La littérature, la poésie, le théâtre
Recanati (Marche)
Giacomo Leopardi
Toujours j’ai aimé cette colline solitaire
et cette haie qui exclut du regard
une telle partie du fond de l’horizon.
Mais m’asseyant et contemplant, d’interminables
espaces au-delà de celle-ci et des silences
surhumains, un calme très profond, j’imagine
en moi-même ; et il s’en faut de peu
que mon cœur ne s’effraie. Et quand j’entends
le vent bruire entre ces plantes,
moi je vais comparant ce silence infini
à cette voix ; et je me souviens de l’éternité,
des mortes saisons, de celle d’aujourd’hui
et de sa musique. Ainsi en cette
immensité s’abîme ma pensée,
et il m’est doux de faire naufrage en cette mer.
(Trad. : Jean Guichard)
Emilio Lussu. 1890- 1975
Emilio Lussu n’est pas très connu en France, et c’est bien dommage. L’homme et l’écrivain sont assez étonnants. C’est toujours à partir de ses engagements
politiques et de son action que Lussu écrira des livres. D’une grande qualité littéraire. Lussu est un lettré et un homme d’action. Il est né en 1890 en
Sardaigne. En 1914, il est diplômé en droit de l'Université de Cagliari. Il milite dans le camp des interventionnistes démocrates pour que l'Italie entre en guerre
contre l’impérialisme de l'Allemagne et de l'Autriche- Hongrie.
En 1916 c’est un jeune officier de la Brigade Sassari constituée en grande partie de paysans et pasteurs sardes. La Brigade est envoyée sur le plateau
d'Asiago pour créer un front qui résiste, quel qu'en soit le coût, à l'arrivée des Autrichiens à Vicence et à Vérone. Après la guerre il s’engage contre le
fascisme, et sera emprisonné par Mussolini. Il s’évade en 1929 et s’exilera à Paris, puis à Marseille où il organisera un mouvement avec d’autres expatriés
antifascistes, Giustizia e Libertà.
En 1933, à Paris, il publie La Marche sur Rome et autres lieux sur l’ascension de Mussolini, et en 1938, Un anno sull’Altipiano, « chronique d’une année de
guerre sur le plateau d’Asiago », 20 ans après les évènements qu’il avait vécus à 24 ans, porté au cinéma en 1970 par Francesco Rosi sous le titre Les
Hommes contre. Titre qui sera adopté par l’édition française.
Deux autres livres, Le Sanglier du diable, et La Chaîne traduits par Francis Pascal viennent de paraître en français aux éditions de La fosse aux ours. (Notice
de Nanouk Broche)
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Giacomo Leopardi, des DVD et un film
Voilà de retour un des plus grands poètes italiens de la première moitié du XIXe siècle, Giacomo Leopardi (17981837).
Non seulement poète, mais grand traducteur de littérature grecque et romaine, philosophe, essayiste, l’auteur toujours
« moderne », toujours actuel, outre ses Canti, de ses traductions, de ses Operette morali, de son journal, le Zibaldone
di pensieri, ou de son journal de 1817, Memorie del primo amore, etc. Il écrit aussi des lettres magnifiques à son père,
à sa famille, à ses amis, à Pietro Giordani. Ses poésies sont d’une lecture difficile mais passionnante, et on s’amusera
beaucoup à lire par exemple son Dialogue de la mode et de la
mort, en même temps que cela nous donnera à réfléchir.
Les éditions de la Repubblica l’Espresso, en collaboration avec la Région des Marches, viennent de publier, fin
2014, quatre DVD d’environ une heure chacun sur Leopardi, complétées d’un beau petit volume d’anthologie de tous
ses textes. Faites-les commander par un ami italien dans un kiosque.
Par ailleurs on pourra voir bientôt en France un long métrage de Mario Martone sur Leopardi, Il giovane favoloso, Le
jeune homme fabuleux. « Cette expression, dit Martone, faisait écho à mon désir de tordre les lieux communs.
Leopardi n’était pas qu’un poète mélancolique, malade et bossu. Certes il avait une vision tragique de l’existence, mais
il était doué d’une imagination fabuleuse ». (article du Monde du 8 avril 2015, toute une page, chose rare). Dès les
lendemains de la mort de Leopardi, Sainte-Beuve soulignait déjà le caractère exceptionnel de son génie (mais lit-on
encore beaucoup Sainte-Beuve ? Dommage !). En pleine réaction post révolutionnaire, Leopardi fut un philosophe
athée, qui avait suscité l’admiration de Nietzsche, dans sa prose comme ce passage que cite le Monde : il trouve « fort
raisonnable l’habitude des Turcs et autres orientaux qui se contentent de s’asseoir toute la journée les jambes
croisées, et de regarder stupidement en face notre ridicule existence ».
Et si vous allez à Naples, n’oubliez pas de monter dans ce parc de Piedigrotta, vous passerez devant la tombe de
Leopardi, et en continuant à monter vous serez dans ce qu’on appelle le « tombeau de Virgile ». Une promenade
inoubliable.
Giacomo Leopardi (1798-1837), L’infinito (1819)
Sempre caro mi fu quest’ermo colle
e questa siepe che da tanta parte
dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminabili
spazi di là da quella, e sovrumani
silenzi, e profondissima quiete
io nel pensier mi fingo ; ove per poco
il cor non si spaura. E come il vento
odo stormir tra queste piante, io quello
infinito silenzio a questa voce
vo comparando ; e mi sovvien l’eterno,
e le morte stagioni, e la presente
e viva, e il suon di lei. Così tra questa
immensità s’annega il pensier moi
e il naugragar m’è dole in questo mare.