Depuis la seconde guerre mondiale : 2. Où va l’Italie ? (1992-20132) - suite
En 1990, Berlusconi crée, sous des prête-noms, 3 chaînes payantes, Télé 1, Télé+2, et Télé+3, et il passe Il Giornale sous
le nom de son frère Paolo. Berlusconi décide de « descendre sur le terrain » politique en 1994, en créant un nouveau parti
« Forza Italia » (en Sicile « Forza Sicilia », qui comprend les anciens autonomistes et les représentants de la mafia), et il
devient Président du Conseil, allié à Alleanza Nazionale (ex-fascistes) et à La Ligue du Nord. Celle-ci l’abandonne au bout
de 8 mois et il doit démissionner. Il est mis en examen pour corruption de juge, liens avec la mafia, fraude fiscale, faux en
bilan... Plusieurs fois condamné, il est finalement absous soit en appel, soit par prescription. En 1996, le centre–gauche de
Romano Prodi gagne les élections, mais le communiste Massimo D’Alema constitue avec Berlusconi une Commission des
deux chambres, où il l’intronise comme « padre costituente » ! (Voir la dénonciation de la collaboration entre centre-droit et
centre-gauche, l’appui donné par la gauche aux télévisions de Berlusconi, etc. dans le livre L’inciucio (contrat clandestin
peu clair), de Marco Travaglio et Peter Gomez, B.U.R., 2006). Cela l’aidera à gagner à nouveau les élections en 2001,
avec son parti nommé maintenant « Casa della libertà » et il redevient Président du Conseil.
Pourquoi décide-t-il de « descendre sur le terrain politique» ?
1) Parce qu’il y a un vide politique créé par « Tangentopoli », Craxi est éliminé, le PSI et la DC disparaissent ; il faut
combler le vide et en profiter ; d’autre part, il faut éviter que les « communistes » arrivent au pouvoir à cette occasion, et
puissent lui créer des difficultés en jugeant son histoire passée ;
2) Il y est poussé par la mafia, qui n’a plus de soutien au Parlement, après la disparition du PSI (et d’abord de Craxi) et de
la DC ; les attentats et assassinats mafieux de 1993 sont probablement l’expression de cette pression (à moins que
Berlusconi lui-même les ait suscités pour aggraver la tension existante ?) ;
3) Le pouvoir politique sera une carte de plus dans ses affaires, et lui permettra d’avoir une couverture politique sous la
forme d’une immunité parlementaire, mais aussi d’avoir la main sur tous les médias, ceux de Mediaset (privés) et ceux de
l’État, la RAI ; ce pouvoir satisfait par ailleurs son orgueil personnel.
Ses intermédiaires avec la mafia(3) sont surtout deux personnages, Vittorio Mangano et Marcello Dell’Uttri. Le premier,
Vittorio Mangano (1940-2000), criminel sicilien défini par le juge Paolo Borsellino « une des têtes de pont de l’organisation
mafieuse dans le nord de l’Italie ». Arrêté et emprisonné plusieurs fois (chèques sans provision, escroquerie, recel ;
extorsion, ; coups et blessures ...), il est connu de Dell’Utri qui le fait embaucher en 1973 dans la villa d’Arcore de Silvio
Berlusconi, comme « palefrenier » (il sera toujours présenté par la suite comme « le palefrenier d’Arcore »). Il quitta la villa
en 1975 pour des raisons mal définies. Il a eu avec Berlusconi des rapports ambigus : aurait-il été celui qui a tenté
d’enlever son fils ? Aurait-il été le « protecteur » mafieux de Berlusconi ? Des repentis ont témoigné que, par son
intermédiaire, Berlusconi aurait versé 200 millions de lires (environ 100.000 euros) par an à la mafia.
(3) Pour les rapports de Berlusconi avec la mafia, voir : Fabrice Rizzoli, Petit Dictionnaire énervé de la mafia, L’opportun Eds, 10/02/2012 ; Marco Travaglio et
Peter Gomez, plusieurs ouvrages importants (sur le site : www.mafias.fr et Peter Gomez. it) ; Vincenzo Pilato, La mafia, La Chiesa, lo Stato, Effat・Editrice, 2009,
320 pages.
Mangano a été condamné à la prison à vie pour 2 assassinats, et il est mort de cancer quelques jours après sa
condamnation. En 2008, Dell’Utri, approuvé par Berlusconi, déclara que Mangano avait été « un héros », parce que, pour
avoir une peine moins lourde, il aurait pu témoigner contre lui et contre Berlusconi, et qu’il ne l’avait pas fait !
