4.3. Roma - 6
Rome entre les Byzantins et les Lombards. L’appel à l’intervention carolingienne
Les Romains ne s’entendent pas mieux avec les Byzantins, dont l’empereur a signé l’Édit des Trois Chapitres favorable aux monophysites (affirmation que le Christ
a une seule nature et n’est pas à la fois homme et dieu). En 554, la Pragmatique Sanction tente de régler les rapports entre Byzance et l’Italie : le représentant de
l’empereur en Italie, l’exarque de Ravenne, a les pouvoirs civils et militaires ; aux évêques la charge des édifices publics, la protection des faibles, la reprise
économique (travaux publics, annone, justice), administrative ... et religieuse. Cela augmente considérablement le pouvoir civil du pape. Les anciens privilèges sont
rendus au Sénat et à l’évêque de Rome, moyennant des taxes coûteuses, que l’empereur devra diminuer, les Romains
étant trop pauvres pour les payer. Et par là, Rome perd aussi l’autonomie administrative qu’elle avait conservée.
C’est la période où se développe l’art de style byzantin dans Rome occupée par le général Narsès et par une
importante colonie grecque. Beaucoup d’églises seront restaurées ou reconstruites dans ce style au cours du VIe
siècle ; parallèlement, le clergé augmente. Le pape fait passer de 14 à 7 le nombre des « regiones » de la ville.
C’est aussi l’époque où apparaît une nouvelle menace, celle des Lombards (Longobardi), peuple venu de la
Scandinavie et de l’embouchure de l’Elbe. Ils descendent vers l’Italie en 568 et installent leur capitale à Pavie. La
capitulation des Byzantins ôte tout prestige à l’Etat, et dans chaque ville menacée, c’est vers l’évêque que se retourne
la population pour sa sauvegarde et la défense du droit. À Rome c’est Grégoire I le Grand, devenu pape en 590, qui
assure la survie de la ville contre les Lombards et contre la peste qui s’est déclarée. Outre le développement de la vie
religieuse (processions, etc.), il accroît le propriétés foncières de l’Église pour alimenter la ville en blé, vin et huile
(l’empire a cessé d’assurer l’alimentation romaine, l’assistance sociale de l’Église augmente aux pauvres, malades,
estropiés, esclaves : le pape finance le rachat des esclave baptisés). D’autre part, il traite avec les Lombards pour
qu’ils n’attaquent pas Rome, et il augmente son indépendance vis à vis de Byzance. À la mort de Grégoire I, en 604,
l’Église s’est développée, mieux et plus largement organisée, considérablement enrichie ; elle a pris une place centrale
dans l’administration de Rome ; les Lombards se sont convertis de l’arianisme au catholicisme et se sont romanisés,
intégrés à la culture d’origine latine et à la langue, alors que le grec ne reste que dans le vocabulaire savant,
médecine, chimie, astronomie, philosophie, jurisprudence.
D’autres conflits à la fois politiques et religieux opposeront pendant
le VIIe siècle l’Église de Rome aux empereurs byzantins. En 663,
l’empereur Constance II enlève de Rome tous les bronzes qu’il a fait arracher aux monuments, même au toit du
Panthéon pourtant devenu église chrétienne ; dans la seconde moitié du VIIe siècle, Rome est réduit par
l’empereur à être capitale d’un « duché » dont le chef est nommé par l’exarque de Ravenne. Un quartier grec se
développe autour de S. Maria in Cosmedin. Le conflit iconoclaste, sur le culte des images, approfondit encore la
division entre Rome et Constantinople qui considère les images comme une idolâtrie. Le pape déclare les
iconoclastes comme hérétiques et s’appuie sur les Lombards de Liutprand, qui en profitent pour envahir le
territoire romain en 728.
Pris entre les Lombards et les Byzantins, le pape se retourne alors vers les Francs de Charles Martel, puis de
Pépin le Bref, manifestant ainsi son autonomie politique. En 751, les Lombards s’emparent de Ravenne, puis
marchent sur Rome et la pillent. Finalement le roi lombard Didier est battu par Charlemagne qui sera couronné
empereur à Rome le 25 décembre 800 par le pape Léon III. C’est la fin d’une époque, on entre dans un autre
rapport entre l’Église et l’Etat impérial : le principe est posé de la dualité du pouvoir, spirituel (le pape) et temporel
(l’empereur) ; pendant ces conflits, profitant de la diversité des alliances, le pape a réussi à renforcer son
pouvoir, à agrandir son territoire et à devenir, outre le maître de Rome, un point de référence pour toute l’Europe. Le « don » par Pépin le Bref des anciens
territoires de l’exarque de Ravenne au pape est à l’origine des Etats temporels du pape.
De la Renaissance carolingienne à l’apparition de la Commune (1143)
Un autre péril se profile bientôt, les invasions arabes. Les Sarrasins, vaincus à Poitiers en 732, profitent de la chute de l’empire d’Occident et de l’affaiblissement de
l’empire byzantin pour faire des excursions en Italie à partir de l’Afrique du Nord qu’ils ont conquise, ils occupent la Sicile et rentrent dans une partie de Rome en
846, ce qui pousse le pape Léon IV à renforcer les murailles d’Aurélien, englobant désormais Saint Pierre et ses quartiers environnants (847-853), ainsi que la
basilique de St Paul Hors les Murs. Pour cette défense contre les Sarrasins, les papes du IXe siècle sont aussi amenés à développer une armée proprement
romaine dont ils sont les chefs.
