2.3. L’actualité sociale : fermeture de l’Expo de Milan
Accueil Actualités italiennes Nature Histoire Sructures Langue Création de formes artistiques Creation de culture materielle Chanson Voyages Contacts
Après l’Expo de Milan : un grand gaspillage d’argent ? L’Expo de Milan a fermé ses portes le 31 octobre dernier. La prochaine Expo sera à Dubaï en 2020, peut-être Paris en 2024. Elle a été un grand succès médiatique et commercial : une surface dix fois plus grande que la Foire de Paris, 147 pavillons nationaux sur 110 hectares, 20 régions ou villes, 22 organisations, 26 entreprises, plus ou moins 22,2 millions de visiteurs malgré une entrée à 39 euros pour un adulte et 16 euros pour un enfant de 4 à 13 ans et de 110 euros le Passe permanent,  60 délégations de chefs d’État (dont François Hollande et Vladimir Poutine qui en a profité pour rencontre Berlusconi, avant sa visite au pape à Rome),  de nombreuses délégations de chefs d’entreprises, et on parle volontiers de la « fierté » retrouvée par le peuple italien, mais les 2 architectes suisses, Herzog et De Meuron, qui ont réalisé le stand de Slow Food ont été récusés pour la gestion de l’Expo justement parce qu’ils refusaient que les stands nationaux soient « des shows vaniteux au service des fiertés nationales ». Slow Food faisait partie des 18 « « organisations non officielles ». Le nombre de participants a été souvent contesté par la presse comme exagéré. Mais quelle est la réalité derrière ce succès ? Qu’est devenu le thème officiel « Nourrir la planète, énergies pour la vie» ? Comme titre Télérama n° 3434 du 4 novembre 2015, c’est « un Milan mitigé ». Nous avons déjà parlé de l’opposition de dizaines de milliers de manifestants de NoExpo qui ont défilé le 1er mai pour dénoncer le gaspillage d’argent public (ces grandes manifestations, JO ou expositions universelles, ont toujours des déficits énormes, au moins 1,2 milliards d’euros pour l’Expo de Milan), mais bilan mitigé d’abord à cause de la déception de nombreux visiteurs, qui ont dû faire parfois des heures de queue pour pouvoir entre dans certains pavillons (dont celui de l’Italie) ; ensuite la présence dominante de plusieurs grandes multinationales (Monsanto, Coca-Cola, MacDonald’s, etc.) qui contribuent plus à ruiner la terre qu’à nourrir la planète (voir même leur dénonciation dans la dernière Encyclique pontificale, Cf. notre dossier) ; le mécontentement de nombreux restaurateurs et hôteliers milanais qui n’ont pas profité au maximum de cette foule qui se nourrissait et s’abreuvait souvent surtout à l’intérieur de l’Expo (presque chaque stand avait son restaurant), et à prix coûteux (10 euros pour un risotto, 110,euros le menu du stand du Japon…), et ce sont les chefs romains qui ont été valorisés plutôt que les chefs milanais ; enfin l’idée dominante est que cela a peu éclairé le problème de nourrir la planète : on sait que 80% des humains sont nourris par la production des petits agriculteurs ou éleveurs, peu visibles dans cette Expo, de même que les stands d’organisations comme Slow Food, isolé à l’extrémité de l’Expo, trop petits et perdus entre ceux des grandes entreprises. L’Expo semble bien avoir été une foire commerciale plus qu’une aide à l’extinction de la faim dans le monde, qui ne fera qu’augmenter avec le réchauffement climatique. L’Expo a été surtout une foire du bien manger et du bien boire, et un lieu de promotion des produits alimentaires des divers pays (tandis que, comme a dit le pape dans son message, ce jour-là, tant de pauvres ne mangeront pas à leur faim). Le cocorico de Matteo Renzi est donc à relativiser, il est celui d’un gouvernement avide de reconnaissance, mais il n’est pas celui des peuples affamés. Et attendons de voir ce qu’apporteront les