Mais l’intermédiaire principal entre Berlusconi et la mafia a été Marcello Dell’Utri (1941- ), d’abord employé de banque
avant de rentrer à la Fininvest, et de devenir sénateur et député européen de Forza Italia, jusqu’à sa condamnation. Il a
été l’ami de Berlusconi depuis leur rencontre à l’Université de Milan, et il devient son secrétaire dès 1963, puis son
assistant dans la société Edilnord, puis administrateur de la société Publitalia, et de Fininvest en 1984. Il est un des
fondateurs de Forza Italia en 1994. Dell’Utri a été poursuivi pour complicité d’association mafieuse; c’est lui qui aurait
concouru aux investissements de la mafia dans la Fininvest, et qui aurait été « l’ambassadeur de la mafia à Milan ». En
2004 il est condamné à 9 ans de prison et interdiction à vie d’exercer une charge publique, par le tribunal de Palerme,
condamnation réduite à 7 ans en appel. En 2012, la Cour de Cassation annule le jugement pour insuffisance de preuves,
et demande un nouveau procès, tout en confirmant que Dell’Utri a bien été l’intermédiaire entre Berlusconi et la mafia.
Le 30 décembre 2012, Dell’Utri, installé à Saint-Domingue, déclare à Il Fatto quotidiano, que sa candidature aux élections
de 2013 serait un acte de « légitime défense », raison pour laquelle il était déjà entré dans la lutte politique en 1994...
comme Berlusconi...
Que conclure ?
1) Berlusconi n’est donc qu’un homme d’affaires, pas un homme politique ; ce qui compte, c’est le développement de ses
affaires, dont l’État n’est qu’un élément ; le politique est pour lui le meilleur moyen de se protéger des poursuites
judiciaires et de gagner de l’argent. Il est la suite des politiques socialistes et démocrates-chrétiens éliminés par les procès
de 1992 ; et l’incarnation de tout ce qui a détruit ou gâté le meilleur de l’Italie. Le 5 janvier 2013, il déclare encore : « Je me
sentirai pour toujours un entrepreneur qui s’est mis à disposition de la politique » (La Repubblica, 05/01/2013)... ou : qui a
mis la politique à sa disposition !
2) Berlusconi est un homme d’affaires mafieux puissant, qui avait de nombreuses protections dans tout l’appareil politique,
judiciaire, policier, maçonnique, ce qui lui a toujours permis jusqu’à maintenant d’échapper à la justice et à la prison. Il a
cru que cela lui permettait n’importe quel comportement politique, sexuel et moral. Prenons quelques exemples :
a) La protection de la Loge P2 : Il obtient du Monte dei Paschi de Sienne (dont le « provveditore » est membre de la Loge)
des financements dont la légalité est douteuse. Il s’assure une collaboration avec le Corriere della Sera, alors dirigé par un
membre de la Loge et qui est alors possédé par la société Rizzoli, appartenant à Angelo Rizzoli et Bruno Tassan Din,
membres de la Loge.
b) La protection de certains officiers de la Guardia di Finanza : le 24 octobre 1979, 3 officiers de la Guardia viennent
enquêter au siège de l’Edilnord Cantieri residenziali ; Berlusconi (seul propriétaire de la société) les reçoit, déclare qu’il
n’est qu’un conseiller extérieur pour la construction de Milan 2. Les officiers ne posent pas de questions et concluent leur
enquête, malgré toutes les anomalies existantes ; ils seront tous brillamment promus ; l’un d’eux quittera l’armée pour
venir travailler à la Fininvest comme avocat d’affaires (Massimo Maria Berruti), avant d’être plus tard arrêté et de devenir
député de Forza Italia. On s’apercevra qu’un autre officier était membre de la Loge P2.
c) La protection de juges : le 30 mai 1983, la Guardia di Finanza de Milan procède à des écoutes téléphoniques de
Berlusconi, dans le cadre d’une enquête sur le trafic de drogue, et son rapport dit : « Il est à signaler que le bien connu
Silvio Berlusconi financerait un intense trafic de stupéfiants en provenance de la Sicile et destiné tant à la France qu’à
d’autres régions d’Italie (Lombardie et Latium). Le susdit serait au centre d’une importante opération spéculative sur la
Côte Esmaralda en utilisant des sociétés-écrans ayant, dans la plupart des cas, leur siège à Vaduz (Lieechtenstein) et
toujours à l’étranger. Du point de vue opérationnel, les sociétés en question laissaient une grande marge de manoeuvre
aux professionnels locaux ». L’enquête traîne 8 ans sous la direction d’un procureur accusé depuis de corruption, puis est
oubliée et classée par le doyen des juges d’instruction de Milan, Anna Capelli.