Le problème de l’Église de cette époque est que, en même temps, elle a besoin de soutiens politiques et financiers, et qu’elle doit se battre pour conserver son
indépendance religieuse : elle passe donc des compromis permanents avec le Saint Empire germanique (lui-même convoité par des puissances contradictoires),
les Francs, les Lombards, les Byzantins, et les diverses grandes familles romaines qui se combattent pour conquérir le pouvoir pontifical, en particulier les Colonna
et les Orsini. Cela détermine aussi l’urbanisme de Rome : les papes essaient à la fois de restaurer la ville pour offrir une sécurité aux habitants et aux pèlerins et de
lui redonner une splendeur qui marque la puissance du pape et de l’institution et qui rappelle la grandeur de la Rome de l’époque de Constantin. Charlemagne est
pensé comme héritier de Constantin et protecteur de l’Église, tandis que le pape est l’héritier de Pierre et l’origine de tout pouvoir. On assiste à une renaissance de
l’empire et à une affirmation de l’Église, qui multiplie les constructions religieuses dont St Pierre est le sommet et le modèle.
Il faut souligner que Rome devient un lieu de pèlerinage de plus en plus fréquenté par les étrangers
venus du Nord, d’Allemagne, des pays anglo-saxons, des territoires francs ou d’Afrique et du
Moyen-Orient. Rome était un des trois grands lieux de pèlerinage, avec Jérusalem (les lieux où
vécut le Christ) et St Jacques de Compostelle (réputé « matamore », vainqueur de Maures,
protecteur de la lutte contre les Arabes). Les papes développèrent les pèlerinages à Rome autour
des tombes de Pierre et de Paul et de celles de très nombreux martyrs ; de plus, avait été instituée
une liste de péchés très graves que seul le pape pouvait remettre, inceste, homicide, viol, sacrilège,
parricide, simonie, assassinat d’un clerc, une liste toujours plus longue ... ; l’institution du Jubilé en
1300, avec l’obtention d’une indulgence plénière pour les pèlerins, fit de la ville le plus grand centre
de pèlerinage, la nouvelle Jérusalem. Or cela était la source de revenus importants, argent, dons,
legs qui contribuèrent au développement de la richesse et de la puissance de l’Église romaine.
Après l’extinction de la dynastie carolingienne, Rome entre dans une
période de crise : les grandes familles romaines se disputent pour
conquérir le pouvoir pontifical et se battent pour l’élection des papes,
dont aucun ne sera canonisé d’Adrien en 885 à Léon IX en 1054, tant
ils sont corrompus, de moeurs légères et scandaleuses. Parmi ces
familles, s’imposeront particulièrement les Théophylactes (de 900 à la
mort d’Albéric en 954), les Crescenzi (985-1014) et les comtes de
Tusculum (papes Benoît VIII, 1012-1024, Jean XIX, 1024-1032, Benoît
IX, 1032-1045, alliés des empereurs). Les empereurs germaniques en
profitent pour tenter de rétablir l’autorité impériale sur Rome et l’Italie et
ils placent leurs amis sur le trône pontifical (Grégoire V et Sylvestre II) ;
les Allemands occupent le quartier qui entoure le Vatican, le « Burg »
(en italien le « Borgo ») et se construisent des forteresses dans toute la
ville et ses alentours. Rome devient un mélange complexe de quelques sites anciens encore magnifiques et demeures riches
reconstruites dans les décombres des monuments anciens, et une masse de décombres d’où émergent des colonnes, statues, arcs,
portiques qui font l’admiration de beaucoup de visiteurs. Les collines ont été abandonnées et l’habitat se concentre dans la plaine du
Champ de Mars, le seul lieu où arrive encore de l’eau.
Mais en 1059, une réforme confia l’élection pontificale, jusqu’alors dépendante des grandes familles romaines et de l’empereur, aux
seuls cardinaux réunis en Conclave et dont la décision devra être acclamée par le peuple romain. Cela suscita la fureur de l’empereur
Henri IV qui commença par faire élire un antipape, Honorius II (1061-1072) qui s’opposa au pape Alexandre II (1061-1072) ; il est excommunié en 1076 ; puis en
1081, pour se venger de l’humiliation qu’il a subie de Grégoire VII et de la comtesse Mathilde de Toscane à Canossa, il descendit en Italie et assiégea Rome. En
1084, le pape Grégoire VII (1073-1085) appela à son secours le roi normand Robert Guiscard qui le délivra mais saccagea et incendia la ville qu’il laissa dans le
chaos. La Rome ancienne est maintenant détruite de façon irréversible, y-compris une partie de St Pierre et de St Paul, les murailles « léonines » et beaucoup
d’églises. La ville reste aux mains de l’antipape Clément III (1084-1100) imposé par l’empereur, tandis que les papes élus ne peuvent y entrer que dans les
quartiers où résident leurs alliés. Le pape Urbain II (1088-1099) parvient cependant à convoquer à Rome un Concile qui appellera à la première croisade, en 1099.
Pourtant, malgré cette débâcle, Rome reste la « ville éternelle », l’unique héritière à la fois de l’antiquité impériale et des saints Pierre et Paul, et les pèlerinages ne
cesseront pas.
