4.3. L’histoire des villes italiennes :  Milano - 3 / 8
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4 – Milan, de la Commune à la Seigneurie des Visconti La commune de Milan, comme beaucoup d’autres et avant les communes toscanes, se  transforma vite en seigneurie. La fin de l’empire avait laissé l’avenir ouvert  : en France et en Angleterre, ou dans le Royaume de Sicile, un État unitaire et centralisé avait déjà commencé à se former, représenté par des parlements composés de la noblesse féodale, du clergé et des bourgeoisies urbaines. En Italie du centre et du nord, la force des autonomies locales empêcha la formation d’un processus unitaire, et la concentration resta au maximum « régionale  ». La commune ne fut jamais une « démocratie  » au sens moderne, mais toujours un compromis entre un régime féodal et un élargissement de la participation à la vie politique des nouvelles forces de la «  bourgeoisie  » locale. Il ne faut pas oublier non plus que l’Italie fut toujours une civilisation urbaine, où l’évêque était puissant, et où la noblesse féodale domina toujours et dans la campagne, dans le château et à l’intérieur de la ville. À Milan, «  dès l’âge pré communal, la communauté urbaine est encadrée et organisée par la couche des grands vassaux féodaux, les capitanes ou vassi in capite. Cette couche, qui est puissante aussi bien en ville que dans le «  contado  », agit en rapport étroit avec l’évêque et est assistée par les éléments économiquement les plus actifs des citoyens  » (Storia d’Italia, Fabbri, Bompiani, 1989, p. 197) (Le «  contado  » est le  territoire de campagne qui entoure la ville et qui fait partie de ses possessions). Au début, dès le XIe siècle, il y eut des consuls élus par l’assemblée générale des citoyens, magistrature collective et temporaire, ni ecclésiastique ni liée aux pouvoirs féodaux (anciens marquis, comtes, vicomtes). Cette commune consulaire fut dès le XIIe siècle l’expression de l’aristocratie urbaine, dans un équilibre instable des forces économiques, sociales et politiques, des clans et des familles, et même la lutte contre Frédéric Barberousse ne fut pas une discussion des droits et de l’autorité de l’empereur, mais un élargissement des autonomies communales et une conquête de territoires de «  contado  » jusqu’alors dominés par les feudataires de l’empereur. Mais dès la fin de la menace impériale, émergèrent les contradictions et les tensions entre aristocratie urbaine et couches bourgeoises ou «  populaires  » qui tendaient à favoriser la production et le commerce, en même temps qu’une participation politique élargie. À Milan, les couches d’artisans et de marchands , les «  popolari  », forment la «  Credenza di sant’Ambrogio  », tandis que les grands propriétaires fonciers et les grandes familles de vieille aristocratie communale constituent la «  Motta  », Società dei Gagliardi, qui gouvernent ensemble. Puis les contradictions les plus aiguës conduisirent à un remplacement des consuls par un «  Podestat  », forme de pouvoir personnel qui rappelle le fonctionnaire voulu par Frédéric Barberousse, qui correspond à une rationalisation du pouvoir exécutif. Dans une première période, le podestat fut un citoyen  ; dans une seconde période, vers la moitié du XIIIe siècle, il devint un «  forestiero  » (un homme de l’extérieur, «  di fuori  ») étranger aux luttes des  parties, plus efficace pour garantir l’ordre et la paix, parce que c’est un professionnel de la gestion politique, judiciaire et militaire. Quelquefois, on lui joint un Capitaine du peuple, expression du peuple, mais généralement choisi parmi les représentants de l’aristocratie urbaine, expert en diplomatie et dans l’exercice militaire et qui aura un poids politique toujours plus grand. En somme, la commune évolue vers une autre forme politique