4.3. L’histoire des villes italiennes : Firenze - 9
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Annexe 5 - SANTA MARIA NOVELLA : QUATRE PEINTRES, QUATRE STYLES GIOTTO, MASACCIO, UCCELLO, GHIRLANDAIO  1) Le Crucifix de GIOTTO : le 11 avril 2001, le Crucifix de Giotto, en restauration depuis 12 ans à l’Opificio delle Pietre Dure, a été réinstallé dans l’église. À l’origine, il faisait peut-être pendant à la Maestà de Duccio (maintenant aux Offices) dans le transept ; puis en 1565, Vasari l’installe sur la contre façade (le support de la Croix est encore visible au-dessus de la porte). En 1937, l’œuvre se trouve dans la Sacristie. Elle a été installée au milieu de la nef centrale, accrochée à la voûte par une subtile structure métallique sans vis ni clous, au niveau des deux marches qui séparaient autrefois la partie réservée aux fidèles de celle du clergé. Peint entre 1288 et 1290, par un Giotto encore très jeune (1266-1336), ce Christ a représenté une révolution dans la façon de peindre la crucifixion. Ses dimensions avaient frappé le public par leur ampleur (5,40 m. de haut par 4 m. de large et un poids de 250 kgs) mais surtout par l’allongement du corps : Giotto avait fait ajouter en bas du bois préparé un morceau de 30 cm puis un autre où il représenta le Golgotha avec le crâne d’Adam. Or, « dans ces trente centimètres de bois ajouté se concrétise un profond renouvellement de la peinture », écrit Marco Ciatti, responsable de la restauration : le Christ de Giotto n’est plus une représentation symbolique, mais un corps humain tiré vers le bas par sa pesanteur physique, dépassant ainsi les dimensions traditionnelles des crucifixions. Comparez avec la Crucifixion de Cimabue (1274) au Musée de Santa Croce : les bras sont horizontaux, l’arc du corps aux courbes très accentuées ne semble pas peser sur les membres, le symbolisme géométrique (l’ovale du visage, etc) est encore celui de la tradition byzantine. Chez Giotto, il s’agit de la représentation d’un homme qui souffre réellement et qui s’appuie sur la croix de façon naturelle ; le sang gicle du côté et coule des mains, les côtes ressortent sur la poitrine, le pagne moule les formes. Le réalisme est encore accentué parle caractère très sculptural du Christ, de la Vierge et de Jean-Baptiste (cf. les drapés). Ce naturalisme nouveau est en consonance avec le message religieux que les Dominicains de Santa Maria Novella voulaient faire passer, dans leur lutte contre les cathares qui condamnaient comme un mal la réalité physique. Et l’impact de l’œuvre de Giotto fut grand sur le public. En 1312, un certain Ricuccio del fu Puccio del Mugnaio insère dans son testament un legs pour que « soit toujours allumée une lampe à Santa Maria Novella devant le Christ de Giotto ». Et, dans le Purgatoire, Dante déclare la supériorité de Giotto sur son maître Cimabue (Purg. XI, 95). 2) Santa Maria Novella vient aussi de retrouver une autre œuvre restaurée par l’Opificio delle Pietre dure, la Trinità de MASACCIO (1401-1428), réalisée en 1424 ou 1426-8. Masaccio a assimilé le nouveau style théorisé par Filippo Brunelleschi, la perspective géométrique. La fresque de Masaccio présente la Crucifixion à l’intérieur d’une voûte en berceau longtemps attribuée à Filippo lui- même, tellement l’ensemble est structuré par cette recherche d’architecture. La construction géométrique fait apparaître des triangulations ascendantes (des commanditaires du bas jusqu’à la tête du Père, dans une montée verticale de la caducité matérielle - le squelette horizontal portant l’inscription : « Je fus ce que vous êtes, et ce que je sui, vous le serez » – à la divinité éternelle) et descendantes (des angles supérieurs de la fresque aux pieds du Christ. Au milieu des deux, la figure du Christ, point central de la fresque, comme hors de la perspective, seigneur immuable du monde, Homme Dieu faisant le lien entre l’humanité d’en bas et le monde divin. Masaccio ne se contente donc pas d’appliquer les règles nouvelles de la perspective, mais il accentue violemment la perspective de la voûte pour exprimer de façon plus forte et personnelle sa vision d’un monde à la fois géométrique et rationnel, selon l’idéologie de la bourgeoisie florentine (les marchands donateurs du bas, figures massives, peut-être de la famille Cardoni, représentés pour la première fois aussi grands que les personnages divins), mais dont l’humanité doit son affirmation à la médiation du Christ crucifié.  3) Avec Paolo UCCELLO (1397-1475), Santa Maria Novella  présente un troisième peintre florentin représentatif de ce nouveau style de la « Renaissance », dans ses fresques déposées maintenant dans le Réfectoire du cloître, Création d’Adam, d’Eve et des animaux, Péché originel (vers 1425 ou 1430 ?) et les Histoires de Noé (vers 1447). Uccello s’intéresse à la forme pure, à la géométrie, aux jeux d’optique et de perspective. Élève et ami de Ghiberti, il reste encore attaché aux formes gothiques (cf. les paysages  fantaisistes à rochers, le drapé de Dieu le Père, etc., plus orientés par une recherche décorative que par la création d’un espace géométrique cohérent). À la différence de Masaccio, Uccello ne s’intéresse pas à l’architecture, mais aux beaux objets et aux belles formes mises en relief par la lumière dans cet espace défini par les nouvelles règles de la perspective (cf. le Déluge, ci dessus). Il crée des objets fantastiques comme le « mazzocchio », sorte de chapeau ou turban à facettes, qui constitue un des éléments ornementaux presque surréalistes de l’œuvre de Uccello.   4)  Les fresques de Domenico GHIRLANDAIO (1449-1494), dans la Chapelle Majeure de l’église (1485-90), complète ce panorama de la peinture florentine entre XIVe et Xve siècles. Elles sont commandées par l’oncle de Laurent de Médicis, Giovanni Tornabuoni, qui accepte de financer la décoration du chœur à la condition que ses armes figurent en bonne place et que le peintre insère des portraits de la famille Tornabuoni dans les scènes de la Vie de la Vierge. Depuis que Gozzoli avait représenté les Médicis dans la Chapelle de leur palais, la mode du portrait collectif s’était imposée. L’emprise des grandes familles de la ville sur les commandes de peinture est de plus en plus forte : non seulement elles continuent, comme au XIVe siècle, à payer la décoration d’une chapelle pour se faire pardonner leur activité d’usure condamnée par l’Eglise, mais elles imposent les peintres de leur choix (c’est Giovanni Tornabuoni qui choisit Ghirlandaio) et les sujets, parfois profanes. À Florence, ce mécénat est le fait de l’entourage immédiat des Médicis qui contrôlent toujours plus la production artistique à partir du retour à Florence de Cosme l’Ancien, en 1433.
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