4.3. L’histoire des villes italiennes : Milano 5 / 8
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           6 -  La domination autrichienne et napoléonienne L’occupation autrichienne suivit donc l’occupation espagnole, pendant 90 ans, à l’exception de quelques années d’occupation franco-piémontaise. Sous le gouvernement des deux derniers empereurs de la famille des Habsbourg, Charles VI (1711-1740) et Marie-Thérèse (1740-1780) et le premier des Habsbourg-Lorraine, Joseph II, fils de Marie-Thérèse (1780-1790) puis le neuvième des 16 enfants de Marie-Thérèse, Léopold II (1790-1792), ex Grand duc de Toscane (1765-1790), puis de son fils, François II, dernier duc de Milan de 1792 à 1796. Tous firent de Milan le centre d’un élan réformateur actif, appuyé par des fonctionnaires comme le comte de Trente, Carlo Firmian (1718-1782), et le comte Johan de Wilzseck. Marie- Thérèse fit instituer un nouveau cadastre qui permit d’uniformiser les impôts fonciers, fit réformer les administrations locales, abolir la servitude de la glèbe, libérant de nombreux hommes pour le développement de l’industrie et du commerce ; Wilzseck introduisit la dénomination des rues et la numérotation des édifices en 1786. Ce climat réformateur permit l’apparition d’un climat intellectuel de grande animation et de grande ouverture, avec quelques hommes de lettres comme Ludovico Muratori (1672-1750), bibliothécaire de la Bibliothèque Ambrosienne, historien auteur de 38 volumes (Rerum Italicarum Scriptores, Antiquitates Italicae Medii Aevi, Novus Thesaurus Veterum Inscriptionum, Annali d’Italia, première grande histoire d’Italie). Un grand poète fut Giuseppe Parini (1729-1799), auteur de Il Giorno, poème satirique sur la noblesse milanaise, des Odes et d’œuvres théâtrales ; le juriste Cesare Beccaria (1738-1794) révolutionna la pratique de la justice européenne avec son livre Des délits et des peines (1762), où il propose la séparation de la justice et de la religion, condamne la torture (et donc l’inquisition pratiquée par l’Église qui condamne aussitôt le livre) et la peine de mort, et affirme la supériorité de la prévention sur la répression. L’écho fut immense dans toute l’Europe, le traité devint le manifeste des Lumières dans le domaine du droit pénal. Les frères Alessandro (1741-1816) et Pietro (1728-1797) Verri seront les plus importants économistes et juristes des Lumières à Milan et en Europe ; de 1764 à 1766 ils publièrent « Il Caffè », revue qui réunit les forces les plus dynamiques de la ville, développant une conscience critique envers les préjugés, les lois et les traditions culturelles dépassées ; auteur de nombreuses œuvres d’économie politique, Pietro a aussi écrit une Histoire de Milan. Firmian protégea les artistes, par exemple il fit venir Mozart à Milan de 1769 à 1773. En 1708, le Théâtre de Cour dans le Palais Royal fut détruit par un incendie en 1776, et le Ministre confia à Giuseppe Piermarini (1734-1808), architecte de la cour la construction d’un nouveau théâtre lyrique sur les ruines de l’église de Santa Maria alla Scala ; il commença en 1776 et le Théâtre de la Scala fut inauguré en 1778 par une œuvre d’Antonio Salieri, L’Europa riconosciuta, avec un orchestre de 70 musiciens, les décors des frères Bernardino et Fabrizio Galliari, une compagnie de chant qui comprenait les célèbres castrats Pacchiarotti et Rubinelli. Ce fut un des plus importants théâtres lyriques d’Europe, avec La Fenice de Venise, le San Carlo de Naples et le Reggio de Turin. Ici furent chantées les premières de Rossini, Bellini, Donizetti, Puccini et surtout Verdi (Oberto Conte di San Bonifacio en 1839, Nabucco en 1842, I Lombardi alla prima crociata en 1843, Aida en 1872, Otello en 1887 et Falstaff en 1893) Des dizaines de premières danseuses partirent de la Scala et y ont chanté les sopranos Maria Felicita Malibran (1808- 1836) et Giuditta Pasta (1797- 1865). Piermarini a aussi réalisé à Milan le Palais Ducal, à côté de la Cathédrale, le Palais Greppi, le Palais Belgioioso, le boulevard planté d’arbres qui relie la ville avec la villa de Monza et les Jardins Publics de Porta Orientale. La domination