La chanson par auteur


Quelques auteurs compositeurs interprètes avant les cantautori


Armando Gill, Rodolfo De Angelis, E.A. Mario, Oscar Spadaro...






Rodolfo De Angelis et le fascisme


Il a participé au futurisme, a même signé quelques Manifestes marinettiens (dont le Manifesto del Teatro della Sorpresa en 1921), mais a-t-il par la suite adhéré au fascisme comme d'autres auteurs futuristes ? Il faut toujours lire ses chansons en pensant qu'elles sont une forme ironique, comme sa musique et sa façon de chanter ; il introduit dans la chanson le bruit de bouche, qui vient souvent contredire le contenu verbal : ainsi le « perepè perepè » qui précède le début de Ma cos'è questa crisi, laisse douter de sa dénonciation, de qui se moque-t-il ? Et dans Una volta... non c'era Mussolini, il dénonce à la fois le désordre parlementaire d'avant et l'autoritarisme fasciste qui ne tolère aucune discussion, comme le comique Petrolini qui, après avoir reçu une médaille du régime déclarait ironiquement avec la voix de Gastone, un de ses héros « Me ne fregio ! » (Je m'en décore) de telle façon que tout le monde riait en entendant « Me ne frego !» (Je m'en fous). Et même la dernière strophe qui dit l'admiration des autres pays pour Mussolini peut-elle être prise au sérieux au moment où le monde désapprouve et sanctionne le comportement de l'armée italienne en Éthiopie. Ambiguïté permanente de l'auteur. La chanson est de 1933, avant les sanctions, mais il continue à la chanter après. Et que penser de l'interdiction du droit de grève ? Après tout, faire la fête, ce n'est pas si mal, pour un futuriste, qui dira que le monde n'est qu'un carnaval.

Una volta ... non c'era Mussolini

(Rodolfo De Angelis, 1893-1968
1933)

Una volta il Parlamento
discuteva di sovente,
ma non concludeva niente!
Solamente era dovere,
del compagno battagliero,
far cadere il Ministero.

Una volta ... non c'era Mussolini :
La parola all'onorevole ... Basta...
Dimissioni...
Farabutti...
Mascalzoni... Abbasso il Ministero...
La seduta è sciolta.

Oggi invece che abbiamo Mussolini :
Il decreto legge è approvato all'unanimità...
Viva il duce... Viva il duce...

Una volta scioperare
era un modo di far festa
con annessa la protesta.
Scioperavano il tranviere,
l'autista, il ferroviere
perfino il panettiere!

Una volta ... non c'era Mussolini :
Tromba che suona la carica della polizia.
Rumori di folla.
Scioglietevi!...

Oggi invece ... che abbiamo Mussolini :
Rumori prodotti da tram, treni ecc.

Una volta molte donne,
agli amati maritini,
non donavano bambini!
Rinunciavano al sorriso
dell'infanzia, che è la gioia,
per scansare qualche noia!

Una volta ... non c'era Mussolini :
(Solitario « uè, uè, uè »).

Oggi invece ... che abbiamo Mussolini :
(Coro di « uè, uè, uè »).

Una volta nei consessi
dei padroni della terra
si faceva il serra serra.
Per l'Italia mai un posto
per trattar da pari a pari,
con gli amabili compari!

Una volta ... non c'era Mussolini :
Prego, suonare mandolino...

Oggi invece ... che abbiamo Mussolini :
Grande Italia!... Camerata italiano...
Viva l'Italia!... Admiration... Grande Duce!
Viva Italia!...
Ip, ip, ip, hurrà.

Autrefois... il n'y avait pas Mussolini

Autrefois le Parlement
discutait souvent,
mais ne concluait rien!
Le camarade batailleur
devait seulement
faire tomber le Ministère.

Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
La parole à l'Honorable... Ça suffit...
Démission...
Canaille...
Voyou... À bas le Ministère
La séance est close.

Aujourd'hui au contraire que nous avons Mussolini :
Le décret-loi est approuvé à l'unanimité
Vive le Duce... Vive le Duce...

Autrefois faire la grève
était une façon de faire la fête
avec la protestation en annexe.
Le traminot faisait la grève
le chauffeur, le cheminot
et même le boulanger!

Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
Trompette qui sonne la charge de la police
Bruits de foule.
Dispersez-vous!...

Aujourd'hui au contraire... que nous avons Mussolini :
Bruits produits par les trams, les trains, etc.

Autrefois beaucoup de femmes
à leurs petits maris bien-aimés
ne donnaient pas d'enfants!
Elles renonçaient au sourire
de l'enfance, qui est la joie,
pour éviter quelques ennuis!

Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
(Solitaire « ouè, ouè ouè »).

Aujourd'hui au contraire... que nous avons Mussolini :
(Choeur de « ouè, ouè, ouè »).

Autrefois dans les assemblées
des maîtres de la terre
il y avait de la bousculade.
Pour l'Italie, jamais une place
pour traiter d'égal à égal,
avec nos aimables compères!

Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
Je vous en prie... Jouer de la mandoline...

Aujourd’hui... que nous avons Mussolini :
Grande Italie!... Compagnon italien...
Vive l'Italie!... Admiration... Grand Duce!
Vive l'Italie!...
Hip Hip Hip Hurra.

Il mondo che fa

(Rodolfo De Angelis
1936)

Che bella cosa potere ascoltare
restando in poltrona,
la radio che dà
le mille notizie vicine e lontane
per cui puoi sapere il mondo
s che fa!
Accidenti all'amicizia!
Accidenti all'amicizia!
L'amicizia la si vede
nel momento del bisogno,
Le amicizie dell'Italia,
le amicizie dell'Italia
son svanite come un sogno
son svanite come un sogno!
Un coltello qui alla gola
alle spalle una minaccia
ma l'Italia fiera e sola
vince, guarda tutti in faccia!
Ah mon Dedé la va mal
la va mal per noi!
Io son del Purtugallo
e non conto proprio niente,
mais je suis président
de tutte le sanzioni!
Tu sei del Purtugallo
non conti proprio niente,
perciò sei presidente
di tutte le sanzioni!
« Sélassié, Sélassié,
mi chiamavano leone,
Sélassié, Sélassié,
io non sono che un caprone!
Ah, ah, ah!
Ah, ah, ah, ah!
Ho perduto anche il barbone,
per dar retta alla nazione
che m'ha detto: senti a me,
fai la guerra, Sélassié!
Ah, ah, ah!
Ah, ah, ah, ah!»
«Oh yes, non voglio che Italia
conquista le terre african!
Oh yes, ma contro Germania
adesso non ho pim banan!»
«Germania vuol la carità
oh, oh, oh!
Ja, ja, ja!»
«Noi bolscevichi stare cagneschi
con nostri amichi giapponeschi, schi!
Con i franceschi fatto pattoschi
ma germanisti fatto fischi, schi!
Fischi, fiaschi, caschi, figli maschi,
mosche e carasciò, sciò, sciò!»
«Sotto il sole piano piano
noi la cina ci mangiamo.
Alla faccia di chi vuole
chi non vuole!
Che cenetta la Cinetta
pel Giappone!»
«Amerrecano sta a guardar,
all right, thank you!
La sociétà non vuole far
no, no, no!
Con quella nazion che danno
ragion a quel pazzo di Wilson!»
Avanti march l'Italia avanti va
e con i suoi soldati
chissà dove arriverà!
Uno, due, il Negus dov'è,
nessuno mi sa dire
dov'è andato Sélassié!
O primavera in fior
tu porti in ogni cuor
certezza di vittoria
tricolor!
O primavera in fior,
tu porti in ogni cuor
vittoria e gloria
al tricolor!
Che bella cosa potere ascoltare
restando in poltrona,
la radio che dà
le mille notizie vicine e lontane
per cui puoi sapere
il mondo che fa!

