Accueil Actualités italiennes Nature Histoire Sructures Langue Création de formes artistiques Creation de culture materielle Chanson Voyages Contacts
Storia dei popoli d’Italia e canzone - 3° partie - suite2
Et comment le peuple vit-il donc tout cela  ? Quelques chansons Les chansons populaires nous parlent d’abord des guerres et des occupations étrangères. L’une des plus répandues dans toute l’Italie est Cecilia, qui au départ se réfère probablement au comportement des soldats espagnols présents dans le Sud et en Lombardie dès le début du XVIe siècle : un homme est condamné à mort (peut-être simplement pour avoir ramassé du bois mort dans une forêt seigneuriale), sa femme va demander sa grâce au capitaine espagnol qui la lui accordera si elle vient passer une nuit avec lui ; avec l’accord de son mari, Cecilia accepte et au matin en ouvrant la fenêtre, elle voit que le capitaine a fait pendre son mari. Les strophes finales sont diverses, dans quelques-unes Cecilia tue le capitaine (dans la version de La Piazza, Amore piccolino fatte grande, 1994), dans la plupart elle refuse la vie commune qu’il lui propose et se promet de ne plus avoir de mari. En 1944, une chanson reprend l’air pour raconter une histoire semblable arrivée avec un commissaire collaborateur des Allemands, que Clelia tue lors de sa fuite (Leggende e racconti popolari di Roma, Newton Compton, 1982). Costantino Nigra décompte déjà 5 versions de la chanson, dans son Canti popolari del Piemonte, de 1888, repris par Einaudi en 1974 (2 volumes) et il y en a beaucoup d’autres, dont une belle version en dialecte piémontais chantée par Roberto Balocco. Voici une version toscane interprétée par le Canzoniere Internazionale :     VANNE VANNE CECILIA                     Va, va Cécile Vanne vanne Cecilia vanne dal capitan Va, va, Cécile, va chez le Capitaine e chiedigli una grazia che lui te la farà         et demande-lui une grâce, il te la fera Grazia signor capitano che grazia vuoi da me    Grâce, Seigneur capitaine. Quelle grâce veux-tu de moi ? grazia ti sarà fatta vieni a dormire con me         La grâce te sera faite, viens dormir avec moi Ora vo' alle Murate a dirlo al mio mari'         Je vais aux Murate le dire à mon mari se lui sarà contento stasera sarò qui         s'il est d'accord, ce soir je serai ici Vanne vanne Cecilia ma non pensare all'onor         Va va Cécile mais ne pense pas à l'honneur salva la vita mia levami di prigion                        Sauve ma vie tire-moi de prison Quando fu mezzanotte Cecilia fa un sospir        Quand ce fut minuit, Cécile pousse un soupir il capitano l'abbraccia e un bacio gli vuol dar le capitaine l'embrasse et veut lui donner un baiser Che ha' tu che ha' tu Cecilia che tu non puoi dormir        Qu'as-tu, qu'as-tu Cécile que tu ne peux dormir? un sogno brutto l'ho fatto che è morto il mio mari'        Un mauvais rêve j'ai fait, que mon mari est mort E la mattina si affaccia a lo balcon         Et le matin à l'aube elle se met au balcon lo vede il suo marito col capo ciondolon.         elle voit son mari la tête pendante Grazia signor capitano lei me l'ha fatta sì               Une grâce, capitaine, oui tu me l'as bien faite la mi ha tolto l'onore la vita al mio mari'               tu m'as pris mon honneur, la vie à mon mari Addio castel di paglia castello fiorentin       Adieu château de paille, château en Espagne me l'hai tolto l'onore la vita al mio mari'               tu m'as pris mon honneur, la vie à mon mari Non vo' più capitani non voglio più mari'              Je ne veux plus de capitaine, je ne veux plus de mari son colla rocca e i' fuso me ne vo' stare così.       je veux rester seule avec ma quenouille et mon fuseau. Un voyageur anglais, Gilbert Burnet (1643-1715), traverse une partie de l’Italie en 1683 et constate que c’est le pays le plus riche d’Europe et où il y a le plus de mendiants. Cette situation contradictoire reste celle du XVIIIe siècle  : il n’y a plus la moindre harmonie sociale, et une minorité aristocratique continue à s’enrichir tandis que la masse urbaine et paysanne tombe dans la misère. Sur un autre plan, l’Église oriente la religion populaire vers le culte du Cœur de Jésus et de la Vierge Marie, dans une dévotion extérieure qui se manifeste par les processions, le sens d’une consolation des misères humaines, qui conduiront en 1799 des masses ignorantes à massacrer les Jacobins napolitains sous la direction du cardinal Fabrizio Dionigi Ruffo  (1744-1827) et de l’armée de la Sainte Foi (les sanfedisti), sous le drapeau de saint Janvier. La révolution jacobine fut le fait de nobles et de bourgeois éclairés qui furent combattus par la masse ignorante du peuple, en particulier pour des raisons religieuses. Malgré tout se développe progressivement une classe bourgeoise, du fait de l’affaiblissement de la féodalité, de l’accroissement des biens allodiaux (libres de toute soumission à un seigneur), et qui commence à