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Nouvelles de ces derniers temps : édition du 8 mai 2017
Nouvelles de ces derniers temps, 8 mai 2017 1) 25 avril 2017 En ces temps où on voit revivre les tendances fascisantes en Europe, de la Russie de Poutine à la Turquie de Erdogan, à la Hongrie de Orban, à la Pologne dans son parti dominant aidé de l’Église Catholique, à la France dont ¼ de la population vote FN, à Aube dorée en Grèce, à la Lega en Italie, etc…, il ne faut pas oublier la célébration du 25 avril, la fête italienne de la libération du fascisme et du nazisme. Cette année elle a été un peu difficile, à Rome où la Communauté Hébraïque n’a pas voulu défiler avec l’ANPI (Association Nationale des Partisans Italiens), accusée de soutenir les manifestations pro palestiniennes. Le Président de la République a rendu hommage à la Résistance au Monument aux Morts de l’Autel de la Patrie puis est parti à Carpi dans la province de Modène, où il y eut dans le hameau de Fossoli un camp de transit fasciste dont les détenus (parmi lesquels fut Primo Levi) étaient ensuite envoyés dans les camps de concentration nazis (Un bel article de Tahar Ben Jelloun sur Carpi est consultable sur Internet, extrait de Le Monde du 21 novembre 2009). Virginia Raggi, Maire de Rome a participé à la cérémonie de l’Autel de la Patrie mais  aussi à celle des Fosse Ardeatine et à celle de la Communauté Hébraïque. Elle a profité de cette occasion pour critiquer le Parlement d’avoir prolongé jusqu’en 2020 la possibilité d’exploiter les concessions illégales d’Ostie, actuellement gérées par un Commissaire du fait de la compromission de la Municipalité avec la mafia. Le président du Sénat, Pietro Grasso a été à Milan, il a chanté Bella Ciao avec Susanna Camusso, la Secrétaire de la  CGIL  ; il était interdit de défiler près du cimetière où sont enterrés les corps des «  repubblichini  », les partisans de la République fasciste de Salò. Des manifestations ont eu lieu dans toutes les villes italiennes  ; le 25 avril est aussi la date de nombreuses fêtes populaires traditionnelles, et les Italiens ont profité du pont (du samedi 22 avril au mardi 25 avril) pour visiter des quantités de villages en fête et de musées. Rappelons que le 25 avril 1945 est le jour où le CLNAI (Comité de Libération Nationale Haute Italie), qui avait son siège à Milan, présidé par  Luigi Longo, Emilio Sereni, Sandro Pertini et Léo Valiani, proclame l’insurrection dans tous les territoires encore occupés par les nazis et les fascistes («  Se rendre ou périr  » était le mot d’ordre)  ; le décret qui décida que ce serait une fête nationale à partir de 1946 est signé le 22 avril 1946. Le 2 juin 1946 eut lieu le référendum constitutionnel qui institua la République Italienne  : c’en était fini et du fascisme et de la monarchie  ? Une histoire nouvelle commençait, c’est encore la nôtre. Partisans à la libération de Milan Rappelons enfin que nous avons fêté cette année le second anniversaire de notre site, créé le 25 avril 2015. 2) Un «  démocrate chrétien  » à la tête de l’ex-PCI, le Parti Démocrate (PD) On se souvient qu’après l’échec de Matteo Renzi à l’occasion du referendum du 4 décembre 2016, celui-ci avait dû démissionner de son poste de premier ministre et de la direction du PD. Il avait dit alors que s’il était vaincu, il abandonnerait la vie politique. Apparemment personne ne s’en souvient et le revoilà  ! Les primaires du 30 avril 2017 du Parti Démocrate pour le choix de la direction l’ont remis à la direction du parti, avec 69,17% des voix  : un million 838.938 électeurs ont participé aux primaires, c’est-à-dire un million de moins qu’aux primaires de 2013. Le PD a changé, il est encore plus partisan de Renzi qu’avant, mais il ne faut pas se cacher qu’il est aussi devenu plus faible  ; Renzi triomphe là où le nombre d’électeurs baisse, mais Renzi baisse là où le nombre d’électeurs reste le plus stable. Il Fatto Quotidiano du 1er mai 2017 conclut  : «  Un parti plus «  renziano  », donc, mais plus petit, diminué de moitié, moins attrayant  ». Exemples  : en Vénétie, 74% des voix pour Renzi, 86.000 votants au lieu