9.2.4 La chanson traditionnelle par thème - 3. l’émigration italienne (troisième partie - fin)
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24) Amara terra mia
(Testo : Enrica Bonnacorti e Domenico Modugno
Musica : Domenico Modugno
1973)
Sole alla valle, sole alla collina,
Soleil dans la vallée, soleil sur la colline
per le campagne non c'è più nessuno.
Dans les campagnes, il n’y a plus personne.
Addio, addio amore, io vado via
Adieu, adieu, mon amour, je m’en vais
amara terra mia, amara e bella.
ma terre amère, amère et belle.
Cieli infiniti e volti come pietra,
Cieux infinis et visages de pierre,
mani incallite ormai senza speranza.
Mains calleuses désormais sans espoir
Addio, addio amore, io vado via
Adieu, adieu, mon amour, je m’en vais
amara terra mia, amara e bella.
ma terre amère, amère et belle.
Tra gli uliveti nata è già la luna
La lune est déjà là parmi les oliviers
un bimbo piange, allatta un seno magro.
Un enfant pleure, tête un sein maigre.
Addio, addio amore, io vado via,
Adieu, adieu, mon amour, je m’en vais
amara terra mia, amara e bella.
ma terre amère, amère et belle.
Autre chanson, qui mêle le thème de l’émigration à celui de la terre perdue ; le regret de la terre natale est au coeur de la douleur de l’émigration : chaque Italien
aime sa terre avant même d’aimer l’Italie.
La chanson semble avoir été reprise d’une vieille chanson dialectale des Abruzzes, Cade l’oliva, remise en musique par Giovanna Marini, et qui figura dans le
spectacle Bella ciao, empruntée par Giovanna Marini au chant des Abruzzes Addije, Addije amore. (Sur Modugno, voir notre Histoire de la chanson en Italie,
Vol. III, pp. 111-112).
25) Chiantu de l’emigranti
Plainte de l’émigrant
(Chant calabrais populaire
XIXe siècle)
Strada mia abbandunata, mo te lasso
Ma rue abandonnée, je vais te quitter
chiagnennu me ne vaju le vie vie
En pleurant je m’en vais par les rues
O quanti passi che da tia m’arrassu,
Oh de combien de pas je m’éloigne de toi
tante funtane faru l’uocchie mie
mes yeux seront tant de fontaines.
Nun so’ funtane, no, ma fele e tassu,
Ce ne sont pas des fontaines, mais du fiel de blaireau
tassu che m’entassau la vita mia
un blaireau qui m’a empoisonné la vie
Io parto pe’ l’America luntana,
Je pars pour la lointaine Amérique
non sacciu adduje me porta la fortuna
Je ne sais pas où me porte mon sort.
O Sant’Antuone mio fallo venire,
Oh saint Antoine fais-le revenir
e non mi fa’ pigliare cchiù de pena !
et ne m’inflige pas d’autre peine !
O Sant’Antuone mio fallo venire,
Oh saint Antoine fais-le revenir
e non mi fa’ pigliare cchiù de pena !
et ne m’inflige pas d’autre peine !
Chant d’adieu recueilli par Daisy Lumini en Calabre de la voix d’une vieille paysanne, il se réfère aux migrations de la fin du XIXe siècle et exprime la douleur de
celui qui doit partir en Amérique et de ceux qui restent au village : deux voix sont présentes, dans les 2 premières strophes, les paroles de celui qui part, et dans la
troisième, la voix de la femme ou de la mère qui reste. Le blaireau était un animal qui dévastait les poulaillers, un vrai problème pour les économies pauvres de la
Calabre, et c’est en même temps l’arbre très venimeux qu’était l’if, dont on employait les feuilles dans une pêche interdite pour empoisonner les eaux d’une rivière
et étourdir les poissons pour les capturer (l’opération s’appelait « ‘ntassar », d’où dérive « star ntassat’ », être d’humeur noire, en colère). L’interprétation est celle
du groupe Compagnia delle Acque, de Gualtiero Bertelli. Voilà encore un exemple de chanson populaire qui montre qu’elle est la plus pure et la plus émouvante
des expressions de la vie populaire et de ses souffrances.