d) La protection de Craxi et du CAF (Craxi-Andreotti-Forlani), comme on l’a vu à propos de la loi Mammì sur les télévisions
privées. En échange, Berlusconi fut accusé de financement illicite de parti politique pour un versement de 21 milliards de
lires à Bettino Craxi, condamné à 2 ans et 4 mois de prison, jugement cassé par prescription.
e) La protection de Berlusconi lui-même : devenu Président du Conseil, il consacra une partie importante de son temps et
des lois qu’il fit adopter pour se protéger de possibles jugements à son égard et pour éviter les condamnations ou les faire
annuler par prescription, en payant de nombreux avocats pour faire traîner suffisamment les procès. Citons quelques-unes
de ces lois :
* Loi sur les commissions rogatoires (367/2001) qui annule l’utilisation des commissions suisses;
* Dépénalisation du « falso in bilancio » (loi 61/2002) ;
* Loi « Cirami » (248/2002) sur le soupçon légitime, qui permet de refuser un juge et d’arrêter ainsi un procès * Le « Lodo
Schifani » (140/2003), qui permet aux 5 premières personnalités de l’État de ne pas se présenter à leurs procès, parce
que déjà engagés par leurs responsabilités politiques (déclaré par la suite inconstitutionnel) ;
* L’extension du « condono » (remise de peine pour les délinquants) sur les zones protégées (loi 308/2004), qui libère la
villa de Berlusconi « La Certosa »)
* Le recours du gouvernement contre une loi de la Sardaigne interdisant de construire à moins de 2 kms de la côte, qui
aurait bloqué la construction de la « Costa turchese » (250.000 m3) (recours 15/2005) ;
* Loi « ex-Cirielli » (251/2005) qui réduit les temps de prescription, qui permet d’effacer beaucoup de faits dans le procès
de Berlusconi sur les TV ; la loi permet aux personnes âgées de plus de 70 ans de purger leur peine chez eux (Berlusconi
en a 76 !) ; Pour d’autres lois, voir le site « Chi è Berlusconi » sur Forzaberlusconi.blogspot.fr).
* Mars 2010, loi « d’empêchement légitime » qui autorise le président du conseil et ses ministres à ne pas répondre à une
convocation du tribunal pendant 18 mois.
* Dans un autre domaine, la Ligue du Nord et Forza Italia ont tenté en octobre 2007 de transférer les fonds de recherche
attribués à Rita Levi-Montalcini (1909-30 décembre 2012, prix Nobel en 1986 et sénatrice à vie) à la société San Raffaele
de Milan, une société contrôlée par Fininvest et qui était au centre d’une enquête pénale pour banqueroute et fausses
factures (Cf Il Fatto Quotidiano du 1er octobre 2011).
On pourrait multiplier les exemples.
3) Son ultralibéralisme a donné satisfaction à une partie importante de la droite italienne et du patronat, jusqu’à ce qu’il
les inquiète par ses échecs et son goût exclusif de sa réussite personnelle. Lorsqu’il pense à créer son parti, en 1992, il
travaille avec les représentants du patronat et des partisans de la « libre entreprise », inquiets d’une possible prise de
pouvoir des « communistes », avec les représentants de la presse de droite, avec Craxi (Voir l’article de Giovanni
D’Avanzo, dans la Repubblica du 1er décembre 2009). Et il n’hésite pas à appeler le peuple à « travailler au noir » s’il est
au chômage, à ne pas payer ses impôts, etc. = modèle désastreux à la tête de l’État !
Son sens du comique, ses capacités de clown de la commedia dell’arte (voir ses plaisanteries sur ses adversaires, ses
amis, ses partenaires, sur Obama « bronzé », sur les femmes, sur les communistes, etc) ont séduit pendant un temps
l’opinion populaire ; sa capacité à réussir alors qu’il est parti de rien peut laisser penser que « moi aussi ... ». Il apparaît
comme un gagnant, un « homme d’acier » (dit-il de lui-même).