autrichienne fut donc un despotisme éclairé qui forma en Lombardie une couche dirigeante d’esprit libéral, qui avait détesté la domination espagnole et qui eut de bons rapports avec les empereurs ; Pietro Verri fut même fonctionnaire du Duché de Milan. Mais le réformisme autrichien s’affaiblit après la disparition de Joseph II, et la classe dirigeante accueillit favorablement les idées des révolutionnaires français et l’expérience napoléonienne. La grande réforme de Marie-Thérèse fut la réforme du cadastre, qui remplaça les diverses taxes par un impôt foncier égal pour tous et basé sur un cadastre élaboré entre 1709 et 1760, qui mesura tous les terrains et fixa leur valeur ; ce fut un impôt d’égalité, proportionnalité et universalité. L’Église fut exemptée de taxes pour les biens acquis avant 1575. Le cadastre fit apparaître que les nobles possédaient 31,55% des surfaces, les « autres » (ni nobles ni religieux) 29,49% et les sociétés ecclésiastiques 23,59%. Bonaparte conduisit victorieusement la campagne d’Italie, vainquit l’Autriche à Lodi le 10 mai 1796, à Millesimo le 13 mai, et Masséna entra à Milan le 15 mai, porteur des idéaux de la Révolution française. Il fut accueilli avec enthousiasme par le peuple, par la bourgeoisie et par les intellectuels, l’arbre de la Liberté fut dressé Place de la Cathédrale, et la ville connut un « triennat jacobin ». Masséna saccagea les églises, les musées, les caisses publiques, le Mont de Piété et imposa de nouveaux impôts. On peut lire le récit fait par Stendhal dans la Chartreuse de Parme. Bonaparte institua la République Transpadane (la Lombardie), La République Cispadane (Bologne, Ferrare, Modène et Reggio Emilia, prises à L’État Pontifical), avec le drapeau tricolore. Le Traité de Campoformio  (17 octobre 1797) entre Bonaparte et l’Autriche mit fin à la première guerre ; l’Autriche reconnaît la République Cisalpine qui comprenait tous les territoires conquis par Bonaparte en Italie septentrionale, avec Milan pour capitale, mais Bonaparte abandonnait la République de Venise à l’Autriche, avec l’Istrie et la Dalmatie. La noblesse et les patriciens milanais se rapprochèrent de Bonaparte, dans un conflit animé entre monarchistes conservateurs et républicains démocrates, aggravé par l’exploitation pratiquée par la France ; la République Cisalpine devait fournir des hommes et des rentrées fiscales, qui provoquèrent une forte intolérance envers les Français. La seconde guerre contre l’Autriche coalisée avec la Russie, l’Angleterre, la Turquie, le Portugal et le Royaume de Naples commença en avril 1799, profitant du fait que Bonaparte était bloqué en Égypte. Le 27 avril, les Français furent vaincus par le général russe Souvorov qui entra dans Milan. Napoléon revient d’Égypte, reprend la situation en main, renverse le Directoire (Coup d’État du 18 Brumaire) et se fait nommer premier Consul. Puis en mai 1800, il descend par le passage le plus difficile, le Grand Saint Bernard (Cf. le portrait de David ci-contre), en Italie où l’armée française est en difficulté, réoccupe Milan le 2 juin 1800, vainc les Autrichiens à Marengo le 14 juin. Le 26 janvier 1802, les Comices de Lyon transforment la Cisalpine en République Italienne, avec Milan pour capitale, Bonaparte président et Francesco Melzi d’Eril (1753-1816) vice-président. Bonaparte se fit couronner empereur en novembre 1804 et le 19 mars 1805 transforma la République Italienne en Royaume d’Italie dont il ceignit la couronne, avec Melzi d’Eril comme chancelier et garde des Sceaux, sa femme Joséphine reine et son beau-fils Eugène de Beauharnais comme Vice roi. Le « triennat jacobin » fut souvent considéré comme une période de domination étrangère  éloignée de la tradition italienne. En réalité, « les études les plus récentes ont modifié sensiblement cette tendance d’interprétation, soulignant au contraire l’importance fondamentale du triennat jacobin dans l’élaboration de l’expérience politique italienne. C’est pendant ces années en effet que l’on doit rechercher les origines du mouvement national qui se développera dans la Péninsule après l’écroulement du système napoléonien et particulièrement