Que c'est beau de pouvoir écouter

Que c'est beau de pouvoir écouter
en restant dans son fauteuil,
la radio qui donne
les mille nouvelles proches et lointaines
Par lesquelles tu peux savoir
ce que fait le monde!
Au diable l'amitié!
Au diable l'amitié!
L'amitié on la voit
au moment où on en a besoin,
les amitiés de l'Italie,
les amitiés de l'Italie
se sont évanouies comme un rêve
Se sont évanouies comme un rêve!
Un coup de couteau dans la gorge
une menace dans le dos
mais l'Italie fière et solitaire
Gagne et regarde tout le monde en face!
Ah mon Dedé ça va mal
Ça va mal pour nous!
Je suis du Portugal
et je ne compte vraiment pour rien,
mais je suis président
De toutes les sanctions!
Tu es du Portugal
tu ne comptes vraiment pour rien,
c'est pour ça que tu es président
De toutes les sanctions!
« Sélassié, Sélassié,
on m'appelait le lion,
Sélassié, Sélassié,
Je ne suis qu'un bouc!
Ah, ah...
J'ai perdu même ma grande barbe,
pour satisfaire ma nation
qui m'a dit: écoute-moi,
Fais la guerre, Sélassié!
Ah ah, ah, ah,
« Oh oui, je ne veux pas que l'Italie
Conquière les terres africains!
Oh oui, mais contre l'Allemagne
maintenant je n'ai plus de bananes!»
« L'Allemagne veut la charité
oh, oh, oh!
Ja, ja ja!»
« Nous les bolcheviques nous regarder de travers
Avec nos amis japonais!
Avec les franchouses on a fait des pactes
Mais les germanistes ont sifflé
sifflets, fiasques, casques, enfants mâles,
mouches et »
« Sous le soleil tout doucement
nous la chine nous nous mangeons.
et au diable ceux qui veulent ou qui ne veut pas!
Quel bon petit repas la petite Chine
pour le Japon!»
« L'Américain regarde seulement,
all right, thank you!
La société ne veut pas avoir à faire
Non, non non!
avec cette nation où ils donnent raison
à ce fou de Wilson!»
En avant marche l'Italie avance
Et avec ses soldats
qui sait où elle arrivera!
Un, deux, le Négus où est-il,
Personne ne peut me dire
où est allé Sélassié!
Oh printemps en fleur
tu apportes dans tous les cœurs
La certitude d'une victoire tricolore!
Oh printemps en fleur,
tu apportes dans tous les cœurs
Victoire et gloire au drapeau tricolore!
Que c'est beau de pouvoir écouter
en restant dans son fauteuil,
la radio qui donne
les mille nouvelles proches et lointaines
Par lesquelles tu peux savoir
ce que fait le monde!

« Il mondo che fa » est une expression inventée par De Angelis par imitation de « Il tempo che fa », le temps qu'il fait. Ainsi en permanence il invente des expressions, imite l'accent étranger et déforme les mots, les accords grammaticaux pour se moquer de ces étrangers qui veulent sanctionner l'Italie qu'ils ne connaissent pas et qui n'a rien à faire de ces condamnations. En même temps, dans la première et dans la dernière strophe, il se moque de ces nouvelles de la radio qui nous renseignent sur tout : tout cela est-il vrai ? On parle aujourd'hui de « fake news » ! Mais sans cette ironie, sans ces doubles sens, De Angelis aurait-il pu continuer à chanter sous ce régime dictatorial, qui lui avait déjà interdit de monter sur scène ? Quant à « mon Dedé », c'est peut-être une déformation du « Mon Dieu » français ou une allusion à Édouard Daladier, plusieurs fois premier ministre. C'est l'occasion de souligner l'usage des langues étrangères chez De Angelis, pour accentuer leur ridicule et leurs imperfections ; il a été bien étudié dans deux articles intéressants d'Edoardo Buroni, Misoxenia (xenofobìa - NDR) e pseudoautarchia (linguistiche) nelle canzonette italiane di epoca fascista : il caso di Rodolfo di Angelis (2019) et « Qui non si canta al modo del poeta ». Appunti su aspetti metalinguisitici, metamusicali e interetestuali nelle canzoni di Rodolfo De Angelis (2018) (consultables sur Internet).

Dans le même sens, De Angelis exerce sa verve satirique contre les vices qui sont aussi ceux du régime fasciste, en nous rendant compte de la façon dont vivent vraiment alors les Italiens. Et souvent, c'est encore la réalité d'aujourd'hui, comme dans cette satire des recommandations :

Le presento e raccomando

(Rodolfo De Angelis, 1893-1968
Anni '30)

Nella vita, cari miei,
senza un santo protettore,
che ti fa qualche favore,
è difficile arrivar!
Il mio santo l'ho trovato
nello zio di mio cognato:
egli è un membro altolocato
e mi può raccomandar.

Ho qui una lettera di raccomandazione,
fate attenzione che ve la leggerò:
«Le presento e raccomando
il mio amico Ferdinando,
lo riceva, lo accontenti,
molto grato le sarò!»

Con questa lettera di raccomandazione
la posizione di certo cambierò.
Se ne viene l'esattore
del padrone mio di casa
e mi dice: «Mio signore,
vuoi pagare sì o no?»
Meno male che da furbo
io mi sono premunito,
non mi scuoto, né mi turbo
e gli dico: «Guardi un po'!
Ho qui una lettera di raccomandazione
per la pigione che le dovrei pagar».

Non appena che l'ha letta
è rimasto pepe e sale,
s'è gettato per le scale
e s'è messo a canticchiar:
«Egli ha una lettera di raccomandazione,
caro padrone che cosa ci vuoi far?»

L'altra sera sopra il treno,
affollato di persone,
mi trovai in un vagone
senza un posto da seder.
Ed allora io dissi in fretta:
«O signori del diretto,
ascoltatemi in piacer!
Ho qui una lettera di raccomandazione
salutando con rispetto:
per le persone che viaggiano con me!»