Dans ce contexte troublé, la population romaine est de plus en plus amenée à s’organiser elle-même pour se défendre ; elle l’a déjà fait contre les Byzantins et
contre les Germains. Ainsi apparaissent des « scholae » d’artisans ; le peuple intervient toujours plus dans la vie romaine : par exemple, il défend par des émeutes
efficaces le pape Grégoire VII. Las des querelles entre les familles aristocratiques – les Pierleoni contre les Frangipani, les Corsi ou les Orsini contre les Colonna,
les Cenci, Papareschi, Crescenzi, etc. –, et des jeux d’alliance des papes et des antipapes avec les Normands, les empereurs ou les Francs, etc., le peuple
ressuscite l’ancien Sénat (56 membres, plus tard réduits à un seul élu pour six mois), s’empare du Capitole et donne naissance, longtemps après d’autres villes
italiennes, à une Commune romaine laïque indépendante, en 1143. Les monnaies communales reprennent les inscriptions « S.P.Q.R. » (Senatus populusque
Romanus) et « Roma caput mundi » À côté du Vatican, le lieu saint de la tombe de St Pierre, et du Latran, centre de l’administration pontificale et résidence du
pape, un troisième lieu se manifeste définitivement à Rome, le Capitole comme siège du pouvoir communal, expression d’une composante laïque toujours présente
dans la ville.
La période communale (1143-1305). La querelle avec les empereurs.
La Commune est traversée à ses débuts par la prédication d’un réformateur religieux, Arnaldo da Brescia. Disciple d’Abélard à Paris, il est éloigné après la
disgrâce de celui-ci et il arrive en 1145 dans la ville de Rome, en plein conflit entre le pape Eugène III (1145-1153) et les empereurs Conrad III et Frédéric
Barberousse auxquels la commune s’adresse pour en obtenir un renforcement de sa fonction laïque. Arnaldo prêche violemment contre la richesse et la mondanité
du clergé, pour la réforme des moeurs ecclésiastiques, pour le développement du clergé féminin tenu dans la soumission du clergé masculin, mais aussi pour la
construction de logements pour les pauvres et pour la restauration d’une ville en ruines, dont il souhaite le retour à une république vertueuse. Cela inquiète la
hiérarchie catholique, et le pape Adrien IV (1154-1159), d’autant plus que Arnaldo tente de prendre contact en 1152 avec Frédéric Barberousse qui vient d’être
nommé empereur, mais celui-ci le fait arrêter et livrer au préfet de Rome qui le fait pendre, brûler et disperser ses cendres dans le Tibre pour que son corps
échappe à la vénération populaire. L’empereur était en train de descendre à Rome pour se faire couronner par le pape et avait préféré ne pas se compromettre
avec Arnaldo, classé parmi les « hérétiques » de l’époque.
En ce XIIe siècle, la ville commence à renaître, on en a le témoignage à travers les
documents qui attestent la présence de nombreuses corporations d’artisans, dans une
population qui est peut-être encore de 70 à 80.000 habitants ; changeurs, travailleurs de fer
forgé, de maçons, de charpentiers, de chausseurs, selliers, tourneurs, fabricants de
peignes, de laine, bouchers, poissonniers, marchands d’huile, tanneurs, tailleurs, taverniers
pour recevoir des pèlerins qui redeviennent de plus en plus nombreux (« tourisme religieux
» pour lequel on publie des « Itinéraires », guides des lieux conseillés, basiliques,
tombeaux des saints, cimetières, monuments anciens, par exemple les Mirabilia Urbis
Romae, qui indiquent aussi les légendes, les lieux où manger, dormir, s’amuser sans
tomber dans les mains des escrocs ou des prostituées. C’est de ce livre que sera tirée en
1323 la Planimétrie de Fra Paolino). Les destructions ont libéré de la place et à la place des
ruines on voit se créer de nombreux jardins potagers. La vie agricole se développe,
l’élevage se pratique jusqu’à l’intérieur de la ville ; le rapport à la campagne et les petits
marchés agricoles restent une caractéristique de Rome encore aujourd’hui. Les artisans
forment des corporations toujours plus fortes, représentées par un conseil de 13 « boni homines ».
Même lorsque le pape tentera de la maîtriser, la Commune se préoccupera du développement de la ville, de
l’entretien des ponts et des voies consulaires qui assurent l’ouverture vers le monde extérieur. Elle reprend intérêt à
l’entretien des anciens monuments romains et de leur restauration : Panthéon, Colisée, Théâtre de Marcellus,
Mausolée d’Auguste, Forum de Trajan, thermes de Caracalla, pyramide Cestius, arcs de Constantin et de Janus,
aqueducs. La louve redevient, à côté du lion, le symbole de la ville. Parallèlement à son importance religieuse, Rome
reprend donc une importance civile et culturelle toujours plus marquée, qui viendra renforcer la gloire de l’Église
romaine, pourtant toujours hostile au pouvoir civil qui s’est mis en place.
C’est aussi l’époque où les papes et les grandes familles aristocratiques construisent et agrandissent leurs palais, et
les dotent de tours (Margana, Carboni, delle Milizie, Mesa ...).
Cependant la jeune Commune entre vite en conflit aussi bien avec l’empereur qu’avec les papes. L’arrivée de
Frédéric Barberousse en 1155 est l’occasion de batailles violentes entre les citoyens romains et les troupes
allemandes ; mais la Commune s’appuie éventuellement sur l’empereur pour se renforcer face aux papes, elle
cherche à intervenir dans les conclaves qui élisent le pape : par exemple en 1159 elle soutient un candidat contre
Rolando Bandinelli qui sera pourtant élu sous le nome d’Alexandre III, et fait élire un antipape, Victor IV qui meurt en
1164. Toutes les dernières années du XIIe siècle et le XIIIe siècle seront ainsi marqués par ce rapport de la
Commune et du peuple romain entre papes, antipapes et empereurs, chacun jouant son jeu avec l’un ou l’autre selon les intérêts du moment. À noter que
l’empereur Frédéric Barberousse a été vaincu par les Communes du Nord de l’Italie et a dû reconnaître leur indépendance par la paix de Constance en 1183.
