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LA CHANSON EN LOMBARDIE Milan a été un grand centre de production et de diffusion de la chanson, et de nombreux éditeurs de disques ont leur siège à Milan.  Même un éditeur napolitain comme Ricordi est venu s’installer à Milan. Beaucoup de chanteurs venus d’autres régions y ont donc aussi émigré. Mais Milan a été aussi un des grands centres de créativité musicale et de culture alternative : c’est là qu’est créé le premier journal alternatif italien de grand succès, « Re Nudo », en 1971, par Andrea Valcarenghi, qui diffuse à la fois l’information musicale et l’information sur les problèmes socio-politiques qui sont les thèmes de la contre-culture : drogue, sexualité libérée, avortement, divorce, conditions de vie dans les prisons, problèmes des banlieues, pratiques sociales alternatives, BD, etc. « Re Nudo » fut aussi à l’origine des grands festivals de musique rock, « Festival del proletariato giovanile », en opposition aux courants politiques extraparlementaires qui s’intéressaient peu à la musique ; le premier se déroule près de Lecco en 1971 ; l’un des plus importants fut celui de Milan au Parco Lambro en 1974, organisé par « Re Nudo », « Lotta continua » et « Stampa alternativa », où s’exhiberont des groupes comme la Premiata Forneria Marconi et le Banco del Mutuo Soccorso, mais aussi le Canzoniere del Lazio et Angelo Branduardi, Franco Battiato, Alan Sorrenti, et une  trentaine de chanteurs et de groupes encore plus ou moins connus (« Vetro vivo », « La Comune », les « MAD », le « Trio Furio Chirico », les « Area », etc. sans compter un groupe de musique contemporaine avec Demetrio Stratos, etc.). Le Festival de 1975 rassembla plutôt des cantautori, Claudio Rocchi, Pino Masi, Lucio Dalla, Antonello Venditti, Francesco De Gregori, Franco Battiato, Edoardo Bennato, Giorgio Gaber, etc. Le dernier Festival se fit en 1976 (Photo ci-contre) devant 400.000 personnes. Mais la rupture s’accentuait entre les politiques d’extrême-gauche et l’équipe de « Re Nudo » ; le climat se dégradait, la drogue, qui fut un élément de contre-culture, devenait un « instrument de mort » pour un milieu social hétéroclite complètement désorganisé. Le Festival de 1976 fut le dernier, car il se termina par de graves incidents provoqués par certains participants : bris des frigos loués par les organisateurs (6 millions de lires de dégâts, qui obligèrent « Re Nudo » à lancer une souscription), heurts avec la police, etc. Par ailleurs, les incidents provoqués  contre les chanteurs étrangers (Lou Reed à Rome, Carlos Santana à Milan) firent qu’aucun américain et anglais n’accepta plus de venir chanter en Italie pendant plusieurs années. On s’approchait des « années de plomb » qui allaient suivre, pendant toutes les années ’80. Ce fut la fin de cette période magnifique où le rock progressif exprima, avec les cantautori, l’enthousiasme d’une jeunesse avide de trouver, d’inventer, une nouvelle musique et de nouveaux modes de vie, et qui savait inventer des formes nouvelles (par exemple les écoles populaires de musique, comme celle du Testaccio de Giovanna Marini à Rome en opposition à l’institution classique des Conservatoires) : « Le monde de la jeunesse est en grand ferment, un véritable laboratoire d’expérimentation politique et sociale, dont la musique reste l’expression privilégiée » (L’Italia del rock, n. 6, 1994, p. 6). Le temps du beat  et des covers était désormais dépassé, les chanteurs tendaient maintenant à étendre les horizons de la musique à toutes les formes de musique et de créativité, et ils créèrent des textes originaux et des musiques nouvelles qui mêlent le pop, le rock, la musique ethnique et la musique classique contemporaine. Le modèle était évidemment le Festival de Woodstock de 1969, sur les slogans de « aimons-nous tous », « enfants des     fleurs », « paix, amour et musique », etc. Ces festivals furent anarchiques, peu organisés, mais ils permirent d’affirmer la musique rock contre la tradition de Sanremo et des chanteurs mélodiques, d’inventer une forme originale, proprement italienne, de rock dit « progressif », enrichissant le rock de contaminations d’autres musiques, pop, folk, classique, etc. Tellement que les grands groupes italiens (Banco del Mutuo Soccorso, ou Premiata Forneria Marconi) furent alors appelés à jouer avec succès aux Etats-Unis : l’Italie cessait d’être le pays de la chanson mélodique et du « bel canto », l’Italie devenait aussi un pays où l’on créait une musique rock originale et de qualité équivalente à celle des pays anglo-saxons. Il faudra attendre les années ’70 pour que le rock soit compris et apprécié des critiques musicaux, avec l’apparition de revues comme « Muzak » (1973-1976, plus politisée, avec Giaime Pintor, Simone Dessì, Lidia Ravera, Marco Lombardo Radice, Gino Castaldo, Alessandro Portelli, Sergio Saviane, etc. Le titre est autoironique, le mot « muzak » indiquant en anglais la « musicaccia », la mauvaise musique, la musique commerciale d’écoute facile), puis « Gong » (1974-1978, avec Antonino Antonucci, Peppo Delconte, Marco Fumagalli, Riccardo Bertoncelli, etc. « journal de la folie sonore »). « Re Nudo » reprend, toujours dirigé par Andrea Valcarenghi, en 1996, sur des thèmes nouveaux, l’écologie, la recherche intérieure. Il devient trimestriel en 2008, avec des numéros monographiques, sur un seul thème principal, et une participation pluraliste, pour se garder de tout conditionnement économique et politique. Un des numéros de 2013 porte sur le thème « Femmes et pouvoir », un autre contient un CD qui reprend les articles de Giorgio Gaber  sur « Re Nudo » et quelques autres revues (Voir leur site : .). 1. La musique populaire traditionnelle de Lombardie Mais la Lombardie a d’abord une longue tradition de musique populaire, que de nombreux chanteurs et groupes ont enregistrée. La Lombardie est une région où la musique populaire traditionnelle a été très étudiée, avec l’aide de la Région, qui assure par l’AESS (Archivio di Etnografia e Storia sociale) la  publication en 1979 d’une série de 11 disques 33T de chansons des différentes parties de la Lombardie, et de 15 gros volumes sur le Mondo Popolare in Lombardia, d’études sur le travail, les conditions de vie et la culture du peuple lombard, qui comportent en général un ou plusieurs documents sur la chanson. En 1991, les Edizioni dell’Ambrosino publient un important volume d’Alberto Paleari, Canti Popolari in Lombardia. Dans l’introduction qui suit la Préface de Roberto Leydi (« C’est une photographie, dit-il, du chant populaire en Lombardie de nos jours »), Paleari précise les caractéristiques du chant populaire. Il rappelle d’abord que la culture « hégémonique » (la culture officielle qu’on apprend à l’école), qui ne se réfère