26) Compagno emigrato
(A. Virgilio Savona
1971, Eliseo)
O compagno che dal meridione
Oh camarade qui du midi
sei arrivato col Treno del Sole,
es arrivé par le Train du Soleil
tu speravi in un mondo migliore,
Tu espérais en un monde meilleur
ma è diversa la dura realtà.
Mais la dure réalité est différente.
Hai lasciato la vanga e il badile
Tu as laissé ta bêche
ma ora in fabbrica niente è cambiato,
mais maintenant à l’usine rien n’a changé
da un padrone sei ancora sfruttato
tu es encore exploité par un patron
e non vinci la tua povertà.
Et tu n’arrives pas à vaincre ta pauvreté.
O compagno emigrato
Oh camarade émigré
compagno operaio,
camarade ouvrier
la lotta continua
la lutte continue
per la libertà !
pour la liberté !
Non è giusto che ti abbian costretto
Il n’est pas juste qu’on t’ait obligé
a lasciare famiglia e paese,
à quitter ta famille et ton pays
a lasciare i tuoi figli e il tuo tetto,
à quitter tes enfants et ton toit,
a forzare la tua volontà.
A forcer ta volonté.
Ora sei di una fabbrica schiavo
Maintenant tu es l’esclave d’une usine
e di notte in un lager rinchiuso,
et la nuit enfermé dans un lager
non è giusto che tu sia un escluso,
il n’est pas juste que tu sois un exclu,
che per te non ci sia parità.
Que pour toi il n’y ait pas d’égalité.
O compagno emigrato, ecc.
Oh camarade émigré, etc….
Per difenderti devi attaccare,
Pour te défendre tu dois attaquer,
La battaglia è difficile e dura,
la bataille est difficile et dure,
Vincerai se saprai ritrovare
tu gagneras si tu sais retrouver
Dell’autunno la forte unità.
De l’automne la forte unité.
Sputa sopra le false promesse,
Crache sur les fausses promesses,
Le elemosine ed i compromessi,
les aumônes et les compromis,
Porta avanti la lotta di classe
fais avancer la lutte de classe
Fianco a fianco ai compagni del Nord.
Côte à côte avec tes camarades du Nord.
O compagno emigrato, ecc.
Oh camarade émigré, etc….
Lotterai per più giusti contratti,
Tu te battras pour de justes contrats
per avere più giusti salari,
pour avoir des salaires plus justes
per ridurre pericoli e orari,
pour réduire les dangers et les horaires,
per combattere le iniquità.
Pour combattre les iniquités.
C'è bisogno di te nelle piazze
Il y a besoin de toi dans les rues
per sconfiggere la repressione,
pour défaire la répression
per dettare a governo e padrone
pour dicter au gouvernement et au patron
le tue regole di civiltà.
Tes règles de civilisation.
O compagno emigrato, ecc.
Oh camarade émigré, etc…
Frontaliere che giorno per giorno
Frontalier qui jour après jour
sei sfruttato al di là del confine,
toi qui es exploité au-delà de la frontière
anche tu vincerai alla fine
toi aussi tu vaincras à la fin
contro chi una coscienza non ha.
Contre qui n’a pas de conscience.
Stagionale che ancora non puoi
Saisonnier qui ne peux pas encore
ricongiungerti con i tuoi cari,
te réunir avec tes chers parents,
ai razzisti non cedere mai,
ne cède jamais aux racistes
lotta contro la bestialità !
lutte contre la bestialité !
O compagno emigrato, ecc.
Oh camarade émigré, etc…
Coi compagni di ogni nazione
Avec les camarades de toutes les nations
fianco a fianco tu devi lottare,
côte à côte tu dois lutter,
dai ricatti non farti ingannare
par les chantages ne te laisse pas tromper
e respingi soprusi e viltà.
Et repousse les abus de pouvoir et la lâcheté.
Anche a Wolfsburg, Ginevra o Zurigo
À Wolsburg, Genève ou Zurich aussi
contro i crimini del padronato
contre les crimes du patronat
l'avanzata del proletariato
l’avancée du prolétariat
le catene strappare saprà !
saura arracher les chaînes !