stands de nouvelles technologies au développement d’aliments plus abondants et plus sains et à la lutte contre la dégradation de la planète. Heureusement, l’organisation État Islamique a dû se limiter à envoyer des messages de menaces pour manifester son omniprésence dans les rues de Rome ou de Milan. Un exemple : le déficit du Saint-Siège. Tant pis pour les pauvres ! Parmi les réussites relatives, notons celle du stand de la Città del Vaticano de seulement 360 m2, dont le coût a été de 3 millions d’euros payés par le Conseil Pontifical de la culture (Pontificio Consiglio della cultura), par la Conférence épiscopale italienne (Conferenza episcopale italiana) et par l’archidiocèse de Milan. Le pape François, qui n’avait pas été informé de la construction de ce pavillon, avait été profondément irrité par le caractère excessif de cette dépense, dont la somme aurait pu être destinée directement aux pauvres ; il a refusé de répondre aux invitations à participer à l’Expo, et ce n’est que le 30 septembre que le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État du Saint-Siège, est venu visiter l’Expo ; le pape avait déclaré dans son message vidéo d’inauguration : « Même l’Expo, sous certains aspects, fait partie du paradoxe de l’abondance, si elle obéit à la culture du gaspillage, du déchet et ne contribue pas à un modèle de développement égal et soutenable… L’Expo doit être un occasion propice pour globaliser la solidarité ». Mais cette invite est manifestement en partie tombée à l’eau. Les thèmes du gaspillage et des déchets étaient totalement absents de l’Expo ! Selon les chiffres donnés par le Vatican, le nombre de visiteurs jusqu’à fin août  était de 690.000, et fin octobre on en avait compté 1, 8 millions et 250.000 au kiosque de Caritas ambrosiana. Une collecte réalisée auprès des visiteurs a permis de récolter 150.000 euros que le pape a voulu destiner aux enfants réfugiés en Jordanie. Cela ne représente qu’environ 70 centimes par personne, et l’Église a donc dépensé 3 millions d’euros pour en retrouver et distribuer 150.000 ! Le 4 octobre, à l’occasion de la fête de saint François d’Assise, a été organisée une « Table des peuples » qui a réuni 3.000 personnes, dont 1.800 provenaient des restaurants des pauvres de toute la Lombardie. Les collectes d’aliments dans l’Expo (10 millions de tonnes) a permis au Réfectoire ambroisien (Refettorio ambrosiano) de les transformer en 11.800 repas quotidiens servis aux personnes inscrites dans les programmes d’accompagnement  de Caritas.   Notons encore dans le pavillon du Vatican la présentation, très contestée par les Napolitains, du tableau du Caravage, Les sept œuvres de Miséricorde, dont l’une est de nourrir les affamés.  Que va devenir l’Expo après la fermeture ? Deux problèmes se posent maintenant : que va-t-on faire de tous ces pavillons de l’Expo de Milan ?  Que va devenir le terrain de l’Expo (1 million de m2) ? Quelques pavillons seront démontés et réinstallés : c’est le cas du pavillon français, qui sera démonté et réinstallé on ne sait encore où ; il intéresse les élus du Val-de -Marne, qui pensent l’installer dans la future Cité de la Gastronomie de Rungis ; en attendant il sera loué à l’État chinois en 2016 à Shanghai pour le prix d’un euro, ce qui économise le prix du démontage et du remontage assurés par la Chine. Le pavillon français a en effet été apprécié, visité par 2 millions de personnes, pour un temps de visite moyen de 10 minutes. Les résultats financiers sont moins bons pour le restaurant qui devra payer 8% des consommations aux organisateurs italiens (et 10% pour les boutiques !). Le Pavillon italien subsistera aussi. C’était le plus grand et monumental de l’Expo, sur 14.000 mètres carrés. Il deviendra sans doute le