de 177.000 en 2013  ; à Turin, 75% des voix pour Renzi, 89.000 votants au lieu de 164.000 en 2013  ; à Rome, 78.000 votants au lieu de 150.000 en 2013. Par contre dans les Pouilles, où le maire de Bari, Michele Emiliano se présentait contre Renzi, les votants sont passés de 123.000 à 156.000 et c’est Emiliano qui l’a emporté (10,49% au plan national, 54,37% dans les Pouilles contre 35,32 % à Renzi). Matteo Renzi n’a jamais été militant de la DC  : né en 1975, il n’a que 19 ans lorsque celle-ci disparaît formellement en 1994, mais il est fils d’un élu démocrate-chrétien, et formé par les scouts catholiques. Il incarne cette suite du mouvement démocrate-chrétien qui a su s’adapter après l’échec de 1994, s’intégrer dans une gauche modérée, et reprendre de la vigueur, selon l’aspiration jamais disparue d’une bonne partie de l’Église catholique à entretenir un courant centriste catholique. Il est maintenant à nouveau au pouvoir dans le parti de gauche hérité du PCI, dont les anciens communistes se sont de plus en plus éloignés pour former un autre parti (scission de 2016) ou se retirer de la vie militante. On le surnomme parfois «  Renzusconi  »  : une de ses pratiques passées et une de ses propositions pour l’avenir est de gouverner avec le parti de Silvio Berlusconi, comme il a gouverné depuis 2013 avec le NCD (Nouveau Centre Droit) de Alfano Angelino, un ancien de Forza Italia de Berlusconi. On l’a souvent comparé à Manuel Valls (Voir notre article dans «  Actualité politique  » du 22 janvier 2017). Ce que deviendra le PD lors des prochaines élections (début 2018  ?) sera à analyser parallèlement à l’évolution du Parti Socialiste en France. On suivra aussi les déclarations de Salvatore Buzzi (Voir son nom sur Internet) dans le procès Mafia Capitale, où il met en cause ses financements mafieux des élus de droite (l’ancien maire Alemanno) et de gauche (membres du PD et Renzi lui-même dont il avait dit  : si je parle, le gouvernement tombera …). On a eu enfin un bel exemple de la dérive autoritaire de Beppe Grillo à Gênes, le 18 mars dernier  : aux primaires pour désigner quel serait le candidat du M5S pour la Mairie, le scrutin avait donné l’avantage à une candidat anti-establishment, Marika Cassimatis, expression de la base par 362 voix contre les 332 au candidat de Grillo  ; celui-ci a donc accusé la candidate d’être «  peu orthodoxe  » et a exigé que l’on refasse les élections avec un seul candidat, le sien, Alice Salvatore … qui a gagné  ! Grillo a déclaré ensuite aux opposants  : «  Si vous ne comprenez pas, fiez-vous à moi  !  » (Information donnée sur Il Fatto Quotidiano du 19 mars 2017 par Sciltian Gastaldi et confirmé par Alganews du 18 mars). Mais le PD ne se comporte guère plus démocratiquement  : Voir par exemple le jugement de G. Zagrebelsky, ancien Président de la Cour constitutionnelle sur les méthodes de Renzi (Fatto Quotidiano du 23 mars 2017). 3) 27 avril 1937, il y a 80 ans, mourait Antonio Gramsci (1891-1937), des maladies contractées durant ses dix ans de prison fasciste. On en a peu parlé dans la presse française, à part l’Humanité des 28-30 avril qui lui consacre un supplément spécial de 8 pages. La première page donne une bibliographie très partielle et partiale, où manque entre autres la traduction en 8 volumes des œuvres complètes de Gramsci par Robert Paris chez Gallimard et qui insiste sur les publications d’André Tosel, (1941-14 avril 2017), le philosophe communiste critique spécialiste de Gramsci. Jérôme Skalski présente ensuite une biographie de Gramsci, qui passe sous silence ses critiques de l’évolution stalinienne de l’URSS  ; il évoque la défense de Gramsci par Romain Rolland et Henri Barbusse, mais on ne saura pas qu’il a été combattu et abandonné par la majorité du mouvement communiste, italien compris, qui n’obtiendra jamais sa libération, alors qu’il obtint celle de «  l’orthodoxe  » Georgi Mikhailov Dimitrov. Un article de Laurent Etre évoque de façon intéressante l’influence de la pensée de Gramsci sur un certain nombre de mouvements politiques et de philosophes contemporains, comme Podemos en Espagne ou Chantal Mouffe, la philosophe