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Nouvelles de ces derniers temps : édition du 22 octobre 2016
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Nouvelles de ces derniers temps, 22 octobre 2016 Table  : 1) Dario Fo est mort  ; 2) Pour ou contre la réforme constitutionnelle  ; 3) Quelques lectures passionnantes (Nadia Clavaud)  ; 4) une lettre d’Anna à Erica Boschiero. 1) Dario Fo est mort Dario Fo est parti à 90 ans le 13 octobre. C’est une grande perte, car il était un des rares intellectuels italiens à avoir été universel, on n’insiste pas assez là-dessus. Il s’intéressait à tout ce qui est vivant, il était le contraire de l’indifférence, celle de ces petits pseudo intellectuels qui ne s’intéressent qu’à leur petite spécialité. Il avait été homme de théâtre, héritier de la Commedia dell’Arte, de Ruzzante, de Molière, de Bertold Brecht, mais aussi essayiste, peintre et amateur de peinture (voir ses travaux sur le Caravage, Mantegna, Raffaello, Michelangelo, Giotto, etc. sur lesquels il apportait toujours des vues nouvelles et plus vivantes)  ; athée, il se passionnait pour certains religieux comme François d’Assise (sa pièce Lu santu jullare Francesco, chez Einaudi en 1999), il se référait toujours à la plus belle langue italienne mais surtout aux langues populaires, aux dialectes  ; il réhabilite le «  grammelot  » (mot qui vient du vénitien ou du français et désigne un assemblage de sons, d’onomatopées, de phonèmes privés de sens rationnel, mais qui parodie d’autres discours). Il venait de publier en 2014 un roman sur Lucrère Borgia, La figlia del papa, qui vient d’être traduit en français, après un ouvrage sur Darwin et un autre sur un roi fou du Danemark. Relisez ses pièces et son inoubliable Mistero Buffo. Et puis il se passionnait pour la vie tout court, en particulier dans sa dimension politique, ce qui lui valut la haine et la censure de l’institution télévisée et de la droite italienne. C’était un homme libre, qui sut critiquer aussi bien la droite fascisante que la gauche molle et il avait soutenu récemment le Mouvement 5 Étoiles, où il voyait le seul renouveau actuel de la vie politique italienne, il fut toujours militant politique, contre le fascisme, le capitalisme, le cléricalisme. Mais il s’intéressait aussi à la musique, on en parle moins, aussi bien à celle du Moyen-Âge qu’à Maria Callas, et toutes ses pièces des années ’60 contiennent des chansons dont il écrivait le texte tandis que la musique était de Fiorenzo Carpi. 31 d’entre elles ont été reprises en 2006 dans un disque de la maison Edipan. Vous en trouverez quelques-unes dans notre rubrique «  Chanson  ». Voyez sur Internet la biographie de Dario Fo, inséparable de celle de sa compagne Franca Rame, morte en 2013, qui fut sa complice et son inspiratrice.  2) Les défenseurs de la réforme / L’opposition à la réforme Les défenseurs de la réforme, partisans du «  oui  » au referendum, avancent les arguments suivants  : * Elle fera faire de grosses économies dans la gestion de l’État, Renzi a parlé de 1 milliard d’euros par an, Madame Boschi de 500 millions d’euros immédiats. On économise le salaire de 315 sénateurs et des membres du CNEL, les frais des Commissions parlementaires du Sénat, etc. Est-ce vrai  ? * Simplification du pouvoir législatif  : une seule chambre, donc suppression du va-et-vient entre les deux chambres. * Plus grande stabilité gouvernementale, l’Italicum donnant au gouvernement une majorité absolue, fin de la nécessité des alliances entre des partis, difficiles lorsque la majorité était différente à la Chambre des députés et au Sénat, comme aujourd’hui, fin des petits partis et groupes parlementaires. Les principaux arguments des Comités pour le «  non  » sont  : * Cette réforme proposée par le PD est contraire au programme sur lequel le PD a  été élu, qui projettait au contraire le retour à une «  application intégrale  » de la Constitution de 1948, qui était «  la plus  belle et la plus avancée du monde  ».