s’organiser et à prendre conscience d’elle-même dans les loges de la franc-maçonnerie. C’est cette bourgeoisie, avec quelques secteurs de la noblesse, qui accueillera les idées et les pratiques de la Révolution française, surtout dans ce qu’on appela «  il triennio giacobino  » (les trois années jacobines) entre 1796 et 1799, qui ne parvinrent pourtant jamais à intégrer le peuple urbain et paysan, qui restait sous le contrôle d’une Église traditionaliste  et monarchiste ; partout durant ces trois ans éclatèrent des révoltes paysannes et des insurrections urbaines contre les nouveaux pouvoirs révolutionnaires installés avec l’appui des armées françaises. Caserta -Palais Royal - 1752. Le Royaume de Naples est remis en 1734 à Charles de Bourbon (1716-1788), fils de Philippe V d’Espagne. C’est un début d’indépendance, et de réunification entre Naples et la Sicile, séparées depuis le Moyen-Âge (Vêpres Siciliennes de 1282)  ; la construction du Palais Royal de Caserta à partir de 1752, le plus grand du monde, sur le modèle de Versailles, est le symbole de cette nouvelle autonomie royale. Mais le pouvoir appartient toujours à la minorité aristocratique  : au Parlement, les militaires ont 228 voix, les ecclésiastiques 63 et les petits propriétaires fonciers 43. La justice est toujours aussi vénale et clientéliste, malgré les tentatives de réforme opérées par les Bourbons. Les masses paysannes sont soumises à de grandes famines comme celles de 1763 ou de 1784, 1789, 1793, aggravées par un tremblement de terre comme celui de 1783. Comment vécut le peuple italien durant ces trois siècles  ? On n’en a pratiquement aucun témoignage écrit direct, l’analphabétisme étant très répandu, mais on a les témoignages des voyageurs et des observateurs du pouvoir, et surtout les contenus transmis par des chansons qui commencent à être mieux connues et recherchées par les intellectuels qui s’intéressent toujours plus au folklore, à la culture populaire. Les Turcs dans la chanson populaire La guerre contre les Turcs suscita de nombreuses chansons tant à Venise qu’à Naples. Voici Le Romanele, chantée par Michela Brugnera. « Altino » est l’ancienne ville latine  d’Altinum près de Venise, fréquentée dès le VIIIe millénaire av. J.C., qui tenait son nom de l’ancienne divinité Altnoi, qui impliquait la lagune. La « lune » du vers 3 est le Turc qui a pour symbole une demi-lune ; le « Schissa », de shisar = schiacciare, écraser, est celui qui a le nez écrasé c’est-à-dire le lion ailé de saint Marc, symbole de Venise ; la « puta » ou « putela » est en vénitien la jeune fille, comme le « putèlo » est le petit garçon ; en italien, le « putto » (du latin putus) est l’enfant qui revient en histoire de l’art sous la forme d’un enfant nu, prélude aux petits anges de l’art chrétien. La « romana » était le long vêtement noir que portaient les Vénitiens et qui devient l’habit des représentants de la ville, les« romanele » pourraient donc se traduire par « les petites vénitiennes ». Le romanele Alberto: chitarra, basso, percussioni; Loris: percussioni; Francesco.: flauto; Michela: Voce) (Michela Brugnera Canti popolari veneti, 1979) Le rovine de Altin ga fabricao Les ruines d’Altino ont créé la sirena del mar Venezia bela la sirène de la mer, Venise la belle. ma la luna vien suso de recao Mais la Lune revient à l’attaque par volerghe dar smaco a la so stela pour donner un coup à son étoile El Schissa mo che pareva indormensao Le «  Nez Plat  » qui semblait endormi el move e el dosso co la coa eI flagella   bouge et se flagelle le dos avec sa queue al sbate le ali e al ne vol dir co ele il bat des ailes et il veut nous dire par là che contro al can spieghemo nu le vele. Que contre le Chien nous devons lever les voiles Ortensia vegno a darte bone niove : Orthensia je viens te donner de bonnes nouvelles  : co i to francesi a Zara semo stai         avec tes Français nous avons été à Zara e la zente de Zara più se move et les gens de Zara ne bougent plus nu dopo in Romania semo passai. Et après nous sommes passés en Roumanie. E la de bel valor co mile prove Et là en faisant preuve de grande valeur gavemo el Grego castigà i pecai ! nous avons châtié les péchés des Grecs  ! ceder tuto a dovesto al nostro sbarco, Ils ont dû tout céder à notre arrivée, Ortensia viva i toi viva San Marco. Orthensia, vive les tiens et vive Saint Marc. Cipro, Candia, Morea xe i nostri regni Chypre, Candie, Morée sont nos royaumes e chi ne li vol tior se fassa avanti. Qui veut nous les prendre, qu’il avance. Chi dar sangue no vol xe fioi indegni,   Qui ne veut pas donner son sang est un fils indigne xe dala nostra banda tuti i santi.         Tous les saints sont de notre bande. Chi dar sangue no vol xe fioi indegni Qui ne veut pas donner son sang est un fils indigne xe dala nostra banda tuti i santi         tous les saints sont de notre bande e vien per capotrupa el nostro Marco   le chef de groupe est notre Marc e nu lo seguitemo co l'imbarco.         