Tutti quanti i viaggiatori
inforcarono gli occhiali,
ed ognuno coi guanciali
fece posto accanto a sé.
Con quella lettera di raccomandazione
in quel vagone un posto mi si dié!

Nella piazza Mercadante
ho incontrato una bellezza,
e le ho detto una sciocchezza:
«Non desidero che te!»
Lei pigliata alla sprovvista
s'è fermata e mi ha risposto:
«Brutta faccia di gallista,
cosa vuole lei da me?»
«Ho qui una lettera di raccomandazione
per la ragione che lei comprenderà!...»

Non appena le ho spiegato,
sotto gli occhi, quella carta
lei m'ha detto: «Fo la sarta,
corso Umberto 83».
Con quella lettera di raccomandazione
un bel bacione di certo mi darà!

Per questa lettera di raccomandazione
la mia canzone vorrete perdonar!

Je vous présente et recommande

Dans la vie, chers amis
sans un saint protecteur
qui te rend quelques services
il est difficile d'arriver!
Mon saint je l'ai trouvé,
l'oncle de mon beau-frère:
c'est quelqu'un de haut placé
et il peut me recommander.

J'ai ici une lettre de recommandation
faites attention, je vais vous la lire:
«Je vous présente et recommande
mon ami Ferdinand,
recevez-le, donnez-lui satisfaction
je vous en serai très reconnaissant!»

Avec cette lettre de recommandation
ma position va sûrement changer.
Voilà qu'arrive le percepteur
du propriétaire de ma maison
et il me dit: «Cher Monsieur
veux-tu payer oui ou non?»
Heureusement que moi qui suis malin
je me suis prémuni
je ne m'inquiète pas, je ne me trouble pas
et je lui dis: «Regardez un peu!
J'ai ici une lettre de recommandation
pour le loyer que je devrais payer!»

Dès qu'il l'a lue
il est resté poivre et sel,
il s'est jeté dans les escaliers
et s'est mis à chantonner:
«Il a une lettre de recommandation,
cher proprio que veux-tu y faire?»

L'autre soir dans le train:
rempli de gens,
je me suis trouvé dans un wagon
sans une seule place assise.
Alors j'ai dit en vitesse:
«Oh messieurs du train direct
Écoutez-moi s'il vous plaît!
J'ai ici une lettre de recommandation
en saluant respectueusement:
pour les personnes qui voyagent avec moi!»

Tous les voyageurs
enfourchèrent leurs lunettes,
et chacun avec ses oreillers
laissa une place à côté de lui.
Avec cette lettre de recommandation
dans ce wagon on me donna une place!

Sur la place Mercadante
j'ai rencontré une beauté
et je lui ai dit une sottise:
«Je ne désire que toi!»
Elle, prise à l'improviste
s'est arrêtée et m'a répondu:
«Sale gueule de macho,
qu'est-ce que vous voulez de moi?»
«J'ai ici une lettre de recommandation
pour la raison que vous comprendrez!»

Dès que je lui eus déployé
ce papier sous les yeux
elle m'a dit: «Je suis couturière
au 83 du cours Humbert».
Avec cette lettre de recommandation
elle me donnera sûrement un gros baiser!

Pour cette lettre de recommandation
vous voudrez bien pardonner ma chanson!

Certes, De Angelis ne fut pas un antifasciste militant, ce qui lui valut d'être souvent marginalisé après la guerre, sinon par un autre grand chanteur comme Paolo Poli ; cependant, même dans une chanson sur les sanctions de la Société des Nations, qu'il semblait lui aussi désapprouver, il maintient son ton ironique, et il se joue plutôt de l'hypocrisie des puissants et de la « communauté internationale », discours encore très actuel à propos d'une autre guerre. La chanson se moque d'abord du Royaume Uni, seul pays à avoir effectivement appliqué les sanctions, mais dit-il, il ne l'a fait que par jalousie de cette Italie qui hérite de la civilisation romaine d'un temps où l'Angleterre n'avait pas encore accédé à la moindre civilisation. La seconde strophe évoque l'appel du 18 décembre 1935 aux femmes italiennes (pas aux hommes) d'imiter la reine Elena en donnant à la patrie leurs bijoux en or pour payer la guerre. Et on disait que quand Il chantait qu'il ne donnerait pas à l'Angleterre..., il posait ses mains sur son sexe, pour marquer une des qualités viriles des Italiens aimées des Anglais... La chanson fut très appréciée, elle fut reprise en 1977 même dans un show télévisé de Pippo Franco (Bambole, non c'è una lira).

Sanzionami questo

(Rodolfo De Angelis
1935)

I. Tutto quel che fai
lo fai per gelosia,
ex amica mia,
perché vorresti vivere anche tu,
quest'ora di eroismi e di virtù.
Ma non lo puoi ed io lo so,
perciò mia cara canterò:
Sanzionami questo,
amica tenace,
lo so che ti piace,
ma non te ne do!

I. Guarda la regina
che dona la sua fede,
quella che il re le diede...
L'Altare della Patria
accoglierà l'offerta
che ogni sposa porterà...
E dalla Reggia al casolar,
un fiume d'oro va all'altar...
Sanzionami questo,
o amica rapace,
lo so che ti piace,
ma non te ne do!

I. Musica divina,
e senso di poesia,
in questa Patria mia!
Artisti che hanno dato al mondo inter,
la luce della vita e del pensier...
ma che me ne fo?

IV. Da Roma in poi è sempre qua
lo specchio della civiltà!
Sanzionami questo,
se tu sei capace,
amica seguace,
del tempo che fu!

I. Quello che tu dici,
è tutta ipocrisia,
Ex amica mia...
Lo scopo tuo
sappiamo noi qual'è:
piegare, chi non piega innanzi a te!
Ma non sarà, non piegherà,
l'Italia che Vittoria avrà!
Sanzionale questo
se tu sei capace,
lo so che ti piace,
ma che me ne fo'?..
ma che me ne fo'?

Sanctionne-moi ça

I. Tout ce que tu fais
tu le fais par jalousie,
mon ex-amie,
parce que tu voudrais vivre, toi aussi,
cette heure d'héroïsme et de vertu.
Mais tu ne peux pas et moi je le sais,
c'est pourquoi, ma chère, je chanterai:
Sanctionne-moi ça,
amie tenace,
je sais que ça te plaît,
mais je ne t'en donne pas!

I. Regarde la reine
qui donne son alliance,
celle que le roi lui a donnée...
L'Autel de la Patrie
accueillera l'offrande
que chaque épouse apportera...
Et du Palais Royal à la maison de paysans,
un fleuve d'or va à l'autel...
Sanctionne-moi ça,
o amie rapace,
je sais que ça te plaît,
mais je ne t'en donne pas!

