TORINO - Turin
1— ÉLÉMENTS D’HISTOIRE DE TURIN
1) La Turin préromaine et romaine
a) On a peu de documents sur la Turin préromaine
Une seule chose sûre : au IIIe siècle av. J.C. existait au débouché de la vallée de Suse, au confluent du Po et de la Dora Riparia, un village fortifié qui put résister 3 jours à la forte armée d’Hannibal.
Les habitants étaient, selon Pline, les « Taurini » (d’un mot indoeuropéen « taur » signifiant le mont), une des plus importantes tribus ethniques celto-ligures, provenant d’une fusion entre :
- les Ligures d’origine ibérique, premiers occupants de l’Italie depuis le 2ème millénaire
- et les Gaulois celtes venus dans la plaine du Po au Ve siècle av. J.C.
C’était la tribu du Taureau, qui reste l’emblème de Turin (Cf. l’équipe de football de la Juve).
Selon la légende, Turin aurait été fondée par Phaéton Éridan, prince égyptien, qui traversa la Méditerranée, remonta l’Italie et s’installa au confluent de la Dora et du Po ; il appela la ville « taurina » en souvenir du dieu égyptien Apis à tête de taureau ; il se noya dans le Pô, appelé en latin « Eridanus », suite à une chute de char.
Cela rejoint la légende grecque de Phaéton, fils du Soleil, précipité dans l’Éridan par son père pour éviter une catastrophe alors qu’il conduisait le char du Soleil.
b) Au IIIe siècle av. J.C., expansion romaine dans la plaine du Po
- Défaite des Gaulois en –221.
- En –218, les Gaulois s’allient à Hannibal, mais Turin reste fidèle à Rome qui lui permettait de dominer les autres tribus.
- Arrivant des Alpes, Hannibal détruit la ville pour 150 ans.
En –89, les Taurini obtiennent la citoyenneté romaine partielle.
Au Ier s. av. J.C., par décision de Jules César, Turin devient une position avancée pour les opérations en Gaule et en Grande-Bretagne : Turin naît comme campement pour les garnisons (3000 vétérans) de garde des vallées alpines, position stratégique au croisement de voies consulaires et alpines.
La ville est appelée « Julia Augusta Taurinorum » en 28 av. J.C.
Voir le plan de la ville : un « castrum » romain presque carré entouré de murailles, traversé par :
- un « cardo » (voie Nord - Sud) = Via Porta Palatina
- un « decumanus » (voie Est - Ouest) = Via Garibaldi
- des « decumanus » mineurs = rues Bertola et Monte di Pietà à droite, rues Corte d’Appello et San Domenico à gauche
- des « cardines » mineurs = rues Stampatori et Botero à droite, rues Delle Orfane et Milano à gauche de la rue Garibaldi
c) Les murs de la ville
Les murs de la ville étaient renforcés par des tours polygonales situées à 70 mètres l’une de l’autre (2 sont visibles à l’angle de via della Consolata et via Giulio, et à l’intérieur du Théâtre romain).
L’enceinte est formée d’un conglomérat de chaux et de cailloux du fleuve, avec des rangées de briques intercalées.
La ville s’ouvrait par 4 portes ; 2 restent visibles :
- le sommet des deux tours de Porta Praetoria dans le Palais Madame
- la Porte Palatine avec ses 2 tours à 16 côtés pour dévier les projectiles des catapultes et ses 4 ouvertures, larges pour les chars et étroites pour les piétons
De la ville romaine reste encore le Théâtre, derrière le Palais Royal, mais aucun autre reste de maison ou édifice.
Au Museo di Antichità, on peut voir des :
- stèles funéraires
- frises
- instruments domestiques
- instruments de chirurgie
- objets d’ornement féminin (aiguilles, boucles d’oreille, colliers, bagues …)
Le christianisme s’installe à Turin en particulier grâce à San Massimo, premier évêque de Turin (fin IVe – début Ve siècles), à qui Charles-Albert fera construire une église de 1844 à 1853.
2) Turin au Moyen-Âge
Turin reste pendant toute cette période une ville enfermée dans les anciennes murailles romaines, petite mais stratégiquement importante pour sa position territoriale : la route du Mont Cenis est un site-clé d’un point de vue économique, religieux (Via Francigena entre Rome et la France) et militaire, donc politique.