qu’aux pages des livres, bible de la culture écrite, ne peut pas comprendre le fonctionnement de la culture populaire qui est de tradition orale. Il reprend dans un premier temps la définition que l’International Folk Music Council donna en 1954 de la musique populaire : « La musique populaire est le produit d’une tradition musicale qui a évolué à travers un processus de tradition orale. Les facteurs qui donnent forme à la tradition sont  : 1° la continuité qui unit le présent au passé ; 2°, la variation qui naît de l’impulsion créative de l’individu et du groupe ; 3°, la sélection opérée par la communauté et qui détermine la ou les formes dans lesquelles survit la musique ». Il ajoute aussitôt que cette définition n’est pas totalement satisfaisante dans la mesure où elle applique à la musique populaire une méthodologie qui lui est extérieure, et il rappelle la remarque de Bruno Pianta (1943-2016), le grand ethnomusicologue de Trévise : « La réalité est que la classification des chants est un instrument de travail indispensable, mais en lui-même c’est une abstraction. Les catégories qu’utilisent les chanteurs populaires pour définir leur répertoire, quand il y en a un, n’ont presque aucun point commun avec les classifications « cultivées ». Au maximum, le chanteur populaire fera des distinctions de fonction (ce chant est pour le Carnaval, celui-ci pour les sérénades, celui-ci pour les processions du vendredi saint, celui-là pour les moqueries entre jeunes garçons et jeunes filles, etc. » (Cultura popolare, p. 125, Garzanti, Milano, 1982). Pour préciser, il rapporte cette longue citation de l’ethnomusicologue anglais A.L. Lloyd (1908- ) : « Voyons de façon absolument hypothétique comment un chant populaire peut naître et quel cours peut avoir sa vie. Supposons qu’un paysan soit en train de labourer un champ. Le travail est dur et il est angoissé par le comportement de sa fiancée. Pour se distraire et pour se consoler il se met à chanter une chanson. Peut-être utilise-t-il une mélodie qu’il connaît déjà ou peut-être une qui est seulement semblable ; peut-être a-t-il dans l’esprit plusieurs mélodies et prend-il un morceau de l’une et un morceau d’une autre ; peut-être se sert-il d’une mélodie qui lui semble totalement nouvelle mais qui probablement n’est que le souvenir d’un vieux motif auquel ilest en train d’apporter des modifications. À cette mélodie il adapte un texte, celui-ci aussi probablement créé sur des éléments déjà connus auquel il ajoute des éléments de sa propre expérience personnelle. Plus tard, dans sa cuisine avec sa famille ou à l’auberge le samedi soir quand il y a trop de monde pour faire des jeux de société, il essaie de chanter sa chanson. Il se peut qu’elle ne soit pas trop belle ou qu’elle soit trop personnelle pour attirer l’attention des présents, ainsi personne n’y fait attention et la chanson meurt sur les lèvres de son interprète. Mais il se peut aussi que ce soit la description d’une expérience commune et il se peut qu’elle soit en parfaite syntonie avec l’atmosphère du lieu et à la fin il se peut que l’un des auditeurs la trouve belle et décide de l’insérer dans son répertoire. En rentrant chez elle, cette seconde personne repense à la chanson. Elle l’a oubliée en partie et alors elle comble les lacunes avec quelque chose de personnel. D’autres parties ne lui plaisent plus et ainsi elle fait travailler son imagination. Peu de temps après, elle est en mesure de chanter la chanson qui pourtant est maintenant différente de l’original (…). Peut-être un charretier portera-t-il la chanson dans le comté voisin et l’introduira-t-il dans une nouvelle communauté. De cette façon, la chanson passera de bouche en bouche, d’un lieu à un autre, du père au fils, d’un âge à l’autre, et elle rentrera dans l’énorme réservoir de la mémoire collective. Elle aura une vie capricieuse,, avec des fortunes différentes. Elle pourra se multiplier en d’innombrables variantes, dont certaines très semblables à l’original, d’autres assez lointaines pour constituer pratiquement des chants complètement nouveaux. À certains moments elle connaîtra une diffusion très vaste, dans d’autres elle disparaîtra pratiquement et au moins momentanément elle sortira de la mode parce qu’elle ne correspond plus aux nécessités psychologiques du moment. Peut-être des variantes plus adaptées aux nécessités du moment pourront chasse l’original hors de l’usage populaire  » (Folk Song in England, pp. 76-77, Panther Books, London, 1967) Commentant cette citation, Paleari remarque combien elle insiste sur le fait que la musique populaire est une musique « d’usage » : « elle existe en tant qu’elle est exécutée ». Nous avions indiqué dans notre article de la revue des Université de Chambéry et de Turin, Franco-Italica () que la chanson populaire a une « valeur d’usage » et pas une « valeur d’échange » : elle n’est pas faite pour être vendue, échangée contre l’argent d’une billet de concert ou d’un disque, mais pour être consommée directement par les créateurs d’une communauté villageoise ou d’une autre pour qui la chanson a une « fonction » d’utilité, accompagner le travail, endormir un enfant, célébrer un rite profane ou religieux, etc., en continuité avec une tradition, sans qu’il y ait une « version canonique » car les « variantes » sont naturelles, selon les changements dans la communauté, les événements nouveaux, les drames, les joies, suivant lesquels la communauté sélectionne paroles et musiques, modifie, invente, d’où les nombreuses versions d’une chanson recueillies par les chercheurs sur le terrain  : un individu a inventé, la communauté choisit et modifie sa forme, toujours dans une oralité générale. C’est la différence fondamentale avec la tradition écrite où le caractère immuable du texte d’origine freine toute évolution, toute adaptation aux changements de situation. Les chercheurs  de la culture dominante vont donc discuter à perte de vue sur « l’auteur  des chansons populaires  : le « peuple » pour les romantiques ?, l’inspiration de morceaux mal compris de la culture littéraire pour d’autres ? En réalité il y a bien toujours un auteur individuel, mais la création est multiple, car d’autres, dans le temps et dans l’espace ont mis peu à peu la main à la création d’origine. Il est donc inutile d’étudier la culture et la chanson populaires en fonction de critères esthétiques (comme l’a fait Benedetto Croce en se demandant si une chanson est « poétique » ou non) ; la chanson populaire doit être considérée comme le meilleur reflet d’une « conception du monde et de la vie » (Gramsci) d’un peuple à un moment de son histoire, de ses conditions de vie culturelle ; c’est ainsi par exemple que l’a étudiée le hongrois Bela Bartok, en recueillant musique et texte, et pas seulement un texte