Naples est une des villes les plus anciennes du bassin méditerranéen ; à la différence de beaucoup d'autres qui ont disparu, elle a conservé au cours de ses 29 siècles d'existence une vitalité exceptionnelle, pour une raison historique : son sort est lié initialement aux grandes civilisations méditerranéennes, - la Grèce et Rome -, puis à l'ascension du monde féodal, - monarchie normande, Frédéric II de Souabe, monarchies angevine et aragonaise -, enfin à la constitution des grands États modernes à partir du XVIIIe siècle.
Ville de fondation et de culture grecques
Fondée par les Grecs à partir du IXe siècle av. J.-C., Naples reste pendant toute l'Antiquité une ville de culture (et souvent de langue) grecque. Elle est la « ville nouvelle » (Neapolis) par opposition à la « vieille ville » (Palaepolis) fondée par des colons grecs de Cumes et d'Ischia et constituée par des couches rurales liées aux Samnites.
Palaepolis et Neapolis
Palaepolis se trouvait sur la colline de Pizzofalcone, reste d'un ancien cratère (cf. carte), et selon la tradition, elle aurait été construite sur la tombe de la Sirène Parthénopé, autre nom attaché au site de Naples. Neapolis serait au contraire une fondation de marchands et d'armateurs grecs venus de Syracuse, en relation de commerce maritime avec la Grèce et les plus grands centres de la Méditerranée ; elle est moins liée aux populations de l'intérieur, par rapport auxquelles elle représente une réalité urbaine autonome, d'une culture plus étendue et plus complexe.
Traces de la ville grecque
Il reste peu de traces de la ville grecque : des monnaies et quelques rares sculptures (statue du Nil ?), copies romaines d'original grec. Mais, si tous les monuments ont disparu, la structure de la ville ancienne est encore visible dans le centre : malgré les sièges, sacs, incendies, pillages, épidémies ... et malgré le développement sauvage imposé après 1945 par la classe dominante démocrate-chrétienne, le système urbain de Naples est marqué par une persistance rare à travers presque trente siècles d'histoire (Cf carte).
Structure urbaine
Le forum était sur l'axe du décumanus (rue est-ouest de la ville ancienne) moyen (Via dei Tribunali), la basilique se trouvait à l'emplacement de San Lorenzo ; les colonnes du Temple des Dioscures sont encore visibles sur la façade de San Paolo Maggiore ; les thermes, marchés et édifices commerciaux étaient sur le décumanus inférieur (Via San Biagio), le Théâtre et l'Odéon vers le décumanus supérieur (Anticaglia). Le noyau habité s'étendait à l'ouest autour de Piazza Dante et au nord jusqu'à Via Foria ; il était donc séparé du port et de la côte par des terrains agricoles en pente légère.
Conquêtes et influences
Conquise par les Samnites en 390 av. J.-C., puis par Rome (328 av. J.-C.) à laquelle elle reste fidèle, Naples demeure une ville de population, de langue et de culture grecques : la République est dure avec les Samnites, surtout après l'alliance de Capoue avec Hannibal, tolérante envers les colons grecs. Auguste supprime l'autonomie de la ville au profit de ses vétérans, mais Claude lui conserve son autonomie culturelle. Misène devient le principal port militaire romain et Baia le Saint-Tropez de la noblesse romaine.
Centre culturel et résidentiel
« La Grèce conquise séduit son rude vainqueur » et Naples devient le centre qui apaise la soif d'hellénisme des intellectuels et des patriciens romains. C'est à ce titre qu'elle fut choisie comme lieu de résidence et d'éducation par les classes dirigeantes romaines (empereurs : Auguste, Tibère à Capri ; Claude et Néron à Naples : villa de Lucullus, aujourd'hui Castel dell'Ovo) et par les poètes (Horace, Virgile).
Vie culturelle et théâtrale
C'est de cette époque que date la fortune littéraire et esthétique de Naples, dont la fonction commerciale s'efface au profit d'une fonction résidentielle : « ville de loisirs », « Naples reposante », douceur du climat, sources d'eau chaude, splendeur des paysages, spectacles théâtraux : Naples hérite de la vitalité et du réalisme des populations paysannes soumises par les Romains et devient un centre du théâtre comique ; Néron vient y faire des tournées, applaudi par une "claque" d'immigrés grecs, et y organiser de grands banquets identiques à celui de Trimalcion dans le Satyricon de Pétrone (et le film de Fellini).
Théâtre et littérature
Le théâtre romain de Naples est célèbre. Grande activité littéraire : le rhéteur Polémon, maître de l'empereur Marc Aurèle ; Virgile, qui compose à Naples ses Géorgiques et devient l'objet d'un véritable culte jusqu'au XIVe siècle : il est considéré comme poète, sage et magicien, il est le guide de Dante dans la Divine Comédie, et souvent le protecteur de la région contre les éruptions du Vésuve. Virgile meurt à Naples en 19 av. J.-C. : cf. le dit « Tombeau de Virgile » à Piedigrotta ; Stace (45-96 ap. J.-C.), auteur d'une Achilléide et d'une Thébaïde.
Mythologie dans la baie de Naples
La Campanie est riche de références mythologiques grecques, rappelées par Homère, Strabon, Virgile, Ovide, Boccace, etc. Parmi celles-ci, les Sirènes Leucosia, Lighea, Parthénopé. Cette dernière, à laquelle la tradition veut que Naples doive son site, fit l'objet d'un culte au moins jusqu'au premier siècle ap. J.-C. : on pratiquait en son honneur des courses appelées "lampare" (courses de lampes) consistant en une compétition dans laquelle des jeunes gens couraient en portant sur la tête une lampe allumée ; le gagnant était celui qui terminait la course sans l'avoir éteinte, vers la tombe de Parthénopé. La dernière de ces courses eut lieu en 65 ap. J.-C.
Traditions culinaires
On dit aussi que le gâteau napolitain, la « pastiera », est composée des 7 ingrédients qui étaient offerts à Parthénopé par 7 jeunes filles à l'occasion de sa fête : la farine et le blé comme produits significatifs de la terre, les œufs pour représenter la cellule qui se renouvelle, la « ricotta » en hommage aux bergers, l'eau de fleur d'oranger et de rose et le miel pour symboliser les parfums et la douceur du printemps. La « pastiera » est encore à Naples le gâteau traditionnel de Pâques.
