TORINO - Turin



1— ÉLÉMENTS D’HISTOIRE DE TURIN

1) La Turin préromaine et romaine

a) On a peu de documents sur la Turin préromaine

Une seule chose sûre : au IIIe siècle av. J.C. existait au débouché de la vallée de Suse, au confluent du Po et de la Dora Riparia, un village fortifié qui put résister 3 jours à la forte armée d’Hannibal.

Les habitants étaient, selon Pline, les « Taurini » (d’un mot indoeuropéen « taur » signifiant le mont), une des plus importantes tribus ethniques celto-ligures, provenant d’une fusion entre :

C’était la tribu du Taureau, qui reste l’emblème de Turin (Cf. l’équipe de football de la Juve).

Selon la légende, Turin aurait été fondée par Phaéton Éridan, prince égyptien, qui traversa la Méditerranée, remonta l’Italie et s’installa au confluent de la Dora et du Po ; il appela la ville « taurina » en souvenir du dieu égyptien Apis à tête de taureau ; il se noya dans le Pô, appelé en latin « Eridanus », suite à une chute de char.

Cela rejoint la légende grecque de Phaéton, fils du Soleil, précipité dans l’Éridan par son père pour éviter une catastrophe alors qu’il conduisait le char du Soleil.

b) Au IIIe siècle av. J.C., expansion romaine dans la plaine du Po

En –89, les Taurini obtiennent la citoyenneté romaine partielle.

Au Ier s. av. J.C., par décision de Jules César, Turin devient une position avancée pour les opérations en Gaule et en Grande-Bretagne : Turin naît comme campement pour les garnisons (3000 vétérans) de garde des vallées alpines, position stratégique au croisement de voies consulaires et alpines.

La ville est appelée « Julia Augusta Taurinorum » en 28 av. J.C.

Voir le plan de la ville : un « castrum » romain presque carré entouré de murailles, traversé par :

c) Les murs de la ville

Les murs de la ville étaient renforcés par des tours polygonales situées à 70 mètres l’une de l’autre (2 sont visibles à l’angle de via della Consolata et via Giulio, et à l’intérieur du Théâtre romain).

L’enceinte est formée d’un conglomérat de chaux et de cailloux du fleuve, avec des rangées de briques intercalées.

La ville s’ouvrait par 4 portes ; 2 restent visibles :

De la ville romaine reste encore le Théâtre, derrière le Palais Royal, mais aucun autre reste de maison ou édifice.

Au Museo di Antichità, on peut voir des :

Le christianisme s’installe à Turin en particulier grâce à San Massimo, premier évêque de Turin (fin IVe – début Ve siècles), à qui Charles-Albert fera construire une église de 1844 à 1853.

2) Turin au Moyen-Âge

Turin reste pendant toute cette période une ville enfermée dans les anciennes murailles romaines, petite mais stratégiquement importante pour sa position territoriale : la route du Mont Cenis est un site-clé d’un point de vue économique, religieux (Via Francigena entre Rome et la France) et militaire, donc politique.

La ville subit les invasions barbares, est dévastée par les Burgondes en 492, devient duché longobard en 570, puis comté franc au IXe siècle.

Elle est dominée au XIe siècle par Adélaïde (fille d’Olderico Manfredi), comtesse de Turin et à la tête d’une « marche » qui comprend une partie du Piémont et descend jusqu’à la Ligurie (comtés d’Asti, Alba, Albenga, Ventimiglia, Susa).

Vers 1050, Adélaïde épouse en troisièmes noces le comte Odon de Maurienne–Savoie, fils d’Umberto Biancamano, et étend son domaine au-delà des Alpes ; le mariage fut suscité par l’empereur qui souhaitait une continuité territoriale le long des routes de France, de Turin à Chambéry.

Adélaïde fut, comme Mathilde de Canossa en Toscane, l’un des grands personnages de l’histoire ; c’est elle qui projettera les Savoie dans l’histoire italienne.