comme l’ont fait souvent les chercheurs ignorants de toute connaissance musicale permettant la transcription d’une partition. Il faudra donc recueillir les traces de la culture populaire lombarde en fonction de sa réalité de culture paysanne, ou plutôt de cultureS paysanneS différentes selon par exemple qu’il s’agit de la plaine ou de la montagne, cette dernière étant à la fois plus isolée et région d’échange entre des cultures diverses par les cols, lieux de passage d’un pays à l’autre. Paleari note bien sûr pour finir la dégradation imposée à la culture populaire par le développement d’une culture industrielle, la pression des villes sur les campagnes, l’attaque de la télévision à partir de 1954 en Italie, et il faudrait ajouter maintenant la pression de l’informatique, des téléphones portables, etc. Raison de plus pour renforcer notre attention à une culture, certes souvent en voie d’extinction, mais fondamentale si nous voulons nous inventer un avenir plus riche, plus humain … et un avenir tout court. Paleari distingue  : 1) les Ninne-nanne (les berceuses), 2) Rime, giochi, conte, à but souvent pédagogique sur les mots, les parties du corps, les animaux, les fruits, les règles du groupe, 3) Canti rituali, les chants rituels selon les rythmes du calendrier, qui souvent se retrouvent dans le rythme des fêtes chrétiennes, et d’autre part les rites domestiques (noces, baptêmes, funérailles) comme Cosa l’a mangià la spùsa, un chant rituel classique devenu chant d’auberge national, 4) Ballate e canti narrativi, genre répandu dans toute l’Europe du Centre et du Nord et en Italie septentrionale, dont Costantino Nigra a donné des exemplaires fondamentaux et répandus dans tout le Nord de l’Italie, 5) Canti di lavoro (Bacco, filanda, risaia, miniera), ver à soie, filature, rizière, mine, les chants qui accompagnent l’acte et le geste de travail, chant fonctionnel qui a pratiquement disparu avec le remplacement du travail à la main par la machine, et  les chants sur le lieu de travail, en Lombardie au XIXe siècle, essentiellement la filature à la maison ou dans les usines, travail presque toujours féminin, et les chants de mineurs, 6) Canti d’amore, sull’amore e su matrimonio, chants d’amour, sur l’amour et sur le mariage, qui traversent tous les répertoires, ballades, sérénades, chants de travail, chants satiriques, berceuses, 7) Canti sociali, chants sociaux ruraux ou urbains qui reflètent directement l’opposition des classes populaires exclues de tout pouvoir économique et jusqu’à une date récente, politique, 8) Canti militari e sulla guerra, chants de protestation ou chants satiriques qui sont nés de la Première Guerre Mondiale qui coûta à l’Italie environ 600.000 morts (voir notre dossier sur les chansons de la Première Guerre), ou de l’instauration du service militaire obligatoire, 9) Canti dell’osteria, restes d’un temps où l’auberge était le lieu de rencontre privilégié des hommes. La mode « folk » des années 1960-1970 a souvent déformé la chanson populaire en en faisant un argument de vente, et il y eut beaucoup de discussions chez les défenseurs de la culture populaire pour savoir s’il était bon de faire des concerts et des spectacles de chansons populaires,  tels Bella ciao à Spoleto en 1964, ou Ci ragiono e canto, en 1966, 1969, 1973, repris en 1977 par la RAI-2.   Ce sont moins des groupes constitués que des hommes et des femmes de villages différents qui ont transmis les chansons traditionnelles recueillies dans les 11 disques publiés par la Région Lombardia à partir de 1975, à partir des documents déjà élaborés, souvent par Roberto Leydi, 13 très gros volumes publiés entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Les 11 disques  sont : 1) Bergamo e il suo territorio, 1979, 2) Brescia e il suo territorio, 1975, 3) Le mondine di Villa Garibaldi, 4) La musica del Carnevale di Bagolino, 1976, 5) I minatori della Valtrompia, 1975, 6), Ernesto Sala, il « piffero » di Cegni, 7) Como e il suo territorio, 1976, 8) I cantastorie di Pavia, 1977, 9) I cantori di Premana, 1977, 10) Calabresi a Milano, 1977, 11) Montanari di Val Brambana, 1978. Beaucoup de chansons citées par Paleari se trouvent dans ces disques. Écoute 1 : Chansons populaires                   1/1 - Cecilia, Minatori della Valtrompia, La famiglia Bregoli-Regione Lombardia 5                   1.2 - La tragedia del Mattmark, Documenti originali del floklore musicale - Italia, vol. 2                   1.3 - La cantava tanto ben, Regione Lombardia 7, Como                   1.4 - Viaggio a Betlemme, Ibid.                   1.5 - Mamma, perchè non torni, Regione Lombardia 8, I cantastorie di Pavia                   1.6 - Il testamento dell’avvelenato, Regione Lombardia 9, Cantori di Premana                   1.7 - Donna lombarda, Regione Lombardia 11, Montanari di Val Brembaba Parmi les groupes qui ont contribué à la connaissance de la chanson populaire citons d’abord le Duo di Piadena (commune de la province de  Crémone) composé de Dello Chittò (Torre dei Picenardi,  Cremona, 1944 - ) et Amedeo Merli (Id., 1939 - ). Il commence en 1962 avec leur participation au spectacle de Dario Fo Ci ragiono e canto, ils continuent à travailler avec Dario Do et Enzo Jannacci et se consacrent au Folk revival, reprenant surtout des chansons de la Résistance (Fischia il vento, Bella ciao …),  des chants populaires lombards (Donna lombarda, L’uva fogarina …) et des chants politiques (Vogliamo andare avanti, 1972). Écoute 2 : 2.1 - Fischia il vento (Duo di Piadena, Il vento fischia ancora, Folk Cetra)                     2.2 - Dongo (Ibid.)      Deux cantautori lombards se rattachent à la chanson dialectale populaire milanaise  : le premier est Nanni Svampa (Milan, 1938- Varese, 2017). Il est né dans le milieu populaire des maisons de « ringhiera », ces constructions de l’époque fasciste qui avaient une galerie donnant sur une cour intérieure, il connaît aussi le milieu paysan, et sa connaissance du dialecte milanais aura une importance dans le déroulement de sa carrière musicale. Il passe une licence d’Économie et commerce, et il joue avec un groupe, « I soliti idioti », Les idiots habituels, en 1959. Au service militaire, en 1961, il écoute avec passion les chansons de Georges Brassens, dont il entreprend une traduction en dialecte milanais, ce qui le rapproche aussi de la chanson populaire milanaise. Il fonde en 1964 le groupe I Gufi, et lui donne sa marque, avec Roberto Brivio, Lino Patruno et Gianni Magni, à une époque où le milieu populaire milanais est marqué par Dario Fo, Enzo Jannacci et Giorgio Gaber ; c’est aussi le moment où arrivent en Italie aussi bien les chanteurs français, Brassens, Brel, Boris Vian, que les contestataires  américains et Bob Dylan. L’usage du dialecte permet aux  Gufi de dire des choses qui auraient été censurées en italien, et de chanter Brassens, sa liberté de parole. Le groupe ne chante pas longtemps (1964-1969), mais il marque la scène et le cabaret italiens. La plupart de leurs disques ont été réédités par la EMI.  