Christianisme à Naples
Le christianisme s'implante à Naples dès le IIe siècle, époque de construction des catacombes de San Gennaro (St Janvier) à partir du tombeau d'une famille noble convertie, où furent déposés les corps des évêques martyrs St Agrippin (IIIe s.), St Janvier (305), puis de St Athanase (877). La première basilique chrétienne est construite par St Sévère à la fin du IVe s. (aujourd'hui San Giorgio Maggiore, remaniée au XVIIe s.), suivie de San Gennaro extra-moenia et Santa Maria della Sanità. Une légende, probablement fausse, voulait que St Pierre et St Paul fussent passés à Naples en se rendant à Rome ; l'emblème cruciforme trouvé dans la Maison du Bicentenaire à Herculanum pourrait confirmer la présence d'un culte chrétien antérieur à 79 dans la région. Le peuple napolitain est passé de l'adoration des idoles au culte des saints et de la Vierge.
Domination byzantine (536 - 763)
Après la chute de l'Empire romain en 476 (le dernier empereur romain est envoyé à Naples par Odoacre dans la Villa de Lucullus et y meurt), Naples reste rattachée à l'empereur byzantin pendant plus de deux siècles. Principale ville du Sud (40.000 habitants au VIIIe s.), elle résiste aux invasions lombardes, se repeuple de byzantins, adopte le grec comme langue officielle à côté du latin, construit des églises et des monastères grecs ; elle est dirigée par un « Duc » qui dépend de l'exarque de Ravenne (représentant de l'empereur d'Orient en Italie).
Catacombes chrétiennes et peintures (IIème - Xème s.)
34 sont répertoriées entre l’actuel Musée National et Capodimonte (la dite « Vallée des morts », alors hors des murs). Creusées dans le tuf jaune, elles manifestent l’importance du culte des morts à Naples, elles sont l’emblème de l’enchevêtrement entre la vie et la mort, le sacré et le profane, l’histoire et la légende, le mystère et la mémoire.
Construction de basiliques
Absides de San Giorgio Maggiore et de San Gennaro extra-moenia ; baptistère de San Giovanni in Fonte (Ve s.) d'influence orientale (mosaïques).
Duché autonome (763 - 1139) et monarchie normande (1140-1194)
En 763, le Duc Stéphane II, devenu veuf, tout en restant formellement soumis à l'Empereur byzantin, se fait élire Evêque de Naples. À partir de ce moment les ducs de Naples (dynastie des Comtes de Cumes dès 840) maintiennent l'indépendance de Naples contre les incursions lombardes, byzantines et musulmanes (victoire du consul Césarion, fils du duc Serge I, à Ostie sur les Sarrasins en 849) ; ils étendent le Duché, développent les écoles, les bibliothèques (le Duc Jean IV fait copier des manuscrits à Constantinople), l'architecture (campanile de Santa Maria Maggiore), l'orfèvrerie, le commerce des étoffes. Cela permet un important renouveau de la culture grecque.
Les monastères
Les monastères (dont celui de Pizzofalcone, auj. Castel dell'Ovo) deviennent les véritables centres de la vie sociale et économique et commencent même à s'étendre hors des murailles, vers Sant'Elmo et Posillipo. C'est autour d'eux que se concentrent les habitations. La communauté monastique de Pizzofalcone constitue, avec celle de Montecassino, l’un des centres les plus importants de la chrétienté. À partir de l’éruption terrifiante du Vésuve en 685, se développe le culte de l’évêque Agnello qui avait annoncé que la colère du volcan punirait les péchés de Napolitains.
Alliance avec les Normands
En 1027, le duc Serge IV doit s'allier au chef normand Raynulf Drengot pour lutter contre les Lombards. C'est le début de la pénétration à Naples des Normands qui, avec Robert Guiscard, avaient commencé la conquête de la Sicile et de l'Italie du Sud, pour en faire bientôt un royaume unifié qui dura jusqu'en 1860. Après une longue résistance, les Napolitains remettent la ville à Roger, roi normand de Sicile en 1139. L'histoire de Naples se confond alors avec celle du Royaume de Sicile qui avait Palerme pour capitale. Roger est un grand roi, sage et respectueux des coutumes locales ; il confie l'administration aux Napolitains mais impose aussi une organisation unitaire du Royaume qui, à la différence des villes du Nord et du Centre de l'Italie, interdit toute évolution vers une commune libre dotée d'une forte bourgeoisie locale, et ce au profit d’une bureaucratie de cour et des groupes de marchands étrangers. La priorité est donnée aux œuvres défensives, Castel dell’Ovo, restructuré comme tête de pont avancée sur la mer et Castel Capuano, construit au XIIème s. par Guillaume I au bout du décumanus médian, sur la route qui menait à Nola, d’où venait la plus forte pression lombarde.
La monarchie Souabe (1204 - 1266)
La dynastie normande se maintient jusqu'en 1194, date à laquelle la mort de Tancrède fait passer le Royaume aux mains de l'Empereur d'Allemagne, Henri VI, puis du Roi d'Allemagne et Empereur de Sicile, Frédéric II de Souabe, de 1197 à 1250. Celui-ci renforce les tendances étatiques, mais fait aussi de Naples la métropole intellectuelle ; il y crée en 1224 une Université qui devint une des plus importantes d'Italie, - rivale de celle de Bologne marquée par son hostilité à l'empire -, où se formèrent de grands intellectuels (Thomas d'Aquin) et la future classe dirigeante du Royaume, dont l'éducation échappe ainsi aux monastères. Frédéric II fait traduire les œuvres d'Aristote et de Ptolémée à partir du grec et de l'arabe ; il tente une synthèse des cultures grecque, chrétienne et musulmane qui lui vaudra une féroce inimitié du pape (excommunication). Frédéric fait une résidence royale de Castel Capuano. Son règne marque le début du développement urbain de Naples. Les trafics maritimes se font plus intenses, en particulier du fait de la ruine d’Amalfi.
Révolte et domination espagnole
Après sa mort, Naples se révolte contre Conrad IV et Manfred et se constitue en commune libre sous la protection du pape Innocent IV, qui meurt à Naples ; en échange, les couvents franciscains et dominicains, les églises fleurissent dans la ville qui restera marquée par une religiosité qu'accentuera encore la domination espagnole. « La population ne se libérera jamais plus, surtout dans sa partie féminine, de cette cape pesante de bigoterie et de superstition que l’occupation espagnole exaspérera jusqu’au fanatisme » (Antonio Ghirelli, Storia di Napoli, Einaudi, 1973, p. 13).