Jusqu’au XIIIe siècle

La Commune se développe sous l’égide de l’évêque et avec l’appui de l’empereur, pour limiter la puissance des marquis de Maurienne–Savoie et contrôler la route de France.

C’est seulement en 1290 que les Savoie obtiennent la possession définitive de Turin.

Les Savoie, comme les Arduinici, étaient l’une des familles qui s’étaient affirmées au cours de la désagrégation de l’empire carolingien.

Origine des Savoie

On sait peu de choses de ses débuts, sinon qu’elle est originaire de Bourgogne. Le premier comte et marquis connu est Umberto Biancamano :

Son fils, Umberto Biancamano, est fait connétable du royaume de Bourgogne par l’empereur Conrad II. Il possède :

Il est enseveli dans le vestibule de l’abbaye de Saint Jean de Maurienne (cf. Jean d’Orville, dit Cabaret).

Origine du nom Savoie

Le nom latin est « Sapaudia » devenu « Sapodia », puis « Saboia » en 806 et enfin « Savoia ».

Il viendrait de « SAP » = sapin (pays riche en sapins), ou de « Sauve voye » = voie sûre entre France et Italie.

Déclin territorial et renforcement stratégique

Les domaines des Savoie se démembrent à partir de Umberto II (mort en 1103), à qui il ne reste que :

Mais il fonde sa puissance sur la possession de Susa et du versant italien du Mont Cenis, point-clé de la via Francigena.

Amedeo III (1095–1148)

La famille de Savoie, bien que petite, est insérée parmi les « grands » d’Europe :

Amedeo III s’allie à la France qui l’encourage à s’étendre vers l’Italie.

Tommaso I (1178–1233)

Leur fille Béatrice est mère de 4 reines :

Rapports entre Comte et ville

Les rapports évoluent peu à peu :

Ce n’est qu’en 1424 qu’Amedeo VIII quitte Chambéry pour faire de Turin sa résidence officielle.

La vie urbaine médiévale

Depuis 1360, la Commune a des statuts publics régulant les droits et devoirs des individus et corporations :

Les liens entre Turin et la campagne sont très étroits :

La féodalité laïque, contre laquelle lutte la Commune avec l’aide de l’évêque, possède une abondance de châteaux dans la campagne.

Vestiges de la ville médiévale

Turin a une Université et de nombreux hôpitaux. Elle compte environ 4000 habitants.

3) Turin aux XVe et XVIe siècles

a) Avant la domination française

Jusqu’au début du XVIe siècle, Turin est encore semblable à la ville médiévale. Outre la construction de 4 bastions aux angles des murs romains, la seule initiative notable est la construction de la cathédrale San Giovanni (1490–1498).

Sur commission de l’évêque Domenico della Rovere, on abat les trois églises existantes sur cet espace, et l’on demande la construction d’une cathédrale à l’architecte toscan Amedeo da Settignano, dit Meo del Caprino. Il construit un édifice de style Renaissance toscane, en croix latine, avec une coupole octogonale.

L’abside fut détruite en 1656 pour faire place à la chapelle du Saint Suaire, commandée par Charles Emmanuel II à l’architecte Amedeo di Castellamonte, pour y placer le Saint Suaire, en possession des Savoie depuis 1452 et transféré de Chambéry à Turin en 1578. La chapelle fut terminée en style baroque par Guarini en 1694.

Parmi les comtes de Savoie, les plus importants furent :

b) La domination française (1536–1559)

En 1536, François I envahit le Piémont, revendiquant la possession du duché comme héritier de sa mère Louise de Savoie.

Le vice-roi français :

Le Piémont est alors intégré à la France, devenu un lieu de passage stratégique pour les armées françaises.

Pendant cette occupation, les ducs de Savoie se réfugient à Vercelli. Emmanuel-Philibert, fils de Charles III, exilé à la cour de Philippe II de Habsbourg, est nommé capitaine de l’armée impériale.

Il vainc les Français à Saint-Quentin en 1557, et, par le Traité de Cateau-Cambrésis (avril 1559), récupère ses états.