qui travaille avec Jean-Luc Mélenchon. Deux pages de Guido Liguori, le Président de la Société Internationale Gramsci, rappellent son influence politique et sa modernité  ; plusieurs autres articles résument d’autres aspects de sa pensée. Un document qui a au moins l’avantage de rappeler l’importance de Gramsci dans la pensée et dans l’action d’aujourd’hui. Lisez au moins de lui Je hais les indifférents, Payot, Rivages Poche, 2012, dont voici un extrait  : « Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que « vivre veut dire être partisan». On ne peut être seulement homme, étranger à la cité. Qui vit vraiment ne peut pas ne pas être citoyen, et partisan. L'indifférence est aboulie, parasitisme, lâcheté; elle n'est pas vie. C'est pourquoi je hais les indifférents. L'indifférence est le poids mort de l'histoire. C'est le boulet que doit traîner le novateur, c'est la matière inerte en laquelle il n'est pas rare que se noient les plus beaux enthousiasmes, c'est le marais qui entoure la vieille ville et qui la défend mieux que les remparts les plus épais, mieux que les poitrines de ses guerriers, en engloutissant les assaillants dans ses sables mouvants, en les décimant et en les décourageant, et en les faisant parfois renoncer à leur entreprise héroïque. L'indifférence agit vigoureusement dans l'histoire. Elle agit passivement, mais elle agit. Elle se fait fatalité; elle est ce quelque chose que l'on n'attendait point; ce quelque chose qui bouleverse les programmes, renverse les plans les mieux établis; la matière brute qui se rebelle devant l'intelligence et l'étrangle. Les événements, le mal qui s'abat sur tous, le bien que pourrait engendrer un acte héroïque (de valeur universelle), ne dépendent pas tant de l'initiative du petit nombre qui agit, que de l'indifférence, de l'absentéisme de la multitude. (…) Mais, si je hais les indifférents, c'est aussi parce que leurs pleurnicheries d'éternels innocents me sont insupportables. " , « Je hais les indifférents » (février 1917), Payot, 2012. 4) Pour le quarantième anniversaire de la mort de Luigi Tenco sort l’ouvrage d’Aldo Colonna, Vita di Luigi Tenco, Bompiani, 2017, 320 pages, 12€. C’est la plus récente mise au point sur la vie et la mort du cantautore. Aldo Colonna suit depuis des années la vie de Tenco, et il a déjà écrit plusieurs ouvrages sur la question sous le nom d’Aldo Fegatelli ou Aldo Fegatelli Colonna (Voir les sites à ces trois noms). Il est donc parfaitement précis et c’est maintenant l’ouvrage qu’il faut lire si on s’intéresse à la vie et à la musique de Tenco. Mais il est surtout celui qui soutient le plus solidement la thèse de l’homicide de Tenco, opposée à celle du suicide, qui reste l’hypothèse officielle. Colonna montre de façon convaincante les erreurs et imprécisions de la police qui fit transporter le corps de Tenco à la morgue, puis le fit rapporter à l’hôtel probablement pour permettre aux journalistes de faire des photos  : soumission complète aux volontés des organisateurs du Festival de Sanremo qui ne voulaient surtout pas qu’on interrompe le Festival… On a donc 6 versions différentes de la position du corps de Tenco quand on l’a découvert mort. On a la même incertitude sur tous les autres problèmes, celui du pistolet, du billet d’adieu laissé dans la chambre (est-il vraiment de la main de Tenco  ?), de l’examen des blessures, etc. Colonna donne de tout cela une description très précise. Mais il rappelle aussi que, après sa défaite au Festival, Tenco avait la volonté de dénoncer les magouilles, les dessous de la décision d’exclusion de sa chanson, et la corruption qui caractérisait les maisons de disques et les organisateurs des séances du festival  (qui ont fait l’objet de plusieurs procès) : aurait-il été tué par quelque mafieux peu soucieux qu’on le  dénonce  ? Il était aussi en conflit avec Dalida, qui a «  découvert  » son cadavre, elle était d’une épouvantable jalousie vis-à-vis de Valéria, la jeune femme qu’aimait Tenco, et il se peut que le coup soit parti pendant leur dispute … ou que Dalida l’ait tiré sans réfléchir  ? On sait aussi que l’ex- mari de Dalida, Lucien