Il est la fin d’une certaine Italie, dont la chute a commencé en 1992, et qu’il a prolongée pendant 20 ans. Les Italiens
s’apercevront peut-être en 2013 que le crime était « presque » parfait... Dino Risi disait : « Quelques personnages ont déjà
une forme de spectacle : Andreotti c’est le drame, Berlusconi est la comédie, Bossi est la farce ».
5) Les réformes de Mario Monti :
* Rappelons d’abord qui est Mario Monti. Il est né en 1943, à Varese, il a fait ses études à l’Université Bocconi de Milan
et à l’Université Yale des USA. Il a enseigné à l’Université de Turin de 1970 à 1985, puis a été nommé recteur de
l’Université Bocconi de Milan. Il n’a jamais appartenu à aucun parti politique. Il a été commissaire européen au Marché
intérieur en 1995, puis à la Concurrence de 1999 à 2004, nommé d’abord par Berlusconi puis reconduit par Massimo
D’Alema, mais Berlusconi ne le confirma pas en 2004. On l’a surnommé « Super Mario », comme Mario Draghi. Il est
l’auteur de nombreux ouvrages d’économie. Mario Monti, Gianni Letta et Mario Draghi sont ou ont été conseillers («
International Advisor ») de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Monti est par ailleurs membre de 2 think tank
(laboratoires d’idées) européens ; il souhaiterait un renouvellement de l’Europe, dans un sens plus social. Depuis 2010 il
est président du groupe européen de la Commission Trilatérale, un groupe d’intérêt néolibéral fondé en 1973 par David
Rockfeller et le Groupe Bilderberg. Il a été nommé sénateur à vie par le Président de la République en 2011, puis
Président du Conseil le 13 novembre 2011 ; son gouvernement ne comportait aucun politique mais des « techniciens », un
banquier (Corrado Passera), une préfète (Anna Maria Cancellieri), un magistrat (Filippo Patroni Griffi), un ambassadeur
(Giulio Terzi di Sant’Agata), un amiral (Giampaolo Di Paola), des avocats
(Paola Severino, Enzo Moavero Milanesi), des dirigeants d’entreprise (Pietro Gnudi), des universitaires (Elsa Fornero,
Francesco Profumo, Lorenzo Ornaghi), un médecin (Corrado Clini), des économistes (Fabrizio Barca, Piero Giarda), le
fondateur de la Communauté Sant’Egidio (Andrea Riccardi), etc... Il eut au départ l’appui de toute la Chambre des
Députés, à l’exception de la Ligue du Nord (59 députés) et de 2 députés Pdl ex-fascistes.
* Qu’a réalisé Mario Monti ? L’effet positif reconnu de sa présidence du Conseil a été de modifier l’image de l’Italie, dans
une sens positif, de lui redonner la confiance des marchés. Monti était connu comme un homme honnête, un bon
technicien des questions économiques, mais qui n’était pas pour autant un possédant, un homme d’affaires, et qui
n’ambitionnait pas une fonction politique pour augmenter sa fortune. Il avait dit dès le début de son mandat qu’il souhaitait,
pour la transparence des membres de son gouvernement, qu’ils déclarent leur patrimoine. Il apparaît que Monti n’est
même pas le plus riche de tous les ministres : il n’a déclaré en 2010 qu’un revenu d’un million 515.000!, le salaire d’un
sénateur à vie étant de 211.502! par an ; il a versé au fisc 660.00! d’impôt. Il lui reste donc un revenu d’un peu plus de
900.000 ! par an, soit environ 7500! par mois. Il ne possède ni avion privé ni yacht ; il a trois voitures en commun avec sa
femme, avec qui il possède des appartements à Varese, Milan et Bruxelles et un patrimoine en banque d’environ 11
millions d’euros. Son ministre de la Justice, Paola Severino déclare 7 millions d’euros et son ministre du développement
économique, Corrado Passera, 3,5 millions d’euros. Mario Monti est donc un homme riche, mais sa fortune est sans
comparaison avec celle d’un Berlusconi, et il la doit à ses salaires d’universitaire et de technicien bancaire. Ce fait positif a
un peu fait oublier que Monti était aussi l’homme du Marché, nommé sous la pression de l’Europe pour calmer les
banques et le Marché sur la situation critique de l’Italie.