En 1563, il transfère la capitale de Chambéry à Turin :

Turin compte alors environ 30 000 habitants. Emmanuel-Philibert se consacre à la restructuration de la ville, encore trop petite et peu aménagée pour être une véritable capitale.

c) Après 1559

Emmanuel-Philibert (1553–1580) se réconcilie avec la France et épouse Marguerite de Valois, fille de François I.

Turin reste relativement inchangée jusqu’en 1620, mais Emmanuel-Philibert entreprend plusieurs actions majeures :

Les intellectuels et artistes affluent à Turin, transformant la ville en un centre culturel et politique de plus en plus affirmé.

4) Les agrandissements des XVIIe et XVIIIe siècles

Les ducs de Savoie prennent vite place parmi les grandes puissances européennes. Ils deviennent rois à partir de l’obtention de la Sardaigne en 1713. Sur le plan intérieur, l’État se renforce, passant des compromis avec les forces politiques et économiques communales et l’Église.

À partir d’Emmanuel-Philibert, les ducs s’attachent à la restructuration administrative de la ville, à son développement urbain vers une véritable capitale, et à sa défense militaire. Tout cela s’inscrit dans le contexte de la Contre-Réforme, sans renoncer à une certaine autonomie vis-à-vis de l’Église romaine :

Arrivé dans une ville médiévale étriquée et insalubre, Emmanuel-Philibert est atterré : rues étroites, maisons tassées, eaux usées dans les rues, égouts romains hors service.

Évolution de la population :

Pour accueillir la cour, il faut construire des palais, élargir et assainir les rues, ériger des édifices politiques prestigieux.

Les trois agrandissements respectent la structure du camp romain : rues perpendiculaires, grande place centrale correspondant au Forum. Chaque quartier neuf implique un déplacement des murailles. L’urbanisme est dirigé par un Magistrat des Constructions, garant de l’unité architecturale et décorative.

a) Premier agrandissement

Réalisé par Carlo di Castellamonte, il repose sur un plan rationnel centré sur une place et un axe, entourés de rues perpendiculaires. Façades uniformes, décoration homogène.

b) Restructuration de Piazza Castello

Objectif : créer un grand centre politico-religieux. Dès 1606, les terrains sont cédés aux propriétaires qui construisent avec arcades et terrasses ; plus tard remplacées par des façades homogènes avec tympans triangulaires et semi-circulaires.

c) Autorité civile de la Municipalité

Pour affirmer son indépendance, la Commune fait bâtir :

Sur via Palazzo di Città ouverte en 1619, Vittozzi construit :

La place conserve sa vocation commerciale, héritée du Forum romain :

d) Deuxième agrandissement (1673)

Face à l’expansion de l’État, Turin s’étend vers l’Est avec la diagonale de via Po jusqu’au fleuve.

Constructions notables :

Entre 1717 et 1731, Juvarra construit sur la colline la Basilique de Superga en remerciement de la victoire de 1706. En 1713, le traité d’Utrecht attribue à la Savoie le royaume de Sicile, échangé en 1715 contre celui de Sardaigne.

e) Troisième agrandissement (1719)

Face à de nouvelles exigences militaires, Juvarra conçoit des quartiers militaires de l’autre côté de la ville.

Le territoire autour de Turin, y compris au-delà du Pô, est scénographié par la construction :

5) Turin au XIXe siècle : une ville bourgeoise

a) La domination napoléonienne

En 1792, le royaume de Sardaigne participe à la guerre contre la France révolutionnaire. En 1798, Turin, abandonnée par la famille royale réfugiée en Sardaigne, est conquise par les Français. En 1802, la ville devient capitale du Département du Pô.

Les transformations sont profondes :

b) Après la restauration de 1815

Ces transformations reflètent un style néoclassique (la Gran Madre s’inspire du Panthéon de Rome).

c) Après 1840, Turin capitale de l’Italie (1861–1865)

Entre 1848 et 1861, Turin devient un des principaux centres politiques européens :

Turin accueille une forte population immigrée : Lombards, Toscans, Vénètes, Napolitains, Siciliens.