les racines du sentiment républicain et unitaire. Depuis lors l’idée d’une république unitaire et indépendante de l’étranger restera toujours présente dans la pensée des patriotes italiens. Ce sera à une hypothèse républicaine, vue comme cas limite ou comme point de référence idéal, que toute politique rénovatrice sera mesurée les années suivantes » (Storia degli Italiani, op. cit. n° 59, p. 1187). Il y eut d’un côté une pression des exilés italiens rentrés en Italie avec l’armée française ; de l’autre, les constitutions des nouvelles républiques, inspirées par la constitution de la Révolution française, répondaient aussi aux aspirations locales et à l’expérience  réformiste du Grand Duché de Toscane sous Pierre Léopold. Le seul point négatif fut que le mouvement jacobin fut animé par une élite qui ne comprenait pas et ne partageait pas les aspirations populaires, par exemple la faim de terre des paysans ; cela provoqua une rupture entre intellectuels patriotes et peuple, l’échec des révolutions (celle de Naples en 1799), et le triomphe d’une nouvelle bourgeoisie appuyée par Napoléon et qui constituera la base de la classe dirigeante du XIXe siècle. La politique de Napoléon n’avait pas pour but la réalisation d’une Italie unie mais de royaumes soumis à la France, sous son autorité. Il rassura donc les nobles qui le rejoignirent peu à peu et les modérés. À Milan, le 3 janvier 1798 fut publié le « Manifeste » qui annonçait la naissance d’un nouveau journal, le « Moniteur italien », promu par Melchiorre Gioia et Ugo Foscolo, qui valorisait les idées de la révolution Française, les principes républicains et démocratiques et l’indépendance par rapport à une France alliée en vue d’une future unité de l’Italie. Les Français supprimèrent le journal en avril, après trois mois d’existence.  Milan connut cependant une certaine prospérité sous la domination napoléonienne grâce à Francesco Melzi d’Eril et à son Ministre des Finances, Giuseppe Prina, qui se consacra à l’assainissement de l’État : il unifia le système monétaire, développa l’instruction publique (école élémentaire obligatoire dans chaque commune, bourses d’étude, création d’Académies des Beaux Arts à Milan et à Bologne …), il aida la naissance de nouvelles industries qui favorisèrent la bourgeoisie mais aussi les ouvriers qui doublèrent leur salaire, il augmenta la consommation de la farine et du pain de blé. La population, qui était restée stable jusqu’en 1800 (Milan passa de 128.000 habitants à 132.000 entre 1775 et 1800), atteignit 142.000 habitants dix ans après, en partie grâce à l’immigration de main-d’œuvre pour les travaux publics. On développa les canaux, les ponts et les routes (ouverture du col du Simplon) ; on introduisit le code civil, pénal et commercial sur le modèle français ; on créa des hôpitaux, des maisons de soin et des cours de mise à jour pour les médecins urbains ; les étrangers comme Stendhal se sentirent « milanais (« Henry Beyle Milanais », sur sa tombe). Milan accrut donc son poids économique et démographique mais resta politiquement une dépendance de Paris, Napoléon en resta le seul maître. Napoléon dut valoriser les produits italiens pour aider sa politique de guerre, et particulièrement le blocus imposé à l’Angleterre ; il misa sur les produits liés aux nécessités de guerre, comme l’acide sulfurique produit à Milan, ou le raffinement du sucre extrait de la betterave. Il eut aussi besoin de développer les routes, comme les cols alpins, Simplon et Mont Cenis ; le blocus continental fit de l’Italie septentrionale une grande voie de trafic vers l’Orient, et Milan se trouva au centre du trafic commercial. Mais Napoléon réduisit aussi l’Italie à être un pays agricole et presque « colonial », producteur de matières premières et consommateur de produits français. L’Italie dut assurer à la France le coton, la laine, le chanvre, les cuirs, la soie grège à bas prix, et ne put pas acheter d’autres produits que français, velours de coton, étoffes, draps de laine, de coton et peaux, piqués et nanquins. Cela créa des phénomènes de chômage dans certains secteurs, comme celui des tissus de