dominée par une oligarchie sur laquelle sera d’ici peu dominant un «  Seigneur  ». À Milan, deux familles se disputeront le pouvoir, les Della Torre (parti populaire guelfe élu par délibération de la Credenza di sant’Ambrogio) et les Visconti (parti gibelin et nobiliaire) qui l’emportèrent à partir de 1277. Au début, à côté du seigneur, se maintint l’organisation communale  ; mais elle fut peu après privée de vie, et dut se soumettre à l’homme seul qui exigea des garanties constitutionnelles et eut recours à l’empereur pour obtenir le titre de «  vicaire impérial  » (ou pour d’autres de «  vicaire pontifical  »). Une tendance des seigneuries fut aussi l’expansion par le moyen de la guerre, pour augmenter leur pouvoir, pour satisfaire l’ambition personnelle, pour garantir la sécurité aux frontières, et pour conquérir du prestige auprès des citoyens. De là vint l’idée de constituer une dynastie qui dure dans le temps. Ainsi commença la Seigneurie  : après la victoire des communes sur Frédéric II en 1237 à Camporgnano, les populaires élirent comme podestat Pagano Della Torre en 1240, en souvenir de son intervention décisive contre Frédéric. C’était un feudataire de la Valsassina, et il fut chargé de protéger le peuple contre les abus de la noblesse. Dans sa plaque mortuaire, il est écrit  : «  Magnifique chef de guerre et défenseur du peuple ambrosien, exemple de justice, splendeur des grands, aire de sagesse, défenseur de notre mère l’église, fleur de toute cette aimable patrie dans la mort de laquelle tout le decorum italien pâlit ». Mais il mourut un an après, le 6 janvier 1241. En 1247, les populaires mirent à la tête de la Credenza di sant’Ambrogio, avec le titre d’ « Ancien  », le neveu de Pagano, Martino Della Torre, pour remettre de l’ordre et rétablir les finances  ; il prit contre les riches des initiatives qui ne plurent pas  ; en 1259 il fait élire comme capitaine du peuple le marquis Oberto Pelavicino dont il a besoin des forces militaires, mais qui était haï par le pape Clément IV qui essaya de le faire abattre par des processions de flagellants et décida finalement de soutenir les Visconti  ; l’archevêque élu de 1241 à 1257 fut Leone da Perego, partisan gibelin des Visconti. Après une tentative de Martin de nommer son frère Philippe comme successeur en 1263 puis son fils Napoleone (Napo) en 1265 et après une période de luttes et de pacifications successives, le pape Urbain IV nomma Othon Visconti archevêque de Milan  de 1262 à 1295. Celui-ci fut d’abord chassé de la ville par les Torriani (les partisans des Della Torre), et il se lia toujours plus étroitement aux nobles jusqu’à prendre le commandement des troupes d’exilés  ; il battit les Torriani à la bataille de Desio entre le 20 et le 21 janvier 1277 et rentra à Milan avec la faction nobiliaire gibeline. Il reçut des Milanais un accueil triomphal  ; les maisons des Torriani furent détruites, et Napo mourut en cage en 1278. Othon fit dissoudre tous les conseils et les sociétés populaires et nobiliaires et les remplaça par une unique magistrature, le Tribunal «  di provvisione  ». En 1285, il élimina même le Carroccio, considéré comme un obstacle au libre mouvement des soldats et le remplaça par un étendard qui portait l’emblème de la vipère qui avale un infidèle, avec saint Ambroise  ; il envoya en exil les familles hostiles, augmenta les effectifs de police  ; en 1287, il fit élire comme capitaine du peuple son neveu Matteo, en 1288 et en 1294 il lui fit obtenir le titre de Vicaire impérial. La commune était devenue formelle. Après un retour des Della Torre, Henri VII imposa la paix pour se faire couronner Roi d’Italie à Saint Ambroise en 1310. Matteo Visconti réussit à se faire nommer à nouveau Vicaire impérial avec le titre de Podestat, et les Visconti restèrent au pouvoir jusqu’en 