Monarchies angevine et aragonaise (1266 - 1503). Un prestige européen.
Après la défaite et la mort de Manfred (dernier descendant de la dynastie Souabe) en 1266 à Benevento, Naples se rallia à la dynastie d'Anjou, à laquelle le Pape avait fait appel pour lutter contre l'Empereur Frédéric II et ses descendants.
Charles Ier d'Anjou
Charles Ier d'Anjou, frère du roi Louis IX, transfère alors la capitale de Palerme à Naples ; le Royaume de Sicile devient « Royaume de Naples ». La ville s'étend et les murailles incluent le port et les zones adjacentes ; après les colonies pisanes et génoises, viennent s'y installer des commerçants et marchands catalans, marseillais, florentins. Les nouvelles constructions se multiplient : Castel Nuovo (nouveau palais royal construit entre 1279 et 1282, qui remplace la résidence de Castel dell’Ovo, et comble le vide défensif entre Pizzofalcone et la ville ancienne), Castel S. Elmo, mais surtout églises de style gothique (S. Chiara, S. Domenico Maggiore, S. Lorenzo Maggiore, S. Martino …) imité du pays de Loire : c'est sur Rome et les ordres monastiques que s'appuie Charles d'Anjou, frère d'un roi saint et croisé et Vicaire pontifical en Toscane ; apparaissent les premières places publiques (le marché est transféré à San Lorenzo). Le centre directionnel et politique se déplace vers l'actuelle Piazza Municipio autour de Castel Nuovo; les vieux quartiers restent des centres religieux et d'habitation populaire. Les manufactures et les tanneries se transportent plus à l'Est dans une nouvelle zone commerciale et marchande (Piazza del Mercato). Le port est rénové, doté d'un grand arsenal pour la construction d'une flotte militaire et marchande. Naples devient une grande capitale européenne.
Gestion du Royaume
Charles confie la gestion du Royaume à des fonctionnaires féodaux coupés de la population : craignant les initiatives locales qui risqueraient de se retourner contre lui, il confie le pouvoir politique à des barons français, l’économie aux banquiers florentins, la production artistique à des ateliers extérieurs, français ou toscans : ce sont des orfèvres français payés par la cour qui font le Reliquaire de S. Janvier. Cette coupure avec la population provoquera en Sicile (1282) la révolte populaire dite des « Vêpres siciliennes », germe d'une nouvelle domination étrangère, celle des Aragonais, et la perte de la Sicile. À Charles succède de 1309 à 1343 Robert d'Anjou, le bon roi qui enracine le sentiment monarchique dans un peuple qu'il protège, mais aussi roi dépensier qui ruine l'économie napolitaine par le luxe effréné de sa cour. Après le règne de Jeanne I, petite-fille de Robert (1343-1381), la reine Jeanne II, restée sans héritier, adopte d'abord René d'Anjou et sa femme Isabelle d'Aragon, puis en 1420 Alphonse V d'Aragon, qui entre dans la ville en 1442 et chasse René : la famille d'Aragon règne jusqu'à ce que les Napolitains favorisent l'entrée à Naples de Consalvo de Cordoba, général en chef du Roi d'Espagne, Ferdinand le Catholique (1503).
Développement urbain sous les Aragonais
Les Aragonais continuent et perfectionnent la structure urbaine mise en place par Charles d'Anjou : ils renforcent les fortifications, ouvrent de nouvelles voies, construisent des aqueducs, des fontaines, des abreuvoirs, font élever des villas et résidences princières, dans la ville (palais autour de l'ancien décumanus médian) et en-dehors (Villa et parc de Poggioreale), selon un véritable plan d’urbanisme avant la lettre, contribuant ainsi à bonifier les zones marécageuses qui entourent la ville. Naples atteint les 100.000 habitants. Alphonse fait aussi venir des quantités de moines espagnols qui apaisent ses angoisses mystiques et soudent son alliance avec le Saint-Siège. La situation économique de la ville continue à être compromise par la prodigalité du roi, qui exonère les barons et accable d'impôts ses sujets qui vivent sur les terres domaniales. À la mort d'Alphonse, la couronne passe à son fils Ferrante I (1458-1494), puis à ses petits-fils Alphonse II et Frédéric (1496-1501).
Architecture et culture
Sous les Angevins, venue d'architectes français (Pierre d'Angicourt, Gautier d'Asson, Thibaud de Saumur) : portail de S. Eligio, Abside de S. Lorenzo, puis d'architectes siennois (Lando di Pietro, Tino da Camaino) : Eglise et cloître de S. Chiara, Chartreuse de S. Martino et Castel S. Elmo. Les églises gothiques se multiplient : S. Domenico, S. Pietro a Maiella, S. Maria Egiziaca, S. Gregorio Armeno, Donnaregina, S. Martino.
Peinture et sculpture
En peinture, peintres romains (Pietro Cavallini), siennois (Simone Martini de 1317 à 1320), florentins (Giotto de 1329 à 1332, dont toutes les créations napolitaines ont été perdues), puis leurs disciples : Lello da Orvieto (S. Chiara). École napolitaine sous Jeanne I (1343 - 1381) : Roberto d’Oderisio. Perinetto da Benevento qui réalise avec le lombard Leonardo da Besozzo les fresques de la chapelle Caracciolo à San Giovanni a Carbonara (vers 1440). Présence de sculpteurs toscans : Arnolfo di Cambio et Tino da Camaino.
Présence littéraire
Présence à Naples de S. Thomas d'Aquin, Cino da Pistoia, Pétrarque, Boccace (1327 - 1339) qui aurait aimé la fille naturelle de Robert d'Anjou, Marie, évoquée peut-être ensuite dans le personnage de Fiammetta.
