Chants des émigrants italiens à partir du XIXe siècle - 3’ partie 15) Marcinelle (Texte  : anonyme Musique  : air de Sul ponte di Perati.* * Chanson très connue des partisans pendant la guerre de 1940. Interprète  : Gualtiero Bertelli) Laggiù nel borinage la terra è nera Là-bas dans le Borinage la terre est noire per tutti gli emigranti morti in miniera        pour tous les émigrants morts dans la mine Sepolti ad uno ad uno        ensevelis un à un complice oblio               oubli complice per lor vogliam riscossa e non addio       Pour eux nous voulons la révolte et pas l’adieu Venuti dalla morte               Venus de la mort le braccia strette               les bras croisés Turiddu e Rodriguez gridan presente       Turiddu et Rodriguez crient présents. Morti di Marcinelle               Morts à Marcinelle quella miniera               cette mine non è più una tomba, ma una bandiera     n’est plus une tombe mais un drapeau. Compagno minatore       Camarade mineur la tua memoria               ta mémoire riempie di coscienza la nostra storia.       Remplit de conscience notre histoire. La chanson évoque l’explosion de grisou qui se produisit en 1956 au Bois du Cazier, puits Saint Charles de Marcinelle (près de Charleroi, en Belgique), tuant 262 mineurs dans la mine de charbon  ; parmi ceux-ci  136 étaient italiens. Cela provoqua un choc et de longs débats, car c’est un accord italo-belge qui prévoyait entre les deux pays un échange d’hommes et de charbon (protocole de Rome du 23 juin 1946 : la Belgique avait besoin de mineurs de fond et l’Italie était exsangue ; l’Italie envoyait en Belgique de la main d’oeuvre et la Belgique payait par un prix avantageux du charbon, ce qui aida l’Italie à remettre sur pied son industrie, au prix d’un enfer pour les mineurs qui partaient ; ils étaient par exemple souvent logés dans les anciens camps de prisonniers allemands, ils devaient travailler au moins cinq ans dans les mines …).  L’accord fut interrompu pour quelque temps. Mais cela contribua aussi à une meilleure intégration des Italiens en Belgique, où ils introduisent en particulier de nouvelles habitudes culinaires (courgettes, poivrons, aubergines, basilic …). Beaucoup d’Italiens s’imposent dans le spectacle (Pietro Pizzuti, Franco Dragone), la chanson (Salvatore Adamo) ou la littérature (Girolamo Santocono, Tilde Barboni, Nicole Malinconi, Francis Tessa) ; Maria Arena et Elio Di Rupo, fils d’ouvriers italiens, ont été ministres socialistes de la Belgique. 16) Una miniera (New Trolls New Trolls ‘70 1970) Le case le pietre ed il carbone             Les maisons, les pierres et le charbon dipingeva di nero il mondo             peignaient le monde de noir Il sole nasceva ma io non lo vedevo mai      Le soleil naissait mais je ne le voyais jamais laggiù era buio                     Là-bas c’était sombre Nessuno parlava solo il rumore di una pala      Personne ne parlait, rien que le bruit d’une pelle che scava che scava             qui creuse qui creuse Le mani la fronte hanno il sudore di chi muore      Les mains  le front ont la sueur d’un homme qui meurt Negli occhi nel cuore c'è un vuoto      dans les yeux, dans le cœur, il y a un vide grande più del mare              plus grand que la mer. Ritorna alla mente il viso caro di chi spera       Revient à l’esprit le cher visage de qui espère Questa sera come tante in un ritorno.       En un retour, ce soir comme tant d’autres. Tu quando tornavo eri felice              Toi, quand je revenais, tu étais heureuse Di rivedere le mie mani              de revoir mes mains Nere di fumo bianche d'amore.              Noires de fumée, blanches d’amour. Ma un'alba più nera mentre il paese si risveglia        Mais dans une aube plus noire le pays se réveille Un sordo fragore ferma il respiro di chi è fuori        un sourd fracas arrête le souffle de qui est dehors Paura terrore sul viso caro di chi spera        Peur, terreur sur le cher visage de qui espère Questa sera come tante in un ritorno.        