` * Le projet de réforme, rédigé par le gouvernement, a été imposé par la force au Parlement grâce à l’usage de la «  question de confiance  » (notre 49.3), et par les pressions exercées sur les parlementaires  : si le projet n’est pas voté, le gouvernement  tombera et il y aura de nouvelles élections, pour lesquelles les partis refuseront de proposer la candidature de ceux qui auront voté «  non  ». * Un referendum est prévu par la Constitution comme posant une seule question. Ici on pose 4 questions différentes dans le même vote (Cf. notre précédent «  Nouvelles de ces derniers temps). Or on peut être favorable à l’une et hostile à l’autre  : comment les électeurs pourront-ils se décider  ? * La confusion du texte soumis au referendum  : tous les linguistes et magistrats l’ont souligné. Or, un texte légal n’est recevable que s’il est court et  compréhensible par tous les citoyens. Ce n’est pas le cas de celui-ci  : tous les textes se compliquent, l’article 70, pour ne prendre qu’un exemple, passe de 9 à 439 mots (voir le parallèle entre le texte actuel et tous les textes modifiés dans Marco Travaglio et Silvia Truzzi, Perché NO, PaperFirst, 2016, pp. 160-204). * Les économies réalisées par cette réforme sont peu importantes, selon l’avis même de la Ragioneria di Stato, la comptabilité nationale, qui a rapporté sur ce point en 2014 et n’a pas émis depuis d’autre avis. L’économie serait pour le Sénat de 9% des 540 millions actuels, soit 48,6 millions. On aurait fait la même économie d’une quarantaine de millions en diminuant de 10% le salaire des parlementaires. Avec la réduction du salaire des parlementaires à 10.385 euros par mois, on arriverait à un total d’économies d’environ 57 à 58 millions. La suppression du CNEL  économiserait 8,7 millions d’euros, et encore  : Renzi avait déjà réduit le Conseil à 64 puis 24 membres qui coûtaient chacun un jeton de présence de 2154 euros par mois, mais il faudra continuer à payer le personnel qui coûte actuellement 3 millions par an, et qui serait déplacé à la Cour des Comptes. Qu’apporterait la suppression des Provinces, nul ne peut le dire pour le moment. Les comptes sont donc loin de correspondre aux déclarations ministérielles. Interrogée sur le fait de savoir s’il y avait eu un nouveau rapport  de la Comptabilité Nationale, la ministre a refusé de répondre  ! On a donc cherché à allécher les électeurs en leur promettant un allègement  des charges de l’État, c’est -à-dire par un mensonge. * La nouvelle loi électorale, l’Italicum, n’est pas démocratique, elle prévoit non une «  prime de majorité  » (premio di maggioranza), mais une «  prime de minorité  » (premio di minoranza), puisque aura la majorité absolue un parti qui n’aura obtenu éventuellement qu’une minorité de voix. Une majorité de députés ne seront donc pas véritablement élus, contrairement à ce que demande l’actuelle constitution. Cela est aggravé par la proposition de Sénat nommé par les Conseils régionaux et par le président de la République. Le président du Conseil deviendra ainsi tout-puissant et c’est ce Parlement réduit à son autorité qui aura le pouvoir d’élire le président de la République qu’il souhaitera, de nommer les membres de la Cour Constitutionnelle (la Consulta) et du Csm (le Conseil supérieur de la magistrature), ainsi que l’administrateur délégué et le Conseil d’administration de la Rai. Sur les 730 qui éliraient désormais le Président de la République, les minorités ne représenteraient qu’au maximum une centaine de membres, sans influence réelle par rapport aux 630 restants qui seront  tous à la botte du premier Ministre. C’est une concentration du pouvoir contraire à ce que voulait la constitution de 1948. Les droits des minorités sont aussi réglementés par le nouveau Parlement. Il n’y aura donc plus aucun contrôle, ni extérieur (suppression du Sénat élu) ni intérieur, de l’action du gouvernement. De plus, la disparition du Sénat élu laisse à la seule Chambre des députés, c’est-à-dire au premier Ministre «  absolu  » le pouvoir de décider de la guerre et de la paix. * La nouvelle loi prétend supprimer les inconvénients du bicaméralisme, ce n’est pas vrai  : si elle supprime le pouvoir d’un Sénat élu, elle maintient 22 catégories de normes qui devront être discutées entre les deux chambres, et si il y a désaccord, on ne sait pas comment on pourrait le résoudre. Rien n’est donc simplifié, on ne fait qu’augmenter les risques de conflit entre les chambres, entre le Parlement et les Régions, entre l’État italien et la communauté européenne.  