Influence aragonaise
Sous les Aragonais, viennent des architectes et sculpteurs romains ou toscans, surtout à partir de l'alliance avec Laurent de Médicis (1480), des sculpteurs lombards, mais aucune école proprement napolitaine ne se développe, à part celle du sculpteur Giovanni di Nola. De même, les peintres viennent d'autres régions : Lombardie, Vénétie, Catalogne. Seul peintre local important : Colantonio (à partir de 1442), maître d'Antonello da Messina. Contacts avec les artistes flamands et catalans. Alphonse d'Aragon, précurseur de la Renaissance, rassemble à sa cour les humanistes (Lorenzo Valla) et les lettrés (Beccadelli, Pontano qui préside l'Académie fondée en 1442). Nombreux poètes : Jacopo Sannazaro, chantre de la vie pastorale (Arcadia), B. Cariteo, Galateo, Tristano Caracciolo, Luigi Tansillo. Après la chute de Constantinople en 1453, sous la poussée des Turcs, se réfugient à Naples plusieurs intellectuels grecs, dont C. Lascaris.
Les vice-rois (1503 - 1707). Deux siècles de domination espagnole et 27 ans de présence autrichienne (1707-1734).
La crise de 1494 et les guerres d'Italie firent passer Naples sous une brève domination française (Charles VIII, 1495) puis sous celle de l'Espagne : Naples accueille Consalvo avec joie en 1503 comme elle avait accueilli Charles VIII en 1495, suscitant l'amère définition : « Ils servent le maître du moment, regrettent le maître du passé, attendent le maître qui viendra ». Mais qui aurait pu forger une conscience civique chez les Napolitains, soumis à des monarques étrangers, à des barons avides de pouvoir, à des nuées de frères et de prêtres qui les terrorisent et qui tous les maintiennent dans l'ignorance et la misère accrue par les épidémies et les éruptions du Vésuve ? Derrière tout cela, la douceur du climat et l'enchantement du milieu naturel ont sans doute contribué à enraciner la résignation populaire.
Impact de la domination espagnole
La domination espagnole marque par ailleurs la véritable rupture entre le nord et le sud de l'Italie : les représentants du Roi Très catholique, pour protéger le pays de nouvelles invasions françaises, étendent un véritable rideau de fer au nord du Royaume, anéantissant les rêves de politique italienne des Aragonais ou de politique « européenne » de Frédéric II et de la famille d'Anjou. Cela assure au pays plus de deux siècles de paix, mais la contrepartie intérieure est lourde : domination totale du pouvoir espagnol, écrasement des plus pauvres par une fiscalité exorbitante, imposition des modèles idéologiques de la noblesse espagnole (culte de l'apparence, des cérémonies mondaines, idéologie du courtisan sur le modèle du hidalgo espagnol plus que sur celui du chevalier français, influence de la mode espagnole, plus austère, introduction dans la langue de nombreux hispanismes – dont la troisième personne de politesse -, formes extérieures de religiosité), isolement des courants de pensée européens.
Révoltes et réactions
Seules les révoltes périodiques des Napolitains (refus de l'Inquisition espagnole en 1547, révolte de 1585 contre l’augmentation du prix du pain, révolte anti-espagnole et « républicaine » de Calabre en 1599 sous la direction de Tommaso Campanella, révolte de Masaniello en 1647) imposeront aux vice-rois une certaine terreur, un certain respect de la plèbe et un dialogue avec les intellectuels napolitains.
Contexte économique et social
Pour l’Espagne, dans le conflit avec les Pays-Bas, l’Italie reste la base de départ de toutes ses actions : il s’agit « de trouver sur place, en Sicile, à Naples, à Milan, les moyens de faire la guerre, c’est-à-dire de lever des troupes, fantassins ou cavaliers, de réunir des vivres et, pour organiser le tout, de se procurer de l’argent. Toute la situation napolitaine se résume à ce dernier terme du problème. Partout en Europe, l’effort de guerre provoque des tours de vis fiscaux supplémentaires, énergiques, efficaces. Sous Richelieu, le trésor royal double ou triple ses rentrées. Rien d’étonnant, donc, si, à Naples, (…) le Vice-Roi et ses aides sont sans fin en quête d’impôts nouveaux, de perceptions mieux assurées, de ressources, de redevances extraordinaires ». Et c’est l’Etat lui-même, seule « industrie » encore active, qui est mis en coupe réglée : « Ce n’est pas, en effet, le revenu qui est mis à l’encan par le vice-roi, sur ordre de Madrid, mais ce que l’on pourrait appeler le capital de l’Etat, les postes mêmes de l’impôt, la propriété des juridictions, les droits régaliens plus ou moins ébréchés, les douanes du port, l’impôt sur la soie, les titres nobiliaires, enfin les paysans c’est-à-dire les communes du domaine royal » (F. Braudel, Le modèle italien, Arthaud, 1989, p. 208).
Reféodalisation
On assiste ainsi à un retour, sous le contrôle de la monarchie espagnole, à la situation féodale existante deux siècles auparavant. Les historiens parlent d’une « reféodalisation » de l’Italie. Dans le Royaume de Naples, la grande féodalité triple entre 1600 et 1670 ; le pouvoir des barons et de la petite noblesse augmente, surtout après 1647, malgré les efforts du Gouvernement central et les lois contre les abus des barons.
Gouvernance espagnole
Pendant plus de deux siècles, Naples est gouvernée par une suite de 60 vice-rois espagnols, parmi lesquels Pedro di Toledo (1532-1553), qui ouvrit la Via Toledo, assainit et transforme radicalement la ville grâce aux impôts dont il l'accable ; son fils fait élever une nouvelle Université, sur le modèle de celle de Salamanque (auj. Musée National). Les quartiers « espagnols » se développent à l'Est de la Via Toledo, comme logements d'abord militaires puis populaires. La paysannerie des alentours émigre en ville et Naples devient une énorme concentration urbaine ; à partir de 1556 jusqu'en 1716, il est interdit de construire hors des murailles de la ville ; la lutte contre les barons, souvent de sympathie française, l'obligation qui leur est faite de résider en ville, transforme la noblesse en une classe de grands propriétaires fonciers qui vivent de rentes loin de leur fief, cessent de s'intéresser aux luttes politiques et militaires et dissipent leurs avoirs dans la manie de rivaliser en luxe et en magnificence avec la noblesse espagnole.
Conditions sociales et révoltes
Les vice-rois avaient en effet favorisé l'immigration paysanne pour affaiblir le pouvoir des barons féodaux du Royaume ; ils avaient ainsi concentré dans la ville une plèbe misérable, sans logis, désespérée, violente, superstitieuse et créé une situation sociale préoccupante : chômage, problèmes de logement et d'hygiène. Naples a 300.000 habitants à la fin du XVIe s. (elle est la plus grande ville italienne devant Rome, Milan, Gênes, et une des plus grandes villes européennes), et la ville éclate sur les pentes des collines proches. La spéculation immobilière se développe, en particulier du fait des ordres religieux qui accaparent les terrains du centre-ville où se concentre une population toujours plus dense et plus paupérisée dont les révoltes sont sanglantes.