La ville subit les invasions barbares, est dévastée par les Burgondes en 492, devient duché longobard en 570, puis comté franc au IXe siècle.
Elle est dominée au XIe siècle par Adélaïde (fille d’Olderico Manfredi), comtesse de Turin et à la tête d’une « marche » qui comprend une partie du Piémont et descend jusqu’à la Ligurie (comtés d’Asti, Alba, Albenga, Ventimiglia, Susa).
Vers 1050, Adélaïde épouse en troisièmes noces le comte Odon de Maurienne–Savoie, fils d’Umberto Biancamano, et étend son domaine au-delà des Alpes ; le mariage fut suscité par l’empereur qui souhaitait une continuité territoriale le long des routes de France, de Turin à Chambéry.
Adélaïde fut, comme Mathilde de Canossa en Toscane, l’un des grands personnages de l’histoire ; c’est elle qui projettera les Savoie dans l’histoire italienne.
Jusqu’au XIIIe siècle
La Commune se développe sous l’égide de l’évêque et avec l’appui de l’empereur, pour limiter la puissance des marquis de Maurienne–Savoie et contrôler la route de France.
C’est seulement en 1290 que les Savoie obtiennent la possession définitive de Turin.
Les Savoie, comme les Arduinici, étaient l’une des familles qui s’étaient affirmées au cours de la désagrégation de l’empire carolingien.
Origine des Savoie
On sait peu de choses de ses débuts, sinon qu’elle est originaire de Bourgogne. Le premier comte et marquis connu est Umberto Biancamano :
- Son surnom « aux blanches mains » viendrait en réalité de « blanchis moenibus » (blanches forteresses), mal copié en « blanchis manibus ».
- Mort vers 1048.
- Selon la légende, fils du noble Beroldo, neveu de l’empereur Othon II de Saxe.
- Dans la chanson de geste du XVe siècle, il aurait vengé son oncle en tuant l’impératrice infidèle avant de devenir chevalier errant.
Son fils, Umberto Biancamano, est fait connétable du royaume de Bourgogne par l’empereur Conrad II. Il possède :
- une partie du Viennois
- les comtés de Sermorens et Belley
- la Savoie, Aoste, la Maurienne, le Chablais, la Tarentaise
- l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune en Valais
Il est enseveli dans le vestibule de l’abbaye de Saint Jean de Maurienne (cf. Jean d’Orville, dit Cabaret).
Origine du nom Savoie
Le nom latin est « Sapaudia » devenu « Sapodia », puis « Saboia » en 806 et enfin « Savoia ».
Il viendrait de « SAP » = sapin (pays riche en sapins), ou de « Sauve voye » = voie sûre entre France et Italie.
Déclin territorial et renforcement stratégique
Les domaines des Savoie se démembrent à partir de Umberto II (mort en 1103), à qui il ne reste que :
- les vallées d’Aoste et de la Doria Riparia
- quelques fiefs en Piémont
Mais il fonde sa puissance sur la possession de Susa et du versant italien du Mont Cenis, point-clé de la via Francigena.
Amedeo III (1095–1148)
- Prend le titre de Comte de Savoie
- Adopte l’emblème de la croix blanche sur fond rouge
- Crée en 1135 l’abbaye d’Hautecombe, sépulture des Savoie
La famille de Savoie, bien que petite, est insérée parmi les « grands » d’Europe :
- Son oncle maternel Guy de Bourgogne devient pape (Calixte III)
- Sa sœur Adélaïde épouse Louis VI, mère de Louis VII
- Sa mère Gisèle épouse en secondes noces Ranieri di Monferrato
Amedeo III s’allie à la France qui l’encourage à s’étendre vers l’Italie.
Tommaso I (1178–1233)
- Renforce le comté
- Acquiert le comté de Vaud
- Enlève Béatrice de Genève avec qui il a 12 enfants
Leur fille Béatrice est mère de 4 reines :
- Marguerite épouse Louis IX, roi de France
- Éléonore épouse Henri III, roi d’Angleterre
- Béatrice épouse Charles d’Anjou, roi de Naples
- Sanzia épouse Richard de Cornouailles, roi d’Allemagne
Rapports entre Comte et ville
Les rapports évoluent peu à peu :
- Turin est une commune relativement autonome
- Le comte a un pouvoir certain, mais tout se règle par des contrats
Ce n’est qu’en 1424 qu’Amedeo VIII quitte Chambéry pour faire de Turin sa résidence officielle.