siège du pôle d’innovation technologique au service de Milan (« Human Technopole Italy 2040 »), à condition que l’État italien trouve avec des privés un moyen de financement. Le pôle, pour lequel Matteo Renzi a promis 150 millions par an pendant 10 ans, serait guidé par l’Institut Italien de Technologie (IIT) de Gênes, sur l’étude du patrimoine génétique de l’homme et des animaux, mais avec la collaboration d’un Institut de Turin et un de Trente : un centre qui étudierait des quantités de choses, de l’alimentation à la robotique, aux génomes du cancer, etc., qui réunirait 1600 chercheurs italiens et étrangers. Mais Renzi n’a pas précisé d’où viendraient ces 150 millions ; il est possible que 50 millions apparaissent dans le décret qui sera voté pour le Jubilé, mais les 100 autres millions ? Quant aux autres pavillons, la tradition est que certains demeurent comme témoignages de l’histoire des Expositions Universelles : ce fut le cas, par exemple,  de la Rotonde de Vienne (1873), de la Tour Eiffel (1889), de l’Aquarium du Parc Sempione  à Milan (1906), du Palais de la Porte Dorée de Paris (1931), de Treasure Island de San Francisco (1939), du Palais de la Civilisation de Rome à l’EUR (1942), de l’Atomium  de Bruxelles (1958), du Space Needles de Seattles (1962), du Flushing Meadow Park  de NewYork (1964), du Quartier Habitat ’67 de Montréal (1967), de la Tour du Soleil  d’Osaka (1970), du Pont Vasco de Gama de Lisbonne (1998), du Pavillon Chinois de Shangaï (2010). (Voir des photos en fin d’article). Quant à l’occupation du terrain, 25 propositions ont été faites ; la plus appréciée a été celle d’y installer un campus universitaire de l’Université d’État de Milan, qui serait doté de résidences pour les étudiants et les enseignants résidant hors de Milan, installées dans la « Cascina Merlata » (Cf. photo ci-contre), ce nouveau quartier de 690 appartements où étaient logés les délégués italiens et étrangers de l’Expo ; 54% de l’aire de l’Expo seraient réservés à des espaces verts. Mais la Rai souhaiterait aussi installer son siège et ses services financiers. Qui trouvera les fonds nécessaires ? À qui l’Arexpo, la société qui a acheté le terrain pour 160 millions, le revendra-t-elle ? L’Arexpo a actuellement comme actionnaires majoritaires la commune de Milan et la région Lombardie pour 34,67% chacune, et la Fondazione Fiera pour 27,66% (45 millions). L’État italien devrait donc racheter les parts de la Fondazione Fiera, et devenir actionnaire à égalité avec Milan et la Lombardie. Il restera encore à rembourser les 72 millions non prévus (et prêtés par les banques) dépensés par Expo pour aménager le site, qu’Arexpo refuse de reconnaître. Toutes les offres devaient être déposées avant le 15 novembre 2015. Quel privé pourra donc disposer des 315,4 millions demandés par Arexpo ? Ce fut sans doute une autre erreur des élus milanais d’avoir construit l’Expo sur un site privé, plutôt que sur une aire publique (il y en avait deux possibles) : mais ces élus  de droite avaient préféré le terrain privé choisi qui appartenait à la Fondazione Fiera contrôlée par le groupe catholique Comunione e Liberazione, dont Roberto Formigoni, alors Président de la Région Lombardie, est un membre éminent ; or la Fondazione Fiera était en déficit, et  elle a pu éliminer le rouge de ses comptes maintenant remis à flot par cet achat. Par ailleurs, ce site entre des autoroutes, des voies ferrées, et hors de Milan, fut un des plus difficiles à exploiter. Il est probable que la plus grande partie des autres pavillons seront détruits après leur démontage et leur déménagement d’ici le printemps 2016. Gaspillage, déchet, fallait-il dépenser pour cette opération tant d’argent qui aurait pu vraiment contribuer à nourrir les