Et nous le suivons avec notre flotte Ghe xe un corsaro turco che se vanta Il y a un corsaire turc qui se vante de no voler robar che bele pute         de ne vouloir voler que les belles filles ma le bela fra nu ga l'aqua santa mais chez nous les belles ont de l’eau bénite e quele che xe senza xe le brute.         Et celles qui n’en ont pas sont les laides. In 'sta maniera mi lasso che '1 canta De cette manière je m’arrête de chanter perchè cussi le xe segure tute parce que comme ça elles sont toutes en sécurité se po' el vegnirà qua co i so spaurachì  si après il vient ici avec ses épouvantails tagiarghe savaremo nu i mustachi. Nous saurons lui couper les moustaches. Adio bela Venezia, adio laguna,         Adieu belle Venise, adieu lagune adio care putele veneziane,         Adieu chères jeunes filles de Venise mi vado a misurarme co la luna         je vais me mesurer avec la Lune vado a farghe paura a le sultane.        Je vais faire peur aux sultanes. La guerre, fléau de la vie quotidienne des peuples, n’a qu’une compensation, l’amour. Alors il arrivait que des jeunes filles se déguisent en soldats pour accompagner leur fiancé à la guerre, c’est ce que raconte aussi Michela Brugnera dans le même disque, dans la chanson intitulée La guerriera. Costantino Nigra en cite de nombreuses versions (n° 48, pp. 334 sq), découvertes des pays slaves à l’Espagne, dans le sud de la France et dans une bonne partie de l’Italie, faisant l’hypothèse que cette chanson s’était répandue avec les Croisades : La guerriera (Int.  : Michela Brugnera, Canti popolari veneti Dischi dello Zodiaco, 1979 Alberto : chitarra ; Loris : chitarra ; Michela : Voce.) No no pianger mio Bepino Non ne pleure pas, mon petit Beppe piangi forse pa 'ndar melitar peut-être pleures-tu parce que tu pars à l’armée no no pianger mio Bepino Non ne pleure pas, mon petit Beppe che ala guera te toca andar. parce qu’il te faut aller à la guerre. E mi taglio i miei biondi capelli Je vais couper mes cheveux blonds e me vesto da melitar et m’habiller en militaire e mi monto sul cavalo et je monte sur mon cheval che ala guera me toca 'ndar. puisqu’à la guerre il me faut aller. Co' so stada in cima al monte, Quand je suis arrivé en haut de la montagne un tenente mi fermò un lieutenant m’a arrêtée « ma voi siete una donzella « mais êtes-vous une donzelle, o l'amante de un melitar ?» ou la maîtresse d’un militaire  ? » « No non sono una donzella «  Non, je ne suis pas une donzelle nè l'amante de un.melitar ni la maîtresse d’un militaire mi so un povaro coscritto je suis un pauvre conscrit che ala guera me toca 'ndar ». qui à la guerre s’en doit aller ». Noi faremo una fontana Nous ferons une fontaine 'na fontana in mezo al mar une fontaine au milieu de la mer e se la sarà 'na dona et si elle est une femme la se lavarà le man. là elle se lavera les mains. I soldai che va ala guera Les soldats qui vont à la guerre no i se lava mai le man ne se lavent jamais les mains ma soltanto qualche volta mais seulement quelquefois co el sangue dei cristiano. avec le sang des chrétiens. Noi faremo un bel giardino Nous ferons un beau jardin un giardino de rose e fior un jardin de roses et de fleurs e se la sarà 'na dona et si elle est une femme la se seglierà el miglior. elle choisira la plus belle I soldai che va ala guera Les soldats qui vont à la guerre no i racoglie mai dei fior ne cueillent pas de fleurs ma soltantola baioneta        mais seulement la baïonnette par combater l'imperator. pour combattre l’empereur. E so mama sula porta Et sa maman est sur la porte so papà gera al balcon son papa était au balcon che i spetava la so figlia qui attendait sa fille comandante de un bataglion. commandant d’un bataillon. Verginella gero prima Jeune fille j’étais avant verginella io son ancor je suis encore jeune fille Mi go fato sete ani de guerra J’ai fait sept ans de guerre sempre al fianco del mio primo amor. toujours à côté de mon premier amour. Les incursions turques étaient redoutées surtout par les villages côtiers du Sud, mais aussi de presque toute l’Italie, car les pirates et corsaires ottomans, algérois et tunisiens remontaient souvent jusqu’au Nord de la mer Adriatique et jusqu’au Nord de la Toscane. Les Turcs arrivaient brusquement, pillaient les richesses du village, enlevaient les filles, tuaient les hommes qui résistaient et repartaient. C’était un élément de la vie populaire rurale que ne connaissaient pas ou peu les grandes villes non côtières. Il est souvent présent dans les chansons. Une chanson de prison en dialecte de Rome (le «  romanesco  ») commence ainsi  : A tocchi a tocchi, la campana sona Coup par coup la cloche sonne Li turchi so’ arivati a la marina les Turcs sont arrivés au bord de la mer Chi c’ha le scarpe rotte le risola Que celui qui a des souliers cassés les ressemelle Io già l’ho risolate stamatina moi je les ai déjà ressemelés ce matin. Come te posso amà       Comment puis-je t’aimer Come te posso amà       comment puis-je t’aimer Si scappo da sti cancelli       si je m’échappe de ces grilles Quarcuno l’ha da pagà.       