De même, la loi n’assure aucune stabilité supérieure  : les Sénateurs changeront perpétuellement puisque ils perdent leur siège dès lors qu’ils perdent leur siège de Conseillers régionaux ou de maires. On pourrait ajouter encore d’autres critiques, mais cela suffit pour montrer que le choix est clair entre ou bien une concentration du pouvoir dans les mains du premier Ministre, c’est-à-dire vers un pouvoir unique de type autoritaire et dictatorial qui, par ailleurs ne règlerait aucun des vrais problèmes du peuple italien, ou bien un maintien de ce qui reste de démocratie, dont les supporters ne prétendent pas pour autant qu’il n’y a pas de réforme à faire, mais pas dans ce sens rétrograde. Les derniers sondages  : Ils annoncent de plus en plus la majorité des «  NON  », celui du 13 juillet donnait 26% de «  non  », 25% de «  oui  », 7% d’indécis, et dans plusieurs sondages, seulement 10% des électeurs disent savoir ce que contient le referendum et l’avoir compris. Un sondage plus récent du 17 octobre donnait 33,8% au «  oui  » et 37% au «  non  », avec 29,2 d’abstentions (Emg pour TgLa7)  ; une marge d’erreurs de 3% est admise par les instituts de sondage. Le vote se jouera donc sur le fil du rasoir. Pourtant les partisans du «  oui  » se livrent à toutes les manœuvres possibles pour convaincre les électeurs. Par exemple à Arezzo, un Comité pour le «  oui  » a dit aux femmes que la nouvelle loi leur garantirait «  l’équilibre entre hommes et femmes  » dans la représentation du peuple (adjonction à l’article 55 de la Constitution) … ce qui existe déjà  ! Dans un autre domaine, Matteo Renzi a été rappelé à l’ordre par l’Autorité de contrôle des médias (Agcom) parce qu’il  intervient trop sur la RAI, Mediaset, Sky et La7 en cette période de campagne  : plus d’une heure par jour depuis le début de la campagne  ; l’Agcom remarque donc que cela ne maintient pas l’équilibre et l’objectivité des informations  ; le M5S et Forza Italia ont d’ailleurs porté plainte contre la RAI pour cela (Cf. Fatto Quotidiano du 19 octobre 2016). Mais on oublie que la majorité des constitutionnalistes, de tous les horizons politiques, se sont prononcés pour le «  non  » à ce referendum trompeur et dangereux pour la démocratie italienne. Beaucoup, comme le Professeur Gustavo Zagrebelsky, ancien président de la Cour Constitutionnelle en 2004, disent qu’on passerait d’une démocratie à une oligarchie. Inquiétant  ! Renzi avait d’abord annoncé qu’il quitterait la vie politique si le «  non  » l’emportait  ; voyant le progrès des «  non  », il a maintenant rectifié et annoncé dans un colloque qu’il avait eu tort de «  personnaliser  » ainsi le referendum et qu’il continuerait à gouverner même si le «  oui  » était perdant, jusqu’aux élections de 2018. Il cherche maintenant à récupérer d’autres opposants en disant qu’il réformera l’Italicum après le referendum, si le «  oui  » l’emportait. Mais si on repense au nombre de promesses de Renzi qu’il n’a pas tenues depuis qu’il est premier Ministre, on est en droit de penser que ce n’est qu’une reculade formelle, et que son véritable objectif est de rester au pouvoir jusqu’en 2018, soutenu par ceux qui ont simplement peur qu’une dissolution après le referendum leur fasse perdre leur fauteuil  !` Rappelons que la loi électorale proposée par la Démocratie Chrétienne en 1952, qu’on avait appelé «  legge truffa  » (loi d’escroquerie) était plus modérée  : il fallait avoir plus de 50% des voix pour obtenir 65% des sièges. Le démocrate-chrétien Renzi qui est à la tête de l’ex Parti Communiste Italien est bien pire que les démocrates-chrétiens de 1952. Et on ne s’indignerait pas  ? 