L’actualité politique : les élections municipales 2016
Les élections municipales des 5 et 19 juin 2016 : vers un changement ?
Il y avait donc des élections « administratives » en Italie le 5 juin dernier, c’est-à-dire l’élection des conseils municipaux, provinciaux et
régionaux (les nouveaux « consigli circoscrizionali »), et des maires de plusieurs grandes villes. Un second tour de ballottage a eu lieu
le 19 juin ; ce même jour les régions autonomes du Frioul-Vénétie Julienne, de Sicile et de Sardaigne organisaient l’élection dans
quelques communes. Le maire est élu au premier tour s’il obtient la majorité absolue des votes (50% + 1) ; sinon il doit se représenter
au second tour. Les électeurs peuvent élire un maire d’une liste et des conseillers d’une autre liste.
Parmi les villes soumises à cette élection, Rome, Milan, Turin, Bologne, Naples, Cagliari, Trieste ; les élections se déroulaient dans
1.342 communes de régions à statut ordinaire et de trois régions autonomes, et elles concernaient 13.316.379 électeurs, soit 6.382.798
hommes et 6.933.581 femmes. La ville de Rome dispose à elle seule de 2.363.776 électeurs. La commune la plus petite est Mortenone
dans la province de Lecco, elle a 31 électeurs. Vous pouvez trouver sur Internet la liste des communes soumises au vote, des candidats
admis à la candidature, et les résultats définitifs.
C’est dire l’importance de cette élection partielle. Le Ministère avait pourtant limité la durée du scrutin au seul jour des dimanches 5 et 19
juin de 7h à 23 h, alors que d’habitude le vote dure deux jours, dimanche et lundi jusqu’à 17h. Le 5 juin à 23 h, 62,14% des électeurs
avaient participé au vote ; le 19 juin à 23h, seulement 50,52%. La participation aux précédentes élections administratives avait été de
67,42%. Il est significatif qu’aucun maire de grande ville n’ait été élu au premier tour.
La presse française a donné quelques résultats : à Rome, la candidate du M5S, Virginia Raggi
(Née en 1978, avocate. Cf. photo ci-contre), a été élue première femme maire de la ville avec
67,15% des voix contre le candidat du Parti Démocrate (PD-Centre gauche) Roberto Giachetti
(35,85%). À Turin résultat identique : la candidate du M5S, Chiara Appendino (née en 1984, chef
d’entreprise. Cf. photo ci-dessous) est élue maire avec 54,64% contre le candidat du PD, Piero
Fassino (45,44%), maire sortant. Le PD conserve Milan avec
Giuseppe Sala (51,7%) contre le candidat de droite Stefano
Parisi (48,3%) et Bologne avec Virginio Merola (54,64%)
contre la candidate de droite (Ligue du Nord) Lucia
Borgonzoni (45,36%). À Naples l’emporte un candidat de centre gauche, Luigi De Magistris
(66,85%) contre le candidat de droite (c’est le second mandat de De Magistris), Gianni Lettieri
(33,15%), le candidat du PD, éliminé au premier tour, n’obtient que 5 sièges sur 36, et le M5S n’en
obtient que 1.
À Trieste, l’emporte le candidat de droite (Forza Italia, Ligue du Nord et autres) Roberto Di Piazza
avec 52,63% contre le candidat de gauche, Roberto Consolini (47, 37%). À Benevento, Brindisi,
Grosseto, Isernia, Novara, Olbia, Pordenone, Savona, c’est la droite qui gagne ; à Carbonia, Caserta, Crotone, Ravenna, Varese, c’est
la gauche qui est élue.
Dans l’ensemble, on remarque que le PD (env. 31%) est talonné par le M5S (29%) qui arrache 19 ballottages sur 20 (Cattolica, Chioggia,
Genzano di Roma, Marino, Nettuno, Castelfidardo, Pinerolo, San Mauro Torinese, Ginosa di Puglia, Noicattaro, Carbonia, Anguilara,
Pisticci, Vimercate, et en Sicile, Alcamo, Favara et Porto Empedocle). En Toscane, le PD perd 5 ballottages sur 6, dont la ville de
Grosseto qu’il gouvernait ; il perd aussi Carbonia, Savona mais conquiert Varese et Caserta.