En un retour, ce soir comme tant d’autres. Io non ritornavo e tu piangevi               Je ne revenais pas et tu pleurais E non poteva il mio sorriso               et mon sourire ne pouvait pas Togliere il pianto dal tuo bel viso.               Enlever les larmes de ton visage. Tu quando tornavo eri felice               Toi, quand je revenais, tu étais heureuse Di rivedere le mie mani               de revoir mes mains Nere di fumo bianche d'amore.               Noires de fumée, blanches d’amour. La chanson de 1970 est du groupe de progressif rock New Trolls, le premier qui est  né en Ligurie en 1966. Le groupe est assez apprécié pour qu’on lui confie une première dans un concert des Rolling Stones  ; il devient célèbre avec son disque Concerto grosso per i New Trolls  ; il reste un des groupes mythiques des années ‘70/’80, et revient encore sur scène en 2007. La chanson évoque le rythme de travail des mineurs et les risques restés dans la mémoire des Italiens depuis le désastre de Marcinelle en 1956. Cela reste un cheval de bataille du groupe qui la reprend toujours dans ses concerts, avec le refrain chanté par Nico Di Palo accompagné du chœur (Sur le groupe New Trolls, voir notre Histoire de la chanson en Italie, Vol. III, pp. 12-13). 17) Lugano addio (Ivan Graziani, 1945-1997 I lupi, 1977) Le scarpe da tennis bianche e blu
 Les sandales de tennis blanches et bleues seni pesanti e labbra rosse
 des seins lourds et des lèvres rouges e la giacca a vento.
         et la veste au vent Oh, Marta io ti ricordo così        Oh Marthe, je me souviens de toi comme ça il tuo sorriso i tuoi capelli
        ton sourire, tes cheveux fermi come il lago.                lisses comme le lac. Lugano addio cantavi
               Tu chantais Lugano addio mentre la mano mi tenevi
        tandis que tu me tenais la main canta con me tu mi dicevi       Chante avec moi, me disais-tu ed io cantavo
       et moi je chantais di un posto che
               parlant d’un lieu  non avevo visto mai
       que je n’avais jamais vu. Tu tu mi parlavi di frontiere
       Toi tu me parlais de frontières, di finanzieri e contrabbando
       de douaniers et de contrebande mi scaldavo ai tuoi racconti
       je m’échauffais à tes récits. E “mio padre sì" tu mi dicevi         Et “mon père oui”, me disais-tu "quassù in montagna ha combattuto"        “Ici en montagne il a combattu” poi del mio mi domandavi                 puis tu me demandais ce qu’il en était du mien. Ed io pensavo a casa
         Et moi je pensais à chez moi mio padre fermo sulla spiaggia
         mon père immobile sur la plage le reti al sole
         les filets au soleil i pescherecci in alto mare
         les bateaux de pêche en haute mer conchiglie e stelle
         coquillages et étoiles le bestemmie e il suo dolore. les jurons et sa douleur. Oh, Marta io ti ricordo così
         Oh Marthe, je me souviens de toi come ça il tuo sorriso i tuoi capelli
         ton sourire, tes cheveux fermi come il lago.                 lisses comme le lac
 Lugano addio cantavi
                 Tu chantais Lugano adieu mentre la mano mi tenevi
          tandis que tu me tenais la main addio cantavi
          adieu, chantais-tu e non per falsa ingenuità
          et non par fausse ingénuité tu ci credevi
                  tu y croyais e adesso anch'io che sono qua.          et maintenant moi aussi qui suis ici. Oh, Marta mia addio ti ricordo così   Oh Marthe adieu je me souviens de toi comme ça il tuo sorriso i tuoi capelli