3) Quelques lectures passionnantes  : * Dans l’ombre de la lumière (Actes Sud, 2013) Claude Pujade-Renaud Si Saint Augustin a toujours passionné les philosophes, on connaît très peu de choses sur celle qui fut sa concubine pendant près de 15 ans si ce n’est quelques lignes écrites à son sujet dans ses Confessions.  « Dans la Rome antique, le statut de concubine n'était ni dévalorisé ni méprisé, même s'il ne donnait aucun statut socio-économique. Les enfants appartenaient au père. J'ai voulu incarner la vie d'une femme larguée à 30 ans, séparée non seulement de son homme mais aussi de son fils : une épreuve atroce, un deuil impossible. J'ai eu envie que cette femme se maintienne vivante. Elle pétrit la terre à l'atelier de poterie, humble et modeste travail créatif », nous dit l’auteur.  Sous sa plume, elle se prénomme Melissa (Didon), c’est elle qui raconte. Elle nous parle de sa nouvelle vie et évoque, douze ans après sa répudiation, ces années passées auprès d’Augustinus, avant qu’il ne soit évêque d'Hippone et Père de l'Eglise, du temps où il était beau, jeune et ardent, avant que, retourné, illuminé, Augustinus ne plonge dans le mysticisme le plus profond, poussé par sa catholique mère, Monnica. L’auteur nous offre ici, à travers une écriture fluide et simple, un magnifique portrait de femme, un itinéraire sensible et sensuel, quotidien et spirituel.  La mémoire d'Elissa est tenace, en elle l’amour  l'emporte sur la désillusion. Elle continue à le suivre dans ses prêches  : «  Je suis revenue t’écouter. Seule à nouveau. Engluée dans la foule des femmes, la touffeur de leurs odeurs. Les femmes auxquelles je t’entends prescrire de cacher leur chevelure lorsqu’elles sortent de chez elles. Je n’en ferai rien, bien entendu  ! Qu’est donc devenu l’homme qui aimait la senteur de mes cheveux lorsque je les dénouais et les brossais  ». La romancière tisse aussi le tableau d’une époque de métamorphoses. Les dieux païens y disparaissent au profit du Dieu chrétien, les Barbares menacent l'hégémonie de Rome, les empires tombent et les certitudes volent. On peut dire  que ce qui est évoqué là nous ramène à notre époque. Les extrémistes s’invitent au débat. La violence semble être la seule réponse donnée. Comment alors comprendre ce dieu d’amour qui engendre des tueurs fanatiques  ? Alors qu’  «  une idée n’est pas une race, une religion n’est pas un groupe ethnique  » nous rappelle Rushdie. Nous devons protéger les communautés, mais on n’a pas à protéger les idées. Elles sont sujettes à critique et le désaccord intellectuel est un droit ! "On ne tabasse pas quelqu’un à cause de ses idées, mais j’ai le droit de tabasser ses idées." Un livre que l’on peut donc lire à plusieurs niveaux. Nadia CLAVAUD, 16 octobre 2016 * L’ART DE LA JOIE – Goliarda SAPIENZA, (traduit de l'italien par Nathalie Castagné, éd. Le Tripode, 2015,640 p., 23€.) Goliarda Sapienza  est née en Sicile, à  Catane,  en  1924 dans une famille socialiste anarchiste très engagée, ce qui expliquera en partie son parcours. Elle est morte en 1996. Après des études d‘art dramatique à Rome, elle a d’abord été comédienne de théâtre, a joué Pirandello, et de cinéma avec Visconti notamment dans Senso en 1954. Liberté, rébellion, joie : Goliarda Sapienza a vécu comme elle a écrit, en secouant la morale.  Elle a mis dix ans pour écrire  L'Art de la joie, entre 1967 et 1976. A l’origine, il était  composé de 4 livres couvrant les périodes de la vie de l’héroïne, Modesta, de l’enfance à la vieillesse.  De son vivant, les éditeurs avaient timidement publié les deux premiers livres, jugeant leur contenu contestataire et féministe. Depuis, grâce en partie à l’accueil fait en France, il a été publié en son entier et est aujourd’hui considéré comme une œuvre majeure de la littérature italienne contemporaine, au même titre que le Guépard (Il Gattopardo, de Tomasi di Lampedusa). On peut dire qu’il n’est pas immoral mais amoral. Modesta naît en 1900 dans une pauvre cabane en Sicile et parvient à devenir, avec le concours du hasard et celui d’une volonté farouche, princesse sicilienne. Elle incarne à elle seule tous les combats de son siècle : féministe, bisexuelle, communiste, antifasciste, Modesta connaît la pauvreté extrême, l'absence de père, le viol, le couvent, la vie de château, la peur de l'eau, la maternité, la psychanalyse, la vieillesse. C’est un personnage de roman hors norme, un des plus  riches et des plus fascinants.  