Après la mort de Nanni Svampa, en 2017, la Commune de Milan a décidé d’inscrire son nom au Panthéon de Milan, à l’intérieur du Cimetière Monumental. Outre ses compositions, Svampa prend une grande importance comme traducteur et chanteur de Brassens en italien et en dialecte (il publie la traduction de toutes les chansons de Brassens en dialecte milanais), et promoteur d’anthologies de chansons populaires milanaises (douze volumes publiés). Il est aussi l’auteur d’une importante anthologie de la chandon populaire lombarde, La mia morosa cara, Canti popolari milanesi e lombardi, Oscar Mondadori, 1980, 502 pages. Écoutons une  des traductions dialectales de Brassens, Fernande, traduit par Quand pensi a la Cesira, ce prénom italien : Écoute 3 : Quand pensi a la Cesira (Fernande, de Brassens / Svampa) Davide Van de Sfroos (Davide Bernasconi, 1965- ) est un autre cantautore lombard qui a pour caractéristique d’écrire en dialecte du lac de Côme. Son nom d’artiste signifie en dialecte «  Vanno di frodo  » (ils vont en contrebande). Vivant depuis l’âge de 5 ans à Mezzagra sur le lac de Côme, il en connaît en effet le dialecte très local qu’il va peu à peu utiliser comme langue principale de ses chansons. Il commence sa vie musicale dans un groupe punk, «  Potage  », qui le fait connaître en Italie du Nord et en Suisse. Il forme ensuite un premier groupe De Sfroos qui se dissout en 1998. Il compose alors en 1999 la Van de Sfroos Band qui publie un premier disque, Brèva e tivan, du nom de deux vents qui soufflent sur le lac de Côme, la «  brèva  » du sud au nord, vers midi, brièvement (d’où pour certains le mot «  brevità  », la brieveté), le  «  tivano  » du nord au sud à l’aube (du français «  petit vent  ») ; ce disque lui vaut la même année le prix Tenco. Un autre disque, …E semm partii, obtient en 2002 un autre Prix Tenco pour la meilleure production en dialecte. En 2008 sort Pica, qui reste pendant 4 semaines à la 4e place des disques les plus vendus en Italie. En 2011, il participe au Festival de Sanremo, avec Yanez, qui sera son 6e album en 2012, il faut bien pour l’un se moderniser un peu en introduisant un chanteur dialectal, et pour l’autre se faire mieux connaître et vendre plus de disques  ! Écoute 4 : Ninna nanna del contrabbandiere (Brèva e tivan, 1999)   Berceuse du contrebandier La «  bricòla  » est le sac où les contrebandiers portaient leurs marchandises, cigarettes ou café, dans cette région du lac de Côme, qui était sur la frontière, et donc où une partie de la population vivait de contrebande. Le chœur est celui de la Valtellina, cette région proche vers laquelle regardent les habitants des bords du lac pour prévoir le temps qu’il fera. Davide Van de Sfroos s’inspire ainsi beaucoup des traditions, de la nature et des expressions locales. On compare parfois sa production à celle des descendants des premiers émigrés anglais en Amérique, et sa musique est souvent inspirée du folk américain. Citons enfin un groupe de musique populaire de Lombardie, Barabàn, né en 1982 à Milan, un des groupes importants d’Italie septentrionale créé par Vincenzo Caglioti, Aurelio Citelli, Giuliano Grasso et Guido Montaldo. Ils ont tenté de rassembler le maximum de patrimoine local et fait une synthèse avec le goût moderne, entre mémoire et langages du présent, mêlant mélodies, langues, rythmes et sonorités de l’Italie du Nord (en particulier des Quatre Provinces  : Alessandria, Genova, Pavia, Piacenza), et polyphonies de la plaine du Pô, chants archaïques des Apennins, musiques swing ou de saveur yiddish ; ils sont aussi sensibles aux thématiques sociales contemporaines, s’inspirant par exemple des chants des émigrants en Amérique latine. Ils utilisent des instruments populaires comme le fifre, la vielle, l’accordéon diatonique, le violon, les flûtes, la cornemuse des Apennins, etc. En 1995, ils participent au projet Canti randagi, reprise de chansons de Fabrizio De Andrè ; à partir de 2000, ils reprennent des chants de résistance et font un concert sur la situation de la femme et sa représentation dans les chants, de la tradition populaire à De Andrè ; Voci di trincea est de 2007, spectacle sur la première guerre mondiale. Le groupe présente d’autres spectacles sur Auschwitz et sur l’Unité de l’Italie. Il fait de nombreux concerts en Italie et en Europe (Voir son site officiel) et il a produit de nombreux disques. Leur disque de 2015, Voci di trincea. Concerto per la Grande guerra, est dédié à tous ceux qui ne sont pas revenus de cette guerre. Plusieurs grandes chanteuses populaires sont originaires de Lombardie et y ont travailé : Giovanna Daffini (1914-1969) est originaire de la province de Mantoue ; son père était pianiste, accompagnateur de films muets et auteur de chansons pour l’orchestre de son village, et Giovanna, qui a appris la guitare, commence çhanter avec lui dès l’âge de 17 ans. Elle travaille dans les rizières comme mondine à partir de 13 ans ; elle épouse à 19 ans un violoniste de Gualtieri (province de Reggio Emilia), Vittorio Carpi, et devient cantastorie à 38 ans, bientôt reconnue par les grands ethnomusicologues Roberto Leydi et Gianni Bosio. Elle publié de nombreux disques de chansons, Amore mio non piangere, Una voce un paese … Une autre chanteuse et ethnomusicologue inoubliable est Sandra Mantovani (Milan 1928-2016). Elle commence à participer à des concerts,en 1962, publie son premier disque, et collabore au Nuovo Canzoniere Italiano avec lequel elle édite de nombreux disques, travaillant avec son mari, Roberto Leydi. Elle passe ensuite au Groupe de l’Almanacco Popolare, qu’elle crée avec Bruno Pianta. Vous en aurez beaucoup d’autres à découvrir. 