          ton sourire, tes cheveux fermi come il lago.                  lisses comme le lac. Lugano est la plus importante ville de la Suisse italienne (plus de 60.000 habitants). Et surtout, elle fut la ville où, pendant le Risorgimento italien, de nombreux militants se réfugièrent pour échapper à la police italienne, ce fut le cas de Carlo Cattaneo (1801-1869), qui doit fuir à Lugano après les Cinq Journées de Milan en 1848 et qui y meurt, et de Giuseppe Mazzini (1805-1872). Plus tard, Lugano fut un refuge des anarchistes italiens persécutés, comme Pietro Gori (1865-1911), l’avocat de Sante Caserio (l’assassin de Sadi Carnot à Lyon en 1894), qui fut ensuite expulsé de Suisse et arrêté  ; il écrivit alors en 1895 la chanson que chante Marthe dans celle d’Ivan Graziani, Addio Lugano bella, reprise par quantité de chanteurs encore aujourd’hui (Giorgio Gaber, Giovanna Marini, Maria Carta, Milva, Daniele Sepe, etc.). C’est l’occasion de parler d’une autre émigration, l’émigration politique. Elle exista durant tout le Risorgimento  : ceux qui luttaient pour l’unité et l’indépendance de l’Italie étaient réprimés par la police des divers États, et se réfugiaient à l’étranger, en particulier à Lugano. Après l’Unité, les exilés furent les révolutionnaires socialistes ou anarchistes. Un autre grand mouvement d’émigration politique fut celui des antifascistes à partir de 1924. Ivan Graziani était originaire de Teramo dans les Abruzzes, et il se sentait à beaucoup d’égards un homme du Sud, qui rencontrait une fille du Nord, dont le père fut un résistant confronté aux dures conditions des Alpes, vers le lac de Lugano. C’est une des plus grands «  cantautori  » italiens, que l’on a trop oublié et que sa région commence à redécouvrir aujourd’hui (Cf. notre Histoire de la chanson en Italie, Vol. III, p. 105). 18) Addio a Lugano (Pietro Gori Musica  : anonimo 1895 Canta Maria Carta) Addio Lugano bella Adieu belle Lugano o dolce terra mia         Oh ma douce terre, scacciati senza colpa chassés sans faute gli anarchici van via les anarchistes s’en vont e partono cantando et partent en chantant, con la speranza in cuor. L’espérance au cœur. Ed è per voi sfruttati C’est pour vous, exploités, per voi lavoratori         pour vous, travailleurs, che siamo ammanettati         que nous sommes menottés al par dei malfattori. Comme des malfaiteurs. Eppur la nostra idea Et pourtant notre idée non è che idea d'amor.         n’est qu’une idée d’amour. Anonimi compagni         Compagnons anonymes amici che restate         amis qui restez le verità sociali         propagez fortement da forti propagate.         les vérités sociales. E' questa la vendetta C’est ça la vengeance che noi vi domandiam.         que nous vous demandons. Ma tu che ci discacci Mais toi qui nous chasses con una vil menzogna,         avec de lâches mensonges, repubblica borghese, république bourgeoise, un dì ne avrai vergogna. Un jour tu en auras honte. Ed oggi t'accusiamo Et aujourd’hui nous t’accusons in faccia a l'avvenir. face à l’avenir. Banditi senza tregua Bandits sans trêve, andrem di terra in terra         nous irons  de terre en terre a predicar la pace         prêcher la paix ed a bandir la guerra. et proclamer la guerre. La pace tra gli oppressi, La paix entre les opprimés la guerra agli oppressor. La guerre aux oppresseurs. Elvezia il tuo governo         Helvétie ton gouvernement schiavo d'altrui si rende, esclave d’autres, se rend, di un popolo gagliardo         d’un peuple valeureux le tradizioni offende. Il offense les traditions. E insulta la leggenda Et il insulte la légende del tuo Guglielmo Tell.         de ton Guillaume Tell. Addio cari compagni Adieu chers compagnons amici luganesi,         amis de Lugano addio bianche di neve adieu, blanches de neige, montagne ticinesi,         montagnes du Tessin, i cavalieri erranti          les chevaliers errants son trascinati al nord. Sont traînés vers le Nord. La chanson est écrite par Pietro Gori en juillet 1895, où il s’était réfugié après l’assassinat du Président