réfugiés et autres êtres humains qui meurent de faim ? On consultera avec intérêt le texte de Roberto Perotti, www.lavoce.info, mai 2014 : « Perché l’Expo è un grande errore ». Jean Guichard, 17 novembre 2015 Quelques restes des précédentes Expositions Universelles : L’Expo de Naples en 1900 sur l’hygiène et la santé Et pour finir sur les Expos, rappelons celle qui se tint à Naples en 1900, inaugurée le 9 mai dans la Villa communale (alors Villa Royale) par le roi Humbert I et la Reine Marguerite, et consacrée à la santé. Elle présenta 7 grands pavillons et presque une cinquantaine de kiosques qui offraient au public des informations sur les produits alimentaires et des dégustations d’aliments et de boissons. Cette immense exposition d’hygiène était centrée sur ce qui était un des principaux problèmes de Naples ; elle était organisée par le Comité de la Ligue contre la tuberculose, qui venait de tenir son Congrès au Théâtre San Carlo de Naples le 25 avril. L’exposition avait mis en relief le rapport entre la santé (la tuberculose) et les conditions de logement, ou l’approvisionnement en eau par les puits. Rappelons que Naples venait de connaître au moins deux graves épidémies de choléra, aggravées par une augmentation très importante de la population, surtout dans les quartiers populaires de Mercato, Pendino, Vicaria et Stella. Le 15 janvier 1885, le Parlement italien avait voté une loi pour le « Risanamento » (l’assainissement) de Naples, qui marquait un tournant dans la politique gouvernementale : elle imposait à toutes les Mairies de faire observer des règles sanitaires précises, finançait de nouvelles formes d’alimentation en eau potable, fermant les puits, restaurant les égouts, et faisait construire de nouveaux quartiers, après avoir détruit plusieurs « bassi » (les quartiers de Naples où les appartements sont au dessous du niveau de la rue). On ouvrit ainsi le Rettifilo Umberto I, et on créa deux grandes places (Giovanni Bovio et Nicola Amore) qui détruisaient une partie de ce que Matilde Serao appelait « le ventre de Naples ». Cette exposition fut valorisée par de grands déploiements de troupes et de navires de guerre dans le golfe de Naples. Mais tous les pavillons et les kiosques furent ensuite démolis, sauf celui des Asili infantili di Napoli qui existait auparavant, et où se trouve aujourd’hui le buste de Virgile, mort à Naples, et celui  de la Mairie de Naples d’alors, aujourd’hui Cercle de tennis reconstruit en 1949. Parmi les industries étrangères était présente la marque Ville de Lyon. Comme pour l’Expo de Milan, la presse satirique souligna à loisir les retards de réalisation des constructions de l’exposition de Naples, qui fut malheureusement interrompue par l’assassinat d’Humbert I le 29 juillet 1900, ce qui fit oublier cette exposition, marquée par l’édition de nombreuses cartes postales dont nous reproduisons quelques-unes ci-dessous.                                            J.G., 17 novembre 2015 La plupart de ces informations ont été fournies par l’article de Rosario Rusciano, La Repubblica du 26 octobre 2015. Fine
Toute reproduction (papier ou numérique) est interdite sans une autorisation écrite du propriétaire du site.
Pavillon français
Pavillon italien
Vienne (1873), Rotonde <--- Paris (1889), Tour Eiffel --->
Milan (1906), Aquarium <--- Paris (1931), Palais de la Porte Dorée --->
San Francisco (1939), Treasure Island <--- Rome (1942), Palais de la Civilisation --->
Bruxelles (1958), Atomium <--- Seattle (1962), Space Needles --->
New York (1964), Flushing Meadow Park <--- Montréal (1967), Quartier Habitat ‘67 --->
Osaka (1970), Tour du Soleil <--- Lisbonne (1998), Pont Vasco de Gama  --->
Shanghaï (2010), Pavillon Chinois <--- Milan (2015), L’arbre de la vie