Par contre, au bout de 13 mois de gouvernement, les observateurs s’accordent à dire qu’il n’a guère changé la situation de
l’Italie : il était dépendant d’une majorité parlementaire ambiguë, comportant tous les élus du PDL berlusconien (qui l’ont
finalement lâché) et les élus de gauche minoritaires. Ses première manœuvres financières tendant à un budget équilibré
ont en effet rassuré les marchés, sa réforme des retraites a rétabli un équilibre; son projet de réforme territoriale était
positif mais a été refusé par la cour constitutionnelle ; il a réformé timidement les professions libérales, mais n’a pas
touché aux monopoles des chaînes de radio et télévision ; il n’est pratiquement pas intervenu sur les problèmes d’évasion
fiscale et de fraude fiscale, dont il reconnaissait pourtant que c’était un des plus gros problèmes de l’Italie ; il n’a rien fait
sur les problèmes de l’école et de l’Université ; sa réforme de l’article 18 du Statut des Travailleurs sur les licenciements a
été maladroitement présenté, a provoqué l’hostilité des syndicats, et n’a pas apporté de changements notables. Sa
réforme de l’IMU (Impôt Municipal Unique) ne parvient pas à supprimer les privilèges fiscaux de l’Église catholique. Il n’a
pas « aboli les privilèges », selon son expression de candidature, ni ceux de l’Église, ni ceux des possesseurs de comptes
en Suisse. Sous son gouvernement, la dette publique est passée de 1.906,768 milliards à 2.020,668 milliards d’euros
Maintenant, depuis 1992, le jeu des forces politiques s’est transformé. Essayons de faire un état de ce qui se profile pour
les élections de février 2013.
6) Les élections législatives de février 2013. Trois regroupements semblent se dessiner :
a) Un regroupement de centre-gauche. Le leader en sera Pier Luigi Bersani,
dirigeant du Parti Démocrate (PD). Il est né en 1951 en Émilie-Romagne, région dont il a été président dans les années
1990 ; il a été ministre (Industrie et commerce dans le gouvernement Prodi I, Transports et Navigation dans le D’Alema II
et dans le Amato II, Développement économique dans le Prodi II). Il a été élu Conseiller Régional du Parti Communiste
Italien (PCI) en Émilie, puis président de la Région comme élu du Parti Démocrate de Gauche (PDS) qui succède au PCI.
Il est un des dirigeants des Démocrates de Gauche (DS) qui succède au PDS. En 2009 il est élu Secrétaire du PD
(342.000 votants), où il succède à Dario Franceschini. Les élections primaires du Centre-gauche des 25 novembre et 2
décembre 2012 l’ont désigné largement comme candidat à la Présidence du Conseil de cette coalition, par 44,9% des
votants (3.100.00) du 1er tour devant Matteo Renzi (25,5%), Nichi Vendola (215,6%), Laura Puppato (2,6%) et Bruno
Tabacci (1,4%). Au second tour, il obtient 60,9% devant Matteo Renzi (39,1%).
Il prend l’initiative originale de faire des élections primaires dans chaque région les 29 et 30 décembre 2012, pour la
nomination des candidats aux élections législatives de 2013, où pourront voter ceux qui ont renouvelé leur adhésion au
PD et ceux qui avaient voté pour les primaires de décembre. Il y avait 6.000 sièges ouvert et
50.000 militants pour les organiser. Les électeurs pouvaient émettre deux votes préférentiels, l’un en faveur d’un homme,
l’autre en faveur d’une femme ; quand les préférences donnaient deux candidats du même sexe, le second était annulé,
mais on pouvait n’exprimer qu’une préférence. Plus d’un million de personnes ont voté. Cela rompt avec l’habitude de voir
les candidats désignés par les secrétariats nationaux des partis, et pourrait rapporter des voix nouvelles au PD, à qui les
sondages donnent environ 35% des voix. Les jeunes et les femmes sont sortis en majorité de ce scrutin : renouvellement
prometteur de la classe politique. Encore faut-il que ce vote soit respecté dans la constitution définitive des listes...
Cependant le Secrétariat a prévu une liste bloquée de candidats (10% des candidatures) pour pouvoir choisir des
personnalités nécessaires à un gouvernement efficace. Un autre groupe de centre-gauche organisait aussi des primaires,
la Sinistra Ecologia e Libertà (SEL), fondé en 2009 à l’occasion des élections européennes, à partir de plusieurs petits
partis de gauche. Son responsable est Nichi Vendola qui avait participé aux primaires du PD en 2012 ; les 2 partis iront
unis aux élections de 2013.