Qu’arrivera-t-il maintenant ? Difficile de prévoir. Le progrès du M5S est incontestable, et ce sont le plus souvent des élus ou des élues
jeunes, les nouveaux maires de Rome et de Turin (apparaît pour la première fois en italien le mot féminin « sindaca ») ont moins de 40
ans. Et il ne suffit pas de raconter comme le fait toute la presse française (même un éditorial du Monde, alors que son correspondant, qui
connaît bien l’Italie n’emploie jamais le mot) que le M5S est un parti « populiste », ce qui renvoie pour la France à la droite lepéniste,
c’est une énorme sottise. Certes le programme du M5S n’est pas toujours clair, mais le vieux mentor du mouvement, Casaleggio, est
mort, c’est son fils Davide qui apparaît maintenant, et Beppe Grillo se montre moins bruyamment maintenant qu’il est dépourvu
d’inspirateur. Quant aux candidates de Rome et Turin elles auront d’énormes difficultés (à Rome il faut sortir de la corruption et de la
mafia 60.000 fonctionnaires locaux, les transports, l’urbanisme, les finances qui ont un déficit de 13 milliards d’euros …), mais au moins
elles n’ont pas fait de promesses, sinon d’écouter la population et de tenter de résoudre les problèmes un à un. Attendons de voir si elles
feront avancer les choses.
Le PD a perdu ces élections municipales, il est en difficulté. Renzi ne s’est pas beaucoup intéressé aux élections dont il a limité la durée
à un jour au lieu de deux, il concentre tous ses efforts sur le referendum constitutionnel d’octobre. Certes il a un programme cohérent
dans les contradictions actuelles où on peut
* soit aller dans le sens provisoire du vent, réduire la démocratie en supprimant la seconde chambre (le Sénat), en limitant les
pouvoirs référendaires du « peuple », en faisant de l’école une institution délétère (voir notre dossier sur la dernière réforme de
l’école) et arriver à une plus grande « stabilité », mais à quel prix pour la culture, la formation intelligente des enfants, la maturité
des adultes ? Le gouvernement aura en effet le maximum de pouvoirs, ne sera plus gêné par le Sénat, mais que devient la
démocratie dans cette perspective ? et c’est probablement une illusion de croire que cela assurerait la « tranquillité » des citoyens
dans la situation mondiale actuelle. Nous avons la même perspective en France avec Valls, Hollande et Macron, un « social-
réformisme » sans perspectives à long terme et qui va à vau l’eau face aux manifestations populaires qu’il n’écoute pas.
*soit, reconnaissant qu’il faut transformer notre système et notre mode de vie dans ce monde qui change, on peut chercher à
réformer dans un autre sens, qui fasse toute sa place à la culture, à l’écologie, à la protection de l’environnement, réforme
l’école en connaissant ses vrais problèmes (et pas en remplaçant les notes chiffrées par des lettres …), etc. Les forces qui
cherchent dans ce sens ont actuellement moins de pouvoir, et moins de cohérence, mais ces dernières élections ont montré
qu’elles avançaient. Peut-être bien qu’il vaudrait mieux obtenir un « non » au referendum d’octobre, que Renzi s’en aille (il l’a
promis, mais si c’est comme ses autres promesses…) et qu’on prépare autre chose. Il faut réfléchir, travailler, ce ne sera pas
simple. Mais selon que l’on va à Turin ou à Naples, on ne prend pas le même train.
Jean Guichard, 22 juin 2016
Voir nos dossiers dans « Actualité sociale » sur « La buona scuola di Matteo Renzi » (article en français), et dans « Structures »
les lois électorales en Italie.
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