Quelqu’un devra le payer. All’erta all’erta la campana sona Alerte alerte la cloche sonne Li turchi so’ arivati a la marina les Turcs sont arrivés au bord de la mer Viva li monticciani e viva Roma Vive les monticiani et vive Rome Viva la gioventù trasteverina. Vive la jeunesse du Trastevere. C’est un chant de prisonniers romains, de la prison Saint Michel, qui est aussi une chanson d’amour  ; il est d’autant plus significatif que le malheur de la vie (les «  souliers cassés  ») s’exprime à travers l’arrivée des Turcs. Une autre chanson des Pouilles, probablement du XVIe siècle, évoque la bataille de Lépante de 1571, elle est sans doute à l’origine de quelques autres des années suivantes  : All’armi, all’armi: la campana sona Aux armes aux armes  : la cloche sonne li Turchi son sbarcati alla marina les Turcs ont débarqué au bord de la mer Chi ci ha le scarpe rotte l’arisola Que celui qui a les souliers cassés les ressemelle che noi dobbiamo far lungo cammino. Car nous devons faire un long chemin. Da Malta son partite sei galere De Malte sont parties six galères a tutte e sei l’onore del mare à toutes les six, honneur de la mer Il Capitano avanti e gli altri dietro Le Capitaine devant et les autres derrière la guerra contro i Turchi vanno a fare. Contre les Turcs ils vont faire la guerre. C’est de ces chansons qu’Eugenio Bennato s’est sans doute inspiré pour écrire sa chanson de 1980, partie du disque Brigante se more. On sait en tout cas qu’a poussé Bennato à écrire cette chanson une tarentelle traditionnelle qui commémora l’attaque turque de Sorrente en 1558, qui déporta à Constantinople une grande partie des habitants. Une des seules femmes échappées au rapt fut Cornelia Tasso, la grande sœur du poète Torquato Tasso, ce qui fut un des faits qui l’incita à écrire la Jérusalem délivrée. La chanson avait été publiée parmi celles recueillies par Antonio Casetti et Vittorio Imbriani dans Canti e racconti del popolo italiano, Loescher, 1872 : Quanno sona la campana (La fuga)      (Eugenio Bennato, Brigante se more,      Musicanova, Philips, 1980) All’arme, all’arme, la campana sona Aux armes aux armes, la cloche sonne Li Turchi so’ sbarcati a la marina         les Turcs on débarqué au bord de la mer chi tene ‘e scarpe vecchie se l’assola Que celui qui a de vieux souliers les ressemelle c’avimmo a fare nu ungo cammino. nous avons un long chemin à faire Quant’è lungo stu cammino disperato Qu’il est long ce chemin désespéré e sta storia se ripete ciento vote et cette histoire se répète cent fois nuie fuìmo tutte quante assai luntano nous fuyons tous très loin quanno sona la campana. quand sonne la cloche. All’arme, all’arme, la campana sona Aux armes aux armes, la cloche sonne Li Turchi so’ sbarcati a la marina         les Turcs on débarqué au bord de la mer Chi tiene o grano lo porta a la mola Que celui qui a du blé le porte au moulin comme ce vene janca la farina         comme ça il aura de la farine blanche. ma nun bastano farina festa e forca Mais il ne suffit pas d’avoir farine, fête et potence pe sta gente ca n’ha mai vuttato e mane pour ces gens qui n’ont jamais été violents o padrone vene sempe da luntano le maître vient toujours de loin quanno sona la campana.        quand sonne la cloche. E po’ vene o re Nurmanno ca ce fa danno Et puis vient le roi normand qui nous cause des torts e po’ vene l’Angiuino ca ce arruvina et puis vient l’Angevin qui nous ruine e po’ vene Aragonese, ih che surpresa et puis vient l’Aragonais, Oh quelle surprise e po’ vene o re Spagnuolo ch’  è mariuolo et puis vient le roi espagnol qui est un voleur e po’ vene o re Burbone ca nun va buono et puis vient le roi Bourbon qui ne nous convient pas e po’ vene o Piemuntese ca ce vo’ bene et puis vient le Piémontais qui ne nous aime pas ca possa essere cecato chi nun ce drede Que puisse être aveuglé celui qui ne nous croit pas ca possa murire acciso chi nun ce crede. Que puisse être tué celui qui ne nous croit pas. Quoiqu’en ait dit Bennato lui -même dans son livre Brigante se more (Coniglio Editore, 2009), il a bien repris  une chanson ancienne, n’y ajoutant que la liste des autres peuples et rois étrangers qui ont dominé le Sud de l’Italie. Tintoretto (1519-1594), Bataille de Lépante, 1577. La bataille de Lépante (1571) a été un des épisodes les plus chantés, elle marqua un recul de l’impérialisme ottoman et fut un soulagement pour les pays occidentaux. Mais vécue dans la chanson populaire, elle fut aussi maudite pour sa cruauté, sa violence, la souffrance des marins qui se battaient bien mais parce que c’était une condition de survie, ils n’étaient pas là de leur plein gré, ils étaient soldats parce que c’était un emploi avec lequel ils feraient vivre leur famille, au péril de leur propre vie, c’étaient aussi des bagnards