O compagno emigrato, ecc.
Oh camarade émigré, etc…
Bon exemple de chanson d’auteur sur le problème de l’émigration, appel à la lutte d’un intellectuel proche du mouvement communiste, qui essaie d’analyser le
système qui engendre la misère de l’émigration : l’espoir d’une vie meilleure chez les paysans exploités du Sud selon les promesses de la propagande, mais
simple passage d’une exploitation à une autre pour les émigrés. Seulement par la lutte aux côtés des travailleurs ouvriers du Nord et dans toute l’Europe, la
situation pourra s’améliorer et les chaînes être brisées. On est en 1971, au lendemain de « l’automne chaud » de 1969, et ce sont les dernières expressions de
l’internationalisme ouvrier et de l’appel à une lutte commune Nord-Sud. Cette interprétation est dans le disque Le canzoni degli emigranti 2, Dischi dello
Zodiaco, 1971 (Chanteurs : Antonio, Giorgio, Daniela).
27) Lacreme napuletane
(Texte : Libero Bovio e
Musique : Francesco Buongiovanni
1925)
Mia cara madre,
Ma chère mère
sta pe’ trasí Natale,
Noël va arriver
e a stá luntano cchiù mme sape amaro….
Et être loin a pour moi un goût plus amer
Comme vurría allummá duje o tre biangale…
Comme je voudrais allumer deux ou trois feux d’artifice
comme vurría sentí nu zampugnaro !…
Comme je voudrais entendre un joueur de cornemuse !
A ‘e ninne mieje facitele ‘o presebbio
Mes petites filles, faites une crèche
e a tavula mettite ‘o piatto mio…
et à table, mettez une assiette pour moi
facite, quann’è ‘a sera da Vigilia,
faites, quand c’est le soir de la Veille de Noël
comme si ‘mmiez’a vuje stesse pur’io…
comme si j’étais au milieu de vous.
E nce ne costa lacreme st’America
Elle nous en coûte des larmes cette Amérique
a nuje Napulitane !…
à nous Napolitains !
Pe’ nuje ca ce chiagnimmo ‘o cielo ‘e Napule,
Pour nous qui pleurons le ciel de Naples
comm’è amaro stu ppane !
comme ce pain est amer !
Mia cara madre,
Ma chère mère,
che só’, che só’ ‘e denare ?
que sont, que sont les sous ?
Pe’ chi se chiagne ‘a Patria, nun só’ niente !
Pour qui pleure sa patrie, ils ne sont rien !
Mo tengo quacche dollaro, e mme pare
Maintenant j’ai quelques dollars et il me semble
ca nun só’ stato maje tanto pezzente !
n’avoir jamais été si va-nu-pieds !
Mme sonno tutte nnotte ‘a casa mia
Je rêve toutes les nuits de ma maison
e de ccriature meje ne sento ‘a voce…
et j’entends les voix de mes enfants
ma a vuje ve sonno comm’a na “Maria”…
mais de vous je rêve comme d’une « Marie »
cu ‘e spade ‘mpietto, ‘nnanz’ô figlio ‘ncroce !
avec une épée dans le cœur devant son fils en croix !
E nce ne costa lacreme st’America …
Elle nous en coûte des larmes cette Amérique …
Mm’avite scritto
Vous m’avez écrit
ch’Assuntulella chiamma
que la petite Assunta appelle
chi ll’ha lassata e sta luntana ancora…
celle qui l’a quittée et se trouve encore loin
Che v’aggia dí ? Si ‘e figlie vònno ‘a mamma,
Que dois-je vous dire ? Si mes fils veulent une maman
facítela turná chella “signora”.
Faites-la revenir, cette « dame ».
Io no, nun torno…mme ne resto fore
Moi non, je ne reviens pas, je reste à l’étranger
e resto a faticá pe’ tuttuquante.
Je reste pour peiner pour tout le monde
I’, ch’aggio perzo patria, casa e onore,
moi qui ai perdu ma patrie, ma maison, mon honneur
i’ só’ carne ‘e maciello : Só’ emigrante !