La vie urbaine médiévale
Depuis 1360, la Commune a des statuts publics régulant les droits et devoirs des individus et corporations :
- Chaque rue porte le nom des artisans qui y travaillent : charbonniers, drapiers, tanneurs, métalliers, maçons, aubergistes, boulangers, médecins, avocats, notaires…
Les liens entre Turin et la campagne sont très étroits :
- Champs autour de la ville sur un rayon de 15 km
- Nombreux monastères riches
- Production agricole aussi à l’intérieur des murs : jardins, champs
La féodalité laïque, contre laquelle lutte la Commune avec l’aide de l’évêque, possède une abondance de châteaux dans la campagne.
Vestiges de la ville médiévale
- Maisons : Via dei Mercanti, n° 9 (fenêtres ogivales) ; Casa del Pingone, Via IV Marzo, angle Via Tasso
- Églises : clocher roman de S. André (XIe siècle) ; église gothique de S. Dominique (fresques XIVe, portail à haute guimberge)
- Château : château des Savoie-Acaja (Palais Madame), commencé en 1276, complété entre 1337 et 1420
Turin a une Université et de nombreux hôpitaux. Elle compte environ 4000 habitants.
3) Turin aux XVe et XVIe siècles
a) Avant la domination française
Jusqu’au début du XVIe siècle, Turin est encore semblable à la ville médiévale. Outre la construction de 4 bastions aux angles des murs romains, la seule initiative notable est la construction de la cathédrale San Giovanni (1490–1498).
Sur commission de l’évêque Domenico della Rovere, on abat les trois églises existantes sur cet espace, et l’on demande la construction d’une cathédrale à l’architecte toscan Amedeo da Settignano, dit Meo del Caprino. Il construit un édifice de style Renaissance toscane, en croix latine, avec une coupole octogonale.
L’abside fut détruite en 1656 pour faire place à la chapelle du Saint Suaire, commandée par Charles Emmanuel II à l’architecte Amedeo di Castellamonte, pour y placer le Saint Suaire, en possession des Savoie depuis 1452 et transféré de Chambéry à Turin en 1578. La chapelle fut terminée en style baroque par Guarini en 1694.
Parmi les comtes de Savoie, les plus importants furent :
- Amédée V dit « Le Grand » (1285–1323)
- Amédée VI dit « Le Comte Vert » (1344–1363)
- Amédée VII dit « Le Comte Rouge » (1383–1391)
- Amédée VIII (1391–1440), premier duc de Savoie à partir de 1416
b) La domination française (1536–1559)
En 1536, François I envahit le Piémont, revendiquant la possession du duché comme héritier de sa mère Louise de Savoie.
Le vice-roi français :
- fortifie la ville
- rase des quartiers populaires pour raisons de sécurité
- ferme l’Université, jugée favorable aux Savoie
- développe les hôpitaux, face à l’afflux de mendiants et malades causé par la guerre contre Charles Quint
Le Piémont est alors intégré à la France, devenu un lieu de passage stratégique pour les armées françaises.
Pendant cette occupation, les ducs de Savoie se réfugient à Vercelli. Emmanuel-Philibert, fils de Charles III, exilé à la cour de Philippe II de Habsbourg, est nommé capitaine de l’armée impériale.
Il vainc les Français à Saint-Quentin en 1557, et, par le Traité de Cateau-Cambrésis (avril 1559), récupère ses états.
En 1563, il transfère la capitale de Chambéry à Turin :
- le Sénat est installé à Turin
- l’Université est ramenée de Mondovì à Turin
Turin compte alors environ 30 000 habitants. Emmanuel-Philibert se consacre à la restructuration de la ville, encore trop petite et peu aménagée pour être une véritable capitale.
c) Après 1559
Emmanuel-Philibert (1553–1580) se réconcilie avec la France et épouse Marguerite de Valois, fille de François I.
