4.3. Roma - 5
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2) LA ROME ANTIQUE
Sur la Rome antique, vous trouverez facilement des documents en grand nombre. Vous pouvez consulter en particulier pour en avoir une idée précise et des
images les ouvrages de
Gilles CHAILLET et Jacques MARTIN, Rome I et Rome II, Collection « Les voyages d’Alix », Casterman, ou :
Gilles CHAILLET, Dans la Rome des Césars, Glénat, 2004.
Filippo COARELLI, Guide archéologique de Rome, Hachette, 1994.
Nathalie de CHAISEMARTIN, Rome. Paysage urbain et idéologie. Des Scipions à Hadrien (IIe s. av. J.C. – IIe s. ap. J.C. Armand Colin, 2003.
et consultez le vieux Guide Romain Antique de G. Hacquard, J. Dautry et O. Maisani, Hachette, 1952, le manuel le plus clair et complet de tous les
aspects de la civilisation romaine.
Nous rappelons simplement quelques dates :
A)
Avant Rome : des villages épars sur les collines depuis plusieurs siècles
B)
Fondation de Rome sur le Palatin : 21 avril 753 av. J.C. : la « Roma quadrata » ; fusion entre Latins et Sabins.
C)
La monarchie : 7 rois (comme il y avait 7 collines ? ...), de – 753 à – 509 :
Romulus,
3 rois sabins-latins : Numa Pompilius, inspiré, dit-il par la nymphe Égérie (Temple de Vesta)
Tullius Hostilius, conquête d’Albe (les Horaces et les Curiaces)
Ancus Martius, élargit Rome
(Janicule, Ostie), ses enfants sont confiés à un Corinthien d’Étrurie,
Tarquin.
3 rois étrusques : Tarquin l’Ancien
prend le pouvoir sur les héritiers
d’Ancus, profitant du chaos qui règne dans le
Latium après la destruction d’Albe :
Servius Tullius, organise et défend Rome (Constitution et muraille), assassiné par son gendre qui prend
le pouvoir
Tarquin le Superbe, violent, combat les Latins extérieurs à la ville ; viole
la femme d’un de ses parents,
Lucrèce, qui se suicide ; son mari soulève le peuple romain qui chasse le roi étrusque et proclame la République en 509.
A)
La République (de – 509 à – 44) : elle est gouvernée par le peuple réuni en COMICES (pouvoir en partie législatif,
en partie judiciaire et religieux), par les MAGISTRATS (pouvoir exécutif, 2 préteurs, puis consuls + un préteur urbain +
les tribuns de la plèbe à partir de – 493, assistés de 2 édiles + les censeurs et les questeurs. Ils sont tous renouvelés à
échéance régulière) nommés par les Comices, et par le SÉNAT qui représente l’aristocratie, et qui est l’autorité
permanente de la République, consultée en toute matière, législative, religieuse, militaire et de salut public, de politique
extérieure. Les Sénateurs sont 300 jusqu’à Sylla, puis augmentent jusqu’à 1000 sous les Triumvirs. S.P.Q.R. = Senatus
PopulusQue Romanus.
* Une petite république aristocratique dominée par les patriciens, affaiblie par des conflits internes entre patriciens et
plébéiens : en – 494, sécession de la plèbe qui se retire sur l’Aventin pour y fonder une autre ville. Ménénius Agrippa règle le problème en – 493 (l’apologue des
Membres et de l’Estomac) en créant des tribuns de la plèbe ; en – 451, la Loi des XII tables établit l’égalité civile des patriciens et des plébéiens ; un plébéien
obtient le consulat en – 336.
* Elle conquiert peu à peu l’Italie entre – 509 et – 272 : domination sur les Étrusques entre – 507 (lutte contre Porsenna, exploits d’Horatius Coclès,
Mucius Scaevola, Clélie) et –395 (Camille prend Véies), sur les Volsques en –486 (Coriolan), les Èques en – 458 (Cincinnatus), les Samnites de – 343 à – 304,
enfin le Sud (Tarente est prise et Pyrrhus vaincu en – 272).