Je suis de la viande de boucherie : je suis un émigrant !
E nce ne costa lacreme st’America …
Elle nous en coûte des larmes cette Amérique …
Composition napolitaine classique, sorte de « sceneggiata » qui combine tous les éléments tragiques ; lui est émigré, d’abord il est loin de sa mère (élément 1), à
qui il écrit, son épouse (élément 2) est infidèle et elle l’a quitté, laissant ses enfants (élément 3), dont la petite Assunta, sans leur maman, qui est devenue une
« dame » (on imagine le pire !), il subit les misères de l’émigration et il pleure, même s’il gagne un peu d’argent, mais l’argent ne fait pas le bonheur… Et puis c’est
Noël, et il regrette encore plus sa ville (élément 4) en cette période où il pourrait faire éclater quelque pétard ou quelque feu d’artifice … Et l’éloignement de Naples
ne lui est pas l’élément le moins dur de sa situation d’émigré (Élément 5 : « lui », le héros positif de la fiction qui a perdu « patrie, maison et honneur »).
28) Addio a Napoli
(Autori : Teodoro Cottrau – M. Palardi
Canta : Enrico Caruso – Franco Corelli
1868!
Addio mia bella Napoli,
Adieu ma belle Naples
Addio, addio
adieu, adieu
La tua soave immagine
ta douce image
Chi mai chi mai scordar potrà ?
qui pourra jamais l’oublier ?
Del ciel l'azzurro fulgido
Du ciel le bleu resplendissant
La placida marina
le paisible bord de mer
Qual core lo rinebria
Ardea ardea di voluttà
brûlait brûlait de volupté
Il ciel, la terra e l'aura
Le ciel, la terre et la brise
Favellano l'amore
chantent l’amour
E sola al mio dolore
et seule dans ma douleur
Dal porto io sognerò, sì
depuis le port je rêverai, oui
Io sognerò
je rêverai
Addio mia bella Napoli,
Adieu ma belle Naples
Addio, addio
adieu, adieu
Addio care memorie
adieu, chers souvenirs
Del tempo che passò
du temps qui est passé.
. . . . . .
Tutt'altro ciel mi chiama,
Un tout autre ciel m’appelle
Addio, addio
adieu, adieu
Ma questo cor ti brama
mais mon coeur te désire
E il cor e il cor ti lascerò
et je te laisserai mon coeur.
Di baci e d'armonia
De baisers et d’harmonie
È l'aura tua... riviera
est gonflée ta rive
Oh magica sirena
Oh fidèle sirène
Fedèl fedéle a te sarò
je te serai très fidèle
Al mio pensier più tenero
À ma pensée la plus tendre
Ritornano gli istanti
reviennent les instants
Le gioie e le memorie
les joies, les souvenirs
Dei miei felici dì,
de mes jours heureux
I miei felici dì
mes jours heureux
Addio mia bella Napoli,
Adieu ma belle Naples
Addio, addio
adieu, adieu
Addio care memorie
adieu chers souvenirs
Del tempo che passò
du temps qui est passé.
Addio mia bella Napoli,
Addio, addio
Addio care memorie
Del tempo... che passò
29) 'O paese d' 'o sole
(Testo : Libero Bovio
Musica : Vincenzo D’Annibale
1925)
Ogge stò tanto allero
Aujourd’hui, je suis si joyeux
Ca quase quase me mettesse a chiagnere
que je me mettrais presque à pleurer
Pe' 'sta felicità !
de bonheur !
Ma è overo o nun è overo
Mais est-ce vrai ou n’est-ce pas vrai
Ca sò turnato a Napule ?
que je suis revenu à Naples
Ma è overo ca stò ccà ?
Mais est-il vrai que je suis ici ?
'O treno steva ancora 'int' 'a stazione
Le train était encore à la gare
Quanno aggio 'ntiso 'e primme manduline.
Que j’ai entendu les premières mandolines.
Chist'è 'o paese d' 'o sole !
C’est le pays du soleil !
Chist'è 'o paese d' 'o mare !
C’est le pays de la mer !