Épidémies et révoltes
La ville traverse une période tourmentée par de grandes épidémies de peste (1528, 1656 qui réduit de moitié la population de Naples et des environs) et par de grandes révoltes bourgeoises et populaires tendant à démocratiser l'administration de la ville entièrement aux mains des vice-rois, le Parlement se contentant de voter les impôts voulus par l'Espagne. La plus importante fut dirigée en 1647 par un juriste, Giulio Genuino, qui s'appuya sur un poissonnier, Tommaso Aniello, dit Masaniello. Puis les nobles prirent le parti de Philippe IV d'Espagne, et en avril 1648, malgré l'appui d'une armée française commandée par le Duc de Guise (nouvelle occasion pour la France d’intervenir dans une possession espagnole pour y créer des divisions en soulevant les « opprimés » du royaume d’Espagne), la République tomba et l'Amiral Don Juan d'Autriche restaura le pouvoir espagnol.
Prospérité artificielle
Dans ces conditions, le Royaume (ou vice-royaume) de Naples se caractérise dorénavant par une prospérité largement artificielle fondée sur la rente et l’exploitation des richesses de l’Etat, et non plus sur le profit industriel et commercial, sur le modèle d’une Espagne qui vit au-dessus de ses moyens grâce aux trésors de l’empire américain, dans le mépris du travail manuel et du travail tout court ; l’opposition est totale avec la pratique et l’idéologie de l’Europe du Nord. L’envers de cette richesse fastueuse, source d’un épanouissement culturel exceptionnel, est une extrême misère de la masse de la population.
Culture et architecture
Le nouveau Palais royal est construit par Domenico Fontana en 1600-1602. Les murailles s'étendent vers le Nord, incluant Castel S. Elmo ; les demeures patriciennes se multiplient (Palais Orsini, Marigliano, Corigliano, Donn'Anna à Posillipo) ; les places se décorent de fontaines et de monuments. L'architecture religieuse est marquée par Francesco Grimaldi (S. Paolo Maggiore, Ss. Apostoli, S. Maria degli Angeli a Pizzofalcone) et par Cosimo Fanzago (Chiesa dell'Ascensione a Chiaia, S. Maria degli Angeli alle Croci, S. Ferdinando, S. Giorgio Maggiore, S. Giuseppe delle Scalze, S. Teresa a Chiaia, S. Maria Egiziaca, décoration de la Chartreuse de S. Martino). Domenico Antonio Vaccaro décore le cloître de Santa Chiara.
Art et littérature
Le maniérisme pénètre à Naples avec l'arrivée de Vasari en 1544, du siennois Marco Pino (1517-1579), d'artistes flamands et de Francesco Curia (1565-1608). Séjour à Naples du Caravage (1606-1607, puis 1609), qui ne peint à Naples que deux toiles mais dont l’influence sera décisive sur toute la peinture du XVIIe siècle : les peintres « caravagesques » Battistello Caracciolo (1578-1635), Carlo Sellito (1581-1614), Filippo Vitale (1585-1650), Jusepe de Ribera (1591-1652) et son élève, Luca Giordano (1634-1705). D’autres courants de la peinture baroque sont représentés par Massimo Stanzione (1585-1658), Micco Spadaro (1609-75), Giovanni Lanfranco (de 1633 à 1646), Francesco Fracanzano (1612-56), Mattia Preti (à partir de 1656), Francesco Solimena (1657-1747).
Poésie et littérature
Poésie : G.B. Marino (1569-1625), auteur de l'Adone ; Torquato Tasso (1544-1595). Une des grandes époques de la littérature dialectale napolitaine: F. Sgruttendio, G.B. Basile (1575-1632), auteur des fables du Pentaméron, G.C. Cortese (1575 - 1627).
Transition vers la domination autrichienne
La guerre de succession d'Espagne fait tomber Naples aux mains des Habsbourg (Autriche) de 1707 à 1734 ; puis la guerre de succession de Pologne établit sur le trône Charles de Bourbon, fils cadet de Philippe V et d’Elisabeth Farnese (duchesse de Parme et Plaisance) et arrière-petit-fils de Louis XIV : Charles chassa les Autrichiens et fut reconnu Roi de Naples et de Sicile, tandis que son frère Philippe devenait duc de Parme. Naples redevenait capitale d'un royaume indépendant, mais la domination espagnole la laissait en proie à une décadence économique grave et au pouvoir de la hiérarchie ecclésiastique.
Réforme et autonomie sous la domination autrichienne
C’est sous la domination autrichienne que la ville amorce cependant sa reprise économique et culturelle. Vienne laisse une large autonomie à l’administration napolitaine et soutient même la politique de réforme, en particulier dans la lutte contre les privilèges ecclésiastiques menée par Pietro Giannone (1676-1748), l’historien et juriste auteur de La Storia civile del Regno di Napoli (1723) censurée par la Curie romaine.
Enfin une monarchie autonome ! Le règne des Bourbons (1734-1860). Une amorce de réforme. Le traumatisme de 1799.
Les Bourbons ouvrent de nouvelles voies de développement de la ville, en direction du Vésuve où se multiplient les résidences d'été des princes. On leur doit l'agrandissement du Palais Royal, la construction d'une nouvelle résidence royale à Capodimonte (au milieu d'un grand parc où le roi Charles pouvait satisfaire sa passion de la chasse), le Théâtre San Carlo (projeté par Giovanni Antonio Medrano et inauguré en 1737), l'Albergo dei Poveri (Hospice de vieillards, orphelinat, accueil des vagabonds et éducation au travail. Architecte : Ferdinando Fuga, 1751), la Caserne de Cavalerie de la Maddalena (Architecte : Luigi Vanvitelli), le Musée National, la Bibliothèque. Le Roi fait commencer les fouilles d'Herculanum et de Pompéi ; il fait transférer à Naples les richesses artistiques accumulées pendant deux siècles à Parme par les Farnese ; Ferdinand fera de même avec les chefs-d'œuvre de la sculpture romaine antique. Tout cela consolide le prestige des Bourbons déjà établi sur le dynamisme de leur politique économique. Naples devient, plus que jamais, une capitale de la culture européenne.