* Elle étend ses possessions hors d’Italie entre –272 et – 47 : lutte contre Carthage
(de – 264 à – 146, destruction de Carthage, après quelques défaites romaines, celle du lac
Trasimène en – 217 et celle de Cannes (dans les Pouilles) en – 216, mais heureusement
pour Rome, Hannibal va attendre des renforts à Capoue plutôt que de marcher sur Rome) ;
conquête de la Sicile en – 241, de la Gaule Cisalpine en – 219, de l’Espagne en – 210, de la
Grèce et de la Macédoine en – 146 (après la victoire des Thermopyles en – 191), Jérusalem
en – 63. César achève la conquête de la Gaulle en – 51 (reddition de Vercingétorix en – 52),
il triomphe en Égypte en – 47, il vainc les armées de Pompée en Tunisie et en Espagne. La
conquête de la Grèce a fait pénétrer la culture grecque à Rome et l’art se développe à partir
de – 100, ajoutant l’influence grecque à celle des Etrusques, dominante jusqu’alors.
* Elle connaît de grandes luttes de classes internes, conséquences des
conquêtes impérialistes; les chevaliers s’enrichissent tandis que les paysans, ruinés
abandonnent la terre et viennent s’entasser à Rome ; les Gracques tentent d’apporter une
solution avec une réforme agraire en faveur des pauvres, mais les Sénateurs les font
assassiner, Tibérius en – 133 et Caius en – 121 ; la nation est ravagée par cent ans de
guerres civiles, pour la possession du consulat (Marius et Sylla, puis Pompée et Crassus) ;
les esclaves se révoltent (Spartacus en – 73). Le triumvirat Pompée – Crassus – César
éclate, et César franchit le Rubicon avec ses armées en – 49, devient consul puis est nommé dictateur et roi d’Orient, mais le parti pompéien, dont Brutus et
Cassius sont les chefs, le fait assassiner aux Ides de Mars, le 15 mars – 44. Le partage entre les triumvirs, Octave, Antoine et Lépide va marquer les derniers jours
de la République : Antoine avait épousé la soeur d’Octave, Octavie ; possesseur de l’Orient, il part en Égypte, répudie Octavie et devient l’amant de Cléopâtre.
Antoine et Cléopâtre sont vaincus à la bataille navale d’Actium le 1er août – 31 et se suicident. Lépide ayant été éliminé, Octave reste seul maître de Rome et se fait
donner le 16 janvier – 27 le titre d’ « Augustus » dont il se pare comme d’un nouveau nom : l’Empire romain a commencé, sans modification apparente de
structures.
E) L’Empire romain (27 av. J.C. – 192 après J.C.) :
les pouvoirs républicains sont concentrés entre les mains d’un seul homme et les organes d’administration ne relèvent que de lui seul. Les Comices perdent
leur pouvoir législatif puis disparaissent, le Sénat comprend 600 membres choisis par l’Empereur. Il a tous les pouvoirs, politiques, militaires, financiers et
religieux (il est « Grand Pontife »). Il est l’objet d’un culte religieux, et sera considéré comme divinisé après sa mort.
Une formule mnémotechnique pour se souvenir des « Douze Césars », les empereurs du Ier siècle de la dynastie julio-claudienne:
Cesauticaclauné galbovivestido
CÉS(ar) AU(guste) TI(bère) CA(ligula) CLAU(de) NÉ(ron)
GALB(a) O(thon) VI(tellius) VES(pasien) TI(tus) DO(mitien)
Ajoutez au IIe siècle la dynastie des Antonins
: Netrhadanmauco
NE(rva) TR(ajan) HAD(rien) AN(tonin) M(arc)-AU(rèle) CO(mmode)
Tiziano, Tarquin et Lucrèce, (1570-71)
C.I. Carlone, Mucius Scaevola devant Porsenna, 1730. Voulant assassiner Porsenna
qui assiégeait Rome,le romain Mucius Scaevola se trompe et tue son secrétaire.
Pour se punir, il maintient sa main dans les flammes. Au vu de son courage, Porsenna
le libère. Exemple de la vertu et du courage que l’on attribua aux Républicains
F) Le Bas-Empire et le déclin (192-476) :
L’Empire s’est encore étendu au Moyen-Orient, en Afrique et vers le Nord de l’Europe, à travers des guerres incessantes. Le nombre de citoyens s’est donc
multiplié et à partir de 212 sera déclaré citoyen tout homme libre qui habite l’Empire, ce qui permet de percevoir l’impôt de 1/20 sur toutes les successions. Les
citoyens représentent donc des ethnies, des cultures, des religions différentes ; la structure sociale s’est complexifiée : elle comprend toujours les citoyens, parmi
lesquels aux hommes libres se sont ajoutés les « colons » (serfs des gros propriétaires, attachés à la terre, mais théoriquement libres), et les non - citoyens,
esclaves et affranchis (ces derniers pouvant être cependant très riches). La hiérarchie des citoyens se durcit : au sommet la famille impériale, puis l’ordre
sénatorial, puis l’ordre équestre, puis les « humiliores », les gens pauvres.