I. Musique divine,
et sens de la poésie,
dans ma Patrie!
Artistes qui ont donné au monde entier,
la lumière de la vie et de la pensée...
mais qu'est-ce j'en ai à faire?

IV. Depuis Rome il est toujours là
le miroir de la civilisation!
Sanctionne-moi ça,
si tu en es capable,
amie partisane,
du temps qui fut!

I. Ce que tu dis,
ce n'est que de l'hypocrisie,
mon ex-amie...
Ton but
nous savons, nous, ce que c'est:
faire plier, qui ne plie pas devant toi!
Mais ce ne sera comme ça, elle ne pliera pas,
l'Italie qui aura la Victoire!
Sanctionne-lui ça
si tu en es capable,
je sais que ça te plaît,
mais qu'est-ce que j'en ai à faire?
mais qu'est-ce que j'en ai à faire?

La chanson suivante est encore moins alignée sur les slogans fascistes. Elle dénonce le bellicisme ambiant, faut-il faire la guerre pour obtenir la paix ?, allusion à la Guerre d'Espagne, qui sera en effet un prélude à la seconde guerre mondiale. Et la dernière strophe dénonce un système inégalitaire qui fait des ventres pleins et des ventres vides, après qu'aient été exprimé de nouveaux doutes sur la vérité de ce que dit la presse, ce qui pouvait passer pour une attaque de ce que disait la presse officielle fasciste, la seule autorisée dans les années Trente. Et toujours les mêmes doutes sur la « vérité » de la radio!

Schiocca la frusta

(Rodolfo De Angelis
1937)

Signore, ci parli della radio che frigge
in quell'armadio...
Ma si, ma si, si si si, si si si
E' la radio lo strumento che trasmette la rèclame
dal formaggio e dal salame
e tu paghi per sentir
cosicchè l'imbonimento che non volle mai sentire
se lo deve oggi subire e pagarlo: per di più
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...

E dica, quello che Lei sa
intorno al teatro
d'oggigiorno
Su dica su, su su su, su su su
Il teatro si direbbe che dovrebbe divertire
ma talvolta fa dormire e giammai ti fa sognar;
cosicchè chi vuol vedere veramente una tragedia
può sedersi su una sedia nella Spagna d'oggidì
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...

Oh caro! Che gliene pare della stampa
che dovunque tien la zampa
Si direbbe che la stampa è la grande informatrice
d'ogni cosa che si dice d'ogni cosa che si fa;
ma se leggi una notizia nelle lingue forestiere
non riesci più a sapere dove sta la verità
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...

Amico! Se non le dispiace ci parli della pace
Ah ah, ah ah ah, ah ah ah
Si direbbe che la pace la si ottiene con la guerra
se ogni stato della terra arma a gran velocità;
sugli scambi son d'accordo: niente grano nè carbone
solo piombo a profusione tutto il mondo scambierà
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...

E dica: perchè nel mondo ormai non si è tranquilli mai?
Beh beh, beh beh beh, beh beh beh
Si potrebbe star tranquilli con le cose che in eterno
ci ha donato il padreterno
ma purtroppo non si può
chè a spartirle ci sta l'uomo con dissimili bilance
cosicchè ci saran pance vuote e piene ad ogni età
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...

Claque le fouet

Monsieur, parlez-nous de la radio qui grésille
dans cette armoire...
Mais oui, mais oui, oui oui oui oui oui oui
La radio est l'instrument qui transmet la réclame
pour le fromage et le saucisson
et tu paies pour entendre
si bien que le boniment que vous n'avez jamais voulu entendre
aujourd'hui vous devez le subir et le payer; en plus
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...

Et dites, ce que vous savez
sur le théâtre
d'aujourd'hui
Allez dites dites allez allez allez allez
On dirait que le théâtre devrait amuser
mais quelquefois il fait dormir et jamais ne fait rêver
si bien que celui qui veut vraiment voir une tragédie
peut s'asseoir sur une chaise dans l'Espagne d'aujourd'hui
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...

Oh mon cher! Quelle est votre impression
sur la presse
qui partout piaffe
On dirait que la presse est la grande informatrice
de toute chose que l'on dit de toute chose que l'on fait;
mais si tu lis une nouvelle dans les langues étrangères
tu n'arrives plus à savoir où est la vérité
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...

Ami! Si ça ne vous déplait pas, parlez-nous de la guerre
Ah ah, ah ah ah, ah ah ah
On dirait que la paix on l'obtient par la guerre
si chaque État de la terre s'arme à grande vitesse;
sur les échanges ils sont d'accord: ni blé ni charbon
rien que du plomb à profusion, le monde entier changera
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...

Et dites-moi: pourquoi n'est-on jamais tranquilles désormais dans le monde
Beh beh, beh beh beh, beh beh beh
On pourrait être tranquilles avec les choses qu'éternellement
nous a données le père éternel,
malheureusement on ne peut pas
car pour les répartir l'homme a différentes balances
si bien qu'à chaque époque il y aura des ventres vides et des ventres pleins
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va...

La chanson suivante semble adhérer à l'antiintellectualisme fasciste, amateur d'irrationnel plus que de raison, et à l'hostilité à la philosophie et aux philosophes comme Benedetto Croce (mais parmi les fascistes il y eut Giovanni Gentile). En cela il flatte dans le sens du poil la méfiance populaire pour les orateurs, leur verbosité, l'inutilité de leurs paroles vides qui disent des évidences. Mais on peut y voir aussi une satire féroce de la rhétorique mussolinienne, grand orateur et amateur de discours très longs et souvent inutiles; c'était surtout lui qui parlait, depuis le balcon du Palais de Venise à Rome pour faire l'éloge des victoires et de la grandeur retrouvée du fascisme. Alors, là encore, grande ambiguïté!

Bravo ma come parla bene

(Rodolfo De Angelis
1935)

Sentire un oratore che dice un'orazione
È questa la passione che nel moi cuore stavo
sentire divagare tutti gli argomenti
Più vari e differenti, che gran felicità
«Signore e signori, noi non siamo altro
su questa terra
Che degli esseri... degli esseri viventi!»
Bravo, bravo, ma come parla bene!
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Con quell'arte che egli sa
Son la pura verità!
Pensate a Cicerone, il re della parola
Che ancora ci consola pur non parlando più
Pensate all'oratore che in abito da festa
Con la parola lesta non la finisce più!
«La piuma... la piuma... la più umana delle parole
Che mi attraversa il labbro, mi costringe
a sintetizzare i miei pensieri
In un grido solo: viva lo spo..., viva lo spo...
Viva lo sposo?
Ma no! viva lo sport!»
Bravo, bravo, ma come parla bene!
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Con chiarezza e abilità
Son la pura verità.
Le cose che ho sentito io non le posso dire
Son cose da morire di colpo là per là
Non so come si possa parlare a tanta gente
Così continuamente e senza aver pietà.
«La donna è come un fiore, che cos'è un fiore?
È un dono della natura
Che cos'è un dono della natura?
È tutto quello che noi abbiamo
E tutto quello che noi abbiamo, che cos'è tutto quello che noi abbiamo?
È tutto, amabili signori e gentili signore»
Bravo, bravo, ma come parla bene!
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Scivolando qua e là
Son la pura verità.