qualité. Cependant à plus longue échéance, la période napoléonienne permit de sortir de l’immobilisme, supprimant les barrières douanières, modernisant les instruments de travail, favorisant le développement d’une bourgeoisie agraire, par l’augmentation des prix des denrées agricoles (froment, riz …) ; les marais, abandonnés par les ordres religieux négligents, furent convertis en terrains cultivables par les nouveaux patrons bourgeois ; mais dans l’immédiat, l’économie italienne eut plus de dommages que de bénéfices, selon les régions. Milan connut cependant une grande reprise : ce fut la capitale, et le gouvernement cisalpin développa les mines lombardes (galène argentifère) et la métallurgie (fabriques d’armes : la région de Brescia fournissait chaque année 40.000 fusils, 6.000 sabres et beaucoup de canons). Dans un autre domaine, Napoléon eut besoin de soldats. En plus d’un million de Français enrôlés  entre 1800 et 1812, plus de 300.000 Italiens participèrent à l’armée napoléonienne. Les Italiens reprirent goût à la guerre et dans le royaume d’Italie furent recrutés 80.000 hommes de valeur, qui se distinguèrent dans toutes les grandes batailles, et particulièrement en Russie (passage de la Beresina). Ce réveil de la conscience militaire italienne fut présent durant le Risorgimento. Et le territoire italien fut désormais divisé seulement en trois royaumes : empire français, Royaume d’Italie et Royaume de Naples (Cf. carte plus haut). Les interventions d’urbanisme furent commandées par des projets d’adaptation de la structure urbaine à la nouvelle situation de capitale. La façade de la cathédrale est construite sur ordre de Napoléon par Carlo Amati (1776-1852) et Giuseppe Zanoia (1752-1817), entre 1805 et 1813. Une autre œuvre est la construction du dernier corps, vers la gauche, du Grand Hôpital, de Pietro Castelli. L’architecte Giovanni Antonio Antolini projette d’abattre les bastions espagnols qui entouraient le Château des Sforza pour créer un « Forum Bonaparte » sur l’exemple du Forum Romain, avec autour un ensemble d’édifices publics et privés, pour des bureaux, des marchés, des théâtres, vers la nouvelle route pour le Simplon, avec une restructuration du réseau des rues, en partant du plan de circonférences concentriques pour aller vers des axes orthogonaux. Le projet ne fut pas réalisé parce que trop coûteux, et trop innovant, mais il commanda les changements de Milan après l’Unité (Cf. ci-dessus : Démolition des fortifications du Château le 15 mars 1801).En 1807 fut commencé l’Arc du Simplon (Arc de la Paix) en honneur de Napoléon, sur projet de Luigi Cagnola (1762-1833) ; il fut fini en 1826 en l’honneur de François I, empereur d’Autriche et inauguré en 1933 (Cf photo ci-contre). Sous Napoléon, Milan fut aussi un centre actif de vie culturelle avec de grands écrivains comme Melchiorre Gioia (1767-1829), économiste et homme politique, le poète Vincenzo Monti (1754-1828), Alessandro Volta (1745-1827), physicien inventeur de la première pile électrique, le comte Vincenzo Cuoco (1770-1823), homme de lettres, économiste et philosophe, Ugo Foscolo (1778- 1827), auteur des Dernières lettres de Jacopo Ortis, poète des Odes, des Sépulcres, des Grâces, et le poète dialectal Carlo Porta (1778-1821). Mais il faut rappeler Giuseppe Parini (1729-1799), un des plus grands poètes du XVIIIe siècle. La génération de la littérature romantique du début du XIXe siècle se prépare : Ludovico di Breme (1780-1820) qui appuya Madame de Staël quand elle vint à Milan dans l’hiver 1815-16, Giovanni Berchet (1783-1851) qui soutinrent la nouvelle école romantique ; Luigi Porro Lambertenghi (1780- 1851) et Federico Confalonieri (1785-1846), le plus grand représentant de la bourgeoisie libérale, créèrent « Il Conciliatore » en 1818, avec l’aide de Silvio Pellico (1789-1854), l’auteur de Mes prisons, récit de son incarcération au Spielberg de 1820à 1830, de Pietro Borsieri (1788- 1852), et avec hésitation de Ugo Foscolo. « Il Conciliatore » fut supprimé par la censure autrichienne après un an de publication. 