* L’Alleanza per l’Italia (API) de Bruno Tabacci, qui avait été le dernier candidat aux primaires du PD ? Fondée en
décembre 2009, héritage de La Margherita de Franco Rutelli, elle hésite entre centre libéral et centre gauche. Sera
finalement en coalition avec le centre gauche, de même que le nouveau Partito Socialista Italiano (PSI), recréé en 2007
(qui n’a plus d’élus depuis 2008), au moins dans certaines circonscriptions. Le Sud Tirolo Volkspartei s’est également rallié
à cette coalition « Italia. Bene comune » .
b) Le regroupement du centre de Mario Monti. Celui-ci a donc décidé de former une coalition, sans être lui-même
candidat puisqu’il est déjà Sénateur à vie. Le 31 décembre 2012, il a proposé un programme en 7 points, affirmant la
nécessité de renouveler la démocratie italienne en profondeur, dans une rigueur administrative maximale, qui serait en
même temps un programme de renouveau de l’Europe, et dépassant l’opposition entre « une vieille droite conservatrice et
libérale et une gauche progressiste et étatique ». Il présente une coalition de 3 listes à la Chambre et une liste au Sénat :
Une liste au nom de Monti « Scelta civica. Con Monti per l’Italia »), une liste de l’Union du Centre (UDC), de Pier
Ferdinando Casini, un des héritages de la DC, et une liste de Futuro e Libertà per l’Italia ( FLI) de Gianfranco Fini, né en
2010 de l’ancienne Alleanza Nazionale (néofascistes) ; au Sénat, une liste unique intitulée seulement « Con Monti per
l’Italia ».
c) Le regroupement de droite guidé par Berlusconi, qui comprend 9 partis à la Chambre et 14 au Sénat. :
* La Lega Nord de Roberto Maroni
* Le Movimento per le autonomie (MPA). N’existe qu’en Calabre, Campanie et Sicile, créé en 2005 d’une dissension
interne à l’UDC, partisan de l’autonomie du Sud, relié à la Lega Nord.
* les petits groupes Fratelli d’Italia, Partito dei Pensionati, Libertà da Equitalia, Intesa popolare, Moderati in Rivoluzione, les
Popolari d’Italia Domani (PID) de Calogero Mannino, scission de droite de l’UDC, etc.
* Grande Sud, fédération de petits partis du Sud fondée en 2011.
* La Destra di Storace, néofasciste dur. Que feront :
* Les Libéraux démocrates (LibDem) de Lamberto Dini, qui avaient flirté avec Berlusconi ?
* L’Azione Popolare (AP), de Silvano Moffa, scission des néo-fascistes ?
* Le Movimento di Responsabilità Nazionale (MRN) de Massimo Calearo, 2 anciens du PD, achetés par Berlusconi ?
d) Un regroupement de gauche autour de La Rivoluzione civile de Antonio Ingroia? avec La Federazione dei Verdi, de
Grazia Francescato? et avec le PCDI et Rifondazione comunista, fondée en 1991 par scission du PCI, et dirigée
actuellement par Paolo Ferrero. Il avait eu 6% des voix en 1992, 5,8% en 2006, mais est éliminé du Parlement dans les
élections de 2008. La coalition comprendra aussi L’Italia dei Valori (IdV), lancé à Rome en 1998 par Antonio Di Pietro,
après sa démission de la magistrature.
e) Les Groupes extra parlementaires :
* Le Movimento 5 Stelle, inspiré par Beppe Grillo : créé en 2009, il obtient un premier succès électoral aux élections
municipales de 2012, en conquérant la mairie de Parme. C’est un mouvement anti-tout, de type libertaire, dont beaucoup
de membres sont issus de la gauche. Son leader Beppe Grillo (1948- ), comique, satiriste et acteur, lancé par Pippo
Baudo. En 1987, il attaqua violemment Bettino Craxi ; en 2008, il est poursuivi en justice par Mediaset pour diffamation ; il
est ami du secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone ; en 2007, il anime une journée « V-day »
(Vaffanculo–Day = Va te faire foutre), et il est devenu très populaire, faisant de nombreux meetings très suivis, et sur un
des blogs les plus suivis d’Italie. Il semble devoir aller seul aux élections, mais propose des alliances incohérentes avec
l’extrême gauche et avec l’extrême droite néofasciste (par exemple le groupe néofasciste CasaPound créé en 2003 à
Rome).
* et toutes les petites listes de 2008, Retraités, Consommateurs, etc.
f) * Les Radicaux Italiens (« Amnistia, Giustizia e Libertà ») présenteront quelques listes autonomes et n’entreront
dans aucune coalition. Feront de même Stefania Craxi (Riformisti popolari), « Io amo l’Italia » de Magdi Cristiano Allam et
L’Union des Démocrates pour l’Europe (UDEUR) de Clemente Mastella, ancien DC., devenu UDEUR-Popolari per il Sud.