Bravo mais comme vous parlez bien

Écouter un orateur qui fait un discours
Voila la passion qui est dans mon cœur
entendre divaguer tous les arguments
Les plus divers et différents, quel grand bonheur
«Mesdames et Messieurs, nous ne sommes rien d'autre
sur cette terre
Que des êtres... des êtres vivants!»
Bravo, bravo, mais comme vous parlez bien!
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
Avec l'art que vous avez
Sont la pure vérité!
Pensez à Cicéron, le roi de la parole
Qui nous console encore tout en ne parlant plus
Pensez à l'orateur qui en habit de fête
Avec la parole leste n'en finit plus!
«La plume... la plume... le plus humain des mots
Qui me traverse les lèvres, m'oblige
à synthétiser mes pensées
En un seul cri: vive le spo... vive le spo...
Vive le sposo (l'époux)?
Mais non! Vive le sport!»
Bravo, bravo, mais comme vous parlez bien!
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
Avec clarté et habileté
Sont la pure vérité.
Ce que j'ai entendu je ne peux pas le dire
Ce sont des choses à mourir là d'un coup
Je ne sais pas comment on peut parler à tant de gens
Ainsi continuellement et sans avoir pitié.
«La femme est comme une fleur, qu'est-ce qu'une fleur?
C'est un don de la nature
Qu'est-ce qu'un don de la nature?
C'est tout ce que nous avons
Et tout ce que nous avons, qu'est-ce que c'est tout ce que nous avons?
C'est tout, aimables messieurs et gentilles dames»
Bravo, bravo, mais comme vous parlez bien!
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
En glissant ça et là
Sont la pure vérité.

La critique de la conception fasciste de la chanson et de la musique

Évidemment De Angelis, grand auteur-compositeur-interprète, va s'intéresser à la chanson, qui était devenue sous le fascisme, surtout après l'arrivée de la radio à partir de 1919 et de la mise en fonction de la première station de radiodiffusion de Guglielmo Marconi, l'URI (Unione radiofonica Italiana) puis l'EIAR (Ente Italiano Audizioni Radiofoniche) fasciste, un instrument important de propagande gouvernementale. Mussolini avait compris qu'on acquiert plus de force sur le peuple par le contrôle de l'affiche et de la chanson, outre le sport. Le referendum de 1939 auprès des abonnés à l'EIAR avait confirmé aussi que les émissions préférées étaient les information sur la guerre et la chanson. Le pouvoir poussa alors les compositeurs à diffuser ses grands thèmes, la romanité et la grandeur unique de l'empire romain que Mussolini était en train de reconstituer, avec la conquête de l'Éthiopie, la nécessité de la violence des « squadristi », les miliciens fascistes armés, sur le racisme, l'horreur représentée par les roms, les juifs, les homosexuels, les « rouges », la beauté des organisations de jeunesse fascistes, les vertus viriles et antiféministes, etc. Mussolini était personnellement très intéressé par la musique, il jouait du violon et fréquentait quelques grands compositeurs classiques. Mais à mesure que le régime se durcit et que le nationalisme raciste augmente, la chanson fut entraînée dans un nouveau mouvement hostile aux musiques étrangères, surtout le jazz (qui devient il gezzo!), musique négroïde, hébraïque, décadente, barbare, etc. Malgré tout il protégea les soeurs Lescano et un de ses fils, Romano, devint un bon pianiste jazz. Autant lui que la famille de Savoie aimaient le jazz. Voici une première chanson sur la chanson, qui ridiculise la chanson mélodique traditionnelle et la chanson actuelle en général, prête à faire n'importe quoi pour rapporter de l'argent. Vous verrez, c'est facile. C'est aussi plein d'auto-ironie, comme s'il donnait une « recette » de cuisine, loin de la sacralité réservée d'ordinaire à la musique.

Per fare una canzone

(Rodolfo De Angelis, 1893-1968
1935)

Per fare una canzone
non ci vuoI proprio niente,
un uomo intelligente
l'avrà capito già,
e se non lo capirà!
La musica non conta,
non serve la poesia,
ma basta che ci sia
la buona volontà:
la ricetta è questa qua:
A tutti quei che fan la serenata
la donna se n'è andata!
Ed a colui che piange per amore
gli si è spezzato il cuore!
Delusion, emozion, ilIusion, perdizion;
mare blù, occhi blù, sempre du-du-du-du.
Non ti scordar la rima in a
per quella tal felicità!
Con queste rime senza conclusione
è fatta la canzone!
è fatta la canzone!
Provatevi voi pure,
vedrete com'è bello,
a fare un ritornello
che ognuno fischierà,
ecco qua come si fa:
su quelle paroline
un ritmo di danza,
con grazia ed eleganza,
si cerca d'applicar
e però, per non sbagliar:
La musica dev'essere un po' vecchia
sennò non va all'orecchio.
Se non si trova quella che s'adatta,
si piglia bell'e fatta
da Berlioz, da Gounod, da Bizet, da Rossini
puoi sfogliar, puoi trovar,
puoi grattare quel pochin
che può servire a una canzon
cambiando tono e division:
Sentite con un tema come questo
io come faccio lesto!
io come faccio lesto!
Tema...
Fox-trot...
Tango,
Valzer,
Bolero.
Non c'è più tema di sbagliar,
autore ognuno può diventar,
e guadagnare tutti quei milioni
che danno le canzoni!
che danno le canzoni!

Pour faire une chanson

Pour faire une chanson
il ne faut vraiment rien,
un homme intelligent
l'aura déjà compris,
et s'il ne le comprend pas!
La musique ne compte pas,
la poésie ne sert à rien
mais il suffit qu'il y ait
de la bonne volonté:
la recette est celle-ci:
À tous ceux qui font des sérénades
la femme s'en est allée!
Et à celui qui pleure par amour
son cœur s'est brisé!
Déception, émotion, illusion, perdition;
mer bleue, yeux bleus, toujours du-du-du-du.
N'oublie pas la rime en -a
pour un tel bonheur!
Avec ces rimes sans conclusion
la chanson est faite!
la chanson est faite!
Essayez vous aussi,
vous verrez comme c'est beau,
de faire un refrain
que tout le monde sifflera,
voilà comment on fait:
sur ces petites paroles
un rythme de danse,
avec grâce et élégance,
on cherche à appliquer
et pourtant, pour ne pas se tromper:
La musique doit être un peu ancienne
sinon elle ne convient pas à l'oreille.
Si on ne trouve pas celle qui va bien,
on prend simplement
chez Berlioz, Gounod, Bizet, Rossini
tu peux feuilleter, tu peux trouver,
et puis piquer ce petit peu
qui peut servir à une chanson
en changeant de ton et de division:
Écoutez avec un thème comme celui-ci
moi comme je fais vite!
moi comme je fais vite!
Thème...
Fox-trot...
Tango,
Valse,
Bolero.
On n'a plus peur de se tromper,
tout le monde peut devenir auteur,
et gagner tous ces millions
que procurent les chansons!
que procurent les chansons!