Dans cette période de lutte entre le pape et l’empereur Rome est tantôt sous la tutelle pontificale (Innocent III, 1198-1216), tantôt sous celle de l’empereur (Frédéric
II soutient la révolte de 1234 contre le pape, considérant que c’est le peuple romain qui a le droit de consacrer l’empereur, et non le pape) ; à Rome, l’emportent
alternativement les Guelfes (partisans du pape) et les Gibelins (partisans de l’empereur), mais les uns et les autres se refusent à être soumis au pape ! Parfois ils
recherchent un « Sénateur » extérieur à la ville, comme en 1252 où ils demandent à Bologne, ville juridiquement riche, de le leur fournir ; les Bolonais envoient en
1255 un gibelin, Brancaleone degli Andalò, qui, par dérogation, sera élu pour trois ans et jumellera le sénatorat avec la charge de Capitaine du Peuple qui lui
donne le gouvernement de la ville, affaiblissant le pouvoir pontifical. Il réorganise la justice, aux dépens des nobles habitués à défendre leurs privilèges, il étend le
territoire romain par la conquête de Tivoli et de la zone d’Ostie, il réforme et renforce le système des corporations. Éloigné en 1255 puis rappelé, Brancaleone fait
détruire 150 tours des nobles qui l’avaient combattu et des amis du pape Alexandre IV. Il meurt en 1258, témoignage de la force qu’a prise la vie communale
romaine.
Après Brancaleone, les papes feront désigner comme Sénateur le français Charles I d’Anjou qui bat définitivement les Gibelins à la bataille de Bénévent (1266) où
est tué Manfred, le fils de Frédéric II, dont le dernier descendant est vaincu et exécuté à Naples en 1268. Charles est nommé roi de Sicile et doit renoncer au
Sénatorat de Rome.
Les papes commencent à s’installer au Vatican où est construit un premier palais forteresse. Ils revendiquent la
seigneurie de Rome dans les Fundamenta militantis Ecclesiae, qui rappellent la « donation » de Rome par Constantin au
pape Sylvestre I, et Nicolas III Orsini est élu Sénateur de Rome en 1278 jusqu’en 1292 ; il est remplacé par Boniface
VIII de 1295 à 1303. Rome connaît alors un maximum de richesse et de splendeur ; de grands artistes (Giotto, Pietro
Cavallini, Pietro Torriti, les « Cosmatesques », le florentin Arnolfo di Cambio...) viennent travailler à Rome ; les parties
anciennes sont pourtant abandonnées, le Forum et le Palatin sont plantés de vigne, les buffles et les porcs viennent y
paître.
Mais c’est aussi par l’élection de Boniface que commence la fin de cette époque florissante. Boniface, de la puissante
famille des Caetani, enrichie par des moyens douteux pendant son cardinalat, se rend célèbre par l’organisation du
premier jubilé de 1300, qui amène chaque jour à Rome, dit-on, 200.000 pèlerins, qui remplissent les poches des
commerçants romains ; il exploite ainsi le mysticisme et les aspirations populaires du XIIIe siècle qui attendent un
changement de l’Église (Cf le mouvement franciscain, les pauvres de Lyon de Pierre Valdo, Arnaldo da Brescia, et la
quantité de groupes qui seront déclarés « hérétiques »). Mais sa politique partisane, les conflits entre les Orsini,
favorisés par le pape et les Colonna qu’il déteste et excommunie, crée bientôt dans la ville un climat insupportable ; sa
théorie de la supériorité du pape sur les rois (la bulle Unam Sanctam) lui attira l’hostilité des rois, en particulier celle de
Philippe le Bel, qui fit appel au Concile, fit arrêter Boniface à Anagni par son conseiller Guillaume de Nogaret ; il fut
maltraité par Sciarra Colonna et, libéré par une révolte populaire des habitants d’Anagni, mourut un mois après en 1303.
Son successeur, Clément V (1305-1314), archevêque de Bordeaux, décidera en 1305 de quitter Rome et de s’installer à Avignon. Rome est seule, privée de pape
pour plus d’un siècle.
L’exil d’Avignon et le Grand Schisme (1305-1420)
’absence des papes de Rome ouvrira une grande période de décadence dans la vie économique, politique et culturelle de la ville.
L’activité économique des papes et des fonctionnaires de la Curie se déplace de Rome à Avignon ; la vie sociale se dégrade sous le commandement des
Sénateurs nommés par le pape et étrangers à la ville. En 1308, un incendie endommage gravement St Jean de Latran ; les rues deviennent sales et puantes. Les
nobles relèvent la tête. En 1323, les Colonna font couronner empereur Ludovic le Bavarois par les représentants du peuple romain ; or c’est un adversaire du pape
Jean XXII (1316-1334) qui l’excommunie et lance l’interdit contre sa ville, invitant le clergé à s’en éloigner. Ludovic réplique par l’élection d’un antipape, Nicolas V,
tandis que les Romains se retournent contre les soldats allemands de Ludovic, qui abandonne Rome avec l’antipape en 1328. Rome est privée des deux grands
pouvoirs, le pape et l’empereur.