Réformes économiques et culturelles
Un des premiers actes administratifs de Charles III fut d'étendre les impôts aux biens de l'Église, ce qui lui permit de tripler les ressources du Trésor public. Il encouragea la création des « manufactures » (porcelaine, biscuit, tapisserie, faïence, pierres dures, soie, armes, métaux, argent et cuivre doré) et la reprise du commerce. Le développement des routes, la meilleure viabilité urbaine, les grands travaux publics furent des investissements qui stimulèrent l'industrie et le commerce. La peinture napolitaine du XVIIIe siècle s'affirme dans toute l'Europe, de Vienne à Madrid, tandis que viennent travailler à Naples les peintres français (Vernet, Volaire, Poussin), anglais (Lord Hamilton, William Parrott, Edward William Cooke, Pietro Fabris, précurseur de l'École de Posillipo), allemands (Jakob Philip Hackert, l'ami de Goethe). Naples exporte aussi sa musique : créatrice des « conservatoires » au XVIe siècle, la ville triomphe au XVIIIe siècle par sa musique théâtrale, ses opéras. Le Théâtre San Carlo, le plus grand d'Europe, fut un centre de diffusion de la musique napolitaine.
Développement urbain et culturel
Alessandro Scarlatti, Niccolò Porpora, Leonardo Leo, Leonardo Vinci, Nicolò Jommelli, Nicolò Piccinni sont formés dans les conservatoires de Naples mais écrivent pour Vienne et pour d'autres villes européennes ; le poète Pietro Metastasio a travaillé à Naples où sont formés aussi nombre de grands chanteurs, en particulier les castrats. Les Napolitains inventent « l'opera buffa », produisant des chefs-d'œuvre comme La serva padrona de Pergolesi (1733), - représentée avec succès à Paris -, L'idolo cinese de Paisiello (1767). Par contre, malgré la présence de grands architectes et la réalisation de nombreux palais et églises, qui donnent à Naples une dimension européenne par la richesse de sa décoration et la scénographie de ses places, l'absence de tout plan d'urbanisme crée une situation de désordre et de congestion : la densité de la population a augmenté (Naples a 350.000 habitants en 1750) et le manque de surfaces libres oblige à construire en hauteur, malgré le « règlement » de 1781 jamais appliqué.
Transition monarchique
À la mort de Philippe V de Bourbon en 1759, le trône d'Espagne est donné à Charles qui devient roi d'Espagne sous le nom de Charles III ; le royaume de Naples passe à son fils qui règne sous le nom de Ferdinand IV ; la régence est assurée jusqu'à sa majorité par Bernardino Tanucci, promoteur de nombreuses réformes. Mais lorsque, en 1798 se forme la coalition de l'Angleterre, la Russie, l'Autriche et le Portugal contre la France, Ferdinand y adhère, sous l'impulsion de sa femme Marie Caroline de Habsbourg, sœur de Marie Antoinette. Les troupes françaises commandées par le général Championnet envahissent le royaume de Naples. En janvier 1799, les libéraux et les représentants de la culture napolitaine aidés par la France créent l'éphémère République Parthénopéenne. Mais au mois de juin, l'armée des Bourbons (la « Santa Fede ») conduite par le Cardinal Ruffo reconquiert Naples, avec l'aide de la flotte anglaise de l'Amiral Nelson et fait massacrer ceux qui représentaient les idées libérales et auraient pu constituer la base d'une bourgeoisie napolitaine éclairée (dont la poétesse Eleonora Pimentel, le médecin du Roi, Domenico Cirillo, le juriste Mario Pagano, l'amiral Francesco Caracciolo ; Domenico Cimarosa qui avait écrit un hymne pour la République fut menacé et se sauva en écrivant … un hymne en honneur de la monarchie). C'est le premier grand traumatisme de l'histoire napolitaine et une des causes de l'involution ultérieure de la ville.
« Jamais on ne soulignera assez le désastre de cette année 1799. En quelques années, l'élite de savants, de penseurs, d'écrivains fut pendue ou décapitée ; et Naples, qui était à l'avant-garde de la culture européenne, fut abandonnée aux ignorants et aux sots. Génocide d'une culture qu'on ne peut comparer qu'à l'extermination de la culture aztèque par les Espagnols, ou de la culture autrichienne par les nazis. La ville ne s'est jamais relevée de cette saignée ». (D. Fernandez, Le Volcan sous la ville, Plon, 1983, p. 165 ; ... et Alexandre Dumas, La Sanfelice, Quarto Gallimard, 1996, 1736 p.)
Période napoléonienne
Après Austerlitz (2-12-1805), Napoléon déclare déchu le Roi Ferdinand IV et envoie son frère Joseph et Masséna conquérir Naples, occupée le 14 janvier 1806, tandis que les Bourbons fuient en Sicile. Joseph est proclamé Roi de Naples, remplacé en 1808 par Joachim Murat jusqu'en 1815. Le programme de Murat institue le cadastre et l'État civil, réorganise Naples en 12 quartiers, crée le Jardin botanique, des pensionnats de jeunes filles, le Conservatoire de San Pietro a Maiella, l'Observatoire, la Banque de Naples ; il ouvre des rues nouvelles vers Posillipo et Capodimonte.
Retour des Bourbons
Ferdinand IV, revenu en 1815 sous le nom de Ferdinand I (appelé « Re Bomba » pour la cruauté de sa répression), construit le Forum Ferdinand (auj. Place du Plébiscite) où il érige l'Église de San Francesco di Paola, inaugure la première ligne de chemin de fer italienne en 1839, ouvre de nouvelles rues (dont la Via di Posillipo où est réalisée la Villa comunale, et le Corso Vittorio Emanuele), mais cela se fait sans aucun plan d'ensemble ni souci des problèmes sociaux. La population est décimée par des épidémies de choléra (1817, 1836, 1854). À la fin du règne des Bourbons, la ville atteint cependant 450.000 habitants (contre 200.000 à Milan, 170.000 à Rome et 130.000 à Turin). Ferdinand meurt en 1825 ; lui succèdent de 1825 à 1830 son fils François I, puis son petit-fils Ferdinand II.