condamnés à ramer enchaînés sur les galères. Tout ici est maudit  : le bateau, le capitaine (qui sert le pouvoir mais non les marins), le couteau, le canon, le Turc bien sûr et même le Lion, symbole de Venise, la patrie qui combat on ne sait pourquoi. Et vive le temps passé où j’allais en barque avec mon père qui me montrait la beauté de la navigation et des étoiles. Écoutons la chanson de Calicanto, de 1997, dont l’auteur, Corrado Corradi, nous a communiqué la nature  : «  Le morceau intitulé «  Lepanto  » est de ma composition, en ligne avec les intentions qui ont donné naissance à la réalisation du CD «  consacré au bicentenaire de la chute de la République de Venise (1797)  ». Du point de vue historique, le choix est tombé fidèlement sur le moment, bien connu, où paradoxalement la victoire de la bataille de Lépante (1571) marque le début du début de la République. Du point de vue musical, par ce texte cru j’ai voulu souligner l’horreur, la peur mais aussi la nécessaire cruauté de qui, sans raison et impuissant face au pouvoir, tue pour survivre. En réfléchissant sur ces années (1997), la «  recherche  » se focalisait sur la tentative d‘actualiser une tradition musicale vénète que Calicanto pratiquait depuis presque vingt ans  » (Corrado Corradi, 27 mai 2021). LEPANTO      Corrado Corradi, Alberto D’Amico, Corrado Corradi      Calicanto, Venexiana, 1997) Maedeta barca Maudite barque te si ea me candana, tu es ma condamnation, maedeto mio capitan Maudit soit mon capitaine ta morti e chi ti servi ; ses morts et ceux qu’il sert  ; maedeto turco che te me speti. Maudit turc qui m’attend La luna gùa guà La lune affile, affile la gùa ben le lame elle affile bien les lames le man le man me sua mes mains suent xe qua xe qua l’Infame il est là il est là l’Infâme xe fiame xe foghèra il y a des flammes, tout un foyer e col canon che sbara et avec le canon qui tire rebomba ‘sta galera. Cette galère retentit ... issa ... forsa ... is ... …. Allez … en avant … ... issa … forsa . is .., Brusaghe e vele, cavaghe i oci, verzi e buèe . Brûle-lui ses voiles, arrache-lui les yeux, étripe-le Meti in caène, magnaghe el core, tajaghe e vene. mets-le dans les chaînes, mange-lui le cœur, taille-lui les veines Ti te ricordi pare ?    Te souviens-tu, mon père, Ti me contavi e stele ...          tu me racontais les étoiles… che gèra beo noare.  Qu’il était beau de nager. Maedeta note         Maudite nuit Che te scondi el me corajo  :  toi qui caches mon courage Maedeto Lion         maudit Lion Che te soffi sempre controvento qui souffle toujours à contre courant Maedeto corteo         maudit couteau Cussi violento.         Si violent. El vento xe de giasso Le vent est de glace E i oci dei compari         et les yeux des camarades In fondo par che diga  :         au fond semblent dire  : «  Te copo de spavento  ».         «  je te fais mourir d’épouvante  ». EI mar sempre più rosso,         La mer semble plus rouge el fià sempre più corto,         le souffle toujours plus court, sò straco, sò straco morto.         Je suis fatigué, très fatigué. Brusaghe e vele, .....        Brûle-lui ses voiles,… Dio ti te incanti ?       Dieu, pourquoi t’étonnes-tu  ? Parchè i s-ciavi       pourquoi les esclaves gà da liberare i santi ? ...       doivent-ils libérer les saints  ? …. Brusaghe e vele, .....   Brûle-lui ses voiles,… E penso anche ‘sra volta Et je pense cette fois encore che semo tuti mati que nous sommes tous fous che ea vita xe ‘na tolta ... que la vie se fiche de nous … Maedeta vitoria              Maudite victoire cussì alegra de miseria.              Si gaie dans sa misère. Maedeto siensio              Maudit silence cussì busiàro de rimorsi.      Si trompeur dans ses remords Maedeto mi             Maudit moi-même che son parfin contento.             Qui suis même content. La bataille de Lépante (7-8 octobre 1571) fut considérée comme une victoire décisive des alliés de la Sainte Ligue chrétienne, même si elle fut qu’une défaite turque et pas la fin de la guerre avec l’Orient, nous en connaissons d’autres formes aujourd’hui. On oublia qu’elle ne fut la marque que d’une supériorité relative et qu’elle coûta très cher au peuple des marins, des soldats et des bagnards qui ramaient sur les galères  : 29.000 turcs et 8.000 chrétiens dont 4856 vénitiens, et 18.000 blessés en deux jours  ; l’Église célébra aussitôt cette terrible «  victoire  » et en 1573 le pape Grégoire XIII  décida par la bulle Monet Apostolus qu’une grande fête serait célébrée chaque année le premier dimanche d’octobre à Raguse, de même que le pape Pie V avait béni le départ des troupes et remis à Don Juan d’Autriche l’étendard qu’il brandit durant toute la bataille. Raguse continue cette célébration. C’est ce que souligne le beau texte récent d’un chanteur hip-hop italien, Alessio Mariani (Murubutu, 1975- ), qui est en même temps professeur d’histoire et de philosophie au Lycée de Reggio-Emilia, La battaglia