Sadi Carnot à Lyon en 1894 par l’anarchiste italien Sante Caserio dont Gori était l’avocat. Le premier ministre Crispi avait fait alors une série d’arrestations parmi les anarchistes et les socialistes, accusant Gori, sans aucune preuve, d’être le mandataire «  spirituel  » de l’assassinat du Président de la République française. À Lugano, il échappa à un mystérieux attentat en janvier 1895, et fut ensuite expulsé de Suisse avec 12 autres camarades. Il passe un peu de temps en prison, c’est à ce moment qu’il écrit 2 chansons d’exil. En 1902, il se rend à Ostie, après son retour d’Amérique du Sud, où il était parti en 1898 pour échapper à une nouvelle condamnation après la violente répression de manifestations populaires par le général Bava Beccaris en 1898, qui fit au moins 80 morts, 450 blessés et plus de 2000 arrestations. C’est après cela et pour les venger que Gaetano Bresci assassina le roi d’Italie Humbert I en 1900. La présence de Gori est une des explications de la force de l’anarchisme parmi les émigrés italiens d’Amérique du Sud (Voir les recherches d’Isabelle Felici, dans «  Contacts  » du site ). 19) Il meridionale (Franco Trincale Ballate di Franco Trincale 1970) Io sono nato laggiù in Meridione Je suis né là-bas dans le Midi dove la gente fa colazione où les gens déjeunent con un po' di cipolla e di pane avec un peu d’oignons et de pain e certezza non ha del domani. Et n’ont pas de certitude pour le lendemain. Dove ancora il padrone è il barone Où le baron est encore le patron e quando passa gli bacian le mani. et quand il passe on lui baise les mains. Dove il divorzio esiste di fatto, Où le divorce existe dans les faits dove le mamme si vestono a lutto, où les mamans mettent des habits de deuil, dove le mogli son senza i mariti où les femmes n’ont pas de maris e le baracche hanno i terremotati. Et les baraques abritent les victimes des tremblements de terre. Dove il meglio aspettando si spera, Où l’on attend en espérant une situation meilleure dove si muore sepolti in miniera. Où l’on meurt ensevelis dans une mine. Io sono nato laggiù in Meridione Je suis né là-bas dans le Midi dove la gente è semplice e buona, où les gens sont simples et bons dove in pochi si legge il giornale où l’on est peu nombreux à lire le journal e la scuola non è obbligatoria. Et où l’école n’est pas obligatoire. Dove a dieci anni si è sfruttati Où à dix ans on est exploités ed a vent'anni in Questura arruolati. Et à vingt ans enrôlés au Commissariat. Io sono nato laggiù in Meridione Je suis né là-bas dans le Midi dove profuma la zagara in fiore, parfumé par la fleur d’oranger, dove il sensale porta l'amore où c’est l’entremetteur qui apporte l’amour e le ragazze son vergini ancora. Et où les filles sont encore vierges. Dove il treno lascia i villeggianti Où le train laisse les touristes e fa il carico degli emigranti. Et se charge d’émigrants. Dove la barba si fa dal barbiere Où l’on se rase chez le barbier e il calzolaio fa ancora il mestiere, et où le cordonnier fait encore son métier,  dove ancora non c'è l'ospedale où il n’y a pas encore d’hôpital e l'autostrada ci han fatto passare, et où on nous a fait passer une autoroute dove i giovani voglion tornare où les jeunes veulent revenir ed i vecchi ci voglion morire. Et où les vieux veulent mourir. Io sono nato laggiù in Meridione Je suis né là-bas dans le Midi e voglio fare la rivoluzione. Et je veux faire la révolution. Dans cette ballade de Trincale, l’émigration est devenue un élément structurel du Midi de l’Italie, coupant jeunes et vieux d’une terre misérable mais aimée, pleine de côtés positifs derrière son arriération. Il est caractéristique que, quand il reprend la chanson au début des années 2000, Bertelli décide de ne pas chanter le dernier vers ! Franco Trincale (1935- ) est l’un des grands « cantastorie » du XXe siècle ; originaire de Catania, il en reprend la grande tradition sicilienne, et s’intalle à Milan où il chante sur les places, devant le Dôme ou aux portes des usines, commentant l’actualité socio-politique et les luttes des travailleurs : il dit qu’il fait du « journalisme chanté » pour faire réfléchir les gens du peuple. Il éditait lui-même ses disques qu’il vendait durant ses concerts. 