7 – Le Risorgimento Le 16 avril 1814, les Milanais eurent la nouvelle du renoncement de Napoléon aux trônes d’Italie et de France, depuis 10 jours. Les Autrichiens, campés aux portes de la ville, avaient besoin d’un prétexte pour entrer dans la capitale du Royaume d’Italie. Les 20 et 21 avril, des partisans du parti favorable à l’Autriche provoquèrent une révolte populaire contre l’occupation française, firent saccager la maison du Ministre des Finances, Giuseppe Prina (1466-1814), place San Fedele et firent tuer le Ministre (Cf. photo ci-contre, tableau de Giovanni Migliara, Musée de Milan, Saccage de la maison de Prina). La garde nationale intervint, une fois les choses faites, l’armée autrichienne entra en ville pour « rétablir l’ordre », et la Lombardie fut incorporée dans l’empire autrichien le 12 juin. En octobre 1814, au Congrès de Vienne, l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, la Prusse signèrent le Traité de division de l’Italie : le Royaume de Sardaigne était restitué aux Savoie avec l’adjonction de la république de Gênes et des Savoie, le Royaume lombardo-vénète était uni à l’Autriche, le duché de Parme, Plaisance, Guastalla était confié à Marie    -Louise, seconde femme de Napoléon, le Principat de Massa et Carrare était donné à Marie-Béatrice d’Este, mère du duc de Modène, le duché de Modène, Reggio et Mirandola était confié à François IV, parent des Habsbourg, le Grand Duché de toscane (avec l’État des Presidi) est redonné à Ferdinand III, des Habsbourg Lorraine, le duché de Lucques est confié aux Bourbons, l’État Pontifical restitué au Pape et le Royaume de Naples est donné à Ferdinand IV de Bourbon (Cf. page précédente la séance plénière du Congrès de Vienne - Estampe, Milan). Le traité fut signé « au nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité … et conformément aux paroles de la Sainte Écriture » et prit le nom de « Sainte Alliance », que l’Angleterre ne voulut pas signer. L’Alliance servit surtout à contrôler et à dominer les États italiens et à réprimer tout mouvement révolutionnaire inspiré par les idéaux de la Révolution française. Ce fut une « Restauration ». Milan perdit son autonomie politique, bien qu’elle fût capitale du nouveau Royaume Lombardo – Vénète ; l’Autriche revint à son pouvoir autoritaire, antérieur aux Lumières de Marie-Thérèse, nomma vice roi du Royaume l’archiduc d’Autriche Ranieri Giuseppe (1783-1853) et comme président du gouvernement le comte de Strassoldons qui se gagnèrent l’aversion des patriotes ; l’empereur imposa aussi la nomination à Milan d’un archevêque autrichien, le comte Charles Gaétan de Gaisruck, évêque de Derben ; même les aristocrates et les grands bourgeois, plutôt favorables au retour des Habsbourg, retirèrent à l’Autriche leur bienveillance parce que les taxes douanières leur portaient tort ; les intellectuels, déçus par l’obscurantisme autrichien, et la bourgeoisie administrative de l’époque napoléonienne, écartée du service parce qu’elle avait servi les Français, manifestèrent vite une sourde hostilité aux Autrichiens. Ceux-ci imposèrent de lourdes taxes (le Royaume payait un cinquième des impôts de tout l’empire des Habsbourg) ; de nouvelles barrières douanières autour du Royaume limitèrent le commerce pour protéger les industries autrichiennes. Et pourtant la ville continua à se développer ; de nouveaux « Navigli » (canaux) furent installés (celui pour Pavie), on améliora les égouts, on acheva la disposition des bastions en boulevards plantés d’arbres ; la première ligne de chemin de fer de Milan à Monza (13 Kms) fut inaugurée en 1840, le premier établissement balnéaire (réservé aux hommes) fut ouvert en 1842 à Porta Orientale ; en 1845, l’éclairage au gaz vint apporter la lumière à un sixième de l’espace public ; les routes furent élargies ; en 1844, fut installé un service d’omnibus à chevaux ; même l’agriculture se développa dans la plaine (fourrages, riz, céréales, vigne, élevage de bovins) en même temps que l’industrie agroalimentaire, les fromageries, et les charcuteries et avec l’industrie du coton et de la soie qui se mécanisent et développent leurs exportations. La population augmenta jusqu’à 200.000 habitants en 1860, poussant une activité de construction