Turin reste relativement inchangée jusqu’en 1620, mais Emmanuel-Philibert entreprend plusieurs actions majeures :
- Construction de la Citadelle (1566), selon les techniques militaires les plus modernes, avec l’architecte Francesco Paciotto, disciple de Francesco di Giorgio Martini
- Développement de manufactures urbaines et de la culture du mûrier dans la zone du Parc Royal
- Construction de palais pour les membres de la cour installés à Turin (ex. : palais Scaglia)
- Soutien à l’Université, développement de l’imprimerie (imprimeur Bevilacqua)
- Commande de la première histoire de Turin : Augusta Taurinorum (1582) par Filiberto Pingone
Les intellectuels et artistes affluent à Turin, transformant la ville en un centre culturel et politique de plus en plus affirmé.
4) Les agrandissements des XVIIe et XVIIIe siècles
Les ducs de Savoie prennent vite place parmi les grandes puissances européennes. Ils deviennent rois à partir de l’obtention de la Sardaigne en 1713. Sur le plan intérieur, l’État se renforce, passant des compromis avec les forces politiques et économiques communales et l’Église.
À partir d’Emmanuel-Philibert, les ducs s’attachent à la restructuration administrative de la ville, à son développement urbain vers une véritable capitale, et à sa défense militaire. Tout cela s’inscrit dans le contexte de la Contre-Réforme, sans renoncer à une certaine autonomie vis-à-vis de l’Église romaine :
- Application stricte des décrets du Concile de Trente
- Tolérance croissante envers les Vaudois et protestants (édit de tolérance de 1694)
Arrivé dans une ville médiévale étriquée et insalubre, Emmanuel-Philibert est atterré : rues étroites, maisons tassées, eaux usées dans les rues, égouts romains hors service.
Évolution de la population :
- 1560 : 30 000 habitants
- 1596 : 32 000
- 1631 : 36 000 (après deux pestes en 1598 et 1630)
- 1700 : 48 000
- 1750 : 69 000
- 1789 : 92 000
Pour accueillir la cour, il faut construire des palais, élargir et assainir les rues, ériger des édifices politiques prestigieux.
Les trois agrandissements respectent la structure du camp romain : rues perpendiculaires, grande place centrale correspondant au Forum. Chaque quartier neuf implique un déplacement des murailles. L’urbanisme est dirigé par un Magistrat des Constructions, garant de l’unité architecturale et décorative.
a) Premier agrandissement
Réalisé par Carlo di Castellamonte, il repose sur un plan rationnel centré sur une place et un axe, entourés de rues perpendiculaires. Façades uniformes, décoration homogène.
- Place Royale (aujourd’hui place San Carlo)
- Fonctions : place d’armes, marché, foires, processions, tournois, départ des diligences
- Au sud : deux églises baroques :
- à droite : San Carlo (1619, Carlo di Castellamonte)
- à gauche : Santa Cristina (1639, même architecte, façade de Filippo Juvarra en 1715)
b) Restructuration de Piazza Castello
Objectif : créer un grand centre politico-religieux. Dès 1606, les terrains sont cédés aux propriétaires qui construisent avec arcades et terrasses ; plus tard remplacées par des façades homogènes avec tympans triangulaires et semi-circulaires.
- Architecte : Vittozzi
- Fonction : espace festif et cérémoniel
- Palais Royal (Amedeo di Castellamonte, sur ordre de Christine de France) avec jardins de Le Nôtre (1697)
- Autour :
- à gauche : palais Chiablese
- à droite : Armurerie Royale
- Galeries aujourd’hui détruites reliaient les bâtiments ; l’une est remplacée par une grille avec statues des Dioscures
- Église San Lorenzo (Guarini, 1634–1667), liée au Palais Royal
c) Autorité civile de la Municipalité
Pour affirmer son indépendance, la Commune fait bâtir :
- Palazzo di Città (Lanfranchi, 1658), style moins sévère
- Place delle Erbe (Lanfranchi), refaite en 1756 par Benedetto Alfieri
Sur via Palazzo di Città ouverte en 1619, Vittozzi construit :
- Église du Corpus Domini (1603), en mémoire du miracle eucharistique de 1453
- Derrière : église dello Spirito Santo (G. B. Feroggio, 1765)
La place conserve sa vocation commerciale, héritée du Forum romain :
- marchands, auberges, dentistes, barbiers, artisans
- spectacles de Commedia dell’Arte en parallèle au théâtre de cour
d) Deuxième agrandissement (1673)
Face à l’expansion de l’État, Turin s’étend vers l’Est avec la diagonale de via Po jusqu’au fleuve.