Dans Addio canzoni americane, on est loin d'un alignement sur la pensée fasciste; la chanson est pleine de références à des chansons étrangères connues comme Hindustan, un fox-trot de Oliver Wallace et Harolds Weeks (années 1910), Sonny Boy est une chanson de Ray Henderson, Buddy De Sylva et Lew Brown pour un film de 1928, le Fou chantant, de Lloyd Bacon, un grand de l'époque, Ramona et Mister Bill étaient deux musiciens blues noirs, la cucaracha (en espagnol, le cafard) était une chanson traditionnelle mexicaine qui eut un grand succès en Italie dans les années Trente et suscita l'écriture de plusieurs chansons italiennes écrites par de grands compositeurs comme Michele Galdieri et Domenico Savino, Bixio et Cherubini, Eldo Di Lazzaro et Luciano Ramo. La musique confirme l'ambiguïté, c'est précisément un fox-trot que le texte affirme renvoyé outre-Atlantique, comme dans beaucoup d'autres de ses chansons De Angelis utilise des rythmes de jazz qui l'ont toujours passionné.

Addio canzoni americane

(Rodolfo De Angelis
1936)

Partono, col treno d'or,
le canzoni dell'amor...
volano laggiù,
vanno ad Hollivood
per non ritornare più!
Addio canzoni american,
canzoni negre ed havaian.
Il sassofon or tacerà,
ed il violin non trillerà;
da Indostan a Sonny boy,
non suoneranno più per noi...
e tornerà la musica italiana,
addio canzoni american!
Musica, non più fox-trot...
Per chi m'ama canterò,
con l'ardente cuor,
pieno di languor
dolci serenate ancor...
Addio canzoni american
canzoni negre e messican...
dal Panamà o dal Perù,
a noi non tornerete più...
Addio Ramona e Mister Bill,
la cucaracha e Shangai Lil.
Musica, non più fox-trot...
Per chi m'ama canterò,
con l'ardente cuor,
pieno di languor
dolci serenate ancor...

Adieu chansons américaines

Elles partent avec le train d'or,
les chansons de l'amour...
elles volent là-bas
elles vont à Hollywood
pour ne plus revenir!
Adieu chansons américaines
chansons nègres et hawaïennes.
Le saxophone va se taire,
et le violon ne trillera plus;
d'Indostan à Sonny Boy,
ils ne joueront plus pour nous...
et la musique italienne reviendra,
adieu chansons américaines!
De la musique, plus de fox-trot...
Pour qui m'aime je chanterai,
avec mon cœur ardent,
plein de langueur
encore de douces sérénades...
Adieu chansons américaines
chansons nègres et mexicaines
du Panama ou du Pérou,
vous ne nous reviendrez plus...
Adieu Ramona et Mister Bill,
la cucaracha et Shangai Lil.
De la musique, plus de fox-trot...
Pour qui m'aime je chanterai,
avec mon cœur ardent,
plein de langueur
encore de douces sérénades...

Canzone tirolese

(Rodolfo De Angelis
1932)

Dal Tirolo esser venuti
con intera carovana
per vedere Martesana
e gran Duomo di Milano
Noi mangiatza panettone
visitate Gallerie
poi cantate per la via
questa piccola canzon.
A Firenze aver girato
tutta piazza Signoria
comperato per la via
grande mazzo tulipan
visitato antichitate,
aver visto nostra moglie
grande statua senza foglia
e non voler più.
Noi viaggiato fino a Roma
per vedere capitale
incontrato generale
che comanda guarnigion
visitato Colosseo,
visto letto di Nerone
salutato pizzardone
poi tornato alla stazion.
Il Vesuvio visitato
arrivati anche a Pompei,
comperato scarabei
di grandissimo valor. Ja!
In un grande ristorante
aver visto con diletto
gran poeta Marinetti
che mangiava macaron.
E la terra italiana
tutta quanta aver girar
dovunque aver mangiato
amaretti e chocolat
Sempre uniti in carovana
con la mazza gli scarponi
noi cantato le canzoni
della terra del Tirol.

Chanson tyrolienne

Du Tyrol eux être venus
avec toute une caravane
pour voir Martesana
et grand Dôme de Milan
Nous avoir mangé panettone
visité Galeries
puis avons chanté dans la rue
cette petite chanson.
À Florence avoir tourné
dans toute la place Signoria
acheté dans la rue
grand bouquets de tulipes
visité antiquités,
notre femme avoir vu
grande statue sans feuille
et ne plus vouloir partir.
Nous voyagé jusqu'à Rome
pour voir capitale
rencontré général
qui commande la garnison
visité Colisée,
vu le lit de Néron
salué flic
puis retourné à la gare.
Le Vésuve visité,
nous arrivé jusqu'à Pompéi,
acheté des scarabées
de très grande valeur. Ja!
Dans un grand restaurant,
avoir vu avec plaisir
grand poète Marinetti
qui mangeait macaronis.
Et nous avoir tourné
toute la terre italienne
et partout avoir mangé
macarons et chocolat
Toujours unis en caravane
avec masse et gros souliers
nous avoir chanté les chansons
de la terre du Tyrol.

Une satire très actuelle d'un tourisme de masse (en caravane) qui ne va découvrir que les choses les plus superficielles de ville et avoir surtout mangé ce que l'on dit devoir manger (le panettone à Milan) et acheté ce que l'on vend aux touristes, alors que ce ne sont que des imitations. De Angelis s'amuse même à évoquer Marinetti mangeant des pâtes que celui-ci disait avoir toujours détesté. Ils sont fascinés par les uniformes militaires et les flics, tandis que leurs femmes restent contemplatives devant les nus masculins «sans feuille» (le David de Michelange?). Et puis ils rentrent en reprenant les chansons de chez eux, leur voyage ne leur a évidemment rien appris d'important et de nouveau. Le problème du Tyrol, du Trentin Haut-Adige était alors très actuel, rattache en 1919 à l'Italie qui voulut l'italianiser. Martesana est la zone de la Brianza, au nord-est de Milan qui comprend la paroisse de Gorgonzola, aujourd'hui partie orientale de la Ville métropolitaine de Milan qui comprend le «naviglio» (le canal) de la Martesana, dont les rives sont célèbres pour leurs pâtisseries.