20) BALLATA DI SACCO E VANZETTI (Ballata di cantastorie 1927) Il 22 di Agosto a Boston in America        Le 22 août à Boston en Amérique Sacco e Vanzetti van sulla sedia elettrica Sacco et Vanzetti vont sur la chaise électrique e con un colpo di elettricità         et d’un coup d’électricité all'altro mondo li vollero mandar.         On a voulu les envoyer dans l’autre monde. Circa le 11 e mezza giudici e la gran corte Vers 11h1/2 les juges et la Grande Cour eran poi tutti insieme nella cella della morte étaient tous ensemble dans la cellule de la mort Sacco e Vanzetti state a sentir         Sacco et Vanzetti, écoutez bien dite se avete qualcosa da dir.  Dites si vous avez quelque chose à dire. Entran poi nella cella il bravo confessore Ils font entrer ensuite le brave confesseur domanda a tutti e due la santa religione qui propose à tous les deux la sainte religion Sacco e Vanzetti con grande espression Sacco et Vanzetti avec une grande expression « Noi moriremo senza religion »         « Nous mourrons sans religion ». E tutto il mondo intero reclama la loro innocenza Et le monde entier réclame leur innocence ma il presidente Fuller non ebbe più clemenza        mais le président Fuller n’eut plus de clémence « Siano essi di qualunque nazion        « De quelque nation qu’ils soient noi li uccidiamo con grande ragion ».                nous avons grande raison de les tuer ». Addio moglie e figlio, e te sorella cara Adieu femme et fils, et toi chère sœur a noi per tutti e due è pronta già la bara : pour nous pour tous les deux le cercueil est déjà prêt : addio amici, in cor la fè        adieu amis, la foi au coeur viva l'Italia e abbasso il re.        Vive l’Italie et à-bas le roi. Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti, anarchistes italiens émigrés aux USA, furent arrêtés le 9 mai 1920 sous l’accusation fausse d’homicide. Leur innocence fut aussitôt évidente, et dans le monde entier et aux USA il y eut d’innombrables manifestations pour leur défense (un comité de défense de Milan recueille 300.000 dollars pour payer les frais de défense), mais tout fut inutile, malgré l’absence de preuves, et ils furent tués sur la chaise électrique à Boston le 22 août 1927 après 7 ans passés dans le couloir de la mort. C’était une période de difficultés économiques, du fait de la reconversion d’après-guerre, de grèves souvent violentes (4,5 millions de grévistes en 1918), et à partir de 1925, les attentats anarchistes se multiplient contre les responsables politiques et contre les banques, provoquant une grande répression dans les milieux anarchistes et contre les communistes et socialistes, car on craint une révolution bolchevique. Sacco et Vanzetti furent absous et réhabilités par le gouverneur du Massachusetts le 23 août 1977. Leur exécution suscita la création de nombreuses œuvres d’art, un poème de Louis Aragon, Sur le port de Dieppe, chanté par Marc Ogeret, une chanson de Joan Baez, Here’s to you, mise en musique par Ennio Morricone pour le film de Giuliano Montaldo, Sacco et Vanzetti (1971) et reprise par de nombreux chanteurs italiens ou autres ; d’autres chansons, comme celle de Woody Guthrie, sont souvent reprises. Celle-ci est un chant populaire anonyme de « cantastorie ». (Voir l’ouvrage de Donald Creagh, L’affaire Sacco et Vanzetti, Atelier de création libertaire de Lyon, 2004). 