Le couronnement poétique de Pétrarque en 1341 sera comme un prélude de l’arrivée au pouvoir de Cola di Rienzo. Celui-ci, jeune
notaire éloquent, désireux de redonner à Rome sa grandeur passée, convainc Pétrarque et le pape Clément VI (1342-1352) de le
nommer notaire de la Chambre Apostolique. Il est combattu par les nobles, mais, grâce à l’affichage d’ immenses manifestes
publicitaires et par trois ans de discours enflammés, il parvient à se faire nommer « Tribun » de Rome le 20 mai 1347 sur un
programme politique clair de lutte antibaronale pour le salut de Rome ; il rétablit pour lui les anciens rites impériaux, se baigne dans
la vasque de Constantin, proclame Rome « caput mundi » et accorde la liberté à toutes les villes italiennes en leur donnant la
citoyenneté romaine. Désavoué pour sa cruauté et ses discours illuminés, il doit quitter Rome en novembre 1347. Il revient
triomphant en août 1354, nommé Sénateur avec l’appui du pape Innocent VI (1352-1362) et du cardinal Albornoz. Il est arrêté et tué
le 8 octobre 1354.
Rome est épargnée par la peste de 1348, mais ébranlée par un tremblement de terre en 1349 ; elle connaît encore un succès lors du
second jubilé de 1350 dont les diverses parties du clergé se disputent les revenus.
Dans les années qui suivent, Rome est en proie des conflits entre les familles
nobles, les bourgeois et les artisans, sous la direction impuissante de sénateurs
étrangers. Urbain V (1362-1370) tentera un premier retour dans la ville en 1367 ;
il devra la quitter à nouveau en 1370.
En 1378, éclate le Grand Schisme : le Conclave a élu un pape italien, Urbain VI
(1378-1389), mais les cardinaux français lui opposent un autre pape, Clément VII (1378-1394), source de
conflits religieux, politiques et militaires dans lesquels interviendra Catherine de Sienne pour tenter d’arrêter le
Schisme. Entre 1409 et 1415, il y aura même trois papes, à Rome, Avignon et Pise. Ce n’est qu’en 1420 que
Martin V Colonna (1417-1431) ramènera définitivement la papauté à Rome ; le dernier pape d’Avignon, Benoît
XIV, ne mourra qu’en 1430.
Pendant toute cette période, Rome reste d’une part le centre incontesté de la chrétienté, avec la présence de
grandes personnalités (3 empereurs, Catherine de Sienne, Brigitte de Suède, Pétrarque ...), la création d’une
institution communale et d’une activité populaire vivantes, souvent anarchique et destructrice. D’autre part, la
ville est dans un état déplorable, déserte dans certains quartiers, les rues sont impraticables, les maisons sans
toit, les loups tournent dans les rues la nuit et dans les cimetières, de nombreux cadavres restent sans sépulture ; les denrées alimentaires manquent, la faim
règne, il n’y plus d’argent ; le Forum est réduit à « une étable de porcs et de buffles », le Palatin à des pâturages, le théâtre de Marcellus à une boucherie ; partout
on voit dans les rues des morceaux de colonnes et de statues, les marbres des édifices anciens sont brûlés pour faire de la chaux, le saccage est général, les
voleurs et brigands pullulent ; la population est estimée entre 20.000 et 25.000 habitants.
5) UN SIECLE DE « RENAISSANCE » (1420-1527)
Le premier souci de Martin V est de remettre de l’ordre et de la sécurité dans les rues de Rome, d’autant plus que s’approche le jubilé de 1430 ; il confie
l’administration à un Maire général, supérieur au sénateur et aux plus hauts fonctionnaires, il nomme un Maître des rues et des responsables des édifices,
fontaines, cours d’eau, égouts et ponts ; il travaille à civiliser un peuple de commerçants et d’artisans et une plèbe sans aucune culture ni souci d’hygiène ; il se met
à la restauration des monuments anciens : il s’occupe lui-même de St Pierre, St Jean de Latran, St Paul, Ste Marie Majeure et le Panthéon, mais il impose aux
cardinaux, généralement riches, de pourvoir à la restauration des églises dont ils sont titulaires. Il restaure aussi la vie spirituelle, aidé par une mystique comme
Francesca Romana (1384-1440), dont la dépouille sera transportée, après sa sanctification, dans l’église du Forum qui porte son nom. Son activité sera poursuivie
par son successeur Eugène IV(1431-1347) (qui prendra soin de se débarrasser pourtant de la présence des Colonna... !).
Nicolas V (1447-1455) sera le premier pape d’esprit humaniste. Il institue un jubilé en 1450, qui sera une grande affaire, spirituelle certes, mais aussi commerciale
: de façon significative, Cosme l’Ancien de Médicis vient lui-même au jubilé, il y gagne des centaines de milliers de florins. Nicolas V fera venir aussi de nombreux
humanistes avec lesquels il développe l’Université et la Bibliothèque Vaticane. Il faut penser que, dans une ville comme Florence, la Renaissance est commencée
depuis déjà longtemps, que le régime communal est déjà transformé en « seigneurie » que commence à dominer la famille des Médicis. Rome a du retard, et la
« renaissance » y sera brève. Le 20 mai 1453, les Turcs s’emparent de Byzance et abattent l’empire d’Orient, dans la plus grande indifférence des Occidentaux en
général et de Rome en particulier.
Calixte II (1455-1458) est un Borgia, considéré comme inculte et peu religieux, a pour principal souci de
placer famille et amis dans les propriétés et les postes importants ; peu favorable aux humanistes, il
marque un retour en arrière et l’installation d’un clergé qui n’a comme visée que la conquête du pouvoir
ecclésiastique. Il tente cependant d’organiser une croisade conte les Turcs, mais sans succès : Isabelle
d’Aragon vient d’épouser Alphonse de Castille, et ils sont surtout préoccupés par les problèmes espagnols
et par la conquête de l’océan Atlantique.
Cette conscience du péril turc sera aussi le fait de son successeur, Pie II Piccolomini (1458-1464),
homme de grande culture et humaniste actif de qualité : il s’occupe peu de Rome, mais fait construire
Pienza.