1447. Matteo avait marié son fils Galeazzo avec Béatrice d’Este, une femme très belle et de dons intellectuels exquis en 1300 et se l’était adjoint comme Capitaine du peuple. La Commune était morte même formellement. Matteo Visconti mourut le 22 janvier 1322. Malgré l’opposition de Florence, de Venise et du cardinal Albornoz, Milan possédait désormais tout le territoire de la Lombardie, jusqu’aux frontières de la Vénétie et de la Toscane. Galeazzo, fils de Matteo, prit sa succession, associa ses quatre frères au gouvernement de l’État. En 1324, le pape décréta une croisade, avec une armée guelfe qui fut défaite le 28 février 1324. Emprisonné par l’empereur Ludovic le Bavarois qui se méfiait de lui, Galeazzo sortit de prison le 25 mars 1328 et mourut peu après le 6 août. La seigneurie passa à son fils Azzone, qui fut de nouveau Vicaire impérial et put rentrer à Milan. Sa première préoccupation fut d’embellir la ville (il fit agrandir les enceintes, décorer les portes du blason de la famille, paver les rues avec des briques en arête de poisson qui furent un modèle pour Londres et Paris, et il fit construire l’église de San Gottardo) et d’éliminer la plaie du banditisme. Il mourut le 16 août 1336 et laissa sa succession à son oncle Luchino. Celui-ci se révéla un homme équitable et intelligent. Il agrandit le territoire, faisant l’acquisition d’Asti, Alexandrie, Bobbio, Crema, Novare, Parme et Tortona et obligea ses ennemis à lui verser cent mille florins d’or. Il élimina les voleurs qui faisaient obstacle au commerce sur les routes, et fit de l’État un royaume de richesse et de prospérité. Le conseil général établit que désormais le principat des Visconti, d’électif, deviendrait héréditaire. À sa mort (par le poison…) en 1349, c’est donc son frère Jean qui reprit l’héritage  ; il avait été évêque de Novare. Il augmenta la richesse de Milan, faisant même l’acquisition de la ville de Bologne, et il protégea les artistes, donnant entre autres l’hospitalité à François Pétrarque de 1335  à 1361. À la mort de Jean en 1354, l’État resta uni mais fut divisé entre deux neveux de Jean, Bernabò et Galeazzo. Bernabò eut 20 fils et filles dont il sut se servir pour ses alliances  : il maria son neveu Gian Galeazzo à Isabelle, fille du roi de France  ; une fille fut mariée au duc de Bavière, une à Léopold d’Autriche, une au margrave de Thuringe et une au roi de Chypre, tandis que deux de ses filles naturelles épousèrent les «  condottieri  »  Giovanni Acuto et Corrado Lando  ; il contribua à la création d’un État puissant, améliorant les services publics de Milan, particulièrement les hôpitaux  ; mais ce fut aussi un tyran, sur le modèle des pires empereurs romains  ; la chasse au sanglier était son affaire la plus importante, et il entretenait 5.000 chiens de chasse  ; des impôts lourds lui permirent de donner à chacune de ses sept filles une dot de cent mille florins, et à la mort de sa femme, il imposa un deuil d’une année à tous ses sujets. Galeazzo II mourut en 1378 et laissa le pouvoir à son fils Gian Galeazzo, né de son mariage ave Blanche de Savoie, et qui fit empoisonner son oncle Bernabò en 1385 pour récupérer sa part de pouvoir. Gian Galeazzo fut probablement le plus grand représentant des Visconti, homme politique avisé et mécène éclairé  ; après l’écroulement de la cathédrale en 1353, il fit construire la  nouvelle cathédrale de Milan (qui témoignait de la piété religieuse et de la prospérité  économique) et la Chartreuse de Pavie, commencer la construction de la Forteresse des Visconti et allonger les Navigli (canaux). En 1395, il obtint de l’empereur le titre de duc de Milan puis celui de duc de Lombardie, qui devint héréditaire en 1396. Le domaine des Visconti comprend alors Brescia, Bergame, Côme, Lodi, Feltre, Novare, Vercelli, Alexandrie, Tortona, Bobbio, Piacenza, Reggio, Parme, Crémone, Riva