2) Les chanteurs et cantautori de Lombardie 2-1 - Enzo Jannacci (1935-2013), Giorgio Gaber (1939-2003), Dario Fo (1926- ) Vincenzo (Enzo) Jannacci est sans doute un des plus originaux et des plus grands cantautori de Milan, il est le plus pur représentant de la chanson de cette ville,  dont il évoque souvent les habitants les plus délaissés et les plus marginaux. Il est né à Milan en 1935, de mère milanaise et de père des Pouilles : son grand-père était venu de Bari avant la première guerre mondiale ; son père, officier de l’aéronautique, fit de la Résistance, thème que Jannacci aima toujours aborder dans ses chansons ; Vincenzo fait ses études de médecine à Milan et se spécialise en cardiopathie infantile, il travaillera aux Etats-Unis, et en Afrique du Sud en 1969 avec le docteur Christian Barnard, le premier à avoir réussi une greffe de cœur. Il se marie en 1967, et a un fils unique en 1972, qui deviendra musicien et jouera avec lui. Parallèlement, il fait des études de musique au Conservatoire de Milan, en piano et harmonie. Très vite, il joue dans des groupes de jazz, où il travaille avec quelques grands musiciens comme Gerry Mulligan, Chet Backer et Bud Powell (qui lui apprend à jouer du piano surtout avec la main gauche). Il découvre aussi le genre nouveau qu’est le rock and roll, il est pianiste de Adriano Celentano, puis en 1958, il entre en contact avec Giorgio Gaber avec qui il forme un duo de rock démentiel, « I Due Corsari » ; Gaber participe avec peu de succès au Festival de Sanremo en 1961 avec une chanson écrite par Jannacci, Benzina e Cerini ; en 1962, ils travaillent longuement avec Dario Fo, qui écrit des textes, et c’est alors que Jannacci forge sa personnalité à la fois tragique, surréaliste et fantastique. Il commence à monter sur scène, collaborant avec Fiorenzo Carpi, la chanteuse Milly et l’acteur Tino Carraro. Il sera ainsi le partenaire de beaucoup de chanteurs importants, comme Mina (Mina come Jannacci, 1977), Milva (La Rossa, 1981), Paolo Conte (Mexico e nuvole, Sudamerica, Bartali 1979), Gianfranco Manfredi, qui préface le livre qui lui est consacré par la Lato Side en 1980. Cela contribue à développer le succès de sa production discographique. Il pratique tous les styles et tous les genres de musique, chansons de cabaret, blues, rock, jazz, inventant même un genre à lui, la « Skizo-Music ». Et toujours il sera celui qui chante les « disgraziati », les malheureux, le vagabond de El portava i scarp del tennis, la prostituée de Veronica, Silvia Baraldini arrêtée aux USA pour terrorisme et qu’il cite dans Lettera da lontano en 2001 (chanson qui obtient le Prix Tenco de la meilleure chanson de l’année), l’exclu de Vengo anch’io ? No tu no, tous les pauvres gens de Quelli che, etc. Il joue dans un certain nombre de films de Lina Wertmuller, Mario Monicelli, Marco Ferreri, Mauro Bolognini, Steno, Ricky Tognazzi, Ettore Scola, Carlo Lizzani, et il compose plusieurs colonnes sonores de films, ainsi que des sigles de programmes télévisés ; il chante avec Cochi e Renato, qu’il contribue à lancer sur la scène italienne, avec Beppe Viola entre 1975 et 1981, date à laquelle il fait en Italie des tournées triomphales, avec les Matia Bazar. En 1989, il participe pour la première fois au Festival de Sanremo dans une chanson (Se me lo dicevi prima) centrée sur la lutte contre la drogue ; il y retourne en 1991 avec La fotografia, en compagnie de Ute Lemper, il obtient le Prix de la Critique pour cette histoire d’un garçon de 13 ans abattu par la police. Il retourne à Sanremo en 1994 en compagnie de Paolo Rossi, dans I soliti accordi, chanson critique vis-à-vis de la manifestation, et en 1998 avec Quando un musicista ride, qui obtient un second Prix de la Critique. Il fut aussi acteur, arrangeur et auteur de théâtre à partir de 1955 ; en 1988, il revient à la télévision avec Dario Fo et Franca Rame. Enzo Jannacci fut l’un des artistes les plus complets de cette seconde moitié du XXe siècle et de ce début du XXIe, un de ceux qui ont le mieux parlé des problèmes contemporains, avec le moins de conformisme, et toujours avec un humour et une ironie féroces et tendres en même temps. Il fut aussi un cardiologue estimé, qui donnait une partie de son temps à une association médicale bénévole pour extracommunautaires. Comme dit Paolo Jachia, « il a fait en sorte que la chanson prenne part à l’histoire d’Italie avec plus de moralité et plus de dignité ». (1) Enzo Jannacci est mort le 28 mars 2013. « Dans cette voix pouvait se cacher quelque chose de très sérieux, souvent tragique, mais aussi de doux et lisse comme son visage. Enzo Jannacci savait de cette façon « dire » plus que tant de paroliers verbeux qu’il nous faut écouter tous les jours ; il savait exprimer plus et mieux que tout le bla-bla quotidien dont à son tour il se moquait » (Communiqué du Club Tenco du 29 mars 2013). Écoutons 2 chansons de Jannacci, et allez en écouter beaucoup d’autres sur ses sites  : Écoute 5 : Veronica (Texte : Dario Fo e Sandro Ciotti ; Musique et interprétation : E. Jannacci,1964)                   Vengo anch’io ? No, tu no (Vengo anch’io ? No tu no, Dario Fo, Fiorenzo Fiorentini, Enzo Jannacci, 1968) La rue Luigi Canonica porte le nom d’un grand architecte suisse (1764-1844) qui a travaillé essentiellement à Milan, au Foro Buonaparte et à l’Arena  ; elle se trouve près du Parc, derrière le château. Le Carcano et un théâtre de Milan construit par Luigi Canonica en 1803. Mais Dario Fo utilise peut-être simplement « Canonica » pour rimer avec « Veronica »… Écoute 6 : Lettera da lontano (Enzo Jannacci, Come gli aeroplani, Alabianca, 2001) Ceci est la version originale de la chanson publiée par Alabianca ; par la suite Jannacci remplaça la référence à Silvia Baraldini, par une référence à Carlo Giuliani : « Lettera a Carlo Giuliani, mi piace dirgli che non siamo lontani ». Il supprime aussi «  politici  » et remplace par «  solo mezzi imbroglioni  » dans la version enregistrée. Silvia Baraldini (1947- ) est une jeune italienne vivant aux Étas-Unis qui militait avec le Black Panter Party pour les droits civils des noirs  ; elle est arrêtée en 1982 et condamnée à 44 ans de prison  ; le FBI lui avait proposé la liberté et une forte somme d’argent si elle dénonçait ses camarades  ; elle refusa et fut enfermée dans les prisons les plus dures d’Amérique. Atteinte d’un cancer, elle fut finalement transférée en Italie en 1999 et libérée en 2006. Carlo Giuliani (1978-2001) était un étudiant no-global de Gênes qui fut tué par un carabinier durant les manifestations de 2001 contre le G8 de Gênes. Pleine de références autobiographiques (sa femme, son fils qui est devenu un grand musicien et qui l’a aidé dans son travail, etc.), la chanson fait aussi allusion à la mort d’amis et de contemporains. Cette chanson fit obtenir à Jannacci le Prix Tenco (Targa Tenco) en 2001 ; Jannacci avait déjà été Prix Tenco en 1975, il avait reçu 3 « Targhe Tenco » pour la meilleure chanson de l’année, et une pour la meilleure chanson en dialecte. (2) Un autre grand chanteur et ami de Jannacci fut Giorgio Gaberscik, connu comme Giorgio Gaber (1939-2003). Il est né à Milan dans une famille de moyenne bourgeoisie, d’un père d’origine triestine, d’où son nom à consonance slave. Atteint de poliomyélite dans son enfance, il boite un peu, sa main gauche est paralysée, et les médecins lui conseillent donc de jouer de la guitare pour tenir ses mains en mouvement, il joue d’abord du banjo dès l’âge de 8 ans puis se met à la guitare. En même temps qu’il fait des études de comptabilité, il joue  dès l’âge de 14 ans dans de petits groupes de jazz, dans les bars, les salles de bal, les