Il faut attendre les papes suivants pour que s’amorce vraiment à
Rome un mouvement culturel de « renaissance» : d’abord Paul II
(1464-1471, né Pietro Barbo à Venise) qui améliore la vie
économique de Rome, s’intéresse à l’agriculture et à l’élevage, mais
fait aussi renaître une tradition toute vénitienne de fêtes (carnaval,
etc.). Il introduit à Rome l’imprimerie ; il reçoit en 1466 Georges
Castriote Scandenberg, le héros albanais qui a défendu les Balkans
contre les Turcs. Ensuite Sixte IV (1471-1484), un Della Rovere, poursuit le travail de restauration de Rome, aqueducs,
ponts, bonification des quartiers, pavage des rues, églises ; il introduit à Rome Botticelli, Cosimo Rosselli, Pinturicchio,
Perugino, Piero di Cosimo ... ; Rome devient un grand centre commercial ; la chute de Constantinople amène à Rome un
grand nombre d’intellectuels et d’artistes grecs ; Laurent le Magnifique épouse Clarisse Orsini, ce qui resserre les liens entre
les deux villes, même si le pape favorise les Pazzi qui tenteront d’arrêter la montée au pouvoir des Médicis. Cela renforcera
plus tard la présence d’artistes florentins, Michel-Ange, Léonard, Leon Battista Alberti. Innocent VIII marie son fils à
Madeleine de Médicis, créant une alliance entre les ligures et les florentins, qui rendra possible l’arrivée des Médicis à la
papauté au siècle suivant.
Après la transition d’Innocent VIII (1484-1492), est élu un second Borgia, Alexandre VI (1492-
1503), cardinal déjà célèbre pour sa vie débauchée et son attachement à la promotion de ses fils et à l’augmentation de leur patrimoine
(César et Lucrèce), pour lequel il dépouille toutes les grandes familles romaines, les Orsini comme les Colonna ; malgré son soutien à
l’Espagne et à un pacte anti-français, le roi Charles VIII, aidé par les Colonna et les Della Rovere entre à Rome en 1494, et ses troupes
saccagent la ville ; cela force Alexandre à renforcer ensuite la fortification du Vatican ; il contribue par contre à développer l’Université de
Rome.
Le plus ancien recensement connu de Rome est de 1526, il trouve une population de 55.000 habitants sur 9285
foyers. On y compte une majorité d’hommes, fonctionnaires pontificaux (prêtres célibataires) et personnel du pape
et des grandes familles, nobles attirés par ce centre de pouvoir, moines, pèlerins, mais aussi artistes. La ville avait
aussi une quantité de prostituées et de mondaines entretenues, de 5000 à 9000 personnes ! Par ailleurs, le style
ce vie romaine, l’abondance des cérémonies (conclaves, consistoires, célébrations liées à la présence de rois ou
d’empereurs, funérailles ...qui provoquent une consommation énorme de bougies et de cire) fait que Rome est
une ville qui achète beaucoup (tissus, vêtements civils et ecclésiastiques, outils, vases, plats, miroirs, rosaires,
verres, épices...) et ne produit que peu de choses ; une quantité de personnes ne vivent que des libéralités du
pape, référence de toute la vie économique, et une plèbe misérable tourne autour des résidences des très riches
familles romaines, s’abritant dans les ruines persistantes des monuments romains anciens, Forum, Palatin,
Septizonium, etc.
Par contre les cardinaux entretiennent une vie de cour somptueuse, ils s’occupent de tout, d’administration
urbaine, d’affaires, ils dirigent des travaux, vont à la chasse, font des concours de chevaux et de chiens, organisent des banquets, concerts,
souvent terminés dans des scènes orgiaques qui font de Rome, malgré ses destructions, la capitale d’un Etat de l’Église rénové, doté d’une
cour et d’une administration efficace. L’ « Urbs » devient de plus en plus la capitale de l’Église, et à mesure qu’augmente le pouvoir du
pape, le pouvoir civil et laïque, celui de la commune, perd de son autorité. Mais jamais il ne s’effacera dans l’histoire de Rome : reste forte la référence à la
République romaine, non dépourvue d’une dose d’anticléricalisme. L’humanisme de la Renaissance exprimera cette référence (Cf. la naissance en 1483 de
l’Académie romaine, évocatrice de la grandeur de l’antiquité romaine : Pomponio Leto, Bartolomeo Platina, Filippo Buonaccorsi, Marcantonio Cocci ...).
Cette réalité de Rome continue de se développer avec les papes suivants : d’abord Jules II (Giuliano Della Rovere, neveu de Sixte IV) (1503-1513), qui fait entrer
les souverains étrangers dans la vie italienne en coalisant la France, l’Espagne et l’Empire sous l’égide du pape contre Venise, puis forme une « sainte ligue »
contre la France trop présente, qui conquiert cependant le duché de Milan ; ce pape guerrier renforce les défenses de Rome et des villes en sa possession, il ouvre
des rues nouvelles pour les cortèges pontificaux entre St Pierre et St Jean de Latran (Via Giulia). Mais en même temps qu’il fait la guerre, il fait travailler Michel-
Ange à la chapelle Sixtine (que Sixte IV a fait édifier de 1475 à 1481), à son tombeau de St Pierre aux Liens ; les papes Médicis le feront travailler à la construction
d’une église dans les thermes de Dioclétien, et à la réfection de la place du Capitole. Surtout, Jules II prend la décision de faire démolir le vieux St Pierre et de
reconstruire une nouvelle église (la « Fabbrica di San Pietro », avec Donato Bramante et Michel-Ange). Dans cette immense reconstruction de la ville, on n’hésite
pas à démolir beaucoup des constructions du Moyen-Âge.