En tout 169 listes ont été acceptées par la Commission électorale, sur les 219 déposées, plus ou moins fantaisistes : Il
Movimento Bunga Bunga, La lista del Grillo Parlante (Movimento No Euro) de Renzo Rabellino, une liste de Ilona Staller
(la « Cicciolina ») « Democrazia, Natura, Amore », la liste « Basta tasse » (on en a assez des impôts), la liste Alba Dorata
e CasaPound d’extrême droite, le Partito Pirata,
I Fratelli d’Italia, les Poeti d’Azione, et même « Io non voto »etc. Plusieurs symboles ont été récusés pour leur ambiguïté,
la présence de signes religieux, l’apologie de délit (la liste Forza Evasioni – Stato Ladro). Situation chaotique et parfois
folklorique !
7) Après les élections de février 2013
a) Les résultats des élections. Ils vont être à l’origine d’une situation difficile. La coalition de gauche obtient 340
sièges à la Chambre des députés sur 618 députés (PD = 8.642.700 voix, 25,4%, 292 sièges ; SEL = 1.090.802 voix,
3,2%, 37 sièges ; Centro Democratico = 167.201, 0,5%, 6 sièges ; Südtiroer Volkspartei (SVP) = 146.804 voix, 0,4%, 5
sièges) ; la coalition Silvio Berlusconi obtient 124 sièges (Pdl = 7.332.121 voix, 21,6%, 97 sièges ; Lega Nord
= 1.390.156 voix, 4,1%, 18 sièges ; Fratelli d’Italia = 666.001 voix, 2%, 9 sièges) ; la coalition Mario Monti obtient 45
sièges (Scelta Civica con Mario Monti =2.823.814 voix, 8,3%, 37 soèges ; UDC = 608.292 voix, 1,8%, 8 sièges). Mais la
surprises vient du M5S qui obtient 108 sièges (8.688.545 voix, 25,5%). Aucune autre liste n’obtient assez de voix pour
avoir des élus. Le centre gauche a donc une large majorité.
La situation est différente au Sénat (309 sénateurs), du fait de la différence légale du mode d’élection : la coalition de
gauche obtient 113 sièges (PD = 8.399.991 voix, 27,4%, 105 sièges ; SEL = 912.347 voix, 3,0%, 7 sièges) ; Liste
Crocetta = 138.581 voix, 0,4%, 1 siège) ; la coalition Silvio Berlusconi obtient 116 sièges ( Pdl = 6.829.164 voix,
22,3%, 98 sièges ; Lega Nord = 1.328.555 voix, 4,3%, 17 sièges ; Grande Sud = 122.100 voix, 0,4%, 1 siège) ; la
coalition Monti obtient 18 sièges (Con Monti per l’Italia = 2.797.451 voix, 9,11%, 18 sièges). Mais là aussi la surprise
vient du M5S qui obtient 54 sièges (7.285.648 voix, 23,8%). Il n’y a donc pas de majorité de gauche au Sénat, sauf
alliance, qui ne se réalisera pas, entre le PD et le M5S.
b) L’élection des présidents : les premières tâches du Parlement seront d’élire les présidents des chambres et le
président de la République, et de former un gouvernement. À la présidence de la chambre des Députés, la gauche réussit
à faire élire Laura Boldrini . Née en 1961 à Macerata, dans les Marches, elle fait des études de droit, part travailler dans
une rizière au Venezuela, revient en Italie comme journaliste à la RAI puis à la Radio de l’ONU pour la FAO (alimentation
et agriculture, devient porte-parole du Programme Alimentaire Mondial (PAM), puis membre du Haut Commissariat des
Nations Unies pour les Réfugiés (UHNCR), où elle défend les « migrants » qui arrivent sur les côtes italiennes, accusant
les gouvernements de droite et de Mario Monti de ne les considérer que comme des « clandestins » à expulser ; elle est
alors violemment attaquée par le Ministre de la Défense de Berlusconi, Ignazio La Russa. En 2013, elle est élue député de
Sicile sur la liste du SEL, puis présidente de la Chambre des Députés au 4e tour de scrutin, le 16 mars 2013, par 327 voix
sur 318 contre 108 voix au candidat du M5S, Roberto Fico, 29 voix dispersées ou nulles et 155 votes blancs. Elle est la 3e
femme élue présidente de la Chambre après Nilde Jotti (1920-1999), du PCI (1979-1992) et Irene Pivetti (1963- ) de la
Lega Nord (1994 - 1996).