di Trento, Crema, Soncigno, Bormio, Borgo San Donnino, Pontremoli, Feliciano, Arezzo, Belluno, Bassano, Vérone, Vicenza, Sarzana, Avenza, Carrara, Santo Stefano et d’autres terres en Lucchesia (Cf. carte page suivante). Cet État, de conquête récente, se désagrégea après la mort de Gian Galeazzo, mais contribua à la prospérité de Milan qui devient un centre commercial déterminant dans le Nord Italie, et centre de production industrielle (laine et futaine) et agricole (se répand la culture du mûrier et du ver à soie, et celle du riz, et donc une grande attention à la bonification des terrains et à la qualité de l’industrie textile). Gian Galeazzo perfectionna la politique viscontienne par la création d’un État moderne, «  ennemi des particularismes, des forces centrifuges et des autonomies communales résiduelles  » (Storia degli Italiani, op. cit. p. 610). Il visait à la seigneurie de toute l’Italie  ; il ne fut pas un guerrier, mais il eut à son service les meilleurs condottieri, Alberto da Barbiano, Jacopo dal Verme, Francesco Gonzaga et Facino Cane  ; seule sa mort le 3 septembre 1402 sauva Florence de sa conquête. Malheureusement il maria sa fille Valentine à Louis de Valois duc d’Orléans, qui donna droit de succession à la France sur le duché de Milan. Après deux ans de régence de Catherine, fille de Bernabò et femme de Gian Galeazzo, son fils Jean Marie  (1389-1412) succéda à Gian Galeazzo I. Les deux fils de Gian Galeazzo et de Catherine furent appelés Marie pour remercier la Vierge de leur naissance, parce que, après plusieurs avortements spontanés dus au fait qu’ils étaient cousins au premier degré, ils craignaient de ne pas avoir d’enfants. Jean Marie se signala par sa cruauté et fut éliminé en 1412 par des parents de Bernabò pour venger son assassinat par Gian Galeazzo  ; sa mort profita à son frère Philippe Marie (1392-1447), qui épousa la veuve de Facino Cane, Béatrice de Tende, mais il resta sans héritiers et  fit décapiter sa femme, plus vieille que lui de 22 ans, pour présomption d’adultère. Il fut le premier à se servir des compagnie d’aventure pour la défense de l’État, libérant du service militaire la population, qui eut donc plus de temps pour s’occuper de commerce et d’industrie. Parmi ses condottieri, il y eut Francesco Sforza, à qui il maria sa fille naturelle Blanche Marie (1425-1268), qui légitima la succession des Sforza à la seigneurie, bien que les Français aient revendiqué le duché pour Charles d’Orléans, sous prétexte qu’il était descendant de Valentine. À la mort de Philippe Marie, dernier des Visconti, quelques aristocrates, intellectuels humanistes de Milan, eurent l’idée de redonner vie aux institutions communales et républicaines, en fondant la «  République Ambrosienne  » (14 août 1447), gouvernée par un conseil de capitaines et de défenseurs de la liberté de Milan. À leur tête il y avait Giorgio Lampugnano, Innocenzo Cotta, Teodoro Bossi, Antonio Trivulzio, Bartolomeo Morone et l’écrivain Pier Candido Decembrio, historien de Philippe Marie. Le conseil fit abattre le château de Porta Povia, et brûler les écritures du fisc, confiant les finances à une collecte volontaire selon les finances de chaque citoyen. Francesco Sforza fut nommé capitaine général, mais ce gouvernement resta faible, plusieurs villes du duché se rendirent indépendantes, et dans la ville ce  fut l’anarchie. Francesco Sforza s’éleva contre la République au bout d’un an. Il se déclara héritier légitime du duché, en tant que mari de Blanche Marie, et la ville se rendit à lui, qui y entra triomphalement le 26 février 1450. La République fut une tentative humaniste de reconstituer un État sur le modèle de la Rome républicaine, et donc hostile à toute forme de tyrannie, en faveur d’une liberté totale.