di Lepanto (1571). (Voir sur internet son interview par Stefania Parmeggiani, La Repubblica, 28 novembre 2016, «  Il professore che insegna a tempo di rap  »). La battaglia di Lepanto (1571) (Murubutu (Alessio Mariani, 1975- ) Gli ammutinati del Bouncin’ ovvero mirabolanti avventure di uomini e mari,  Mandibola Records/Irma Records, 2014) La spia turca entrò alla notte nel golfo, fra le onde del porto          La nuit tombée, l’espion turc entra dans le golfe, au milieu des eaux du port Aveva issato vele nere per non essere scorto su a bordo, il avait hissé des voiles noires pour ne pas être aperçu là-haut sur le bord Contò le navi nemiche sul posto rimanendo nascosto          il compta les navires ennemis qui étaient là en restant caché Poi riferì a sua maestà l’entità della flotta pronta allo scontro. Puis il rapporta à sa majesté l’importance de la flotte prête au combat. La flotta della Santa Alleanza, di Venezia e di Spagna, La flotte de la Saint Alliance, de Venise et de l’Espagne In nome della santa fede, truppe della Santa Sede,         au nom de la sainte foi, des troupes du Saint Siège, di Genova e Malta                           de Gênes et de Malte Comandate da Giovanni d’Austria che reggeva         commandées par Jean d’Autriche qui dominait Sull’acqua                                            sur l’eau Una croce d’oro e la resse alta per la durata dell’intera battaglia. Une croix en or qu’il tint en l’air pendant toute la bataille. Rit: La furia abbatte qua un’altra bandiera, un’altra barriera,  Refrain  : la fureur abat ici une autre bannière, une autre frontière un’altra frontiera,                            une autre barrière, une autre frontière Dal mare si alza là un’altra alba nera e bombarda           de la mer s’élève là une autre aube noire et bombarde un’altra galera !                            une autre galère  ! L’onda abbatte qua un’altra bandiera, un’altra barriera,   L’onde abat ici une autre bannière, une autre barrière, un’altra frontiera,           une autre frontière Dal mare si alza là un’altra alba nera, e bombarda... bombarda..  De la mer s’élève là une autre aube noire, et elle bombarde… elle bombarde... Il vento cambiò in un attimo decretando l’attacco,           Le vent changea en un instant, décrétant l’attaque, Il Cristo contro la Sublime                                                                e Christ contre la Sublime Porte all’imbocco del golfo di Patrasso e                   à l’embouchure du golfe de Patras et Flotta contro flotta e fu in un attimo impatto                   flotte contre flotte ce fut l’impact en un instant Ma la forza d’urto delle galeazze di San Marco                              Mais la force de frappe des galéasses de Saint Marc travolse ogni ostacolo.                                                     renversa tous les obstacles Le trentotto bocche da fuoco fecero il vuoto sui nemici,                                   les trente-huit bouches de feu firent le vide chez les ennemis Il rumore del fasciame schiantato da palle di piombo da quaranta chili, le bruit du bordage abattu par des balles de plomb de quarante kilos Sfasciato da bocche da fuoco di quaranta tipi                                           mis en pièces par des bouches de feu de quarante espèces Che frantumavano troppe prue e poppe in rotte, mosse.                                  Qui brisaient trop de proues et de poupes en déroutes, da attriti precisi                                                                     agitées par de précis frottements. Il contrattacco ottomano non si fece aspettare,         La contre attaque ottomane ne se fit pas attendre, Arrivarono suonando tamburi che fecero tremare il mare ils arrivèrent en jouant du tambour et firent trembler la mer Poi dalle volte gli arcieri, scontri in pochi metri,         puis à leur tour les archers, des heurts à peu de mètres, I galeotti morivano incatenati ai remi passati dalle                        Les bagnards mouraient enchaînés à leurs rames passées au fil de l’épée. Dopo il divieto completo di guardarsi                                             Après l’interdiction de regarder derrière soi Alla tempesta di frecce si unì il diluvio cieco         à la tempête de flèches se joignit le déluge aveugle del fuoco greco,                                   du feu grégeois, Raggiunsero l’ammiraglia reale stringendola in un morso, ils atteignirent le navire amiral du roi, l’enserrant dans une morsure Volarono i ganci, il suono del rostro sul corpo in legno di cedro. Les gaffes d’abordage volèrent, le bruit des rostres sur le corps en bois de cèdre. Sui lati gli ultimi scontri fra navi di scorta,                  Sur les côtés les dernières rencontres entre les navires d’escorte, Tra le navi di Alì il corsaro apostata e la flotta di Doria          entre les navires d’Alì le corsaire apostat et la flotte de Doria E come vendetta per la sconfitta