- Façades similaires à via Nuova (via Roma), maisons plus hautes
- Rez-de-chaussée : boutiques ; mezzanine ; 1er étage pour le propriétaire ; étages supérieurs loués
- Place Carlina (1678), position décentrée
Constructions notables :
- Palais Carignano (Guarini, 1679–1685) pour la branche cadette des Savoie
- Écuries (aujourd’hui Bibliothèque Nationale) sur place Carlo Alberto
- Collège des Nobles (Guarini), aujourd’hui Académie des Sciences et musée égyptien
- Ospedale di Carità (Castellamonte, 1678), entre via Po et via Verdi
Entre 1717 et 1731, Juvarra construit sur la colline la Basilique de Superga en remerciement de la victoire de 1706. En 1713, le traité d’Utrecht attribue à la Savoie le royaume de Sicile, échangé en 1715 contre celui de Sardaigne.
e) Troisième agrandissement (1719)
Face à de nouvelles exigences militaires, Juvarra conçoit des quartiers militaires de l’autre côté de la ville.
- Victor-Amédée II (1684–1730) réorganise l’administration : Conseil d’État, Secrétariat d’État à la guerre, Archives, Chambre des Comptes
- Construction des bâtiments administratifs (actuelle Préfecture, Piazza Castello)
- Palais Madame restructuré par Juvarra (1718–1721), avec verrières laissant entrevoir les festivités
- Charles-Emmanuel III (1730–1773) restructure places et rues :
- Piazza della Repubblica
- via Garibaldi, via Milano
Le territoire autour de Turin, y compris au-delà du Pô, est scénographié par la construction :
- d’églises : Santa Maria del Monte, église des Capucins
- de villas princières avec annexes agricoles :
- Villa della Regina (Juvarra, 1729)
- Château du Valentino (Carlo et Amedeo Castellamonte)
- Venaria, châteaux de Rivoli, Mirafiori, Moncalieri
- Palazzina di Stupinigi (Juvarra, 1729–1731) avec grand parc pour chasses royales
5) Turin au XIXe siècle : une ville bourgeoise
a) La domination napoléonienne
En 1792, le royaume de Sardaigne participe à la guerre contre la France révolutionnaire. En 1798, Turin, abandonnée par la famille royale réfugiée en Sardaigne, est conquise par les Français. En 1802, la ville devient capitale du Département du Pô.
Les transformations sont profondes :
- Insertion de la bourgeoisie dans l’administration
- Démolition des murailles le 23 juin 1800, ouvrant la ville à l’expansion
- Révision de l’urbanisme : destruction de la galerie entre le Palais Royal et le Palais Madame, remplacée par la grille de Pelagio Pelagi
- Remplacement du pont de bois par un pont de pierre facilitant l’accès aux collines
b) Après la restauration de 1815
- La colline est intégrée à la ville par la place Vittorio Veneto (Giuseppe Frizzi, 1825–1830), débouché monumental de la via Po
- De l’autre côté du Pô, la Gran Madre di Dio est construite (Ferdinando Signore, 1818–1831) pour célébrer le retour de Vittorio Emanuele I
- Via Milano est prolongée jusqu’à la Dora (1826) ; place della Repubblica (Carlo Bernardo Mosca, 1830) devient un grand marché du quartier Balôn
- Place Carlo Felice ouverte en 1850 au bout de la via Roma ; intégration de zones vertes (Jardins Cavour, places Balbo et Maria Teresa)
- À l’ouest, édifices plus hauts, règles de façade assouplies
- Pont en fer construit en 1840 par Paul Lehaitre
Ces transformations reflètent un style néoclassique (la Gran Madre s’inspire du Panthéon de Rome).
c) Après 1840, Turin capitale de l’Italie (1861–1865)
- Charles-Albert promeut un style néogothique et le néo-guelfisme (nationalisme monarchique)
- Pelagio Pelagi rénove le Palais Royal, érige le monument au Comte Vert (1853), construit les châteaux de Pollenzo et Racconigi
Entre 1848 et 1861, Turin devient un des principaux centres politiques européens :
- Gare de Porta Nuova (Mazzucchetti & Ceppi, 1861–1868) : verrière métallique inspirée du Palais Madame
- Alessandro Antonelli (1798–1888) conçoit la Mole Antonelliana (1863–1889), ex-synagogue devenue emblème de Turin
Turin accueille une forte population immigrée : Lombards, Toscans, Vénètes, Napolitains, Siciliens.