Meurisse, était toujours très jaloux de ses amours ultérieures, or il était à Sanremo ce jour-là… C’est encore pour le moment un des «  mystères  » de l’histoire italienne (comme par exemple la mort de Pasolini), de nouveaux examens ont été faits en 2002 et 2009. Colonna dit qu’il sait la vérité sur le nom des assassins, mais qu’il ne peut rien dire faute de preuves. Au-delà de ce problème, le chapitre 9 de la deuxième partie, In exitu, est un des plus beaux textes écrits sur la véritable nouveauté de Tenco, souvent ignoré ou méprisé par les mêmes collègues qui diront ensuite qu’ils l’admiraient, tels des «  grands  » de la chanson comme Gino Paoli et Ornella Vanoni. La troisième partie du livre développe plusieurs autres aspects de Tenco, et le livre est complété par une bibliographie et par une discographie préparée par Enrico De Angelis, Michele Neri et Franco Settimo. Un grand livre sur Tenco et sur l’histoire de la chanson en Italie. 5) Un nouveau polar de Carlo Lucarelli, Intrigo italiano. Il ritorno del commissario De Luca, Einaudi, 206 pages, 2017, 17€. Carlo Lucarelli est un écrivain né à Parme en 1960, auteur connu de romans policiers, et d’autres ouvrages, dont celui qu’il a signé en 2010 avec Andrea Camilleri, Acqua in bocca (Meurtre aux poissons rouges). Il est aussi un grand journaliste d’investigation, ce qui lui inspire, outre ses articles dans divers journaux et magazines, deux ouvrages sur deux «  mystères  » de l’histoire italienne, l’un sur Tenco (Tenco a tempo di tango, FandangoLibri, 2007, traduit chez Presses Universitaires du Mirail, Tenco sur un tempo de tango, 2011, l’autre sur la mort de Pasolini, PPP. Pasolini, un segreto italiano, Rizzoli, 2015). Dans Intrigo italiano, on voit revenir un des personnages anciens des romans policiers de Lucarelli en 1990 et 1991, le commissaire De Luca, un des  grands du polar italien avec Brunetti de Donna Leon. De Luca a été un des meilleurs policiers italiens sous le fascisme, bien que n’ayant jamais adhéré au fascisme  ; il revient après cinq ans de quarantaine, entre le 21 décembre 1953 et le 7 janvier 1954, dans les combines et les massacres qui vont marquer le début de la société de consommation en Italie et de la guerre froide dans le monde  ; on lui a donné à Bologne une mission sous couverture d’un autre nom et d’une autre fonction, et cela ne lui plaît pas trop  : derrière l‘assassinat de la belle épouse d’un professeur d’Université, lui-même mort deux mois auparavant, et après avoir été lui-même victime d’un grave accident de voiture, il va découvrir sur son propre Service Secret des réalités terribles  ; il rencontre aussi une belle chanteuse de jazz métisse, ancienne résistante dont il tombe amoureux, et il va devoir choisir sa nouvelle vocation et sa nouvelle vie. Un livre passionnant que l’on a envie de lire d’un trait, parce que, à travers l’enquête policière, on découvre toute la «  mémoire  » de la réalité historique de l’Italie que le récit de Lucarelli nous découvre peu à peu  : c’est un des romans policiers «  historiques  » que l’Italie produit si souvent, car De Luca estime qu’être «  policier  » veut dire rechercher la «  vérité  » sociale et humaine. En 1953, la DC vient de gagner les élections mais elle a perdu des voix et elle doit défendre son pouvoir dans des luttes peu démocratiques, dont De Luca lui-même peut être victime, constamment surveillé et parfois traqué par son propre Service. Et il sait maintenant trop de choses … Vous découvrirez aussi dans le roman une Bologne moins connue et ses tortellini  ! Vous lirez toujours Lucarelli avec grand plaisir  ; plusieurs de ses romans sont traduits. 6) On nous demande où trouver une liste des ouvrages italiens traduits en français. Vous pouvez consulter entre autres sur Internet  : Bibliographie des traductions françaises de la littérature italienne des 20e et 21e siècles (1900-2014) (Romans-Essais-Poésie-Théâtre), Chroniques italiennes N° 66-67, http://www.unv-paris3.fr/recherche Jean Guichard, 8 mai 2017
Le camp de Carpi.
Caricature de Il Fatto Quotidiano sur le retour de Renzi
Écoliers sardes devant une fresque de Gramsci à Orgosolo.