La carioca (È la danza dell'oca)

(Rodolfo De Angelis
1934)

È la danza dell'oca!
Come le stoffe di Biella,
anche la musica bella
varca la nostra frontiera
e con marca straniera
ritorna quaggiù!
Tutte le frasi d'amore,
che ci cantarpnp in cuore,
l'hanno adattate e ridotte
a matchiche, a fox-trot,
a carioca laggiù!
Carioca,
Carioca,
è la danza dell'oca,
l'ha inventat una cuoca
etrasferita in Chili.
Carioca,
Carioca,
è una danza che infoca,
chi ha pelle di foca
può ballare così!
Questa è la danza nuova
che ci consola
ti fa stancare il piede
e seccar la gola!
Ma, carioca,
è la danza dell'oca,
l'ha inventata una cuoca
che risiede in Chili.
Oggi dovunque si balla
regna il trombone con palla,
niente più flauti e legni,
non sono più degni
di farsi sentire!
Questa è la danza più allegra,
questa è la danza che strega,
danza dal ritmo negro
che sempre più negro
diventa ogni dì.
Carioca,
Carioca,
il mio labbro t'invoca,
il mio cuore si loca
me lo voglio affittar.
Carioca,
Carioca,
a che giuoco si giuoca?
Del colore del moka
tu mi fai diventar!
Questa è la danza nuova
che fa furore,
danza che fa impazzire
col suo rumore!
Carioca,
Carioca,
Ho mangiato tapioka,
Ho la voce un po' fioca
e non posso ballar!

C'est la danse de l'oie

C'est la danse de l'oie!
Comme les étoffes de Biella,
aussi la belle musique
franchit notre frontière
et revient ici-bas
avec une marque étrangère!
Toutes les phrases d'amour,
qui ont chanté dans notre cœur,
ils les ont adaptées et réduites
à des matchichas, à des fox-trot,
à des cariocas ici en Italie!
Carioca,
Carioca,
c'est la danse de l'oie,
c'est une cuisinière qui l'a inventé
transférée au Chili.
Carioca,
Carioca,
c'est une danse qui enflamme,
qui a une peau de phoque
peut danser comme ça!
C'est la danse nouvelle
qui nous console,
te fatigue le pied
et te sèche la gorge!
Mais, carioca,
c'est la danse de l'oie,
c'est une cuisinière qui l'a inventée
qui réside au Chili.
Aujourd’hui, partout où l'on danse
règne le trombone avec balle,
plus de flûtes et de bois,
ils ne sont plus dignes
de se faire entendre!
C'est la danse la plus gaie,
c'est la danse qui enchante,
danse au rythme nègre
qui devient toujours plus nègre
tous les jours.
Carioca,
Carioca,
mes lèvres t'invoquent,
mon cœur se loue
je veux le donner en location.
Carioca,
Carioca,
à quel jeu est-ce qu'on joue?
De la couleur du moka
tu me fais devenir!
C'est la danse nouvelle
qui fait fureur,
danse qui rend fou
par son bruit!
Carioca,
Carioca,
J'ai mangé du tapioca,
j'ai la voix un peu faible
et je ne peux pas danser!

De Angelis invente la légende de la cuisinière. La matchiche (le tango brésilien) est une danse née au Brésil en 1868, parallèlement au tango en Argentine et en Uruguay. C'est une danse afro-brésilienne développée par les esclaves noirs du Mozambique, du nom d'une ville de ce pays. Elle s'exporte en Europe au début du XXe siècle. La carioca (à l'origine nom des habitants de Rio de Janeiro) est une danse et chanson d'amour très sensuelle écrite en 1933 pour un film où elle est dansée par Fred Astaire et Ginger Roger. C'est un mélange humoristique de plusieurs autres danses brésiliennes, mexicaines, espagnoles, jazz américain et deviendra en Europe un succès repris par Joséphine Baker. Ici, De Angelis s'amuse à se moquer, sur des rythmes brésiliens de la «danse de l'oie» typique d'une Allemagne qu'il n'aime pas, ce qu'il avait déjà fait comprendre dans la précédente Canzone tirolese.

Di sera dove andare

(Rodolfo de Angelis
Anni 1930)

Non dire no
Non dire si,
Non dire nulla che non viglia dir così
che tu ti annoi
dovunque vai,
ti annoi assai,
dà retta a me!
Non dire no,
Non dire sì,
nondire niente che non voglia dire così!
A sera non si sa più dove andare,
dove stare, cosa fare!
Perciò mia bella bruna
ci specchiamo nella luna!
A teatro, mamma mia,
c'è la stessa compagnia;
al cinema proiettata
la solita boiata;
al caffè cosa c'è,
un'orchestra che fa:
pe-pe-pe-pe-, pe-pe-pe-pe! (bis)
Dovunque vai è un'ossession,
o c'è il sassofono o i trombon:
pe-pe-pe-pe, pe-pe-pe-pe! (bis)
Perciò di sera che vuoi far,
non si sa proprio dove andar!
A casa no,
non si può star
se i tuoi vicin fan la radio funzionar:
Parigi strilla,
Berlino squilla,
la Spagna trilla;
olè, olè,
a casa no,
non si può star
che tutt'il mondo senti intorno strombazzar.
A sera non si sa più dove andare,
dove stare, cosa fare!
Per farne delle belle
conteremo in ciel le stelle!
Fare visita ai parenti,
meglio avere il mal di denti;
a sentir la conferenza?
Ci vuol altro che pazienza;
c'è ub tenore che fa:
«Ella mi fu rapita,
voi lo sapete, mamma!»
Dovunque vai è un'ossession
c'è sempre un coro di canzon:
do-do-do-do-dode-de-de-de-de
Perciò di sera che vuoi far,
non si sa proprio dove andar!
Se passeggi per la via
c'è la stessa sinfonia;
dalla casa illuminata
vie, ne fuori la Traviata;
sul porton, sul canton
c'è una radio che fa:
ah, ah, ah, ah, ah ah! (bis)

