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Antonio Canal, dit «  CANALETTO  »  : «  vedutismo  » Quel heureux hasard que de s' appeler Canal lorsqu'on peint à l'envi tous les canaux de Venise ! J'ai longtemps cru qu'il avait pris un pseudonyme, mais c'est son vrai nom : Antonio Canal, né à Venise le 18 octobre 1697, fils de Bernardo Canal ,décorateur de théâtre. Il aide son père à peindre des décors de théâtre : ce sont ses premiers paysages, ses premières vedute , il a juste 20 ans. Les Italiens friands de diminutifs l'appellent donc Canaletto, comme il y avait eu avant lui, Tintoretto (du métier de son père qui était «  tintore  », teinturier). Au XVIII° siècle  l'orgueilleuse Venise connaît déjà un certain déclin. Mais curieusement elle attire des visiteurs en provenance du monde entier, essentiellement les aristocrates du Grand Tour, les premiers touristes   qui avaient le désir de repartir avec un souvenir de Venise. Canaletto n'est pas le premier à peindre des Vedute. Ces peintures de vues urbaines sont mises au goût du jour au XVI° siècle par les peintres du Nord :  les ruines de Rome sont une inspiration pour les peintres Hollandais qui exécutent leur Grand Tour en reproduisant fidèlement des dessins précis. En 1720, il avait accompagné son père à Rome pour réaliser deux décors de théâtre, et il y connaît les premiers peintres  du «  vedutisme  », Viviano Codazzi (1604-1670), Giovanni Paolo Panini (1691-1765) et Vanvitelli. C’est une révélation et Canaletto peint ses premières «  vues  » de Rome (A droite, Capriccio con rovine classiche, 1720-21) Gaspar Van Wittel dit Vanvitelli (1653-1736), présent à Rome dès 1674 est le trait d'union entre la tradition védutiste hollandaise et la vue urbaine italienne (Cf. à gauche sa Vue de Venise). Son succès ouvre la voie aux grands représentants du genre que seront Canaletto, son neveu Bellotto et Guardi. Canaletto peint «  sa  » Venise non pas comme un décor, mais comme un sujet à part entière, tels le Rio dei Mendicanti (1723) ou  Chiesa di san Zanipolo con la Scuola di San Marco (1725-1726) (Cf. ci-contre). Les tons sont bruns, la touche épaisse, c'est une Venise populaire, quotidienne, authentique qui fourmille de détails. Revenu à Venise, Canaletto abandonne le décor de théâtre, et il imite les vedutistes vénitiens, comme Luca Carlevarijs (1663-1730)  ; il innove en présentant des vues en perspective. A la même époque, Canaletto a déjà beaucoup de commandes (Cf. à gauche, Il Canal Grande verso Rialto, 1723, et à droite Il Bucentauro al Molo, 1727), et plusieurs commanditaires comme Stefano Conti et Alessandro Marchesini.  Déjà connu, il est remarqué par des comman- ditaires anglais, à un moment où les jeunes britanniques viennent faire leur Grand Tour  à Venise, et il fait une rencontre qui va bouleverser sa vie : il se lie à Joseph Smith, un Anglais collectionneur, marchand d'art qui deviendra consul britannique à Venise. La brillante élite britannique en voyage à Venise gravite autour de Joseph Smith qui finit par monopoliser le marché des vedute, frustrant de nombreux amateurs qui doivent attendre plusieurs mois leurs commandes, pendant que les prix s'envolent ! Les Anglais sont fascinés par Canaletto. Son ascension est fulgurante, irrésistible, il éclipse tous ses concurrents. Sous l'influence de Smith, peu à peu il éclaircit sa palette et délaisse les cieux tourmentés de ses débuts pour arriver à une vision plus sereine, il doit tenir compte du fait que les riches touristes achètent plus volontiers des paysages baignés de lumière dorée, que les sombres ciels d'orage et les lividités de l'hiver. Sa nouvelle manière sera claire et lumineuse : ce sont les innombrables vues de l'entrée du grand Canal avec la Salute  (1728) (Ci-contre à gauche), ou la Piazza San Marco avec la tour de l'horloge (1731) (Ci-contre à droite). Il «  croque  » aussi les mœurs de son temps : la Fête de la San Rocco (1735) (Ci-contre à gauche), la Fête de San Pietro di Castello  (1745) (Ci-contre à droite). La guerre de succession d'Autriche (1740-48) prive Venise de nombreux visiteurs. Smith conseille à Canaletto de se rendre en Angleterre afin de côtoyer ses acquéreurs et d'amplifier sa clientèle. Il arrive à Londres au printemps 1746 et y restera une dizaine d'années. Tout ce que l'Angleterre compte de Ducs et de Comtes sollicite  Canaletto pour des Vedute de  ses domaines. Il réalisera de très belles vues de la Tamise et  du château de Warwick.  