Autour d’elle il y a aussi une multitude de personnages  tout aussi complets qui illustrent à leur tour les différents évènements historiques du siècle dernier.   Ce que Modesta incarne avant tout  c’est  l’histoire d’une lutte pour la liberté par la volonté. Dotée d’une formidable autodétermination, elle lutte contre tout ce qui pourrait tant au plan social que personnel entraver sa vitalité, son existence de femme et d’individu, liberté intellectuelle, sexuelle, maternelle, éthique, politique, et bien sûr sociale, dans une société catholique patriarcale très cadenassée. Ce n’est pas un roman «  féministe  » mais un grand roman  «  féminin  » car il ne s’est pas bâti contre les hommes mais avec eux. Tous les  personnages,  féminins ou masculins,  sont soumis aux mêmes critères de jugement. De plus, le roman traverse l’histoire en se méfiant de toutes les idéologies. Après l'avoir lu, on reste  encore longtemps sous influence,  on n'entend plus pareil les mots  à force de les passer au filtre que Goliarda Sapienza  propose dans L'Art de la joie : « Le mot amour mentait, exactement comme le mot mort. Beaucoup de mots mentaient. Ils mentaient presque tous. Voilà ce que je devais faire : étudier les mots exactement comme on étudie les plantes, les animaux... Et puis, les nettoyer de la moisissure, les délivrer des incrustations de siècles de tradition, en inventer de nouveaux, et surtout écarter, pour ne plus m'en servir, ceux que l'usage quotidien emploie avec le plus de fréquence, les plus pourris, comme : sublime, devoir, tradition, abnégation, humilité, âme, pudeur, cœur, héroïsme, sentiment, piété, sacrifice,       résignation. ».  L’auteur a dit  lors de la sortie du premier livre, que si sa propre vie avait en partie inspiré celle de Modesta, elle ne lui arrivait cependant pas à la cheville  !  C’est dire s’il faut se préparer à lire un livre passionnant et inoubliable.        Nadia CLAVAUD, 20 octobre 2016 * Ernesto De Martino, Sud e magia (réédition Nuova Biblioteca, 2015, pp. LII-318, 34€) Ernesto De Martino (1908-1965) a été un des plus grands intellectuels italiens du XXe siècle. Il est à la source d’un énorme travail ethnologique d’équipe sur le sud italien. Il a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages fondamentaux pour la connaissance de la culture méridionale. Après un temps d’oubli, on commence à le redécouvrir et à le rééditer. Pour fêter le cinquantenaire de sa mort, un de ses livres vient d’être réédité, Sud e magia, qui avait été traduit en français en 1999 sous le titre de  Italie du Sud et magie par Les Empêcheurs de Penser en Rond, 229 p..La nouvelle édition italienne est accompagnée de plus de 50 pages de nouveaux documents préparés par Fabio Dei et Antonio Fanelli. Deux autres ouvrages de De Martino ont été publiés en français, La terre du remords [« La terra del rimorso »], Les Empêcheurs de Penser en Rond, 1999, 494 p. et Le Monde magique [« Il mondo magico »], Les Empêcheurs de Penser en Rond, 2003, 593 p. Lisez ce livre riche d’informations qui vous amuseront souvent, vous donneront des recettes de filtres magiques pour faire remonter le lait à une jeune mère ou pour rendre amoureux un garçon ou une fille qui ne vous regardent pas : un filtre fait de trois gouttes de sang obtenu en piquant le petit doigt de la main gauche, mélangées à une touffe de poils du pubis ou des aisselles ; on fait sécher au four, puis on l’emporte à l’église pendant la messe et au moment de l’élévation, on montre le filtre en disant : « Sang du Christ, démon, attache-moi à X.