21) Sacco e Vanzetti (R.Vampo e F. Pensiero, 1927 Enregistrement : Gualtiero Bertelli, Quando emigranti 1) Sacco e Vanzetti furono arrestati           Sacco et Vanzetti furent arrêtés a Boston una sera con sorpresa,                   à Boston un soir de façon surprenante d'avere ucciso furono accusati                  ils furent accusés d’avoir tué e pel verdetto furono in attesa.                  Et ils restèrent dans l’attente du verdict. Ma tutto il mondo insorse a tale atto   Mais le monde entier s’insurgea contre un tel acte e più di un dibattito passò,          et plus d’un débat eut lieu per fare almeno luce sul misfatto,  pour faire au mins la lumière sur ce méfait ma tutto invan, la legge condannò !  mais tout fut vain, la loi condamna.   Se ne son spesi dollari                On en a dépensé des dollars sperando di salvar         en espérant sauver quegl'infelici uomini da dubbia reità.         Ces malheureux d’une culpabilité douteuse. E Sacco disse : "Noi siamo innocenti,  Et Sacco dit : « Nous sommes innocents, e chi ci condannò lo sa pur bene,  et qui nous condamna le sait pourtant bien, ci han calcolati come delinquenti         on nous a comptés comme délinquants stringendoci più forte le catene.         En serrant plus fort nos chaînes. Se il nostro fine in questo caso nuoce Si notre fin dans ce cas est nuisible di classe è l'odio che fa condannar, c’est une haine de classe qui nous fait condamner,  mentre nel mondo intero una voce tandis que dans le monde entier une voix s'innalza per poterci liberar.        S’élève pour pouvoir nous libérer. Ed ho finito, disse,        Et j’ai fini, dit-il, Vanzetti parlerà,                Vanzetti parlera io fin non mi so esprimere, egli continuerà".        Moi je ne peux pas m’exprimer pus, lui continuera ». Vanzetti, l'altro martire, parlando                  Vanzetti, l’autre martyr, parlant con voce calma e senza aver paura,          d’une voix calme et sans avoir peur discusse quel delitto più nefando          discuta ce délit le plus infâme e pur l'orror della condanna oscura.          Et aussi l’horreur de la condamnation obscure. Ai giudici egli disse : "Condannate !                 Il dit aux juges : « Condamnez ! Rimorso atroce avrete voi un dì.                Vous aurez un jour un remords atroce. Le nostre idee, è ver, sono avanzate         Nos idées, c’est vrai, sont avancées ma non per questo noi dobbiam morir".         Mais ce n’est pas pour ça que nous devons mourir ». Il mondo guarda e attende                 Le monde regarde et attend e grida ognor così :                et crie toujours comme ça : là sulla sedia elettrica non debbono morir ! là sur la chaise électrique ils ne doivent pas mourir ! Voilà une autre chanson sur Sacco et Vanzetti, écrite et composée par deux émigrés italiens aux Etats-Unis après la mort des deux anarchistes. 22) NOI (Testo di Gualtiero Bertelli  musica di Gualtiero Bertelli (2003) e Isa). Noi che sui moli per cent'anni di voci sparse e silenzi nelle attese di pianti, che tutto si può piangere speranze aperte e vite amare spese Noi che nella scia di cento navi di giorni lunghi, tracce sparse al sole abbiamo appeso al colmo di ogni prua stracci di sorrisi e di parole Speranze appese e stracci di sorrisi vite amare spese di parole passi stesi intorno alla stazione per figli dottori e case nuove. Noi che abbiamo venduto i nostri figli comprato sogni spenti all'imbrunire e abbiamo accolto uomini già vinti tornati alla terra per morire. Noi da sguardi freddi e pane duro cresciuti di violenze senza nome di cose amare e armati di paure di passi stesi intorno alla stazione Speranze appese, stracci di sorrisi vite amare spese di parole passi stesi intorno alla stazione per figli dottori e case nuove. Noi che con le mani o nelle strade soldi avvelenati e salvatori odiato prezzo dato e mal pagato per case nuove e figl i dottori. Ora dalle tavole imbandite con la memoria corta, addormentata abbiamo fretta di