importante qui occupa les terrains libres, comme les grandes propriétés ecclésiastiques, et poussa à la restauration de nombreuses vieilles maisons. Les premières années, la lutte ouverte contre les Autrichiens fut impossible, la censure était très sévère (le « Conciliatore » fut supprimé après un an de publication, en 1819) et la répression très dure contre toute opposition : en 1821, Federico Confalonierti (1785-1846), chef et mécène des patriotes, fut arrêté et conduit au Spielberg où le rejoignirent Silvio Pellico, Pietro Maroncelli et l’acteur Angelo Canova ; avec lui furent condamnés le marquis Giorgio Pallavicino-Trivulzio et d’autres aristocrates milanais. La carboneria fut une première forme de lutte, jusqu’en 1830 ; elle naquit comme scission de la puissante franc–maçonnerie qui avait été encouragée par Napoléon, et répondit à la nécessité d’agir dans la clandestinité, divisée en « vendite » (sections) formées de 20 ou 30 « buoni cugini » (bons cousins = associés) qui se réunissaient dans les « baracche » (lieu de rencontre) où les femmes étaient les « giardiniere ». La clandestinité ne servit pas à la diffusion des idées ni à la coordination entre les groupes des diverses régions ; les adhérents étaient une élite d’officiers, employés, nobles progressistes, et membres des couches sociales qui avaient appuyé la Révolution française et étaient opposées à la domination autrichienne. Parmi ses dirigeants, il y avait Filippo Buonarroti (1761-1837) et Santorre di Santarosa (1783-1825). Plusieurs mouvements échouèrent en 1821, et la Révolution française de 1830 porta les patriotes de quelques régions à tenter la lutte contre la Restauration, mais ce fut une défaite, particulièrement en Émilie-Romagne où fut arrêté et pendu Ciro Menotti, qui marqua ainsi la fin de la carboneria. Un autre mouvement commença alors à être actif, la « Giovine Italia » fondée à Marseille en 1831 par Giuseppe Mazzini (1805-1872) ; il avait participé à la carboneria, mais il l’accusait de négliger le peuple ; pour lui, l’Italie devait être « une, indépendante, libre et républicaine » et il refusait la solution monarchique autour de la famille de Savoie ; l’unité devait se faire « pour le peuple et par le peuple » ; il fonda aussi une « Giovine Germania », une « Giovine Polonia », une « Giovine Svizzera ». Un autre penseur fut le Milanais Carlo Cattaneo (1801-1869), élève du juriste et philosophe Gian Domenico Romagnosi (1761-1835, et partisan d’un fédéralisme républicain, tandis que l’abbé turinois Vincenzo Gioberti (1801-1852) proposait une unité et un indépendance de l’Italie sous la direction de Rome et du pape (Del primato morale e civile degli Italiani, 1846) et que Cesare Balbo (1789-1853) proposait une unité sous la direction du roi de Piémont – Sardaigne (Delle speranze d’Italia, 1844). La protestation des Milanais contre l’Autriche commença de façon passive, par une abstention du jeu de lotto et du tabac, qui étaient des monopoles d’État ; ce fut une manifestation symbolique qui irrita beaucoup les autorités autrichiennes qui répliquèrent en demandant à leurs soldats de se promener dans les rues en fumant un ou même deux cigares. La révolution française de février 1848 et l’instauration d’un gouvernement républicain lança le mouvement insurrectionnel en Italie et en Europe. À Milan, ce furent les Cinq Journées  du18 au 22 mars 1848, où les Milanais prirent les édifices publics et chassèrent l’armée autrichienne de Milan. Carlo Cattaneo constitua un conseil de guerre pour diriger les insurgés ; le maréchal Radetzky se réfugia dans le quadrilatère de Vérone, Legnago, Mantoue et Peschiera. Giuseppe Montanelli raconte la mobilisation de la population dans ses Mémoires sur l’Italie (Turin, 1853)  « Hommes, femmes, vieillards, jeunes gens, enfants, les voilà tous occupés à des barricades : tous pour combattre. Le mauvais matelas de l’artisan, le carrosse du marquis, la bibliothèque du séminariste, le banc d’église, le décor de théâtre, apparaissent dans la rue, tranchées citadines. Antonio Vago, fabricant de pianos, met en barricade un piano à queue de Fritz ! Contre seize mille  hommes