Chist'è 'o paese addò tutt' 'e parole
C’est le pays où tous les mots
Sò doce o sò amare,
sont doux ou sont amers
Sò sempe pparole d'ammore !
ce sont toujours des mots d’amour !
'Sta casa piccerella,
Cette toute petite maison
'Sta casarella mia 'ncoppo Pusilleco,
cette petite maison vers Posillipo,
Luntano, chi t' 'a dà ?
loin, qui te l’a donnée ?
'Sta casa puverella,
cette pauvre maison
Tutt'addurosa 'anepeta,
t’attend pleine d’odeurs,
Se putarria pittà
on pourrait la peindre
'A ccà 'nu ciardeniello sempe 'nfiore
avec un petit jardin toujours en fleurs
E de rimpetto 'o mare, sulo 'o mare
et face à la mer, sur la mer.
Chist'è 'o paese d' 'o sole !
C’est le pays du soleil !
Chist'è 'o paese d' 'o mare !
C’est le pays de la mer !
Chist'è 'o paese addò tutt' 'e parole
C’est le pays où tous les mots
Sò doce o sò amare,
sont doux ou sont amers
Sò sempe pparole d'ammore !
ce sont toujours des mots d’amour
Tutto, tutto è destino !
Tout, tout est destin !
Comme putevo fà furtuna a ll'estero
comment pouvais-je faire fortune à l’étranger
S'io voglio campà ccà ?
si je veux vivre ici ?
Mettite 'nfrisco 'o vino,
Mettez le vin au frais
Tanto ne voglio vevere,
car je veux vivre
Ca mm'aggi' 'a 'mbriacà !
et je dois m’enivrer !
Dint'a 'sti qquatto mure io stò contento :
Dans ces quatre murs je suis content :
Mamma mme sta vicino e nenna canta.
Ma maman est à côté et chante une berceuse
Chist'è 'o paese d' 'o sole !
C’est le pays du soleil !
Chist'è 'o paese d' 'o mare !
C’est le pays de la mer !
Chist'è 'o paese addò tutt' 'e pparole
C’est le pays où tous les mots
Sò doce o sò amare,
sont doux ou sont amers
Sò sempe pparole d'ammore !
ce sont toujours des mots d’amour !
La chanson napolitaine part ainsi du problème de l’émigration, de celui qui est loin de son pays, mais les problèmes de l’émigré ont dispau, il n’en reste que le
regret de Naples, et une occasion de chanter la beauté de la ville “du soleil et de la mer”.
30) Santa Lucia luntana
(E.A. Mario, 1919)
« Partono 'e bastimente
Les navires partent
pe' terre assaje luntane...
pour des terres très lointaines …
Cántano a buordo :
À bord, ils chantent :
só' Napulitane !
ce sont des Napolitains !
Cantano pe' tramente
Ils chantent tandis que
'o golfo giá scumpare,
le golfe disparaît déjà
e 'a luna, 'a miez'ô mare,
et la lune, au milieu de la mer,
nu poco 'e Napule
un peu de Naples
lle fa vedé...
leur fait voir encore …
Santa Lucia !
Santa Lucia !
Luntano 'a te,
Loin de toi,
quanta malincunia !
que de mélancolie !
Se gira 'o munno sano,
On tourne dans le monde entier
se va a cercá furtuna...
on va chercher fortune …
ma, quanno sponta 'a luna,
mais quand pointe la lune,
luntano 'a Napule
loin de Naples
nun se pò stá !
on ne peut rester !
E sònano... Ma 'e mmane
Et ils jouent … Mais leurs mains
trèmmano 'ncoppe ccorde...
tremblent sur les cordes …
Quanta ricorde, ahimmé,
Que de souvenirs, hélas !
quanta ricorde...
que de souvenirs …
E 'o core nun 'o sane
Et le cœur tu ne le guéris pas
nemmeno cu 'e ccanzone :
même avec des chansons :
Sentenno voce e suone,
en entendant voix et sons
se mette a chiagnere
il se met à pleurer
ca vò' turná...
car il veut revenir …
Santa Lucia,
Santa Lucia,
............
………..