Les empereurs sont choisis par leurs soldats, prétoriens ou légionnaires : Pertinax, Didius
Julianus, aussitôt assassinés, l’Africain Septime–Sévère (193-211), victorieux des Parthes, ses
fils, Géta (assassiné par son frère) et Caracalla (212-217), Macrin (217-218) assassiné,
Élagabal (218-222) assassiné, Alexandre Sévère (222-235) assassiné.
Suit une période de 35 ans d’anarchie où les « Barbares » commencent à menacer les frontières.
Aurélien (270-275) restaure la situation, construit une nouvelle enceinte de Rome, mais périt
aussi assassiné. Tacite (275), Probus et Carus (276-283), les fils de Carus, Numérien et Carin
(282-284) assassinés sont remplacés par l’Illyrien Dioclétien (284-305) qui institue une «
tétrarchie » hiérarchisée avec Maximien, Galère et Constance–Chlore. En 306, le fils de
Constance–Chlore, Constantin (306-337) gouverne avec Maxence, fils de Maximien, et
Licinius. Maxence est vaincu en 312 et Constantin reste seul maître de l’Occident, puis il bat
Licinius en 324 et devient maître de tout l’Empire.
En 313, il proclame l’édit de Milan, décrétant la liberté de tous les cultes, dont le christianisme
auquel il donne sa préférence (il se fait baptiser sur son lit de mort, dit-on) ; en 325, il convoque le
concile de Nicée qui adopte le Credo, Symbole des Apôtres et condamne l’arianisme ; en 330, il
transfère la capitale de l’Empire de Rome à Constantinople. C’est la fin de l’Empire,
progressivement envahi par les Barbares, partagé entre Orient et Occident, l’Empire d’Occident
étant supprimé par Odoacre en 476. C’est maintenant l’évêque de Rome, le pape, qui devient le
« Pontifex Maximus ».
NOTE SUR LES CATACOMBES
Les catacombes forment autour de Rome un réseau évalué à 900 kilomètres, dont certains secteurs seulement sont explorés.
La catacombe est un cimetière souterrain, en usage aux premiers siècles de l'ère chrétienne et situé dans la banlieue
de Rome. L'expression « ad catacumbas » (au ravin) désigne anciennement un simple lieudit, le site de St Sébastien,
sur la voie Appienne. Une nécropole s'y logeait dans un petit ravin ou « combe ». Seul connu au Moyen Age, ce
cimetière donna son nom à tous les autres, lors de leur découverte, à partir de la fin du XVI è siècle.
La législation romaine interdisant d'enterrer à l'intérieur de la Cité, les catacombes, sépulcres païens, se sont placées
au bord des grandes routes. Le tuf de la campagne facile à creuser, mais assez sec et résistant, favorisait ce mode de
sépulture.
La catacombe se compose théoriquement des éléments suivants :
- des couloirs en escaliers d'accès dont plusieurs remontent à l'antiquité ;
- un ou plusieurs hypogée, chambres creusées à flanc de coteau ou
construites primitivement en plein air pour contenir les sarcophages ou les
urnes funéraires de riches familles païennes ultérieurement converties ;
- des galeries ouvertes à partir ou dans le voisinage de ces hypogées,
ramifiées de manière à constituer le cimetière lui-même ;
- de petites chambres ou « cubicula », ouvertes sur ces galeries et
contenant comme elles des corps, mais dans une disposition plus
ordonnée (aisance supérieure, souci de culte ...).
Le cimetière chrétien a débuté par l'utilisation d'une sépulture païenne dont les
propriétaires se sont convertis. Dans la plupart des cimetières, on a pu identifier
l'hypogée qui a joué ce rôle de cellule-mère. (Cf: à Domitille, vestibule des Flaviens). Ce réseau des couloirs s'est
développé en partant de ces hypogées.