LE DUCHÉ DES SFORZA Francesco Sforza (1401-1466) mit fin à la guerre avec Venise, en signant le 9 avril 1454 la paix de Lodi qui institua la  «  Ligue italique  » entre Venise, Milan, Naples, Rome, Ferrare, Sienne, Lodi, Lucques, Bologne, Mantoue, Forlì  ; il assura ainsi au duché une longue période de paix, qui permit un grand développement économique. L’agriculture était prospère, grâce à une irrigation et aux travaux ruraux assurés par les communautés religieuses. Milan était au centre du commerce à travers les Alpes, vers la France méridionale et vers l’Espagne  ; l’industrie produisait des tapisseries, des produits de soie et de velours, des armures décorées très recherchées. Probablement, il  contribua à l’assassinat d’Agnès Visconti, fille de Bernabò et femme de Francesco Gonzaga, décapitée par son mari pour présomption d’adultère. Mais sous sa domination, l’Italie effleura la réalisation d’une «  révolution industrielle  », et Francesco Sforza aurait été sur la voie de l’unification de l’Italie si la Florence libérale et républicaine ne s’était pas opposée à son avancée vers le centre et le sud de l’Italie. Francesco fut «  père de la guerre et prince de la paix  ». Il réunit tous les petits hôpitaux en un unique grand «  Ospedale Maggiore  » (qui fut une des modèles de Soufflot dans l’Hôtel-Dieu de Lyon), commencé en avril 1456 par Filarete (Antonio di Pietro Averlino, appelé «  Filarete  » = celui qui aime la vertu, 1400-1465, théoricien de l’architecture protégé par les Sforza), qui fut la première institution laïque en Europe, protégée par le duc. Il fit aussi creuser le canal de la Martesana et continuer la construction de la cathédrale. Il mourut après seize ans de règne le 8 mars 1466 et fut regretté par les Milanais. À Francesco succéda son fils Galeazzo Maria Sforza (1444-1476), lui aussi mécène et amateur de culture mais homme cruel. Il épousa en 1468 Bonne de Savoie, sœur de la femme de Louis XI de France, aggravant les futurs problèmes dynastiques. Sa dissolution lui attira la haine de nombreuses familles, les taxes et les impôts opprimèrent les citoyens, ses fêtes les scandalisaient. Il avait exilé et peut-être tué sa mère Blanche Marie le 23 octobre 1468. Il fut tué en 1476 par une conjuration de nobles, partisans de la République Ambrosienne, de liberté et d’indépendance des institutions  ; il laissait un fils de 8 ans, Gian Galeazzo (1469-1494) confié à la tutelle de Bonne de Savoie et protégé par un fidèle serviteur de Francesco Sforza, Francesco (Cicco) Simonetta qui assura la régence. Un frère de Galeazzo Maria, Ludovic dit le Maure pour la couleur de sa peau ou parce que son nom était Mauro (1452-1508) profita de la régence pour émerger, contre le gré de Simonetta, que Ludovic réussit à faire décapiter le 28 octobre 1480. Gian Galeazzo mourut en 1492 et Bonne de Savoie fut exilée de Milan  ; Ludovic s’était fait confier la régence, et fut nommé duc de Milan par l’empereur Maximilien. Ce fut une période d’or pour Milan. Ludovic avait épousé Béatrice d’Este, fille du duc Hercule I d’Este, grâce à l’impulsion de laquelle la ville connut un faste de fêtes, bals, tournois, et présence de grands artistes, parmi lesquels Léonard de Vinci (de 1482 à 1500), Bramante (de 1478 à 1500) et Luca Pacioli (qui y écrit en 1497 son Compendium de divina proportione), malgré la rivalité avec Isabelle d’Aragon, fille d’Alphonse d’Aragon et d’Hyppolite Sforza et femme de Gian Galeazzo. Léonard peignit Cecilia Gallerani, une maîtresse de Ludovic, dans La Dame à l’hermine, et une autre maîtresse du duc, Lucrezia Crivelli dans la Belle ferronnière  ; il réalisa aussi la Dernière Cène dans le réfectoire de l’église de Santa Maria delle Grazie, et la Vierge des Rochers. Bramante participa à la décoration d’églises, de l’abside de Santa Maria delle Grazie et du Château Sforza. Sous la domination de Ludovic se réalisèrent aussi des travaux d’ingénieur civils et militaires, canaux, fortifications, et le mûrier devint un élément important de l’économie lombarde. Quand Louis XII, roi de France et prétendant au duché de Milan parce que neveu de