armés, les Milanais opposaient à peine six cents arquebusiers. Mais de couteaux de cuisine et de table, de masses de fer aiguisées, de clous au bout des bâtons, des précieuses antiquités du musée d’armes d’Ambrogio Ubaldo, des escopettes et des épées des théâtres, de tout le peuple combattant fait une arme. Et aux artilleries répondent les cloches … ». Les Autrichiens durent abandonner Milan et s’en allèrent, emmenant avec eux 19 otages, parmi lesquels le fils d’Alessandro Manzoni. Charles Albert, roi de Piémont, attendit le 23 mars, il craignait que la Lombardie ne prît une orientation républicaine. Finalement, poussé par Cavour, il fit intervenir l’armée piémontaise contre l’armée autrichienne : ce fut la première guerre d’indépendance, qui fut rejointe par de nombreux volontaires venus de toute l’Italie, parmi lesquels Giuseppe Mazzini. Le président du gouvernement provisoire de Milan fut Gabrio Casati, - noble milanais dont la sœur avait épousé Confalonieri – qui dut passer ensuite au Piémont où il devint président du conseil de Charles Albert. Après une série de victoires et de défaites des Piémontais, la guerre se termina par la défaite piémontaise de Custoza le 25 juillet 1848. Radetzky réoccupa Milan et Charles Albert signa l’armistice de Salasco le 9 août 1848. Une nouvelle défaite à Novare le 23 mars 1849 contraignit Charles Albert à signer un armistice et à renoncer au trône de Piémont – Sardaigne au profit de son fils Victor Emmanuel II. Durant la période de liberté, le gouvernement provisoire signa tout de suite un décret qui restituait les droits civils aux juifs, expulsés par les Espagnols en 1597, réadmis en 1633, et de nouveau privés de droits civils par les Autrichiens en 1799 ; il décida aussi l’érection d’un monument  à ceux qui étaient tombés durant les Cinq Journées, appelé « Victoire » ; une majorité vota l’annexion de la Lombardie au Royaume de Piémont de Charles Albert, mais après la défaite de Custoza, Charles Albert dut céder Milan à Radetzky. Il n’y eut que 136 jours de liberté. La répression autrichienne fut très dure, commandée par Radetzky, nommé gouverneur général militaire et civil de tout le Royaume Lombardo-Vénète, avec d’amples pouvoirs : il proclama l’état de siège, infligea des impôts très lourds aux couches supérieures qui avaient appuyé le mouvement antiautrichien, et fit fusiller les citoyens les moins riches, comme Serafino Dell’Uomo qui fut fusillé pour avoir mis un tract antiautrichien dans la main d’un soldat autrichien. Il maintint ainsi l’hostilité envers les Habsbourg, et François Joseph se plaignit de l’accueil glacial des Milanais quand il vint à Milan en septembre 1851 et en décembre 1857. Le 31 juillet, un tapissier milanais, Antonio Amatore Sciesa, fut arrêté avec Gaetano Assi pour avoir affiché des manifestes mazziniens ; tous les deux furent jugés et condamnés à mort ; il s’en suivit l’arrestation et la condamnation de nombreux compagnons mazziniens. En réaction, Mazzini tenta un mouvement révolutionnaire à Milan le 6 février 1853 ; 10 soldats autrichiens furent tués et une cinquantaine blessés, mais ce fut un échec qui se conclut par 16 condamnations à mort et de nombreuses condamnations à la prison. L’état de siège ne fut aboli que le 1er mai 1854, et Radetzky resta gouverneur général jusqu’en 1857, mais il avait répandu dans toute la Lombardie l’idée que seule l’intégration dans le Royaume de Piémont offrait une possibilité d’évolution politique pour Milan. Au même moment, Daniele Manin et Giuseppe La Farina fondèrent à Turin la Société Nationale pour l’unification sous la Maison de Savoie, avec la devise « Italie et Victor Emmanuel » à laquelle adhéra même le républicain Garibaldi en 1857. Le nom de Verdi fut acclamé à chaque représentation d’une de ses œuvres à la Scala, comme Nabucco en 1842, et signifia « Vittorio Emanuele Roi dItalie ». La période entre 1849 et 1859 fut en Europe une « Seconde Restauration », un retour aux situations réactionnaires d’avant 1848 ; au contraire pour le Piémont ce fut « la décennie cavourienne ». Victor Emmanuel II était un conservateur clérical, mais il avait compris que le