di Famagosta          et comme une vengeance pour la défaite de Famagouste La testa mozza del pascià fu issata in segno di vittoria La tête coupée du pacha fut hissée en signe de victoire perché fosse scorta                           pour qu’on la voie. Quando scese la sera il mare era pieno di rottami di navi, teste di scafi,         Quand descendit le soir la mer était pleine de navires, de têtes de coques, I superstiti mossero in forze verso la baia vicina,                                     Les survants se dirigèrent en force vers la baie voisine, Naufraghi a strati, fuochi alti sui lati dei bastimenti incendiati,                    des tas de naufrages, de grands feux sur les côtés des bateaux incendié Solo due navi portarono notizia alla vicina Messina.                                     Seulement deux navires apportèrent la nouvelle à la proche Messine. Fu un ecatombe di morti e colpiti, di monchi o spariti ma           Ce fut une hécatombe de morts et de blessés, de manchots et de disparus mais                                                    La morte come nube sulle frotte dei volti dei molti feriti ;           la mort comme un nuage sur les tas de visages des nombreux blessés  ; Ma Lepanto alla fine del conto non fu fine di molto :                   mais Lépante à la fin ne fut pas la fin de grand-chose  : Forse la fine del primato turco sui mari o del primato.                   Peut-être la fin du primat turc sur les mers ou de son primat Sul mare nostrum                                                                           sur le mare nostrum Ma nel conflitto perenne fra occidente ed oriente                  mais dans l’éternel conflit entre occident et orient, non cambiò niente :                                                                        cela ne changea rien  : Cambiarono tempi, armi, ma non l’equilibrio fra le potenze,          les temps et les armes ont changé, mais pas l’équilibre entre les puissances, Le contese fra gli alleati della lega presente                  les querelles entre les alliés de la présente ligue Superava la lotta perenne contro le tenebre del nemico          Ce qui l’emportait, c’était la lutte éternelle contre les ténèbres de l’ennemi de toujours. Come disse il sultano dopo la sconfitta cocente,                  Comme dit le Sultan après cette cuisante défaite, Quando seppe dei suoi capi falciati dalle frecce,                  quand il apprit que ses chefs avaient été fauchés par les flèches, Delle carcasse di navi spiaggiate sulle secche                    les carcasses de navires échoués sur les hauts-fonds                                        «  Gli infedeli mi hanno bruciato la barba ...ahhhhha...          «  Les infidèles m’ont brûlé la barbe … ahhhhhan … crescerà nuovamente !  ».                                                             elle repoussera  !  ». La furia abbatte qua un’altra bandiera, un’altra barriera, un’altra frontiera, Refrain  : ….. Dal mare si alza là un’altra alba nera e bombarda un’altra galera! L’onda abbatte qua un’altra bandiera, un’altra barriera, un’altra frontiera, Dal mare si alza là un’altra alba nera, e bombarda... bombarda... Francesco Scaramuzzi, Alessandro Farnese alla battaglia di Lepanto, Parma, 1826. De nombreux grands musiciens classiques ont aussi chanté Lépante, Andrea (1533-1585) et Giovanni Gabrieli (1557- 1612), Giovanni Pierluigi da Palestrina (1525-1594), Giovanni Croce (1557-1609), Claudio Monteverdi (1567- 1643)… Cela fait souvent l’objet de concerts publics. Le monde chrétien et l’Islam avaient en réalité d’autres contacts, commerciaux certes, mais aussi «  paramilitaires  », conséquences de la guerre  ; c’était le cas de ceux qu’on appelait les «  renégats  », faits prisonniers par les corsaires maures, ottomans, et convertis à l’Islam, faisant parfois ensuite dans le monde turc des carrières importantes qui leur auraient été interdites dans le monde chrétien parce qu’ils n’étaient  que de pauvres pêcheurs ou marins, et devenant corsaires barbaresques au service du Sultan. Un exemple particulier fut très connu et chanté, celui de Scipione Cicala (1544-1905)  : c’était le fils d’une riche famille de Gênes («  Sinan  », c’est-à- dire «  génois  » en turc. Son père Vincenzo était Vicomte et corsaire), fait prisonnier avec son père quand il a 19 ans (17 en réalité) en 1560 dans la bataille de Djerba, près des Îles Egadi, et devenu esclave du Sultan Soliman le Magnifique, dont il sera page, avant de devenir en 1591 le favori de son successeur Selim II, qui le nomme bientôt commandant de sa flotte puis pacha. Comme le raconte la chanson de De André, il préfère ne pas sortir son sabre et se rendre pour ne pas «  chatouiller la fortune  »  ; c’était pourtant un homme riche, qui mangeait et buvait à sa faim (un «  imbuto  », un entonnoir), et il devient galérien, puis janissaire. Mais une nuit où le Bey prie en pensant aux jeunes vierges (les «  houris  ») qui l’attendent au Paradis, il ne s’aperçoit pas qu’il arrive sur un haut-fond, mais Scipione si, et il fait tourner le navire vers le sud-ouest (le «  libeccio  »), sauvant le navire et son commandant. Il est alors remarqué (on dit aussi que ce fut pour sa beauté physique), se convertit à l’Islam (ce n’est pas un «  imbécile  ») et devient riche et honoré, ayant montré ses qualités militaires et nautiques (le titre de la chanson signifie «  le gênois grand amiral de la flotte ottomane  »). Et il repense à une chanson populaire tyrrhénienne qu’il entendait sur son bateau quand il  été fait prisonnier. Cette aventure fut aussi celle d’autres marins génois (voir par exemple Uluç Alì Pascià = Giovanni Dionigi Galeni), qui furent souvent très admirés par les Ottomans à Istamboul où ils avaient un quartier et où on peut encore visiter le palais de Sinan. (Voir les détails de la carrière de Cicala en tapant «  Scipione Cicala  » sur Wikipedia italiano.ou le commentaire de la chanson de De André sur Canzoni contro la guerra, www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=808). Sinàn Capudàn Pascià      (Testo  : Fabrizio De André      Musica  : Mauro Pagani e Fabrizio De André      Creuza de Mä, 1984) Teste fascië ‘nscià galéa Têtes enturbannées sur la galère E sciabbre se zeugan a lûn-a et les sabres jouent avec la lune A mæ a l’è restà duv’a a l’éa le mien est resté où il était Pe nu remenalu ä furtûn-a pour ne pas chatouiller la fortune. Intu mezu du mä, Gh’è ‘n pesciu tundu Au milieu de la mer il y a un poisson rond Che quandu u vedde ë brûtte qui quand il voit les femmes laides U va ‘nsciù fundu         s’en va au fond de la mer Intu mezu du mä, Gh’è ‘n pesciu palla Au milieu de la mer il  y a un poisson ballon Che quandu u vedde ë belle qui quand il voit les belles femmes U vegne a galla         s’en vient à la surface. E au postu d’i anni ch’ean dedexenueve         Et au jour de mes dix-neuf ans Se sun piggiaë ë gambe e a mæ brasse neuve ils ont pris mes jambes et mes jeunes bras D’allua a cansún l’à cantà u tambûu depuis lors le tambour a chanté sa chanson E u lou s’è gangiou in travaggiu dûu et le travail s’est transformé en tourment. Vuga t’è da vugâ prexuné         Vogue tu dois voguer prisonnier E spuncia spuncia u remu fin au pë et pousse pousse la rame jusqu’au pied Vuga t’è da vugâ turtaiéu         vogue tu dois voguer, gros mangeur E tia tia u remmu fin a u cheu et tire tire la rame jusqu’au cœur. E questa a l’è a ma stöia E t’ä veuggiu cuntâ Et voilà mon histoire je veux te la raconter ‘N po’ primma ch’à vegiàià         un peu avant que la vieillesse A me peste ‘ntu murtä         m’écrase dans le mortier E questa a l’è a memöia, A memöia du Cigä et voici la mémoire, la mémoire de Cicala Ma ‘nsci libbri de stöia Sinán Capudán Pascià      mais, dans les livres d’histoire, de Sinàn Capudàn Pacha E suttu u timun du gran cäru Et sur le timon du grand char C’u muru ‘nte ‘n broddu de fàru avec la face dans un bouillon d’épeautre ‘Na neutte ch’u freidu u te morde une nuit où le froid te mord U te giàscia u te spûa e u te remorde te mastique, te crache et te mord à nouveau E u Bey assettòu u pensa ä Mecca Et le Bey assis pense à la Mecque E u vedde ë Urì ‘nsce ‘na secca et voit les Houris sur un haut-fond Ghe giu u timùn a lebecciu je tourne le timon au sud-ouest Sarvàndughe a vitta e u sciabeccu sauvant sa vie et son navire. Amü me bell’amü A sfurtûn-a a l’è ‘n grifun Amour mon bel amour l’infortune est un vautour Ch’u gia ‘ngiu ä testa du belinun qui tourne autour de la tête d’un imbécile Amü me bell’amü A sfurtûn-a a l’è ‘n belin Amour, mon bel amour, l’infortune est une bite Ch’ù xeua ‘ngiu au cû ciû vixín qui vole autour du cul le plus proche. E questa a l’è a ma stöia E t’ä veuggiu cuntâ Et voilà mon histoire je veux te la raconter ‘N po’ primma ch’à a vegiàià un peu avant que la vieillesse A me peste ‘ntu murtä m’écrase dans le mortier E questa a l’è a memöia A memöia du Cigä et voici ma mémoire, la mémoire de Cicala Ma ‘nsci libbri de stöia Sinán Capudán Pasciá mais dans les livres d’histoire de Sinàn Capudàn Pacha E digghe a chi me ciamma rénegôu Et dis à qui m’appelle renégat Che a tûtte ë ricchesse a l’argentu e l’öu qu’avec toutes ses richesses, son argent et son or Sinán gh’a lasciòu de luxî au sü         Sinàn a permis  de briller au soleil Giastemmandu Mumä au postu du Segnü en blasphémant Mahomet au lieu du Seigneur. Intu mezu du mä Gh’è ‘n pesciu tundu Au milieu de la mer il y a un poisson rond Che quandu u vedde ë brûtte qui quand il voit les femmes laides U va ‘nsciù fundu         s’en va au fond de la mer Intu mezu du mä Gh’è ‘n pesciu palla Au milieu de la mer il  y a un poisson ballon Che quandu u vedde ë belle qui quand il voit les belles femmes U vegne a galla.         s’en vient à la surface. RETOUR A LA TABLE DES MATIERES                          SUITE 3.3 DU FICHIER
Le bain turc (hammam) de Sinànn