Valentine Visconti, descendit en Italie, il conquit le duché en s’appuyant sur une révolte du peuple opprimé par les impôts. Ludovic se réfugia près de l’empereur Maximilien mais fut capturé par les Français le 10 avril 1500 et mourut le 27 mai 1508 dans le château de Loches où il était prisonnier. Milan perdit son indépendance et passa sous domination étrangère pour 360 ans  ; ce fut la première seigneurie italienne à tomber sous la domination d’une monarchie nationale, France, Espagne ou Autriche. Après 12 ans de domination française, le duché fut restitué à Hercule Maximilien, fils de Ludovic et de Béatrice d’Este, mais il se fit haïr et François 1 er  de France reprit le duché en 1515. En 1521, une victoire espagnole permit le retour de François II, frère de Maximilien Sforza, figure inconsistante  qui gouverna sous la domination de Charles Quint, qui occupa la ville à sa mort en 1535 et l’incorpora dans ses possessions. La Lombardie était espagnole pour 165 ans. Donc, avec Gian Galeazzo Visconti et Ludovic le Maure, se confirme une réalité  : l’Italie n’était pas sur la voie d’une unification nationale sur le modèle des grands états nationaux qui se constituaient autour d’elle, France, Angleterre, Espagne. Gian Galeazzo avait tenté cette voie, mais en vain, et il avait dû établir avec la Toscane et avec Venise un équilibre de puissances régionales. «  L’Italie du XVe siècle ne pouvait donner vie qu’à un ordre régional, qui naît en ces années pour se renforcer et se définir en termes géo-économico- politiques à partir du XVIe siècle jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle, pour arriver à l’optimum avec la paix de Vienne de 1748. Évidemment cette analyse procède du refus préliminaire de l’équation, par tant d’aspects axiomatique, de l’unité synonyme de perfection politique et débouché fatal des destins de la nation italienne. Elle procède aussi de la constatation que, dans la péninsule italienne, a surgi une nation polycentrique qui s’est articulée en paramètres régionaux non déterminés par la volonté hasardeuse d’individualités plus ou moins grandes ou par la rationalité plus ou moins rusée d’un projet politique, mais par l’objectivité de l’économie et par la force de la tradition  » (Storia d’Italia, Bompiani, op. cit. n° 100, pp. 289-290).
Othon accueilli  à Milan, fresque du XIVe s. –Rocca di Angera (Varese)
Milan médiéval
MILAN DEVIENT RICHE ET PROTÈGE LES ARTS « Même au milieu des hauts et des bas de la situation politique générale, Milan traverse une période de relative prospérité. Il est vrai que les compagnies d’aventure, surtout les mercenaires étrangers, toujours disposés à changer de drapeau, sont pour l’Italie une plaie ouverte ; il est vrai que pour payer ces troupes les seigneurs chargent d’impôts les citoyens ; mais il est aussi vrai que les marchands et les producteurs, en ville et dans le contado, peuvent se consacrer plus à leurs affaires, sans devoir participer à la défense militaire. Dans l’arc de 90 ans, entre le duché de Gian Galeazzo Visconti et celui de Ludovic Sforza on introduit deux cultures dans la vallée du Pô : le riz et le mûrier, qui représenteront dans les siècles une des plus grandes richesses de la zone. Et si le riz est un produit populaire, le mûrier motive l’artisanat de luxe pour le marché de l’exportation. Ainsi, le travail des soies et brocards n’est plus une prérogative seulement de Venise, Florence et Gênes. Les seigneurs de Milan se montrent aussi à cette période des mécènes exquis. Galeazzo II Visconti reçoit Pétrarque, Bernabò protège l’art des Maîtres de  Campione, fonde l’Université de Pavie, Gian Galeazzo fait poser la première pierre pour la construction de la cathédrale et confie à Bramante la charge  d’agrandir San Satiro. Francesco Sforza commande à Filarete le Grand Hôpital, transforme le Château des Visconti de Porta Giovia en une cour fastueuse et y appelle des humanistes célèbres. Galeazzo Maria fonde la Chapelle des Musiciens en maintenant une tradition constante de mécénat qui arrivera jusqu’aux  splendeurs de Ludovic le Maure » (Storia degli Italiani, op. cit. p. 504).