Fin du règne des Bourbons
Ferdinand II meurt en 1859. Son successeur François II (« Nasone »), malgré le soutien d'une plèbe manœuvrée par la police, doit s'enfuir le 7 septembre 1860 devant l'armée de Garibaldi qui rentre à Naples le jour même, accueilli avec joie par de grandes manifestations populaires. Le plébiscite du 15 octobre vote le rattachement à l'Italie.
Développement culturel sous les Bourbons
Entre 1734 et 1860, développement culturel important à la Cour et à l'Université, dans tous les domaines. En sculpture, les personnages de crèches de Lorenzo Vaccaro, Giuseppe Sammartino, Matteo Bottiglieri. Les Bourbons créent la Fabrique de Capodimonte. La philosophie est illustrée par G.-B. Vico (1688-1744), auteur de la Scienza Nuova, puis après 1815 par Pasquale Galluppi (1770-1846), Bertrando Spaventa (1817-1883). Naples eut au XVIIIe siècle une des plus importantes écoles d'économie politique : Antonio Genovese (qui crée la première chaire d'Économie à l'Université en 1754), Ferdinando Galiani, Giuseppe Palmieri, Gaetano Filangieri, Domenico Grimaldi, dont plusieurs furent massacrés par les « Sanfedisti » du Cardinal Ruffo en 1799. Début des fouilles de Pompéi, Herculanum et Stabia et création de l'Accademia Ercolanese par Charles I.
Études historiques et littéraires
Les études historiques et littéraires sont marquées par les noms de P. Colletta (1775-1831), Vincenzo Cuoco (1770-1823), Carlo Troya (1784-1858), Francesco De Sanctis (1817-1898), futur Ministre de l'Instruction Publique du Royaume d'Italie, Pasquale Villari (1827-1917), Vittorio Imbriani (1840-1886). Cette période est caractérisée aussi par le développement du théâtre (C'est alors que naît le masque de Pulcinella) et de l'opera buffa : Pergolesi (1710-1736), Paisiello (1740-1816), Cimarosa (1749-1801). Épanouissement des Conservatoires de Musique, - création napolitaine du XVIe siècle-, avec Bellini, Donizetti.
Naples après 1860. Le traumatisme de l'Unité. Naples aujourd’hui.
L'Unité ne fait qu'aggraver la situation économique et sociale de Naples. Le recensement de 1881 fait apparaître une population de 450.000 habitants, dont presque un tiers vit dans les « bassi », entassés à trois personnes par pièce ; les conditions d'hygiène s'aggravent ; l'épidémie de choléra de 1884 oblige à quelques travaux d'assainissement urbain qui restent très insuffisants et les expulsions des habitants pauvres du centre ancien n'en réduisent pas la congestion. La viabilité est cependant améliorée par la construction de nouvelles artères (Corso Umberto et Via Roma, réalisés selon les critères de Haussmann), de tunnels sous les collines et de funiculaires. Mais aucun plan d'urbanisme ne commande les travaux et constructions ; les palais publics de l'époque fasciste (Via Diaz) renforcent la concentration du centre directionnel dans la zone de Piazza Municipio (Palais des Postes d’Antonio Vaccaro, banques, administration municipale).
Destructions et reconstructions
Les bombardements et les combats de 1943-44 provoquent à Naples de très graves destructions et laissent la ville dans la faim et la misère lors de l'arrivée des troupes alliées le 1er octobre 1943, dans une ville libérée par la violente révolte anti-allemande des « quattro giornate » (27-30 septembre 43) (Lire : C. Malaparte, La peau). L’armée d’occupation allemande commandée par le général Scholl se livre à de nombreuses exécutions de soldats italiens faits prisonniers après l’armistice du 8 septembre, fait sauter de nombreux édifices (Université, zone industrielle de Bagnoli), et se livre à une rapine systématique des œuvres d’art, bijoux, objets précieux. L’insurrection de la population sera déclenchée par le décret allemand imposant le service du travail obligatoire. Les combats de la fin de la guerre, les destructions, la faim, la misère, l’inflation accrue par l’édition des AM-lire par l’occupant anglo-américaine livrent la ville à la corruption et à la prostitution (la « peste » décrite par Malaparte : on se prostitue aux soldats d’occupation contre une boîte de corned beef ou un paquet de Chesterfield). C’est le temps des « sciuscià », les enfants cireurs de souliers du film de De Sica.
L'après-guerre
L'après-guerre laisse Naples en proie à une faction de spéculateurs et d'affairistes, sous la direction d'une municipalité monarco-fasciste et de son maire, l'armateur Achille Lauro, lui-même soutenu par les gouvernements démocrates-chrétiens. C'est le temps de « Main basse sur la ville » (Mani sulla città, titre du film de Francesco Rosi, 1963) qui provoque la destruction des zones vertes des collines, entasse la population dans des immeubles peu sûrs avec une densité de 45.000 à 60.000 habitants au km2 ; des implantations industrielles anarchiques contribuent à la dégradation du site napolitain. Le 23 novembre 1980, tremblement de terre dont les traces sont encore visibles (immeubles étayés par des armatures métalliques).
Changements politiques et sociaux
L'administration de centre gauche de 1962 à 1972 ne fait que continuer les grandes lignes de la politique monarchiste, et il faut attendre 1972 pour qu'un nouveau plan d'urbanisme vienne remplacer le plan jamais appliqué de 1939 (plan De Simone), sous la direction de la nouvelle majorité de gauche dirigée par le communiste Maurizio Valenzi (1975-1983). Le nouveau Centro direzionale met trente ans pour se réaliser et se révèle inadapté. La municipalité Valenzi démissionne en juillet 1983 et aux élections municipales qui suivent, le PCI perd 4 sièges et est éliminé de la majorité municipale au profit des socialistes. Aux élections municipales partielles de juin 1992, c'est encore la majorité « pentapartito » (à direction DC et PSI) qui l'emporte, après une campagne électorale marquée par des distributions de montres suisses, de licences de gardiens de parkings, de promotions en masse d’employés municipaux. Et l'histoire de Naples continue à être marquée par une série de scandales, négligences, corruption, mauvaise gestion, malgré le Programme Extraordinaire pour la Reconstruction de Naples qui suit le tremblement de terre de 1980. Une partie des administrateurs de cette période est inculpée ou en prison à partir de 1992 (opération « Mani pulite »).