Les besoins augmentant, on a cherché à approfondir le caveau d'un sous-sol ou d'une seconde pièce, à faire tenir dans ses parois le plus grand nombre possible
de « loculi » (alvéoles). On a alors amorcé, à proximité immédiate, le réseau horizontal des galeries creusées d'abord à hauteur d'homme, puis accrues en
hauteur par déblaiement du pied. Ce qui explique que, parmi des loculi étagés aujourd'hui sur 5 ou 6 mètres de haut, les plus anciens sont ceux des parties
supérieures. Puis on a construit des étages superposés de couloirs. C'est seulement à partir du IIIe siècle que l'église acquiert des
domaines et équipe systématiquement des cimetières (Pape Callisto, 212-222).
Les catacombes ont donc servi essentiellement à enterrer les morts ; la mortalité de l’époque, notamment en ce qui concerne les enfants
(dont les tombes sont très nombreuses dans les catacombes) justifie l’étendue des nécropoles qui ont
servi pendant plus de 300 ans. Elles n’ont pas pu servir à cacher l’Église durant les persécutions
(d’ailleurs inégales et discontinues : 202, 250, 257 ; 295, 303) ; les catacombes n’étaient nullement
clandestines : un cadastre du sous-sol devait être fourni à l’autorité romaine ; elles n’ont pas été non plus
le lieu du culte (exiguïté des locaux, caractère irrespirable de l’air, impossibilité d’allumer des torches).
C’est aux « titres » ou « maisons d’église » qu’il faut chercher les premiers lieux de culte, dans des
maisons amies en plein centre de Rome, qui constituaient les meilleures cachettes, encore visibles sous
certaines basiliques romaines que l’on construit après 313.
L’art des catacombes : objets mineurs, sculptures (sarcophages), peintures :
– reprise des motifs décoratifs romains : rubans, guirlandes, petits amours, corbeilles de
fleurs ;
– éléments traditionnels romains repris avec une signification symbolique différente : «
véritable catéchisme en images » (le poisson = anagramme du Christ ; le paon = immortalité de l’âme ; l’ancre =
l’espérance, etc.). Les chrétiens se livrent ainsi à une subversion des signes connus de tous, auxquels ils donnent une
signification symbolique autre. Il s’agit d’un art essentiellement symbolique, mais resté simple, accessible à tous les
fidèles et nullement réservé à des initiés.
S. Sebastiano, nécropole romainee
S. Sebastiano, Hypogée
4) MOYEN-AGE : UNE PÉRIODE ESSENTIELLE DE L’HISTOIRE DE ROME (312-1420)
Après avoir été pendant plus de dix siècles la capitale d’un Empire universel, Rome devient peu à peu celle d’une Église
universelle pendant encore plus de dix siècles. Certains historiens prolongent même ce Moyen-Âge jusqu’en 1527, date du
sac de Rome par les armées de Charles Quint, comme Ferdinand Gregorovius, Histoire de Rome au Moyen-Âge (1854-
1871) ou, plus récemment l’italien Ludovico Gatto, Storia di Roma nel medioevo (1999). C’est donc une longue période,
souvent négligée dans les guides, source de très nombreuses créations culturelles encore fondamentales dans le visage
actuel de Rome et auxquelles il faut consacrer du temps. C’est dire aussi que la « Renaissance » sera brève à Rome : elle
ne commence vraiment qu’après le retour définitif des papes d’Avignon, en 1420, vers le milieu du XVe siècle (1453 = prise
de Constantinople par les Turcs = fin de l’Empire d’Orient,), et surtout avec les papes Della Rovere, de Savone (Sixte IV et
Jules II) et Médicis (Léon X et Clément VII), d’origine florentine. Après 1527, on entre dans l’âge « baroque ».