Certains perfides, disant qu'il  ne savait faire que des bâtiments, le  mettront au défi de peindre un arbre ! Mais malgré ces jalousies mesquines, son séjour britannique est un triomphe (Ci-contre à gauche, L’Abbaye de Westminster, 1749, et La Old Horse Guards, da St James, 1749, ci-contre à droite). Avant de mourir et pour éviter la dispersion de ses œuvres  Smith vendra cinquante-quatre peintures de Canaletto au roi George III, sans compter les dessins et les estampes. Ceci explique que la plus importante collection de Canaletto au monde appartienne à … la Reine d'Angleterre. De retour à Venise, fidèle à ses aspirations, Canaletto continue d'observer la vie quotidienne, tel le Campo San Giacometto (1757) (Ci-contre à gauche), où son dernier commanditaire l'Allemand Sigmund Streit décrit avec minutie le tableau «  des arméniens avec leurs longs manteaux et leurs chapeaux pointus, et des Juifs à la calotte rouge  ». Elle est là, la perfection de Canaletto :  aussi grand soit le tableau il soigne avec une infinie précision tous les détails minutieux qui le rendent vivant. Il faut vraiment prendre une loupe pour ne rien en perdre : les cordages sont enroulés sur les ponts des bateaux, le linge sèche aux fenêtres, les marchandises sont sur les étals.... (Ci-contre à droite, détail de La Scuola di San Rocco, 1730, et ci-dessous à gauche, Chiesa e Scuola della Carità, 1726- 7, détail) En 1763, il est enfin accepté à l'Académie de peinture et de sculpture, une première pour un peintre de Vedute, genre apprécié de tous mais, toujours considéré comme mineur par l'Académie. Il meurt le 20 avril 1768. Son neveu Bernardo Bellotto qui travaillait dans l'atelier de son oncle est nommé à Varsovie, peintre de la cour de Stanislas Poniatowski, il va exporter la mode des Vedute dans les capitales étrangères. La disparition de Canaletto ne signifie pas la fin de l'engouement pour les Vedute. C'est Francesco Guardi qui prend le relais. C'est un peintre religieux orienté vers les tableaux d'autel. A quarante ans passés,  il s'essaie à la vue urbaine et inscrit ses pas dans ceux de son illustre prédécesseur, non en imitateur, mais en émule. Sa première Veduta datée de 1758, représente la fête du jeudi gras sur la Piazzetta, une scène populaire et pittoresque comme les aimait Canaletto. Progressivement Guardi fera des ciels plus sombres, des personnages plus importants, il trouve sa manière qui ne peut plus être confondue avec celle de Canaletto, mais la référence reste constante. En 1782, il devient peintre officiel de Venise avec une série  en l'honneur de la visite  du pape Pie VI. En 1797 le soleil se couche définitivement sur la Sérénissime, mais les deux maîtres en ont conservé le souvenir éblouissant. La technique de la chambre noire Les paysages de Canaletto sont d'une précision exceptionnelle. Comment parvient-il à mêler une observation renversante de précision à un sens créatif aussi personnel ? Il se promène partout avec sa chambre optique, appelée aussi chambre noire (en latin camera obscura).  Cet instrument est indispensable aux védutistes, mais son usage est plus ancien : le premier Vénitien à y avoir eu recours est Véronèse en 1568. A ses débuts c'est une véritable petite chambre dans laquelle s'installe l'observateur, elle devient plus pratique et portable : c'est celle qu'utilise Canaletto (A droite, la camera oscura de Canaletto). Le principe est le même : un rayon lumineux pénètre dans une boîte au travers d'un petit trou et reflète l'image sur la paroi opposée au trou de façon inversée. L'adjonction d'un support en verre où on pose un papier transparent permet de dessiner le tracé. Cependant l'image est toujours inversée haut/bas. Les progrès de l'optique aident l'artiste : en ajoutant une lentille sur l'orifice et un miroir, l'image n'est plus inversée haut/bas mais toujours inversée droite/gauche ce qui sera corrigé par l'adjonction d 'un autre miroir à 45° : l'image est parfaitement reconstituée à condition que l'utilisateur se place dos à la scène. Le musée Correr à Venise conserve pieusement la camera obscura de Canaletto. Le fonctionnement détaillé de la camera obscura pourrait laisser croire que Canaletto ne faisait que décalquer ce qu'il voyait.  Évidemment non ! Canaletto sillonnait la ville souvent en barque, emportant avec lui des cahiers, ses quaderni  (Ci-contre 4 pages de son Quaderno de Venise) et sa camera obscura indispensable pour parfaire la perspective de ses compositions. Une fois le point de vue trouvé,  il traçait à la mine de plomb, les premières lignes d'après l'image projetée par la camera, puis les rehaussait à  la plume. C'est là que son talent intervient : si le bâtiment est trop élevé, il n'en dessine pas le sommet ou réduit les dimensions. Les vues panoramiques occupent souvent plusieurs pages du quaderno, il note alors «  première bande gauche ou droite...  ». Il note également tous les rappels précis tels que le nom des bâtiments, les enseignes, le nombre de fenêtres ou de colonnes, les couleurs, les tonalités, les matériaux et même les reflets du soleil... C'est ce que Canaletto appelait ses scaraboti, ses brouillons. De retour à l'atelier il réalise sa toile grâce aux données des dessins à l'aide d'un compas-rapporteur qui lui permet d'ajuster les proportions sans altérer la perception visuelle. Le talent de Canaletto réside dans son art de manipuler la réalité, celle-là même qui offre aux visiteurs étrangers la Venise dont ils souhaitent se souvenir. Annie CHIKHI et Jean GUICHARD 16 décembre 2016
A gauche : Probable autoportrait et deux portraits de Canaletto. À droite : Pietro Longhi, Probable portrait de Canaletto
Rio dei Mendicanti, 1723                                    Chiesa di san Zanipolo, 1725-1726
Piazza San Marco : à gauche, 1723, sombre, vieille manière ; à droite, 1730, claire, nouvelle manière.
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