triomphe de son règne et de sa dynastie avait besoin de la collaboration des modérés partisans du Statut donné par Charles Albert : « Ainsi le Piémont resta un État constitutionnel dans une Italie et dans une Europe qui avaient répudié et aboli les constitutions arrachées aux souverains dans les premiers mois de 1848 et qui étaient retournés à ces régimes absolutistes » (Storia degli italiani, op. cit. n° 71, p. 1397). Le Roi ne faisait pas confiance à Camillo di Cavour, jugé trop anticlérical et proche de la gauche, mais il se rendit compte qu’il était l’homme le plus capable de diriger sa politique et il le nomma ministre de l’agriculture en 1850, ministre des Finances en 1851 et premier Ministre le 4 novembre 1852. Cavour eut l’habileté de seconder la politique de la France et de l’Angleterre, et il envoya un corps de carabiniers dans la guerre de Crimée aux côtés de la France, de l’Angleterre et de la Turquie contre l’empire Ottoman en 1855, ce qui lui permit de participer au Congrès de Paris en 1856 et de nouer des contacts avec Napoléon III, qui conduisirent aux accords de Plombières en juillet 1858, selon lesquels l’empire français s’engageait à intervenir dans une guerre contre l’Autriche aux côtés du Royaume de Sardaigne, en cas d’attaque de l’armée autrichienne, en échange d’une cession à la France des Savoie et du Comté de Nice. Cavour s’était fait aider par son secrétaire, Costantino Nigra, et par la Comtesse de Castiglione qui eut les faveurs de Napoléon III (Cf. leurs portraits plus haut). Pour répondre au fort réarmement du Piémont, l’Autriche déclara la guerre et envahit le Piémont le 26 avril 1859 jusqu’à 50 Kms de Turin. Les Franco-Piémontais remportèrent les victoires de Palestro  et de Magenta (4 juin 1859). Napoléon III et Victor Emmanuel II entrèrent à Milan le 8 juin 1859 (Cf. ci-contre tableau de Giuseppe Bertini, Milan, et en dessous de Carlo Bossoli, Turin). Le 24 juin, Français et  Piémontais gagnent les batailles de Solferino et de San Martino. Ces batailles firent tant de morts et de blessés qu’elles convainquirent un citoyen suisse, Henry Dunant, de fonder la Croix Rouge en 1863. Napoléon III décida alors de signer un armistice séparé avec l’empereur d’Autriche le 12 juillet à Villafranca. La Lombardie fut donnée à la France qui la rétrocéda au Piémont qui annexa aussi Parme, Modène, l’Émilie, la Romagne et la Toscane où les souverains furent chassés par la population ; après l’Expédition des Mille en mai 1860, le Royaume de Naples et les États Pontificaux furent annexés à l’Italie, à laquelle ne manquaient que la Vénétie et la ville de Rome. Le Royaume d’Italie fut proclamé le 18 février 1861, avec Vittorio Emanuele II comme Roi, et le drapeau tricolore vert, blanc et rouge. Milan achève donc alors son histoire de commune autonome et de capitale du Royaume Lombardo–Vénète. Son premier maire fut nommé, le « cavaliere e dottore ».
Bustes de la Malibran et de Giuditta Pasta
la rédaction du Caffè : à partir de la gauche, Alfonso Longo (de dos), Alessandro Verri. (il écrit), Giambattista Biffi, Cesare Beccaria (il lit), Luigi Lambertenghi e Pietro Verri (qui jouent au trictrac), Giuseppe Visconti di Saliceto.
De gauche à droite : Ludovico Muratori, Giuseppe Parini, Cesare  Beccaria.
Alessandro et Pietro Verri
Pompeo Batoni,Pierre Léopold (à gauche) et Joseph II Empereur (droite).
Martin Van Meyden, Marie Thérèse d’Autriche
la Scala  de Milan
Milan centre
cour du Palais Greppi
intérieur de la Scala
la province de Lombardie en 1787
Marie-Thérèse jeune
Milan, Cathédrale avant la construction de la façade et après la construction en 1813.
Hugo Foscolo
Pellico et Maroncelli conduits au Spielberg
Vincenzo Monti                      Silivio Pellico                       Carlo Porta                Alessandro Volta
Federico Confalonieri             Melchiorre Gioia       
Monument à Giuseppe Marini, Milan
Giuseppe Mazzini, sculpture  de Giulio Monteverde
Vincenzo  Gioberti, lithographie de Fichel
Monument à Carlo Cattaneo à Milan
Cesare Balbo
Barricades à Milan le 22-03-1848
La Comtesse de Castiglione (portrait anonyme)
Constantin Nigra (portrait anonyme)