L’ importance de Constantin dans l’installation du christianisme comme religion officielle
Paul Veyne a fait récemment une belle mise au point sur le début du Moyen-Âge, dans son livre Quand notre monde est
devenu chrétien (312-394), Albin Michel, Idées, 2007, 320 p. : « Un des événements décisifs de l’histoire occidentale et même
mondiale s’est produit en 312 dans l’immense Empire romain. Ce IVe siècle de notre ère avait mal commencé pour l’Église
chrétienne : de 303 à 311, elle avait essuyé une des deux pires persécutions de son histoire, qui avait fait des milliers de
morts (...). Or l’année suivante, en 312, le plus imprévisible des événements éclata : un autre des co-empereurs, Constantin,
le héros de cette grande histoire, se convertit au christianisme à la suite d’un rêve (« tu vaincras sous ce signe »). À cette
époque, on pense que cinq ou dix pour cent à peine de la population de l’Empire (soixante-dix millions d’habitants peut-être)
étaient chrétiens. ‘Il ne faut pas oublier’, écrit J. B. Bury, ‘que la révolution religieuse faite par Constantin en 312 a peut-être
été l’acte le plus audacieux qu’ait jamais commis un autocrate, en défiant et en méprisant ce que pensait la grande majorité
de ses sujets’ » (pp. 9-10). L’Église chrétienne non seulement cesse d’être persécutée, mais elle devient la
religion de presque tous les empereurs suivants ; devenue officielle, elle obtient peu à peu que l’ancienne
religion romaine, le « paganisme », ne soit que tolérée, puis pratiquement interdite : au VIe siècle, l’Empire
n’est presque peuplé que de chrétiens. Constantin considère que le paganisme n’est qu’une « superstition désavantageuse »
face au christianisme qui est la « très sainte Loi divine ».
C’est parce qu’il a été soutenu par Constantin et par ses successeurs que le christianisme a ainsi
triomphé : la « supériorité » du christianisme était plus sensible aux avant-gardes sociales, culturelles
et littéraires qu’à la masse analphabète de la population romaine attachée à sa religion traditionnelle.
Les chrétiens, qui n’étaient qu’une « secte orientale » parmi d’autres (comme le culte de Mithra, très
populaire. Avant 312, Constantin lui-même pratiqua la religion du « Soleil invincible ». Cf. le temple de
Mithra de San Clemente), n’aurait pas triomphé sans ce soutien des empereurs, qui permettent la
constitution d’une Église, - organisation nouvelle par rapport au paganisme -, dont une hiérarchie
pourvue d’autorité contrôle la totalité de l’existence de ses fidèles, croyance, spiritualité, morale,
métaphysique, vie quotidienne, sexualité, rites, dogmes, et peut sanctionner les déviations, imposant
peu à peu son fonctionnement à l’ensemble de la population, punissant les « hérésies », etc. (« Hors de l’Église pas de
salut »). Et lorsque, en 330, Constantin déplacera à Byzance la capitale de l‘Empire, Rome va se réorganiser comme
capitale de l’Église chrétienne dont les évêques et le clergé deviendront les chefs à la fois religieux et politiques, faisant
peu à peu triompher une intolérance, une hostilité aux non-chrétiens, hérétiques et juifs en particulier, qui n’était pas le
fait de Constantin. L’histoire du Moyen-Âge à Rome est celle du progressif triomphe de cette Église sur l’ensemble de la
société. Ce ne fut pas sans peine.
Une période d’équilibre entre paganisme et christianisme
Les premières constructions chrétiennes sont faites par Constantin lui-même :
* la première basilique de S. Jean de Latran, qui contraste avec les lieux de culte antérieurs, plus
discrets et pauvres. Elle est monumentale : 98 mètres par 56 et très richement ornée.
* des basiliques extérieures aux murs sont agrandies : San Sebastiano sur la via Appia, San
Lorenzo sur la Tiburtina, Santa Costanza sur la via Nomentana (près de la tombe de Ste Agnès) ;
* la première basilique de S. Pietro (319-329), sur la tombe de St Pierre et une partie du cirque de
Néron ;
* la basilique de S. Paolo sur la via Ostiense, et Santa Croce in Gerusalemme, édifiée en 329
après le retour de Palestine de Ste Hélène, la mère de Constantin, avec le bois de la Croix du Christ
« inventé » sur les lieux de la Passion.
* Constantin fait construire d’autres monuments : l’arc de triomphe près du Colisée, l’arc à quatre
faces du Vélabre, les thermes du Quirinal, le temple de Vénus génitrice dans le Forum de César ;
achèvement de la basilique de Maxence sur le Forum ; restauration du temple de Cybèle au Vatican
et de la muraille d’Aurélien. Mais, bien qu’il soit fier de Rome, Constantin transfère la capitale de l’Empire à Constantinople en 330 : c’est la fin
d’un certain type d’Etat romain et le début de l’Empire byzantin.