ricominciare dall'altra parte della barricata. Voglio cantare canti in nuove lingue e ascoltare suoni mai suonati voglio toccare gesti in nuovi giochi perdermi con ritmi mai danzati Voglio sentir pregare in cento lingue cento dei diversi eppure uguali voglio veder giocare cento giochi da uomini diversi eppure uguali. Cento dei diversi eppure uguali uomini diversi eppure uguali. Bertelli explique ainsi la chanson dans le livret de son disque Quando emigranti 1 : « La chanson reprend l’ensemble de la réflexion sur ce que nous avons été et comment nous avons été traités hier, quand les émigrants c’étaient nous, et sur la façon dont aujourd’hui beaucoup traitent ou voudraient traiter le phénomène opposé et égal de l’immigration dans notre pays. J’ai écrit ce texte avec Isa après la lecture du livre de Gian  Antonio Stella, L’orda, quando gli albanesi eravamo noi. « Noi », tel est le titre, s’adresse à ceux qui ont la mémoire courte et qui sont guidés par l’ignorance, l’intolérance et l’égoïsme. Qui sait ce que penseront d’eux nos arrière-grands-parents ? ». 23) La porti un bacione a Firenze (Autori : Odoardo Spadaro – E. Suvini - Zerboni 1938) Canta : Carlo Buti Partivo una mattina col vapore        Je partais un matin par le train e una bella bambina gli arrivò.         Et une belle jeune fille arriva. Vedendomi la fa : Scusi signore ! En me voyant elle fait : Excusez-moi Monsieur ! Perdoni, l'è di' ffiore, sì lo so.               Pardonnez-moi, vous êtes de Florence, oui je le sais Lei torna a casa lieto, ben lo vedo         Vous rentrez chez vous heureux, je le vois bien ed un favore piccolo qui chiedo.         Et je vous demande une petite faveur. La porti un bacione a Firenze,         Portez un gros baiser à Florence che l'è la mia città                qui est ma ville che in cuore ho sempre qui. Et que j’ai toujours là dans mon cœur. La porti un bacione a Firenze,        Portez un gros baiser à Florence lavoro sol per rivederla un dì.        Je ne travaile que pour la revoir un jour. Son figlia d'emigrante,                Je suis fille d’émigrant per questo son distante,         c’est pour ça que je suis loin lavoro perchè un giorno a casa tornerò.     Je travaille parce qu’un jour je rentrerai chez moi. La porti un bacione a Firenze :         Portez un gros baiser à Florence : se la rivedo e' glielo renderò.         Si je vous revois, je vous le rendrai. Bella bambina ! Le ho risposto allora.         Belle jeune fille ! lui ai-je alors répondu Il tuo bacione a'ccasa porterò.        Je porterai chez toi ton gros baiser. E per tranquillità sin da quest'ora, Et pour être tranquille à partir de maintenant in viaggio chiuso a chiave lo terrò. Pendant mon voyage je le tiendrai fermé à clé. Ma appena giunto a'ccasa te lo mgiuro, Mais à peine arrivé chez toi, je te le jure, il bacio verso i'ccielo andrà sicuro. Ton baiser s’en ira vers le ciel, c’est sûr. Io porto il tuo bacio a Firenze         J’emporte ton baiser à Florence che l'è la tua città                 qui est ta ville ed anche l'è di me.          Et qui est aussi la mienne. Io porto il tuo bacio a Firenze          J’emporte ton baiser à Florence nè mai, giammai potrò scordarmi te.            Et jamais, jamais je ne pourrai t’oublier. Sei figlia d'emigrante,                 Tu es fille d’émigrant per questo sei distante,         c’est pourquoi tu es loin, ma stà sicura un giorno a'ccasa tornerai. Mais sois sûre qu’un jour tu rentreras chez toi Io porto il tuo bacio a Firenze         J’emporte ton baiser à Florence e da Firenze tanti baci avrai. Et de Florence tu auras tant de baisers. L'è vera questa storia e se la un fosse Elle est vraie cette histoire et si elle ne l’était pas la può passar per vera sol perchè, elle peut passer pour vraie parce que so bene e'lucciconi e quanta tosse je connais bien les grosses larmes et la toux gli ha chi distante dalla Patria gli è. De qui est loin de sa Patrie. Così ogni fiorentino ch'è lontano, Ainsi tout florentin qui est loin vedendoti partir ti dirà piano :         en te voyant partir te dira doucement : La porti un bacione a Firenze ;         Portez un gros baiser à Florence ; gli è tanto che un ci vò ;         il y a si longtemps que je n’y vais pas ; ci crede ? Più un ci stò !         