salles de billard, où il est champion de baby-foot. C’est dans ce monde de la Milan d’après-guerre que se forme le chanteur, entre la vieille ville et la nouvelle qui commence à naître avec le miracle économique, l’arrivée des scooters et du rock américain qui triomphe bientôt dans les bars avec l’invention du juke-box. Gaber dit qu’il fut « malade de rock et de jazz », et la guitare, symbole des temps nouveaux, est au cœur de sa vie, avec les disques de jazz, de be-bop, de Charlie Parker et autres ; il dira de la guitare que c’était une « revanche » sur sa maladie de jeunesse ; il passe vite à la guitare électrique, et il achète une Hofner, puis une Gibson, avec des amplificateurs Binson, la grande nouveauté de l’époque, encore rare. Avec un groupe, les « Rocky Mountains Old Time Stompers » (dont le pianiste est déjà Jannacci), qui joue dans la cave appelée Santa Tecla, Gaber est un des premiers à introduire le rock en Italie, portant une nouvelle culture, celle des « jeunes » comme génération autonome des adultes. C’est dans ce bar « plein d’intellectuels, de putains et de putains intellectuelles » qu’il rencontrera deux intellectuels, l’écrivain Umberto Simonetta (1926-1998) et le peintre et parolier Sandro Luporini (1930- ). Gaber devient guitariste d’Adriano Celentano, il joue à Gênes dans un trio où joue aussi Luigi Tenco, avec qui il écrit sa première chanson, son premier disque, Ciao ti dirò (1958), sur une musique d’Elvis Presley. Il rencontre alors Nanni Ricordi, Giulio Rapetti (Mogol) qui représente la maison Ricordi, chez qui il fait venir ses amis génois, Tenco, Paoli, Bindi, Endrigo, Gianfranco Reverberi et Giorgio Calabrese (Voir notre dossier sur La chanson de Ligurie). Le groupe suivant sera « I Cavalieri », avec Jannacci au piano, Tenco et Paolo Tomelleri (1938- ) au saxophone. À la différence de Celentano, qui chante des « cover » (reprise)  en anglais, qui n’ont pas encore de succès, le groupe de Gaber écrit du rock en italien : Simonetta écrit pour lui La ballata del Cerutti, Il sospetto, La maglietta, La mamma di Gino, Porta romana, etc, et Mogol Geneviève, Goganga, Grazie tante, Le strade di notte, Povera gente, Non arrossire, Quei capelli spettinati, etc. On est à la fin des années 1950, et Gaber est le partenaire, en plus de Jannacci qu’il connaissait depuis son enfance, de la cantautrice Maria Monti (1935- ), qui sera son amour de jeunesse et sa compagne de vie et de scène. Avec Jannacci, il collaborera jusqu’à sa mort, publiera des disques qui seront une des meilleures expressions de la jeunesse milanaise, aussi lasse des mélodies de Sanremo que de la bourgeoisie BC-BG de la ville, et anticonformiste. Maria Monti, elle, est un grand personnage de la scène et du cabaret milanais, un des plus originaux jusqu’aux années 1970, après quoi elle ne se consacre qu’au théâtre. Ensemble, ils font des tournées, elle écrit des chansons qu’il met en musique ; ils vont ensemble à Sanremo en 1961 avec Benzina e cerini, sans grand succès ; ils mettent en scène une vieille chanson des années  1930, La balilla, qui devient un succès populaire. Et puis ils se séparent, c’est un grand déchirement pour Maria Monti, mais Gaber a rencontré la belle actrice et chanteuse Ombretta Colli (1943- ), alors mineure, qu’il épouse en 1965 à l’abbaye de Chiaravalle où il sera enterré. Mais c’est surtout la période où Gaber change radicalement : il est jusqu’alors un chanteur connu, chantre de la Milan populaire, produit à la télévision, il participe sans succès à 4 Festivals de Sanremo en 1961 (Benzina e cerini, avec Maria Monti), 1964 (Così felice), 1966 (Mai mai Valentina), 1967 (E allora dai) ; car au cours de ces années 1960 arrive la période yé-yé, et avec ses 25 ans en 1964, Gaber apparaît déjà trop vieux : en 1964 à Sanremo c’est Gigliola Cinquetti qui gagne la première place avec Non ho l’età, et elle a 16 ans ; les cantautori tentent de passer à Sanremo, mais, à part Sergio Endrigo, ils y sont marginalisés ; par ailleurs d’autres modes arrivent en Italie à côté de la chanson américaine, en particulier les chanteurs français, Brel, Brassens, Bécaud, Aznavour, Henri Salvador ; Gaber les connaît, les écoute, s’en inspire parfois, mais prend aussi ses distances : il sent que sa vocation est autre. En 1966 et 1967, il écrit deux chansons « di protesta », dont une avec Sandro Luporini, Ma voi, ma voi ma voi et E allora dai  : Non sta bene dire quel che pensi                Il n’est pas bon de dire ce que l’on pense dirlo chiaro e tondo                        de le dire clairement Non sta bene fare un tentativo                Il n’est pas bon de faire une tentative per cambiare il mondo                de changer le monde La coscienza ci è quasi proibita                La conscience est presque interdite È imprudente scegliersi una vita                il est imprudent de choisir sa vie Stai pur certo che a non tentare       Sois bien sûr que si tu ne tentes rien non si sbaglia mai                        tu ne te trompes jamais. Ma voi, ma voi, ma voi       Mais vous, mais vous, mais vous Ma voi che sputate sentenze cretine       mais vous qui crachez des sentences crétines Ma voi, ma voi, ma voi       Mais vous, mais vous, mais vous ma voi che vivete di cose meschine       mais vous qui vivez de choses mesquines Voi sprecate la vita ingrassando       vous méprisez la vie en engraissant  ogni giorno di più.                chaque jour un peu plus. (3)  Dans la seconde chanson, il évoque quelques principes moraux qu’énoncent les riches, alors qu’ils font le contraire. Ce changement des années 1960, Gaber peut l’effectuer parce qu’il est toujours appelé par une des deux chaînes de télévision, il est désormais un chanteur et animateur reconnu ; il fait des émissions parfois banales, mais d’autres de grande qualité critique, qu’Umberto Eco appréciera : « Aujourd’hui une rubrique comme Canzoniere minimo de Giorgio Gaber a pu prospérer à la télévision en faisant écouter des chanteurs qui ne hurlent pas, qui renoncent à ce que les gens prenaient pour la mélodie, qui semblent refuser le rythme, si le rythme n’était que pour un gros public, celui de Celentano, qui chantent des chansons où les paroles comptent et sont à entendre. Et ce sont des paroles qui ne parlent pas nécessairement d’amour, mais de beaucoup d’autres choses ; et qui, si elles parlent d’amour, ne le font pas selon des formules abstraites, sans temps et sans lieu, mais le circonscrivent, lui donnent comme décor les bastions de Porta Romana ou les dimanches tristes et doux d’une banlieue industrielle et lombarde  ». (4) En 1966, Celentano propose à Sanremo sa chanson Il ragazzo della via Gluck. Aussitôt Gaber y répond par La risposta al ragazzo della via Gluck. La chanson de Celentano n’arrive même pas en finale