Arrivent ensuite les toscans, Léon X (1513-1521, Jean de Médicis qui n’est même pas prêtre au moment de son élection) et Clément
VII (1523-1534). Léon X accorde des avantages à la Commune pour avoir la paix avec les Romains ; il veut faire de la ville le centre
religieux et intellectuel du monde, fait travailler Raphaël au Vatican et à St Pierre, et lui confie aussi la charge des trésors d’art ancien à
conserver ; celui-ci orne aussi la Farnesina construite par Baldassare Peruzzi pour Agostino Chigi (1508-1511). De nombreux artistes
viennent à Rome, souvent d’Italie centrale, Jules Romain, Sebastiano del Piombo, Gianfrancesco Penni, Baldassare Peruzzi. Par
ailleurs, pour financer tous ces travaux, il continue la politique des indulgences qui rencontreront l’opposition des évêques allemands
et susciteront la protestation de Martin Luther.
C’est sous Clément VII que se termine cette période : dans la guerre entre François 1er et Charles
Quint, le pape choisit d’adhérer à la ligue anti-impériale de Cambrai. Charles Quint se croira obligé de
l’en punir, et il lance ses troupes de lansquenets allemands, espagnols et italiens, dont beaucoup sont
protestants, contre la ville qui sera pillée avec l’aide des soldats des Colonna que Clément VII haïssait,
en mai 1527. Ce « sac de Rome » sera un horrible saccage des palais, des églises et de la
population, tandis que le pape s’est enfermé dans le château Saint-Ange avec ses mercenaires
suisses. Charles Quint quitte Rome en février 1528.
La ville est dans un état de dégradation totale, aggravée par la peste et la famine, réduite à 30.000
habitants. Le Moyen-Âge est définitivement terminé, on est entrés dans l’ère moderne qui sera d’abord
une ère « baroque ».
Une longue transition est assurée d’abord par Clément VII et Paul III Farnese (1534-1549) qui instaure le tribunal de l’Inquisition
(1541) et introduit les Jésuites à Rome (mais c’est le cardinal Alexandre Farnese qui fit construire l’église du Gesù en 1568,
modèle d’architecture religieuse pour plus d’un siècle) ; il est aussi soucieux de créer à Rome une véritable cour dont les
constructions et la décoration sont assurés par Michel-Ange (Palais Farnese, place du Capitole, Porta Pia, dernières sculptures),
Antonio da Sangallo le Jeune et des peintres comme Perin del Vaga (qui orne le château Saint-Ange et la Trinità dei Monti),
unique disciple direct de Raphaël, et des toscans comme Daniele da Volterra et Giorgio Vasari. Les dernières peintures de
Michel-Ange (Jugement dernier à la Chapelle Sixtine de 1536 à 1541, Conversion de S. Paul, 1542-5 et Crucifixion de S. Pierre,
1546-50 à la Chapelle Pauline du Vatican) montrent clairement que l’esprit de la Renaissance a disparu au profit d’un pessimisme
tragique qui montre le drame de la condition humaine. Le Concile de Trente, outre son nouveau catéchisme et sa redéfinition du salut par la foi et les oeuvres,
prend des décisions concernant l’art sacré et instaure à partir de 1563 un rigorisme très strict qui commande la restructuration de toutes les églises sur le modèle
du Gesù. En 1564, Daniele da Volterra est appelé à couvrir les nus du Jugement dernier ; interviennent des peintres comme Sebastiano del Piombo, Marcello
Venusti, Taddeo et Federico Zuccari, Giovanni De Vecchi, Giuseppe Valeriano.
6) NOTE SUR LA ROME BAROQUE
I. LE BAROQUE : Origine et place dans l'histoire de l'art et des idées.
- phénomène culturel qui s'est manifesté dans toute 1'Europe au cours des 16ème et 17éme siècles, et qui a pris
son essor à Rome vers 1600.
Le baroque est l'expression d'une époque de crise générale :
* crise socio - politique et économique (guerres incessantes depuis la fin du XVe siècle sur le territoire
italien convoité par la France et par l'Espagne) ;
* crise religieuse : pour la première fois, l'Europe chrétienne se divise entre catholiques et protestants :
l'unité est brisée (Luther publie ses 95 Thèses en 1517, il est excommunié en 1521);
* crise intellectuelle : les grandes découvertes astronomiques (Copernic, 1473-1543 ; Galilée, 1564-1642)
bouleversent la vision « chrétienne » de l'univers : la terre et l'homme ne sont plus immobiles au centre de l'univers --
> comment lire désormais la Genèse ? Crainte que cela ne bouleverse tout le système chrétien (d'où la
condamnation de Galilée, en 1633 par le Tribunal de l’Inquisition, due à cette crainte plus qu'à une hostilité à telle ou
telle conception scientifique en tant que telle).
- phénomène religieux :
- fruit de la Contre - Réforme. Le Concile de Trente (1545-1563)
réaffirme l'importance éducative des images et de l'oeuvre d'art.
- à Rome, volonté des Papes, protecteurs des arts et mécènes, de donner une beauté exaltante à la capitale de
la « chrétienté » mise en cause par la Réforme luthérienne. Il s'agit de séduire les esprits à travers les sens pour les
reconquérir à la « vraie » foi : un art au service d'un pouvoir à la fois politique et religieux.