(homme ou femme), tu dois le lier à moi de façon qu’il ne m’oublie pas » (“sangue di Cristo, demonio, attaccami a questo/a, tanto lo devi legare che di me non si deve scordareˮ), et on le verse dans son café ! En réalité, pour redevenir sérieux, cela fait partie de toute une mythologie populaire qui conditionne encore la culture des Italiens du Sud, dans un mélange d‘ancienne magie, de culture des Lumières, de culture catholique que De Martino a longuement étudié en Basilicata, rapportant les rites archaïques, les formules de protection contre tous les maux qui affectaient les populations du Sud. On en connaît par exemple encore certains dans les pratiques thérapeutiques musicales de la « taranta », cette musique que nous rencontrons sous forme de la danse profane dite « tarantelle ». Un bon instrument pour comprendre la culture du Sud qui, certes, se «  modernise  » mais qui garde sa particularité dont ces rites ont été un élément fondamental. Ce n’est pas par hasard que Pasolini choisit Matera, en Basilicata, pour tourner son Évangile selon st Matthieu en 1964.                                                                                      Jean Guichard, 21 octobre 2016 4) Une lettre d’Anna à Erica Boschiero, Sergio Marchesini et Paolo Cossi après leur concert du 14 octobre à la Salle Polyvalente de Champaret  
E tornerem a baita… impressioni di un viaggio La sala è ancora un po’ vuota ma la scena è pronta. Centrale, uno schermo grande quanto il palco fissa l’immagine di un pennello, da un lato due sedie, un microfono, dall’altro un tavolo, quasi banco di scuola antico  ; ornato di strani calamai. La luce sfioca, gli artisti entrano in scena, il pubblico guarda curioso il palco non sapendo bene cosa aspettarsi. Stasera, sembra, si racconterà di storie di montagne e degli esseri che ne abitano i mondi. Il viaggio comincia cosi. La voce calda e profonda racconta tracce di percorsi e, come per incanto, dà vita al movimento delle mani che scorrono sullo schermo, verticalizzando l’orizzontale, con urgenza necessaria. La musica sottolinea e lenisce, con calma cura, il movimento imperioso. Perché una volta evocata l’emozione è su tutto, concentra i significati… La voce scava ancora, e scende lontana, nei precipizi profondi del mito a richiamare esseri e luoghi in cui la scena della vita ha tracciato solchi, modellato appartenenze, popolato universi. In essi, l’individuo, uomo o donna, animale o albero, folletto o divinità, ha interpretato il suo ruolo, ha lasciato la sua impronta, trasmesso la sua essenza perché cosciente di essere parte di un cosmo che lo contiene e lo trascende. Cosi, il soldato si perde nelle nebbie assurde della guerra e lei lo guarda passare impotente e lacrimosa, l’uomo nero si burla dell’accadimento improvviso del suo esistere, mentre l’albero si illumina di verde quando da seme diventa possibilità di esistenza. E ancora, il fantasma della madre che fu, incontra dolori profondi di vite spezzate e il mago brutto non sa che la bellezza è negli occhi di chi guarda. E il lago spuntato da un nome proibito ricorda che le leggi del cosmo possono essere infrante solo al prezzo di scelte dolorose, ma che la misericordia di un raggio di sole puo’ ridare forza ad un istante. Il viaggio continua cosi. Nella dinamica sincretica di codici emozionali diversi, voce, colore, gesto, suono, che si formano e si tras-formano, si fondono e si con-fondono, il risultato emotivo è totale e supera l’individualità per diventare universo espressivo del tutto nuovo. E il pubblico tace, completamente assorto, concentrato a scrutare il segno che compare, creato dalla voce, consegnato dalle note, per diventare accenno di altro, forse un profilo, una parete che diventa betulla, un ramo che genera nuvole e sopra il tutto le cime che sfiorano lune multiformi. Il cosmo genera e avvolge, ricopre e sfuma, distrutto, rinasce da se stesso sulla scia di una preghiera. Radura e cima di nuovo riunite... Il viaggio finisce cosi. Nell’istante esatto della nota che si spegne, della voce che si placa, della mano che lancia l’ultimo tratto di colore come grido assoluto, il pubblico giace immobile col fiato sospeso e risale a fatica dalle viscere profonde dell’emozione in cui i miti l’hanno precipitato e hanno detto cose che furono, lontane e vicine, immensamente minuscole come solo possono essere gli elementi del vivente e ne esce come puo’: con un sorriso, una lacrima, attonito, sorpreso. Nessuno strumento poteva captarne la potenza, si poteva solo viverlo, esserci. L’applauso arriva in-fine liberatorio, totale, assumendo contorni e colori catartici… … a Erica, Paolo e Sergio… da Anna con un grazie grande cosi  ! Bourgoin-Jallieu, 14 ottobre 2016