- Place Statuto (Giuseppe Bollati, 1864) : dernière place baroque, premières spéculations immobilières
- Assainissement du centre historique
- Ouverture de nouvelles rues : via XX Settembre, via Pietro Micca (1898)
- Création de places monumentales<
5) Turin au XIXe siècle : une ville bourgeoise
a) La domination napoléonienne
En 1792, le royaume de Sardaigne participe à la guerre contre la France révolutionnaire. En 1798, Turin, abandonnée par la famille royale réfugiée en Sardaigne, est conquise par les Français. En 1802, la ville devient capitale du Département du Pô.
Les transformations sont profondes :
- Insertion de la bourgeoisie dans l’administration
- Démolition des murailles le 23 juin 1800, ouvrant la ville à l’expansion
- Révision de l’urbanisme : destruction de la galerie entre le Palais Royal et le Palais Madame, remplacée par la grille de Pelagio Pelagi
- Remplacement du pont de bois par un pont de pierre facilitant l’accès aux collines
b) Après la restauration de 1815
- La colline est intégrée à la ville par la place Vittorio Veneto (Giuseppe Frizzi, 1825–1830), débouché monumental de la via Po
- De l’autre côté du Pô, la Gran Madre di Dio est construite (Ferdinando Signore, 1818–1831) pour célébrer le retour de Vittorio Emanuele I
- Via Milano est prolongée jusqu’à la Dora (1826) ; place della Repubblica (Carlo Bernardo Mosca, 1830) devient un grand marché du quartier Balôn
- Place Carlo Felice ouverte en 1850 au bout de la via Roma ; intégration de zones vertes (Jardins Cavour, places Balbo et Maria Teresa)
- À l’ouest, édifices plus hauts, règles de façade assouplies
- Pont en fer construit en 1840 par Paul Lehaitre
Ces transformations reflètent un style néoclassique (la Gran Madre s’inspire du Panthéon de Rome).
c) Après 1840, Turin capitale de l’Italie (1861–1865)
- Charles-Albert promeut un style néogothique et le néo-guelfisme (nationalisme monarchique)
- Pelagio Pelagi rénove le Palais Royal, érige le monument au Comte Vert (1853), construit les châteaux de Pollenzo et Racconigi
Entre 1848 et 1861, Turin devient un des principaux centres politiques européens :
- Gare de Porta Nuova (Mazzucchetti & Ceppi, 1861–1868) : verrière métallique inspirée du Palais Madame
- Alessandro Antonelli (1798–1888) conçoit la Mole Antonelliana (1863–1889), ex-synagogue devenue emblème de Turin
Turin accueille une forte population immigrée : Lombards, Toscans, Vénètes, Napolitains, Siciliens.
- Place Statuto (Giuseppe Bollati, 1864) : dernière place baroque, premières spéculations immobilières
- Assainissement du centre historique
- Ouverture de nouvelles rues : via XX Settembre, via Pietro Micca (1898)
- Création de places monumentales :
- Place Solferino (1898)
- Monuments à Ferdinand, duc de Gênes (1877), Emmanuel-Philibert (1838), Charles-Albert (1861), Cavour (1873), Vincenzo Gioberti (1859)
- Statues de Lagrange (1867), Paleocapa (1871), Lamarmora (1867), Vittorio Emanuele II (1899), Mazzini, Balbo, Manin, Garibaldi…
d) Valorisation du passé médiéval
Pour compenser l'effacement du Moyen Âge par le baroque :
- Restauration des maisons médiévales
- Bourg médiéval du parc du Valentino (Alfredo d’Andrade, 1884), reproduction d’édifices du XVe siècle piémontais et valdôtains
e) Turin, centre industriel moderne
- FIAT fondée en 1899 par la famille Agnelli, regroupant plusieurs petites usines
- Développement de l’industrie textile, chimique, tabac, bougies, papier
- Modernisation des infrastructures :
- Réfection des égouts
- Arrivée de l’eau courante
- Électrification des transports dès 1897
- Éclairage au gaz en 1837, à l’électricité en 1884
La promotion industrielle passe par des Expositions internationales (1871, 1880, 1884, 1888, 1890, 1911). Le style turinois est éclectique : néo-gothique, roman, Renaissance, égyptien, mauresque, baroque.