au Festival, mais elle sera le disque le plus vendu de l’année ; c’était un bon exemple de texte « écologique » comme Celentano en a écrit un certain nombre, décrivant le regret du pauvre petit paysan qui a perdu sa maison rustique et le pré où il jouait pieds nus avec ses copains, au profit de grands immeubles qui sentent le ciment. Gaber lui répond par l’histoire d’un homme qui n’a plus de maison parce qu’on l’a détruite pour laisser la place à des prés, et qui a perdu sa fiancée : qu’est-ce qu’on a à faire des prés ? Pourquoi ne détruit-on pas plutôt les beaux immeubles du centre ville, ceux-là dérangent, pas les maisons de la banlieue. En 1968, l’évolution de Gaber est accentuée par son LP L’asse di equilibrio, où il cherche une voie nouvelle sans rompre avec l’industrie discographique et avec les médias, mais surtout par les deux tournées italiennes qu’il fait avec Mina entre 1969 et 1970. Ce sont ces tournées qui lui feront découvrir le théâtre et qui le convaincront qu’on peut faire du théâtre sans abandonner la chanson ; il est séduit par ce contact plus direct avec le public, cette possibilité de dialoguer, et il invente cette forme nouvelle, déjà amorcée par Dario Fo et la chanson française, le « théâtre-chanson », un spectacle où alternent les monologues / dialogues avec le public et les chansons ordonnées selon un thème rigoureux, de chansons « intelligentes » qui parlent de choses essentielles, la vie, la mort, l’amour, la vie politique, tous les rapports humains, et qui interrogent, critiquent les conformismes et les idées dominantes « mesquines » ou stupides. Il n’y a plus besoin de se plier aux exigences mondaines d’un Festival ou d’une émission de télévision, où il faut sourire, chanter, saluer, faire des interviews, etc. À partir de là, Gaber devient véritablement un « maître à penser » de notre société, ou plutôt un « éveilleur de conscience ». Le premier spectacle dont une partie des chansons sera reprise en disques est Il Signor G, de 1970, après la publication de son disque Sexus et politica (Dove andate ?), avec le Quartetto Cetra, sur musique de Virgilio Savona, où il chante des textes érotiques latins, Horace, Ovide, Caton, Juvénal, Properce, Marc-Aurèle, Lucilius ; il est significatif qu’il entremêle ainsi l’amour sexuel et la politique, la passion d’Ovide et la lutte contre Carthage de Caton, il le refera plus tard sur la société contemporaine de façon originale et rare : peu d’auteurs ont ainsi montré que l’amour et la politique n’étaient pas deux domaines étrangers (Voir notre dossier sur La chanson d’auteur, la mythologie, l’histoire gréco-romaine et la Bible). Il Signor G. commence par la chanson Suona chitarra, qui est une sorte de manifeste pour une chanson qui ne se contente pas de « divertir » pour « plaire », mais qui « fasse penser » ; puis il raconte la vie du Signor G., un homme quelconque, un petit-bourgeois de nos jours, décrit de sa naissance à sa mort, avec ses faiblesses, ses déceptions, son mariage qui devient vite ennuyeux, sa télévision où il regarde de temps en temps des films orgiaques, ses sentiments religieux, son expérience ratée de la drogue. Les chansons alternent avec des monologues, des dialogues avec le public, un mélange de théâtre, cabaret et concert, jamais réalisé jusqu’alors. C’est la route nouvelle que Gaber suivra jusqu’à sa mort. Suivront d’autres spectacles aussi toniques et parfois provocateurs, I borghesi en 1971, dont la première chanson fait allusion à Brassens (Les bourgeois c’est comme les cochons …), puis en 1972, Dialogo tra un impegnato e un non so, sévère critique des intellectuels révolutionnaires qui parlent du prolétariat et de la révolution, alors que les « ouvriers » représentent autre chose (dernière chanson  du spectacle: «  Gli operai  »). En 1973, il réalise , toujours avec Sandro Luporini, Far finta di essere sani. Une chanson, Chiedo scusa se parlo di Maria, Je m’excuse si je parle de Marie, n’est pas sans référence à celle de Bruno Lauzi citée dans notre dossier La chanson de Ligurie, La donna del Sud, car « Maria », c’est aussi « la liberté, la révolution, le Vietnam, le Cambodge », c’est-à-dire « la réalité » : savoir parler d’amour c’est aussi comprendre la réalité sociale, politique, pas de séparation ! En 1974, est publié Anche per oggi non si vola, puis Libertà obbligatoria en 1976 et Polli di allevamento en 1978. Il analyse sans compromis les contradictions psychologiques, sexuelles, idéologiques, politiques des hommes de son temps, sans épargner personne, pas même les partisans de la gauche ou de l’extrême gauche, dont il dénonce les faiblesses, les hypocrisies, autant que celles des petits bourgeois contemporains, tous se contentent de « suivre les modes nouvelles » (Quando è moda è moda). De plus en plus, il analyse en détail l’univers politique italien, qu’il condamne avec toujours plus de violence, jusqu’à son Io se fossi Dio de 1980, repris dans des spectacles suivants, condamné par la censure, refusé par son éditeur ; en cette période du terrorisme et des « année de plomb », il se permet de condamner aussi durement les Brigades rouges qu’Aldo Moro assassiné par les Brigades rouges en 1978 : Io se fossi Dio                   Moi si j’étais Dieu quel Dio di cui ho bisogno come di un miraggio          ce Dieu dont j’ai besoin comme d’un mirage c’avrei ancora il coraggio di continuare a dire          j’aurais encore le courage de continuer à dire che Aldo Moro insieme a tutta la Democrazia cristiana    qu’Aldo Moro avec toute la Démocratie Chrétienne è il responsabile maggiore di trent’anni di          est le plus grand responsable de 30 ans de cancrena italiana.                  gangrène italienne Io se fossi Dio                  Moi si j’étais Dieu un Dio incosciente enormemente saggio         un Dieu inconscient énormément sage ci avrei anche il coraggio di andare dritto in galera              j’aurais même le courage d’aller droit aux galères ma vorrei dire che Aldo Moro resta ancora                  mais je voudrais dire qu’Aldo Moro reste encore quella faccia che era.                  le personnage qu’il était. Deux ans après l’assassinat de Moro, ces propos firent scandale auprès des bonnes âmes de droite et de gauche, alors que certains groupes des Pouilles ont demandé la béatification d’Aldo Moro, en principe acceptée par le Vatican. Il continue sur la même ligne, publie en 1985 Io se fossi Gaber, qui comprend la chanson ironique et tendre sur l’Italie, Benvenuto il luogo dove, qu’il chantera sur la scène du Club Tenco : Écoute 7 : Benvenuto il luogo dove (Parole : Gaber/Luporini. Musica : Gaber (Gaber, 1984) Il publie encore en 1987 Piccoli spostamenti del cuore puis, après des reprises, Il Teatro canzone, en 1992, qui contient l’étonnant monologue Qualcuno