Et nous reviendrons au chalet…Impressions d’un voyage La salle est encore un peu vide mais la scène est prête. Au centre, un écran aussi grand que le plateau fixe l’image d’un pinceau, d’un côté deux chaises, un microphone, de l’autre une table, presque le banc d’une vieille école ; orné d’étranges encriers. La lumière s’abaisse, les artistes entrent en scène, le public regarde la scène avec curiosité, ne sachant pas bien à quoi s’attendre. Ce soir, semble-t-il, on racontera des histoires de montagnes et d’êtres qui en habitent les mondes. Le voyage commence comme ça La voix chaude et profonde raconte des traces de parcours et, comme par enchantement, donne vie au mouvement des mains qui parcourent l’écran, en verticalisant l’horizontale, avec une nécessaire urgence. La musique souligne e adoucit, avec un soin calme, le mouvement impérieux. Parce que, une fois évoquée, l’émotion est sur tout, concentre les significations… La voix creuse encore, et descend loin, dans les profonds précipices du mythe pour rappeler des êtres et des lieux dans lesquels la scène de la vie a tracé des sillons, modelé des appartenances, peuplé des univers. En eux, l’individu, homme ou femme, animal ou arbre, follet ou divinité, a interprété son rôle, laissé son empreinte, transmis son essence parce que conscient d’être une partie d’un cosmos qui le contient et le transcende. Ainsi le soldat se perd dans les brumes absurdes de la guerre et elle le regarde passer impuissante et en larmes, l’homme noir se moque de ce qui arrive à l’improviste dans son existence, tandis que l’arbre s’éclaire de vert quand, à partir de la graine il devient possibilité d’existence. Et encore, le fantôme de la mère qui fut, rencontre les douleurs profondes de vies brisées et le mage qui est laid ne sait pas que la beauté est dans les yeux de ceux qui le regardent. Et le lac indiqué par un nom interdit rappelle que les lois du cosmos ne peuvent être brisées qu’au prix de choix douloureux, mais que la miséricorde d’un rayon de soleil peut redonner force à un instant. Le voyage continue ainsi Dans la dynamique syncrétique de codes émotionnels divers, voix, couleur, geste, son qui se forment et se trans-forment, se fondent et se con-fondent, le résultat émotif est total et dépasse l’individualité pour devenir un univers expressif totalement nouveau. Et le public se tait, complètement absorbé, concentré pour scruter le signe qui apparaît, créé par la voix, consigné par les notes, pour devenir expression d’autre chose, peut-être un profil, une paroi qui devient un bouleau, une branche qui engendre des nuages et sur l’ensemble, les cimes qui effleurent des lunes multiformes. Le cosmos engendre et enveloppe, recouvre et nuance ; détruit, il renaît de luimême dans le sillage d’une prière. Clairière et cime à nouveau réunies… Le voyage finit comme ça … Dans l’instant précis de la note qui s’éteint, de la voix qui s’apaise, de la main qui lance le dernier trait de couleur comme un cri absolu, le public est là immobile, le souffle suspendu et remonte péniblement des entrailles profondes de l’émotion dans laquelle les mythes l’ont précipité et ont dit des choses qui furent, lointaines et proches, immensément minuscules comme seuls peuvent être les éléments du vivant, et il en sort comme il peut : avec un sourire, une larme, stupéfait, surpris. Aucun instrument ne pouvait en capter la puissance, on ne pouvait que vivre cela, y être. L’applaudissement arrive en-fin libérateur, total, prenant des contours et des couleurs cathartiques … … à Erica, Paul, Serge … de la part d’Anna avec un merci grand comme ça ! Bourgoin-Jallieu, 14 octobre 2016 (Traduction : Jean Guichard)