Au Sénat, ce sera plus difficile. Est élu Pietro Grasso. Né en 1945 à Licata , en Sicile, il devient magistrat à Palerme,
chargé entre autres du premier procès contre la mafia, avec 475 inculpés (1984-1987), puis il devient procureur auprès de
la Commission antimafia, et procureur de Palerme, puis procureur en chef de la Direction Nationale antimafia. Il est élu
sénateur en 2013 sur une liste du PD, et le 16 mars 2013, il est élu président du Sénat par 137 voix sur 313 sénateurs
contre 117 à Renato Schifani, candidat du PDL et 59 voix blanches ou nulles. Il a donc reçu l’appui d’une quinzaine de
sénateurs du M5S.
L’élection du Président de la république du 18 au 20 avril posera plus de problèmes. D’abord hostile à sa réélection à la
présidence, il laisse la place au candidat choisi par le M5S, un membre du PD, Stefano Rodotà (1933- ), juriste calabrais
du parti Radical puis du PDS, ancien vice-président de la Chambre des Députés, très estimé de tout le mode politique et
judiciaire. C’aurait été une possibilité exceptionnelle de réaliser une unité entre la gauche et le M5S ; mais le PD de
Bersani, après l’échec de tentatives de candidatures de Franco Larini et de Romano Prodi, choisit finalement de
convaincre Napolitano de se représenter malgré ses 87 ans, appuyé par le Pdl et par la Lega Nord ; c’était le signe d’une
ouverture vers le centre droit plutôt que vers le M5S. Giorgio Napolitano est finalement réélu par 738 voix contre 217
voix à Stefano Rodotà, le 20 avril 2013. Mais la conséquence sera que les gouvernements de gauche qui suivront devront
négocier avec la Silvio Berlusconi, qui peut encore bloquer les décisions du Sénat.
c) Les gouvernements de centre gauche. Le premier est dirigé par Enrico Letta, membre du PD. Il est à Pise en
1966, dans une famille démocrate-chrrétienne, son oncle est Gianni Letta, ami et ministre de Berlusconi. Il a été membre
de la DC, puis du Parti Populaire Italien qui lui succède en 1994, et il est pendant 4 ans président des Jeunes Chrétiens
Démocrates européens pendant 4 ans à partir de 1994, et en 1996 il devient secrétaire adjoint du PPI, puis il est ministre
dans les gouvernements d’Alema, Amato et Prodi. Il rejoint alors le parti de la Marguerite, Democrazia e Libertà, où se
retrouvent un certain nombre d’anciens DC plus à gauche. Il passe enfin au PD en 2007. Il est député de Lombardie en
2008, et il est nommé secrétaire adjoint du PD en 2009. En 2013, Bersani ayant démissionné du secrétariat du PD après
l’élection de Napolitano, ce dernier nomme Letta Président du Conseil, avec mission de former un gouvernement d’union
nationale avec le PD, le Pdl et le parti de Mario Monti. On trouve dans ce gouvernement 9 ministres, 5 vice ministres et 2
sous-secrétaires du PD, plus Emma Bonino, du parti Radical, Ministre des Affaires Étrangères, 6 ministres, 2 vice
ministres et 8 sous-secrétaires du Pdl, dont Angelino Alfano, vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, plus un ancien
ministre de Berlusconi et 1 ministre, 1 vice-ministre et 1 sous-secrétaire de Scelta Civica de Monti, plus 7 « techniciens »
(ancienne préfète, médecin, banquier, universitaire, athlète, magistrat). Le ministère comprend 7 femmes, dont une
ministre noire, Cécile Kyenge, qui ne cessera d’être attaquée et insultée par les élu de la droite (un député de la Lega Nord
la traite d’orang-outang). Ils sont tous des personnages de second rang, surveillés de l’extérieur par les « boss » des
partis, de D’Alema à Silvio Berlusconi. Beaucoup disent que cela met le PD en crise profonde, en même temps que cela
suscite la déception de tous ceux, de droite et de gauche, qui espéraient être ministres. Les conflits sont aussi nombreux,
Berlusconi cherchant à faire élire aux commissions de la Justice des élus à lui pour ne pas être exclu du Sénat où il est élu.
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Jean Guichard
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