Jusqu’au Ve siècle, Rome reste cependant une grande ville subventionnée par l’empereur, elle continue à comporter : 2 Capitoles, 2
hippodromes, 2 marchés, 3 théâtres, 2 amphithéâtres, 4 gymnases pour gladiateurs, 5 naumachies (spectacles sur l’eau), 15 nymphées, 11
grands établissements thermaux, 1352 bassins d’eau et fontaines, 36 arcs de triomphe, 6 obélisques, 423 temples, 28 bibliothèques, 11 forums,
10 grandes basiliques, 1797 « domus » (palais privés patriciens), 46.606 « insulae » (immeubles
pour familles modestes), 16 portes, 28 voies militaires, sur un pourtour de 28 milles romains, soit
40 kms. La distribution de l’eau, essentielle pour la consommation, la fraîcheur et la lutte contre les
incendies, est assurée par 19 aqueducs.
L’administration religieuse se développe rapidement à côté et parfois en concurrence avec
l’administration civile romaine. Les « titres » (lieux de culte) se multiplient, souvent à partir de
maisons privées (Cf les édifices romains souterrains existants à S. Clemente, aux Sts Jean et
Paul, à Ste Cécile au Trastevere). On commence à transformer des édifices païens en églises : en
609, le Panthéon devient l’église de Ste Marie des Martyrs, Santa Pudenziana est construite sur
des thermes, S. Stefano Rotondo sur un édifice militaire : S. André du Quirinal, S. Sébastien, S.
Théodore sont construits sur des temples païens, Santa Sabina naît d’un édifice privé (425-432),
Santa Maria in Cosmedin des bâtiments de l’Annone, etc. ; on utilise de plus en plus de colonnes,
chapiteaux, tuiles ou autres éléments de temples pour la construction et l’ornement des églises
(calices, candélabres, marbres). Bien qu’on continue à entretenir les anciens monuments, cela
donnera bientôt à Rome un visage nouveau centré sur la pratique de la religion chrétienne. De plus
en plus, surtout à partir de la chute de l’Empire d’Occident en 476, c’est du pape que dépendent la vie et le
salut de Rome.
Sur un autre plan, Constantin intervient dans l’Église pour imposer une orthodoxie contre les « hérésies », par
exemple il condamne Arius et sa théorie de l’inégalité dans la Trinité entre le Père et le Fils pour faire
approuver la doctrine d’Athanase condensée dans le Credo encore valable, adopté en 325 (« Figlioque
procedit »). En 382, l’empereur Gratien supprime de nombreuses indemnités aux prêtres païens et aux
vestales : la querelle entre chrétiens et païens a aussi ses aspects économiques !
Le christianisme va devoir s’affirmer dans une série de conflits
* avec les hérésies parfois soutenues par quelques empereurs, l’arianisme (affirmation qu’il n’y a pas
égalité entre le Père et le Fils qui n’est qu’une créature), le nestorianisme (la Vierge a été mère d’un homme,
pas d’un Dieu. Contre cette affirmation sera construite la première basilique consacrée à la Vierge, Santa
Maria Maggiore), le manichéisme (combattu par Léon I en 440), les cultes solaires ...
* contre les abus d’intervention des empereurs dans la vie interne de l’Église. L’Église luttera entre autres
contre les empereurs byzantins qui veulent continuer à contrôler Rome, à l’encontre du pape. Le pape Gélase
I (492-496) affirmera le primat du pape contre les représentants de Byzance installés à Ravenne.
* avec le Sénat (dont les pouvoirs se limiteront à la seule ville de Rome) et les pouvoirs civils de Rome
encore tenus en main par des païens (le paganisme se maintient jusqu’en 392, date de l’édit de Théodose qui
élimine les restes des religions autres que le christianisme) ; au début des années 60 du IVe siècle, Julien
l’Apostat tente un retour au paganisme qui garde quelques grands intellectuels comme Symmaque, Aurelius
Avianus, Quintus Aurelius et Fabius Memmius.
* mais aussi de conflits internes à l’Église, luttes pour le pouvoir entre des évêques, parfois violents et
sanglants : le pontificat de Rome est un nouveau pouvoir important, source de richesse et de célébrité, et,
comme dans tout pouvoir, on se bat pour le conquérir ! Contre ces pratiques de pouvoir, quelques
ecclésiastiques, comme le pape Léon I (440-461), développent les activités caritatives, l’aide aux
communautés pauvres, les restaurations et constructions d’églises (Santa Maria Maggiore, 420-440).