- continuateur de la Renaissance : même somptuosité, même art aristocratique et savant, mais
- en sacrifiant son sens de l'ordre issu du principe des proportions : la Renaissance florentine avait aboli le
sens du péché, le monde était affirmé comme harmonieux, beau, la nudité des êtres était le reflet de la beauté du monde
créé par Dieu et s'épanouissait dans l'art et dans la vie.
- en abandonnant son anthropomorphísme : le baroque n'exalte plus l'homme mais ce qui le dépasse ; le
sens du péché reprend sa place centrale : le nu sera désormais voilé (les « rajouts de pudeur » de Daniele da Volterra
sur le Jugement dernier de Michel-Ange, imposés par le pape Pie IV entre 1560 et 1565), suggéré mais non montré. Il n'en deviendra que plus suggestif et sensuel
!
- en faisant triompher non plus la raison et l'équilibre mais l'imagination qui porte l'homme vers l'infini divin (mouvement ascensionnel et ouverture sur
le ciel ; espace divisé en deux parties, le ciel et la terre ...).
II. CARACTERISTIQUES GENERALES : Formes anciennes, liberté nouvelle.
1) Mouvement et Espace
Le baroque recherche le mouvement au lieu de la perfection statique, l'illimité au lieu de l'achevé, l'opulence au lieu de la pureté.
La baroque préfère les courbes aux droites (Cf San Carlo Quattro Fontane de Borromini), les contrastes violents d'ombre et de lumière, d'où :
2) son côté théâtral :
. construction scénographique des places et des villes,
. Façades des églises conçues comme des décors animés (statues),
. agencement des nefs d'églises sans bas-côtés mais avec balcons et loges,conçus comme autant de théâtres : église servant de scène à la place sur
laquelle elle est construite, elle-même théâtre avec comme scène l'autel (Cf Sant'Ignazio)
. importance de la place avec sa fontaine, condensé du style baroque dans ce qu'il a de capricieux, de mouvant, de scénographique.
III. LES GRANDS MAITRES DE L'ARCHITECTURE ET DE LA PEINTURE BAROQUE ROMAINE
I) La révolution du BERNIN (I598-I680) :
* S'identifie au baroque romain ; arbitre du goût pendant un demi-siècle ; architecte
de génie attiré par les grandes perspectives, mais aussi sculpteur, peintre et décorateur.
- achève Saint-Pierre: Le baldaquin, la chaire, la colonnade ;
- construit l' église de Sant'Andrea al Quirinale, son oeuvre préférée
- sculpte l' Extase de Sainte Thérèse D'Avila. en l'église S. Maria della Vittoria :
exemple type de cette piété extérieure et théâtrale et de ce mysticisme sensuel , que le
baroque a su si bien illustrer. Nombreuses sculptures (Cf Galleria Borghese : David,
Apollon et Daphné)
- érige la Fontana dei Fiumi, pìazza Navona.
2) Francesco BORROMINI (I599-I667)
- Moins monumental que le Bernin mais plus virtuose,
- église San Carlo Quattro Fontane (triomphe de l'ovale),
- église Sant' Ivo della Sapienza
- église Sant' Agnese, place Navone,
- campanile de S. Andrea delle Fratte.
3) Pietro Berettini da CORTONA (1596-1669), peintre officiel de la cour
pontificale.
- inventeur de la façade d'église courbe.
- Ste Marie de la Paix (1656-57), San Carlo al Corso (1668-1672) et SS.
Martina e Luca (1635-1650).
- Peintre : fresque de la Chiesa Nuova, Triomphe de Bacchus, Aurore,
fresques du Palais Barberini.
Grégoire I le grand
Charlemagne reçu à Rome par Adrien I en 774
Matthew Paris, la plus ancienne représentation de Rome pour les pèlerins
(1250-59) : en bas à g. « la porte de vers le royaume de Poille », à dr. « la
porte vers lumbarde » ; à g. du Tibre qui coupe l’image, 3 édifices, « Seint
Pol », « Domine quo vadis », « Seint Jehan de Latrane » ; à dr. du Tibre,
« Seint pere ».
Anonyme, Plan de Rome, 1447. Peu
de monuments dans le vide : en bas
à dr., le Borgo avec S. Pierre et au-
dessus le Trastevere ; au centre, le
Panthéon et le Colisée.
Artisans : forgeron et marchand de vêtements
Gravure du « campo vaccino » (le Forum romain)
Boniface VIII
Cola di Rienzo sur le Capitole
Piranesi, Le Temple d’Hercule Vainqueur, de la place
Bocca della Verità , occupé par des maisons
A. Tempesta, Rome autour des Thermes de Caracalla,
réduite à une campagne presque déserte (XVIe siècle).
Alexandre VI Borgia
Un libelle contre Alexandre VI,
prince des démons (incision
française fin XVe s.)
Prostituée romaine
(C. Vecellio, 1590)
Martin Luther
Albrecht Dürer, Lansquenets de Charles
Quint
Galilée devant le Tribunal de l’Inquisition
(peintre anonyme contemporain)
Le Concile de Trente (peintre anonyme
contemporain).
Toute reproduction (papier ou numérique) est interdite sans une autorisation écrite du propriétaire du site.
Gian Lorenzo Bernini, L’Extase de Sainte Thérèse à S.
Maria della Vittoria (1644-21652) et la façade de
l’église Sant’Andrea al Quirinale (1658).
Gian Lorenzo Bernini, Apollon et
Daphné (1624) et le David (1623-4)
à la Galleria Borghese
Borromini, église de San Carlo Quattro Fontane (San
Carlino), voûte et façade.
Pietro da Cortona : façade de S. Maria della Pace 1656-7
et coupole de S. Carlo al Corso (1668). Au centre : façade
des SS. Luca e Martina (1635-1650)