Vous y croyez ? Je n’y suis plus. La porti un bacione a Firenze ;         Portez un gros baiser à Florence ; un vedo l'ora quando tornerò.         Je ne vois pas l’heure d’y revenir. La nostra cittadina         Notre petite ville graziosa e sì carina,         gracieuse et si charmante, la ci ha tant'anni eppure la         a passé tant d’années et pourtant un n'invecchia mai.         elle ne vieillit jamais. Io porto i bacioni a Firenze         Je porte à Florence les baisers di tutti i fiorentini che incontri.         De tous les florentins que je rencontre. Odoardo Eugenio Giano Spadaro est né à Florence de parents siciliens, son père était lieutenant, sa mère harpiste. En 1912, il abandonne ses études pour se consacrer au théâtre et à la chanson, et il va devenir, après Armando Gill, le second « cantautore » d’Italie, ayant écrit texte et musique de presque toutes ses chansons. En 1926, il se transfère en France où il jouera au Moulin Rouge aux côtés de Mistinguett, avec Jean Gabin et Viviane Romance ; on le compare à Maurice Chevalier. Après des tournées à l’étranger, il revient en Italie en 1936. Il chante ici sa chanson la plus célèbre, où l’émigration ne sera qu’un prétexte à une chanson « patriotique » légère qui donnera lieu à des vidéos de variété, où la douleur de l’émigration n’a plus de place. Mais il est caractéristique que dans une chanson de ce type, l’émigration reste centrale. Notons aussi qu’elle est écrite et chantée en dialecte et avec la prononciation florentine. Page suivante : fin de la troisième partie
9.2.4 La chanson traditionnelle par thème - 3. l’émigration italienne (troisième partie - début)
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     Nous Nous qui sur les môles pendant cent ans de voix éparses et de silences dans l’attente, de pleurs, car on peut tout pleurer, les espérances ouvertes et les vies dépensées dans l’amertume.  Nous qui dans le sillage de cent navires de jours longs, traces éparses au soleil, nous avons pendu au sommet de chaque proue des haillons de sourires et de mots. Espérances suspendues et haillons de sourires vies amères et paroles dépensées pas parcourus autour de la gare pour des enfants docteurs et des maisons neuves. Nous qui avons vendu nos enfants acheté des rêves éteints dans le soir et qui avons accueilli des hommes déjà vaincus revenus à la terre pour mourir. Nous aux regards froids et au pain dur grandis dans des violences sans nom armés de peurs et de choses amères de pas parcourus autour de la gare. Espérances suspendues, haillons de sourires vies amères, dépenses de paroles pas parcourus autour de la gare pour des enfants docteurs et des maisons neuves. Nous qui avec les mains ou sur les routes avons reçu des sous empoisonnés et sauveurs, prix odieux donné et mal payé pour des maisons nouvelles et des enfants docteurs. Maintenant, sur les tables mises, la mémoire courte, endormie, nous avons hâte de recommencer de l’autre côté de la barricade. Je veux chanter des chants en de nouvelles langues et écouter des sons jamais joués, je veux faire des gestes en de nouveaux jeux, me perdre dans des rythmes jamais dansés, je veux entendre prier en cent langues, cent langues différentes et pourtant égales, je veux voir jouer cent jeux par des hommes différents et pourtant égaux, cent dieux différents et pourtant égaux, des hommes différents et pourtant égaux.
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