Santa Lucia, tu tiene
Santa Lucia, tu n’occupes
sulo nu poco 'e mare...
qu’un peu de mer …
ma, cchiù luntana staje,
mais plus tu es loin,
cchiù bella pare...
plus belle tu parais …
E' 'o canto de Ssirene
Et le chant des Sirènes
ca tesse ancora 'e rrezze !
qui tisse encore ses filets !
Core nun vò' ricchezze :
Le cœur ne veut pas de richesses
si è nato a Napule,
s’il est né à Naples,
ce vò' murí !
il veut y mourir !
Santa Lucia, ............ ».
Santa Lucia …….. ».
Une des chansons caractéristiques de la tradition napolitaine, dont elle reprend tous les thèmes mythiques classiques, de la lune aux Sirènes et à la mélancolie
des Napolitains quand ils quittent leur ville. E. A. Mario (Giovanni Ermete Gaeta, 1884-1961) est une des plus grands paroliers et compositeurs de la chanson
napolitaine, avec Salvatore Di Giacomo, les Murolo, Libero Bovio (Voir notre Histoire de la chanson en Italie, Vol.II) ; il venait d’une famille modeste de barbiers
de Naples ; son pseudonyme est E (de son prénom Ermete), A (pour un journaliste qui était son ami, Alessandro Sacheri) et Mario (pour le patriote mazzinien
Alberto Mario, qui était son idole dans sa jeunesse). Il était partisan de Giuseppe Mazzini ; en 1917, il fut l’auteur de la Canzone del Piave qui lui valut les honneurs
de la monarchie italienne. Il a écrit environ 2000 chansons, interprétées encore aujourd’hui par les plus grand(e)s interprètes (d’Armando Gill à Giuni Russo). Ici
elle est interprétée par Roberto Murolo, dans son Anthologie de la chanson napolitaine, vol. I.
31) Et voilà pour finir la belle chanson écrite en 2007 par Gérard Delahaye, À Lampedusa, empruntée à www.antiwarsongs.org/. Elle est enregistrée par le Trio
EDF Ewen Delahaye et Favenec (Album Tri Men 2007) :
À Lampedusa au large de la Sicile
ils sont plus de cent sur un tout petit bateau
Ils ont traversé la mer jusqu'à la première île
et plus d'une et plus d'un y a laissé sa peau
À Lampedusa, ils sont arrivés dix mille
ils ont bravé les vagues, ils ont bravé la peur
à Lampedusa au large de la Sicile
Prêts à mourir pour vivre un avenir meilleur
D'où viens tu mon frère? Je viens du désert.
Et toi mon ami ? Je viens du Mali.
J'ai quitté ma mère, j'ai quitté ma terre
il n'y a plus d'eau et plus de boulot
A Lampedusa au large de la Sicile
Les voilà maintenant entassés dans un camp
A Lampedusa ils rêvent de la grande ville
Plus jamais, jamais faim et toujours de l'argent
On leur avait dit, là-bas la vie est facile
dans les cités merveilles dans les cités du Nord
On leur avait dit, là-bas la vie est facile
t'as qu'à tendre les mains et tu auras de l'or
Sais tu que là-bas il pleut il fait froid ?
Je sais mais j'espère et les champs sont verts.
Est ce que tu as peur ? Bien sûr que j'ai peur
mais j'aurai ailleurs un avenir meilleur
A Lampedusa au large de la Sicile
Ils dorment avec leurs rêves tout au fond de l'eau
A Lampedusa au large de la Sicile
Et d'autres par milliers arriveront bientôt.
Jean Guichard, Françoise Gibaja, Angelo Sollima, 16 janvier 2016
Ce dossier a fait l'objet d'émissions sur Couleurs FM en novembre, décembre 2015 et janvier 2016
Maisons de Santa Lucia au XIXe siècle.
Ancien quartier de Santa Lucia en 1865,
et Via Santa Lucia
La sceneggiata napolitaine est un
mélodrame populaire qui alterne
chanson et monologues théâtraux ; elle
est inventée après la seconde guerre
mondiale pour unifier le chant et le
théâtre. Tous les grands chanteurs
napolitains en ont enregistré.Elle revit
encore dans les années 1970 avec un
chanteur comme Mario Merola