Nouveaux développements
Un changement radical intervient aux élections municipales de novembre 1993, qui donnent une majorité de 56 % à une liste de gauche et centre gauche menée par Antonio Bassolino (PDS, ex-PCI), élu maire de Naples, contre la candidate du parti néo-fasciste (MSI), Alessandra Mussolini, petite-fille du Duce (son père était Romano Mussolini, connu comme musicien de jazz, et fils de Benito et Rachele) et nièce de Sophia Loren. Bassolino a mis en route un nouveau plan d'urbanisme, une restructuration des transports publics sur rail, un assainissement du centre historique, une protection et une extension des zones vertes (il ne restait à Naples qu'un mètre carré de vert par habitant), une transformation des anciennes aciéries de Bagnoli, fermées depuis plusieurs années, en un immense parc naturel et en centre culturel et touristique, une destruction des immeubles illégaux qui dégradaient la plage de Posillipo et gâchaient une des plus beaux panoramas italiens. Le nouveau maire s'est rendu aux États-Unis en février 1995 pour demander aux banques et aux Universités américaines d'investir à Naples, tandis que la transformation de la ville a été sérieusement amorcée et accélérée par la préparation de la réunion du G7 qui s'est tenu à Naples en 1994. M. Bassolino est réélu Maire de Naples au premier tour des élections de 1998. L’actuel maire de Naples est Rosa Russo Jervolino élue en mai 2001 sur la liste de centre gauche (« L’Ulivo ») contre le candidat du centre droit Antonio Martusciello. La Province de Naples est aussi administrée par le centre gauche (Président : Riccardo Di Palma, Vert, élu en juin 2004 avec plus de 62% des voix). Le Président de la Région Campanie est Antonio Bassolino, l’ancien maire de Naples. Noter que dans le quartier périphérique de Secondigliano (dominé par la camorra) est élu en 2004 le Sénateur Salvatore Marano (Forza Italia, centre droit), avec une forte majorité. Il est soupçonné d’avoir fait campagne en distribuant des paquets de pâtes et en achetant des voix à 30 euros l’une ! (enquête administrative en cours). Aux élections « administratives » régionales des 3 et 4 avril 2005, la liste de centre gauche menée par M. Bassolino a remporté une large majorité de 61,1% des voix contre 35,7% à M. Bocchino, candidat du centre droit.
La camorra et la vie napolitaine
La vie napolitaine continue à être marquée par la présence de la « camorra », la forme napolitaine spécifique de la mafia. On ne connaît pas exactement l’origine du mot utilisé depuis le XIXe siècle (le mot napolitain « mmorra » = bande, ou le jeu très pratiqué de la « morra »). Récemment, la presse a abondamment parlé des règlements de compte qui ont affligé le quartier de Scampìa, centre important des trafics contrôlés par la camorra, qui font vivre au moins 10% de la population.
Développement du métro et des musées
Depuis le début du XXIe s., Naples a un métro. Une fois terminé, il ira jusqu’à la place Garibaldi, au centre directionnel, à l’aéroport ; pour l’instant, il pénètre la colline du Vomero qu’il contribue à désenclaver. Il a été conçu par de grands architectes (Alessandro Mendini, Gae Aulenti …) et les stations abritent des œuvres d’artistes contemporains (Mimmo Paladino, Jannis Kounellis, Alighiero Boetti, Michelangelo Pistoletto, Ernesto Tatafiore, Michele De Maria…). Voir au moins la station de piazza Dante.
Deux nouveaux musées d’art contemporain ouvrent à Naples en 2005 : le premier à Palazzo Donna Regina en mai, qui dépend de la Région, le second à Palazzo Roccella en mars, le « Pan » (Palazzo delle Arti Napoli), créé par la Commune de Naples destiné à abriter des expositions d’art contemporain, dont la première (jusqu’au 10 août 2005) est intitulée « The Giving Person. Le don de l’artiste ». Le directeur en est Lòrànd Hegyi, directeur du Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne.
Culture napolitaine après 1860
Depuis 1860, la culture napolitaine a continué à occuper une grande place dans la vie italienne, dans le domaine scientifique (Giuseppe Mercalli : travaux sur les phénomènes volcaniques et la sismologie), juridique, archéologique (Amedeo Maiuri et ses travaux sur la Campanie ancienne), historique (Giustino Fortunato, le méridionaliste Guido Dorso) et philosophique : la culture italienne et européenne du XXe siècle est marquée par l'œuvre de Benedetto Croce (1866-1952) et de ses disciples. La littérature et le théâtre sont marqués par les noms d’Eduardo De Filippo (Filumena Marturano, Naples Millionaire, Natale in casa Cupiello …), Matilde Serao, Giuseppe Marotta, Domenico Rea, l’acteur Totò (Antonio De Curtis, de Somma Vesuviana), Anna Maria Ortese, Raffaele La Capria, Roberto De Simone et une pléiade de critiques, philosophes, romanciers, poètes…
Cette période est aussi celle où s'épanouit la chanson napolitaine, qui est à la source de la meilleure chanson italienne. De grands poètes comme Salvatore Di Giacomo collaborent avec de bons musiciens comme F.P. Tosti, Luigi Denza ou Mario Costa pour créer des chansons qui sont pour l'Italie l'équivalent poétique et musical de ce que fut en Allemagne le lied du XIXe siècle. La tradition continue aujourd'hui avec des auteurs compositeurs interprètes comme Edoardo et Eugenio Bennato, Pino Daniele, Carlo d'Angiò, Enzo Gragnaniello, James Senese, Daniele Sepe, et des groupes comme Almamegretta ou Bisca 99 Posse qui ont su intégrer le rock puis le rap à la villanelle du XVIème siècle et à la chanson du XIXème.
Quelques lectures utiles et agréables :
- Guide bleu, Italie du sud
- Guides Voir, Naples, Pompéi et la côte amalfitaine, Hachette, 1999
- Naples, le Vésuve et Pompéi, Collection Terre des Villes, Belin, 2003
- Yves Hersant, Italies, Anthologie des voyageurs français aux XVIIIème et XIXème siècles, Bouquins, R.Laffont, 1988
- Autrement, Naples, le paradis et les diables, série Monde, 1994
- Dominique Fernandez, Porporino ou les mystères de Naples, Grasset, 1974
- Dominique Fernandez, Le volcan sous la ville, Promenades dans Naples, Plon 1983