* Un autre sujet de conflit est l’affirmation de Rome comme centre de la chrétienté par rapport aux églises africaines et moyen orientales.
La dégradation de Rome par les invasions barbares
La transformation de Rome est accélérée à partir du Ve siècle par les invasions « barbares » («
barbare » vient du grec et désignait tous ceux qui n’étaient pas grecs, et qui bredouillaient le grec, «
bar-bar-bar », et non ceux qui avaient une barbe) qui n’hésitent pas à faire le siège de la ville, pillent
et détruisent les monuments romains : sièges d’Alaric, roi des Goths en 410, de Genséric, roi des
Vandales en 455, qui dépouille la ville de beaucoup d’objets précieux mais endommage peu les
édifices. En 476, Odoacre, roi d’une tribu germanique, les Érules, dépose Romulus Augustule, le
dernier empereur d’Occident. et règne sur l’Italie par délégation de Zénon, l’empereur d’Orient.
La dégradation sera aggravée par la guerre gréco - gothique. Le roi des Ostrogoths, Théodoric
(454-526), avait été élevé à la cour de Byzance et y avait reçu une éducation classique ; mais,
comme il devenait menaçant pour Constantinople, l’empereur l’envoya combattre Odoacre qu’il
vainquit et assassina en 493 ; il devient roi d’Italie avec
Ravenne comme capitale et Patricien d’Orient. En 493, il vient
passer 6 mois à Rome, qu’il admire, s’installe au Palatin, aide
à la restauration de la ville, et redonne de l’importance au
Sénat. Mais il est arien (disciple d’Arius) et veut contrôler l’Église de Rome ; cela va bientôt le brouiller avec
le pape et avec le Sénat : à la mort du pape Athanase II en 498, il soutient come successeur Symmaque (qui
était diacre et arien, et partisan du rapprochement entre Romains et Ostrogoths contre Byzance), alors que
le Sénat soutient Laurent, partisan des philo byzantins. Le conflit dure 7 ans
et finira par la victoire de Symmaque, pape jusqu’en 514. Les partisans
romains de Théodoric, de grands intellectuels comme Albi, Boèce et
Cassiodore, partisans d’un rapprochement entre Rome et les « barbares »,
l’emportent, mais sont eux aussi éliminés par Théodoric qui ne les trouve pas
assez antibyzantins.
Surtout, le nouvel empereur Justin I est farouchement antiarien, et fait
condamner les ariens, c’est-à-dire presque tous les « barbares » d’Europe et
d’Afrique. Boèce et Jean I échouent dans leur mission pour convaincre l’empereur d’être plus tolérant. À leur retour
de Constantinople, Théodoric fait assassiner Boèce en 426, de même que le pape Jean I, tandis que Cassiodore
est éloigné de Rome.
Cela tendit les rapports entre Ostrogoths et Romains ; la guerre éclate entre les descendants de Théodoric et le
général de l’empereur Justinien, Bélisaire qui conquiert Rome en 536, avec une armée composite, qui comprend
une dizaine de races. Les armées des Goths assiègent Rome pendant un an en 536 ; elles détruisent les
aqueducs dont un seul sera ensuite réparé par Bélisaire. Vaincues, elles se réorganisent sous l’autorité de Totila,
et refont en 544 le siège de Rome qui est conquise par trahison et pillée gravement, tandis que beaucoup de
Romains s’enfuient : Rome passe de 200.000 à 100.000 habitants. Un troisième siège aura lieu en 550, et
l’occupation des Goths ne s’achèvera qu’en 553 par leur défaite définitive.
Rome est donc détruite, matériellement et psychologiquement par ces années de guerre entre les Byzantins et les Goths ; c’est là que commence
vraiment le processus de crise qui achèvera le passage de la Rome païenne à la Rome chrétienne.
S. Callisto, Symboles : berger, croix gammée
(ancien symbole solaire), ancre, poisson
Restes de la statue
monumentale de Constantin
S. Clément, autel du temple de
Mithra
Santa Sabina
Bataille avec les Daces (Colonne trajane)
Bataille avec les Ostrogoths (sarcophage)