Milan, miniature du XVe (Trivulziana, Milan)
Statue équestre de Bernabò, sculpture de Bonino da Campione, Château Sforza ; sous le ventre du cheval, les allégories de la Force avec le lion et de la Justice avec la balance
Blason des Visconti (Miniature de la “Grammaire Grecque” de Lascaris)
Funérailles de Gian Galeazzo Visconti, sculpture de Benedetto Briosca (Portail Chartreuse de Pavie)
Gian Galeazzo avec un modèle de la Chartreuse de Pavie, de Bergognone (Chartreuse de Pavie).
la façade de la Chartreuse, commencée en 1396 et destinée à être le mausolée de la dynastie Visconti.
Ludovic le Maure (Bas-relief XV° s.)
Galeazzo Maria Sforza (Pollaiuolo, 1471).
Pala Sforzesca, Brera : à gauche Ludovic Sforza, à droite Béatrice d’Este.
Couronnement de Ludovic, Miniature XVe s.
Francesco Sforza, de Bonifacio Bembo, 1460.
Muzio Attendolo (Miniature XVe s.  Niccolò Piccinino
Quelques condottieri des Visconti Un des plus grands fut Facino Cane. De petite noblesse de Casale Monferrato, il fut appel Bonifacio, puis Bonifacino, et enfin Facino. Il fut aussitt apprci pour ses grandes capacits militaires et il avait combattu pour les grands seigneurs de l’poque, surtout pour Gian Galeazzo Visconti. Il s’tait constitu un vaste domaine autour d’Alexandrie et de Varese, et il essaya toujours de l’agrandir. Il mourut  Pavie le 16 mars 1412, tandis qu’il tentait de conqurir Bergame. Francesco Bussone da Carmagnola (1390-1432) fut le fils de paysans, d’abord gardien de porcs puis simple soldat dans l’arme de Philippe Marie Visconti. Il se distingua et passa vite au commandement de l’arme milanaise et pousa Antonia Visconti. Puis il se rendit hostiles les Visconti et s’enfuit  Venise qui le mit  la tte de son arme. Il gagna la bataille de Maclodio en 1427, mais aprs quelques dfaites, les Vnitiens dcidrent de le condamner et de le tuer. Il inspira  Alessandro Manzoni une tragdie, Le Comte de Carmagnola (1826) et  Eugne Sue une oeuvre lyrique avec musique d’Ambroise Thomas, Carmagnola (1841). Alberto (Alberico) da Barbiano (1344-1409) tait de la famille romagnole des Comtes de Barbiano. Il apprit l’art militaire dans la compagnie d’aventure de John Hawkwood (Giovanni Acuto). Puis il cra sa propre compagnie compose seulement d’Italiens, o se forment d’autres condottieri, Jacopo dal Verme, Facino Cane, Braccio da Montone et Muzio Attendolo, pre de Francesco Sforza. Il renouvela la cavalerie, en modifiant les armures et les armes d’attaque, armant les cavaliers d’une pique mortelle dans une charge. Sa compagnie dut ddie   Saint Georges  et connut beaucoup de grandes victoires. Jacopo dal Verme (1350-1409), d’une clbre famille de condottieri, fut au service des Visconti. Il devint seigneur de Bobbio, Voghera et Castel San Giovanni. Son fils servit sous les Sforza.