Naissance d’un style spécifique : Industrie Subalpine, avec des lieux emblématiques :
- Place Castello
- Galerie Saint Frédéric
- Via Roma
Ces espaces deviennent des centres bourgeois, écartant marchés populaires et artisanat.
f) Création de grands musées
- Musée égyptien : fondé en 1824 par Charles-Félix, enrichi par les fouilles de Schiapparelli et Farina (1903–1930), dons égyptiens (1969–1970). Un des plus importants au monde après celui du Caire.
- Galleria Sabauda : peinture italienne et piémontaise
- Palais Madama : appartements, peinture, sculpture, céramique
- Musée National du Risorgimento (Palais Carignano)
- Armurerie Royale
- Museo Civico d’Arte Antica : objets antiques, restes romains
- Musée de Psychiatrie et d’Anthropologie criminelle
- Musée National de l’Automobile
- Musée du Cinéma
6) Turin au XXe siècle … et au XXIe
Première Guerre mondiale et industrialisation
La Première Guerre mondiale provoque une expansion industrielle significative, notamment dans le textile, l’industrie mécanique et automobile.
- FIAT passe de la 30e à la 3e place dans l’industrie nationale
- Effectifs : de 4 000 ouvriers en 1914 à 40 000 en 1918
La population augmente, notamment ouvrière (40 % de la population active), qui s’organise dans des syndicats et les partis socialiste puis communiste.
Turin, qui a perdu son rôle de capitale politique en 1865, devient une capitale économique et un grand centre du capitalisme italien.
Architecture moderne et rationalisme
Une nouvelle conception de l’architecture fondée sur l’urbanisme planifié et l’usage de technologies avancées émerge :
- Bâtiment du Lingotto (Giacomo Mattè Trucco, 1916) : rampes d’accès, piste d’essai sur le toit — symbole du principe divin de l’ordre selon Persico
- Zone hospitalière construite en 1926, complétée en 1960
Fascisme et transformations urbaines
Le fascisme et la crise de 1929 induisent des changements majeurs :
- Remplacement du style Liberty par un néoclassicisme austère
- Reconstruction de la via Roma (Marcello Piacentini)
- Installation des statues du Po et de la Dora (1935–1937) derrière les églises de la place San Carlo
- Torre Littoria construite en 1937 au bout de la via Roma
FIAT inaugure en 1936 les ateliers de Mirafiori (22 000 ouvriers, doublés en 1960).
Le régime fasciste lance un plan de travaux publics : piscine communale, stade, nouvelle place de la République.
Seconde Guerre mondiale et reconstruction
La guerre stimule encore l’industrie mécanique mais cause d’immenses destructions à Turin.
- Crise jusqu’en 1950
- Reconstruction puis boom économique dans les années 1955–1960
- Turin devient un îlot de prospérité
En 1981 :
- Population de la ville : 1 117 154 habitants
- Avec la banlieue : 1 843 993 habitants
Cette croissance est due à une forte immigration interne depuis les années 1950, faisant de Turin « la troisième ville du Sud ». La population est aujourd’hui un peu inférieure.
Réalisations modernes
Malgré les difficultés des banlieues pauvres, Turin connaît de remarquables constructions :
- Palais des Bureaux municipaux face à la cathédrale (1960)
- Pavillon central de Torino Esposizioni (Pier Luigi Nervi, 1948)
- Nouveau Musée de l’Automobile (Albertini, 1960)
- Palazzo a Vela (1961, pour le centenaire de l’unité italienne)
- Palais de la RAI (Mollino et Morbelli, 1952)
- Nouveau Théâtre Royal (1973)
- Centre extérieur de la Chambre de Commerce
- Restructuration du Lingotto avec :
- Musée Agnelli
- « Bulle » de la salle de conférence (2002–2004)
Un plan de couleurs a été adopté pour l’esthétique urbaine.
Conclusion
Ce n’est qu’une introduction à Turin et à son histoire, un résumé de ses richesses exceptionnelles. Par son histoire, son économie, son patrimoine culturel, ses musées et monuments, sa créativité artistique, Turin est :
- une des premières villes d’Italie
- l’une des plus intéressantes à visiter
- une ville où l’on a toujours envie de revenir
2— Nouveau conseil municipal - juillet 2016
Nous avons évoqué dans les nouvelles d’ « actualité politique » la nouvelle « giunta » de Rome sous la direction de la nouvelle « sindaca », Virginia Raggi...