Le soir où aller

Ne dis pas non
Ne dis pas oui,
Ne dis rien qui ne veuille pas dire ça:
que tu t'ennuies
où que tu ailles,
tu t'ennuies beaucoup,
fais-moi confiance!
Ne dis pas non,
ne dis pas oui,
nondire niente che non voglia dire così!
Le soir on ne sait plus où aller,
où se trouver, quoi faire!
C'est pourquoi ma belle brune
nous nous regardons dans la lune!
Au théâtre, mon Dieu,
il y a la même compagnie;
au cinéma on projette
la friponnerie habituelle;
au café qu'est-ce qu'il y a,
un orchestre qui fait:
pe-pe-pe-pe-, pe-pe-pe-pe! (bis)
Où que tu ailles c'est une obsession
il y a ou un saxophone ou un trombone:
pe-pe-pe-pe, pe-pe-pe-pe! (bis)
C'est pourquoi le soir que veux-tu faire,
on ne sait vraiment pas où aller!
À la maison non,
on ne peut pas rester
si tes voisins font marcher la radio:
Paris crie,
Berlin résonne,
l'Espagne trille;
holè, holè,
à la maison non,
on ne peut pas rester
car tu entends tout le monde claironner autour de toi.
Le soir on ne sait plus où aller,
où se trouver, quoi faire!
Pour en faire de belles
nous compterons les étoiles dans le ciel!
Rendre visite à la famille,
il vaut mieux avoir mal aux dents;
à entendre une conférence?
Il y faut plus que de la patience;
il y a un ténor qui fait:
«Elle m'a été enlevée,
vous le savez, maman!»
Où que tu ailles c'est une obsession
il y a toujours un chœur de chansons:
do-do-do-do-dode-de-de-de-de
C'est pourquoi le soir que veux-tu faire,
on ne sait vraiment pas où aller!
Si tu te promènes dans la rue
il y a la même symphonie;
de la maison éclairée
sort la Traviata;
sur la grande porte, au coin
il y a une radio qui fait:
ah, ah, ah, ah, ah ah! (bis)

ette chanson est un peu une synthèse de la pensée de De Angelis sur la société de son temps, celle des années trente, celles du fascisme: c'est une société où l'on s'ennuie profondément quoiqu'on fasse; qu'il exprime à travers son pe-pe-pe-pe-pe sur des rythmes d'un jazz bien à lui. Nous terminerons par une dernière chanson, C'è una bella società, qui critique fortement la Société des Nations et les pays qui en font partie, et d'abord l'Angleterre, comme dans d'autres chansons (C'era una volta... C'era una volta... (e adesso non c'è più)...). Il utilise souvent le jargon des étrangers pour se moquer d'eux.

C'è una bella società

(Rodolfo De Angelis
1936)

A Ginevra c'è una bella società!
Oilà oilà che lavora per la pace e che ti fa?
oilì, oilà.
Per i fini pacifisti
rifornisce gli schiavisti
di cannoni e di fucili
con pallottole dum-dum.
Oilì, oilà
a Ginevra c'è una bella società!
oilì, oilà
a Ginevra c'è una bella società!
C'è un impero che ha una fabbrica, si sa
oilì, oilà
di barchette, ma di prima qualità
oilì, oilà.
E ne ha messo un campionario
proprio nel Mediterraneo
per mostrarlo ai vecchi amici
che a guardarlo stanno là.
Oilì, oilà,
ma di affari questa volta non ne fa!
oilì, oilà,
ma di affari questa volta non ne fa!
Dice il Negus abissino: «Come va.
oilì, oilà,
che la pace già proposta non si fa
oilì, oilà!
M'hanno detto 'resistenza'
M'hanno detto 'abbi pazienza',
ma parlando con decenza,
qui la festa mi si fa!»
Oilì, oilà
a Ginevra c'è una bella società!
oilì, oilà
a Ginevra c'è una bella società!
I signori affamatori che son là
oilì, oilà
hanno detto "più la guerra non si fa"
oilì, oilà
niente guerra sui confini,
la faremo sui bambini
sulle donne, sugli infermi
affamando le città
oilì, oilà
ma l'Italia se ne frega e avanti va
oilì, oilà
se ne frega, se ne frega e avanti va!
sulle donne, sugli infermi
affamando le città
oilì, oilà
ma l'Italia se ne frega e avanti va
oilì, oilà
se ne frega, se ne frega e avanti va!

Il y a une sacrée société

À Genève il y a une sacrée société
Oilà oilà qui travaille pour la paix et qu'est-ce qu'elle te fait?
oilì, oilà.
Pour ses fins pacifistes
elle fournit les esclavagistes
de canons et de fusils
avec des balles dum-dum.
Oilì, oilà
À Genève il y a une sacrée société!
oilì, oilà
À Genève il y a une sacrée société!
Il y a un empire qui a une fabrique, on le sait,
oilì, oilà
de petites barques, mais de première qualité
oilì, oilà.
Et elle en a mis un échantillon
justement dans la Méditerranée
pour le montrer à ses vieux amis
qui sont là en train de le regarder.
Oilì, oilà,
mais cette fois des affaires, elle n'en fait pas!
oilì, oilà,
mais cette fois des affaires, elle n'en fait pas!
Le Négus abyssin dit: «Comment cela se fait-il
oilì, oilà,
que la paix proposée ne se fasse pas
oilì, oilà!
On m'a dit "résistance"
On m'a dit "prends patience",
mais pour parler décemment,
là on me fait ma fête!»
Oilì, oilà
À Genève il y a une sacrée société!
oilì, oilà
À Genève il y a une sacrée société!
Les messieurs qui nous affament sont là
oilì, oilà
ils ont dit "on ne fait plus la guerre"
oilì, oilà
pas de guerre sur les frontières,
nous la ferons aux enfants
aux femmes, aux infirmes
en affamant les villes
oilì, oilà
mais l'Italie s'en fout et va de l'avant
oilì, oilà
s'en fout, s'en fout et va de l'avant!
aux femmes, aux infirmes
en affamant les villes
oilì, oilà
mais l'Italie s'en fout et va de l'avant
oilì, oilà
s'en fout, s'en fout et va de l'avant!

La balle dum-dum est une munition d'arme à feu plus efficace, de plomb recouvert de nickel, plus rapide, qui fait un trou plus grand dans la chair et fait éclater les os au lieu de glisser sur eux. Inventée au XIXe siècle, elle était fabriquée dans la ville indienne de Dum-Dum.

En conclusion de ce dossier, De Angelis ne fut certainement pas antifasciste, il ne fut pas non plus fasciste; il avait quelques points d'adhésion à l'idéologie fasciste, il partageait par exemple le mépris des sanctions de la Société des Nations. Ce qu'il voulait surtout c'était rester un artiste libre, indépendant, il voulait continuer son expérience futuriste en inventant une forme nouvelle de langue et de musique dans ses chansons, avec une ironie, parfois provocatrice, des jeux de mot qui lui permettaient de dire ce qu'il voulait sans être inculpé et condamné par un pouvoir qu'il n'aimait pas vraiment. On pourrait en ce sens le rapprocher de ce qu nous avons appelé dans notre dernier ouvrage les "chansons frondeuses" (La chanson en Italie, des origines populaires au lendemain de 1968, Presses Universitaires de Provence, 2019).

Image 1 Image 2 Image 3

On peut écouter beaucoup d'autres chansons de Rodolfo De Angelis sur les trois 33t qui lui ont été consacrés par Fonografo Italiano, Ma... cos'è questo De Angelis?, I (1978), II (1978), III (1980).

Jean Guichard, avril 2023

(Vous pouvez en écouter les émissions d'Évelyne Bestagne et Jean Guichard sur CouleursFM, Sono solo canzonette, janvier - février - mars 2023)