en 33 « parocchie » (paroisses). Chacun a sa propre numérotation. Les noms de rues, places
etc. ont presque toujours des formes dialectales, avec de nombreuses déformations des noms de saints : Sant'Eustachio = San Stae ; Santi Gervasio e Protasio
= San Trovaso ; Sant'Apollinare = Sant'Aponal ; Santi Giovanni e Paolo = San Zanipolo ; San Leone = San Lio...
* Les rues : - La CALLE : le nom de la rue à Venise ; diminutif : CALLETTA, CALLESELLA ;
leur nom évoque un métier, le nom d'une famille patricienne, une caractéristique (c. del vento, toujours ventée et fraîche)
- (i MASEGNI = nom du pavement des rues, tient son nom d'une pierre grise de la région de Monselice, la « masegna ».
Attention à ne pas buter sur un « nòtaro », les irrégularités entre les grandes pierres du pavement).
- La RUGA (du français « rue ») = Rue bordée des deux côtés de maisons et de magasins. Ce sont les rues les plus
anciennes. Diminutif : RUGHETTA ;
- La SALIZZADA : désigne les premières rues pavées (la « saliza » = la selce,
le pavé). Valeur purement historique : aujourd'hui toutes les rues sont pavées ;
- La LISTA : partie de rue devant le palais d'un ambassadeur, marqué sur le
sol par des pierres blanches qui jouissaient de l'immunité diplomatique ;
- Il RAMO : impasse qui débouche sur un canal ;
- La PISCINA : « slargo » = partie plus large d'une rue, rappel de l'époque
ancienne où il y avait une partie plus large de canal
- La FONDAMENTA : les rues bordant un canal, construites sur les fondations
des maisons ;
- LO STRETTO : rue très étroite
- La VIA : rare; désigne une rue de tracé récent (Via Garibaldi à Castello) ;
- IL RIO TERRÀ (rio interrato) : rue suivant le tracé d'un canal comblé ;
- IL SOTTOPORTEGO : passage couvert sous une maison.
* Les places : - une seule PIAZZA : Piazza San Marco. Diminutif : La PIAZZETTA
(au nombre de deux : devant le Palais ducal et devant le Palais épiscopal)
- Les autres places = IL CAMPO, diminutif : Il CAMPIELLO ; = le champ : appelés ainsi parce qu'autrefois c'étaient des
prés. Lieux de promenade, de marchés, de rencontre (les cafés de Campo Santo Stefano, les rendez-vous Campo San Bartolomeo
; Campo San Luca, point central de Venise ; Campo San Polo, le plus grand ; Campo Santa Maria Formosa, très animé ; San Pietro
a Castello, qui a encore son pré et ses arbres comme Campo Sant'Alvise ...
- La CORTE : petite place avec une seule entrée. Ne pas confondre avec il CORTILE, la cour d'un palais ;
- Sur la place le puits avec sa margelle : la VERA DA POZZO, intéressante pour la diversité de ses décorations
sculptées (Voir collection dans la cour du Fondaco dei Turchi) ;
* Les canaux : - IL CANALE : deux seulement, Canal Grande et Canale della Giudecca ;
- Les autres = il RIO, environ 150 à Venise, traçant plus d'une centaine d'îles. Profondeur moyenne = 2 m. ; largeur = 4
à 5 m.
- il TRAGHETTO : gondole pour transporter les passants d'une rive à l'autre du Canal Grande.
* Les ponts: Presque 400 dont environ 50 sont privés.
Autrefois en bois et plats, on pouvait les passer à cheval
; en 1486, on commença à les construire en pierre et en
arc, avec des marches, et les chevaux disparurent peu à
peu. Il ne reste que peu de ponts en bois, à San Pietro
di Castello, l'Abbazia della Misericordia et Sant' Alvise.
Les ponts en fer sont tous modernes, parfois tournants.
les ponts ont aujourd'hui un parapet à piliers, parfois
ornée de « guglie » (aiguilles, flèche) à l'extrémité. Au
sommet de l'arc subsistent parfois trois armoiries, celles
des « Provveditori di Comun », les magistrats chargés de la viabilité qui avaient fait construire ou restaurer le pont.
Trois ponts sur le Canal grande : della Stazione (1932), dell'Accademia (pont en fer de 1854 remplacé par un pont provisoire en 1932), Rialto (pont de
barques en 1181 remplacé par le pont actuel en 1588)
Remarquer toujours le nom des rues, places, ponts (Ponte delle tette ...) qui illustrent l'histoire et la vie quotidienne de Venise.
CHRONOLOGIE SOMMAIRE (SUITE)
Les « fondatori », ceux qui
enfonçaient les pieux
Grovenbroch,
Marchand de poisson
Gabriel Bella, Fête de quartier
Gabriel Bella, Bataille sur le Pont entre
les deux factions du peuple vénitien à
partir de 1548, les Nicolotti
(Cannaregio, Santa Croce, Sanpolo,
Dorsoduro, Murano) et les Castellani
(San Marco et Cast ello)
Hypothèse d'un autre développement urbain de
Venise et d'intégration avec la terre ferme à partir
de 1600 (D'après : Lucio Balestrieri, op. cit., pp.
70-1) et plan de Venise aujourd’hui
Développement urbain d'Amsterdam entre
1612 et 1663 (D'après : Lucio Balestrieri,
Venezia presente e passato, op. cit. pp. 72-3)
et plan d’Amsterdam aujourd’hui
Venise – Possessions de terre ferme
Paolo Veronese, Apoteosi di Venezia, Palazzo ducale, plafond de la salle du Grand Conseil (1583)
La Paix (La Pax Veneta), en concorde avec les peuples annexés par Venise, reçoit l’hommage des 7 Vertus, alors que la Victoire descend la
couronner. La foule, contenue par des hommes en armes et des cavaliers, l’admire au son des trompettes. La fresque dominait l’Assemblée du
gouvernement, présente juste au-dessous et la Paix semblait descendre sur lui.
Murano, Vera da Pozzo, S. Maria degli Angeli
Fondaco dei Turchi
Fondaco dei Tedeschi
Le Pont de l’Académie. Il devrait être réparé ....
Le pont Calatrava
Venise, Plan iconographique
sur une Cosmographie de
Ptolémée, XVe s. Rome, Bibl.
Vaticane.
Ci-dessous : Boîte
de dénonciations secrètes.
L’Île du Lazaret, près du Lido, premier lazaret d’Europe pour pestiférés et
malades contagieux. Futur Musée National Archéologique de la Lagune.
Quand Mestre
dévore Venise
(A. Rosso, Plan
d'urbanisme de
1937)
Venise sous «l’aqua alta »