Nous avons évoqué dans les nouvelles d’« actualité politique » la nouvelle « giunta » de Rome sous la direction de la nouvelle « sindaca », Virginia Raggi. On parle moins de ce qui s’est passé à Turin, mais la constitution de la nouvelle « giunta » M5S sous la direction de la maire Chiara Appendino est comparable à celle de Rome.
Chiara Appendino a été proclamée officiellement Maire de Turin dans la séance du Conseil municipal du 30 juin 2016 dans le Palazzo Civico (la Mairie) de la ville (Voir Photo ci-contre). La « giunta » comprend 7 femmes et 5 hommes. Parmi les élus du nouveau conseil municipal, 33 n’avaient jamais été élus, la plupart membres du Mouvement 5 Étoiles. Sur les 40 sièges :
- le M5S en aura 24
- le PD du maire sortant Piero Fassino battu au ballottage, 9
- la Liste Civique pour Fassino, 1
- les Modérés pour Fassino, 1
- Ligue du Nord, 1
- Divers, 3
- Chiara Appendino : née en 1984 à Moncalieri, chef d’entreprises, diplômée de l’Université Bocconi de Milan, conseillère municipale depuis 2011, 54,6% des voix au second tour.
- Guido Montanari : maire adjoint, Urbanisme, né en 1957, professeur d’architecture, ancien élu à Rivalta.
- Sergio Rolando : Budget, 68 ans, licencié en économie, ancien directeur de la Région Piémont.
- Roberto Finardi : Sports, ancien athlète professionnel, entraîneur olympique.
- Sonia Schellino : Politiques sociales, 50 ans, diplômée en économie, expérience à la Fondation Agnelli et Compagnie San Paolo.
- Stefania Giannuzzi : Environnement, 38 ans, sciences naturelles, aménagement provincial.
- Alberto Sacco : Commerce, né en 1971, docteur en droit, contre les grands centres commerciaux.
- Paola Pisano : Innovation, 38 ans, professeur à Turin et Londres, relie étudiants et entreprises.
- Federica Patti : Instruction, née en 1974, architecte, présidente d'une association de parents.
- Marco Alessandro Giusta : Famille et égalité des chances, 35 ans, ancien président d’Arcigay, licencié en psychologie.
- Maria Lapietra : Transports, ingénieure, planification à la Citec (Genève).
- Francesca Paola Leon : Culture, née à Washington en 1966, fille de Paolo Leon, directrice culturelle à Turin.
Comme à Rome donc, absence des politiques à l’intérieur d’une nouvelle équipe de techniciennes et techniciens. Il faudra suivre leur action, notamment sur la TAV, la pollution ou la pauvreté à Turin.
Le discours d’investiture de Virginia Raggi à Rome
Le 16 juillet 2016, lors de sa première séance, la « sindaca » de Rome a affirmé : « Nous avons restauré la démocratie dans une ville où elle n’existait plus ». Elle a souligné les défis à venir, la nécessité de reconstruire Rome et de rétablir la confiance. Les conseils seront ouverts au public et diffusés en streaming.
Elle a appelé à combattre les effets de Mafia Capitale et a rendu hommage à Luigi Petroselli et Giulio Carlo Argan. Aucun élu politique ne figure dans sa giunta. Elle a aussi rencontré le pape François, soulignant l’importance du rachat moral et du bien commun. Elle a exprimé des doutes sur les JO à Rome en raison de la dette, et alerté sur le problème des ordures.
Quelques livres récents à lire pour comprendre les problèmes de Rome
- GÉO n°445 (mars 2016) : belles photos du Latium, mais pas de fond nouveau.
- Romanzo Criminale (De Cataldo, 2002) : histoire de la bande de la Magliana.
- Suburra (Bonini & De Cataldo, 2013) : roman noir sur les mafias romaines, adapté en film.
- Îles, guide vagabond de Rome (Marco Lodoli, 2009) : promenade poétique dans 133 lieux inattendus de Rome.
Ces ouvrages montrent une autre Rome : une capitale en proie aux réseaux mafieux, mais aussi riche d’humanité et de beauté. En vous promenant à Rome, passez par la Suburra antique et repensez à ces récits.