Piémont, Lombardie, lagune vénitienne et terre ferme Vénète, Florence et Toscane, État pontifical, Midi continental et les deux grandes îles, sont les aires qui constituent l’Italie jusqu’à son unité de 1861. Il y eut de grandes communes hégémoniques sur d’autres villes, comme Florence et Milan, mais cela ne créa pas une structure d’État ou une ère juridique homogène  : chaque cité dominée  maintient son autonomie, ses propres institutions, ses propres lois, ses propres habitudes  ; par diverses évolutions, s’affirme dans la commune le pouvoir d’un individu (avec le consentement des citoyens avides de paix et de prospérité, et avec l’approbation de l’empereur et du pape qui lui confèrent la fonction vicariale contre d’importantes sommes d’argent) et se constituent des aires régionales, en correspondance avec la grande crise économique qui culmine à la moitié du XIVe siècle, puis avec la reprise entre le XVe et le début du XVIe siècle, l’élan de la seconde moitié du XVIe à la moitié du XVIIe, et avec le second écroulement à la fin du XVIIe et la stagnation du début du XVIIIe siècle. Le rêve vénitien de créer une «  monarchie d’Italie  » s’écroule dans sa défaite du 14 mai 1509 dans la plaine d’Agnadello, entre Crémone et Bergame, contre les forces de la Ligue de Cambrai et le roi Louis XII de France  ; on en a fêté en mai 2009 le 500 ème   anniversaire par trois jours de manifestations (Cf. Guicciardini, Storia d’Italia, Livre VIII, chapitres IV et V). Le rêve milanais s’écroule avec la fin des Sforza en 1508. Et les rêves d’empire universel de Dante dans son De Monarchia (1312-13), et d’unité nationale de Machiavel dans son Prince (1513), après l’appel de Pétrarque dans sa Chanson 128, «  Italia mia, ben che ‘l parlar sia indarno,» (1345), restent des phénomènes minoritaires, encore inspirés par la nostalgie de l’ancienne Rome.
Galeazzo Maria Sforza et sa cour, Miniature Paris
Batrice d’Este et son cortge, peinture XVe s. Bergame
le duché de Milan au milieu du XVe s.
La Belle Ferronnire, Louvre, 1490.
Autres condottieri des Visconti et des Sforza Muzio Attendolo Sforza tait n  Cotignola (Ravenne) en 1369 ; il fut form par Alberico da Barbiano, mais aussi par d’autres condottieri ; il fut une  lance brise , alli tantt avec l’un tantt avec un autre. Il fut d’abord au service du pape Jean XXIII, qui le nomma Comte de Codignola, et du roi de Naples. Il mourut en 1424 pendant une guerre contre Braccio da Montone. Il fut le pre de 7 enfants, parmi lesquels Francesco Sforza. Ce fut son courage qui lui donna le surnom de  Sforza . Niccol Piccinino (1386-1444), n  ct de Perugia, surnomm ainsi pour sa petite taille, il tait fils d’un boucher et commena sa carrire militaire sous les ordres de Braccio da Montone, dont il prit le commandement des milices, et dont il pousa la nice aprs sa mort en 1424. En 1434, il conquit Bologne pour le duc de Milan. Il fut toujours ennemi de Francesco Sforza,  partir du moment o celui-ci passa au service de Venise, et fut assassin par lui aprs avoir pous une de ses filles naturelles, Drusiana. Andrea Fortebraccio appel Braccio da Montone (1368-1424), d’une famille de petite noblesse, il commena sa carrire militaire dans la Compagnie de Saint Georges, aux ordres d’Alberico da Barbiano. Puis en 1390, il forma sa propre compagnie. Il combattit pour Florence, pour le pape, contre le pape, pour le roi de Naples, contre Sforza, etc. Il domina une partie importante de l’Ombrie et mourut  la bataille de l’Aquila le 5 juin 1424.
La Dame  à l’hermine, vers 1487
Château des Sforza
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