era comunista, une des analyses les plus lucides de ce que fut le communisme italien, ses côtés superficiels et parfois ridicules, mais finalement l’espoir qu’il portait, l’élan qu’il représentait vers une vie meilleure, et le désespoir que crée son affaiblissement ou sa disparition : Qualcuno era comunista, perché con accanto questo slancio, ognuno era come più di se stesso, era come due persone in una: da una parte, la personale fatica quotidiana, e dall’altra il senso di appartenenza a una razza che voleva spiccare il volo, per cambiare veramente la vita. Certains étaient communistes, parce que ayant cet élan à ses côtés, chacun était comme plus que lui-même, il était comme deux personnes en une : d’une part la peine personnelle quotidienne, et de l’autre le sentiment d‘appartenir à une race qui voulait prendre son vol, pour changer vraiment la vie. No, niente rimpianti. Forse anche allora molti avevano aperto le ali, senza essere capaci di volare, come dei gabbiani ipotetici. Non, pas de regrets. Peut-être même qu’alors beaucoup avaient ouvert les ailes sans être capables de voler comme d’hypothétiques mouettes. E ora, anche ora, ci si sente come in due. Da una parte, l’uomo inserito, che attraversa ossequiosamente lo squallore della propria sopravvivenza quotidiana, e dall’altra il gabbiano, senza più neanche l’intenzione del volo, perché ormai il sogno si è rattrappito. Due miserie in un corpo solo. Et maintenant, maintenant aussi, on se sent comme coupé en deux. D’un côté l’homme intégré, qui traverse obséquieusement la tristesse de sa propre survie quotidienne, et de l’autre la mouette, qui n’a même plus l’intention de voler, parce que désormais le rêve s’est rabougri. Deux misères en un seul corps. Écoute 8 : Vous devez vraiment écouter ce texte remarquable, émouvant, encore plus pour qui a vécu les périodes de grandes luttes, où l’on chantait Bella ciao, le poing levé, en jeans et en eskimo, où l’on allait voir les Inti Illimani, rentrés du Chili après le coup d’État de Pinochet, où l’on était « communiste » (La France n’a pas connu la même atmosphère…) ; Gaber rappelle tout cela dans son introduction, seul, sans aucune musique, puis il va dire longuement ce que voulait dire « être communiste », accompagné d’une musique qui s’amplifie avec l’émotion, pour conclure par le passage cité plus haut. Tapez sur Google le titre et les trois premiers sites vous donneront le texte italien, l’enregistrement sur You tube et la traduction d’Olivier Favier. Ses spectacles et disques suivants suivront ce qu’il appelle la « rassegnata decadenza », la décadence résignée, dans Io come persona (1994), E pensare che c’era il pensiero  (1995), il fut un temps où l’on pensait, où l’on n’avait pas la tête vide. Il parle de tout, des problèmes idéologiques et politiques (Destra Sinistra, 1995, qui lui vaudra de lourdes critiques de la gauche : « Ma cos’è la destra, cos’è la sinistra »), mais aussi des problèmes sexuels des gens, la masturbation, les moments d’impuissance de l’homme face à une femme trop belle et trop empressée (Falso contatto, 1995). Le spectacle de 1996-1997 reprend beaucoup de chansons des spectacles précédents dans Gaber 96-97. Toujours un des thèmes dominants est la critique de l’homme moyen d’aujourd’hui, l’homme « normal », conformiste, intégré à une société qui l’exploite (Il conformista, 1996-97) ; c’est aussi la fin de notre civilisation (I barbari, ibid.). Ces chansons sont aussi reprises dans Un’idiozia conquistata a fatica (1997-8), mêlées à de nouveaux textes. comme Che bella gente qui se moque des jeunes des années 1960. Dans La democrazia, il dit : « Il semble vraiment que le peuple italien ne veuille pas être gouverné », terrible présage encore valable en 2018 ! Il analyse et critique l’abstentionnisme grandissant dans Il voto. Il se moque de façon virulente à plusieurs reprises du « renouveau » de l’Église catholique (La Chiesa si rinnova), évoquant chaque fois les faits d’actualité. Son dernier disque, après La mia generazione ha perso (2001), à la fois désespéré et croyant encore que les choses peuvent changer, est Io non mi sento italiano (2003), qui obtient la Targa Tenco ; et qui apparaît maintenant un peu comme son testament, avec quelques chansons fortes où il appelle à ne pas enseigner aux enfant ces idéaux maintenant irréalisables et faux (Il tutto è falso, Non insegnate ai bambini) ; il chante « Je ne me sens pas italien / mais par chance ou malheureusement je le suis ». Il décrit « les monstres que nous avons en nous » (I mostri che abbiamo dentro), et il termine par la chanson Se ci fosse un uomo, S’il y avait un homme. Il était encore de cette génération qui a cru pouvoir changer le monde … qui a désespéré mais sans jamais abandonner un petit éclair d’espoir : « Ma io ti voglio dire / che non è mai finita », Mais je veux te dire que ce n’est jamais fini Il faudrait écouter tout Gaber, il nous permet de mieux comprendre notre réalité, l’évolution de notre société, il nous incite toujours à nous battre pour changer radicalement la vie.(5)  Nous avons évoqué Dario Fo (1926-2016 ), à propos de Jannacci et de Gaber. Il est connu surtout comme auteur et acteur, Prix Nobel de littérature. Dans les débuts de sa carrière théâtrale il a cependant écrit beaucoup de textes de chansons, dont Fiorenzo Carpi compose la musique. Fiorenzo Carpi (1918-1997) fut un des grands compositeurs milanais, de musiques de films (dont l’air du Pinocchio de Comencini en 1972) pour des metteurs en scène italien et français, et de musiques de chansons, entre autres pour accompagner les chansons que Dario Fo écrivait pour ses pièces de théâtre. Les Éditions Musicales EDI-PAN de Rome rééditent 31 de ces chansons en 1977, la plupart chantées par Dario Fo lui- même. Elles avaient été auparavant publiées en cassettes pour les amis et connaissances. Avec sa femme, Franca Rame, Dario Fo joua un rôle important dans la lutte contre la censure démocrate-chrétienne qui les fit éliminer de la télévision publique (Voir notre dossier : Quelques chansons de Dario Fo en souvenir de sa mort, 13 octobre 2016) 2.2 – Lucio Battisti (1943-1998) et Mogol (1936- ) On a beaucoup discuté pour savoir si Battisti était à classer parmi les cantautori : il a écrit la musique et interprété les chansons, mais les paroles ont toujours été écrites d’abord par Mogol puis par la  femme de Battisti, et enfin par Pasquale Panella ; il n’a donc jamais eu « la figure classique du cantautore comme personne réelle qui a son propre monde intérieur à raconter, le fixe par la poésie des paroles et la poésie de la musique, et enfin l’exprime d’une voix quelconque et quelques accords de guitare ou de piano » (6). les textes de Mogol ne répondent jamais (bien qu’ils soient parfois autobiographiques) à l’urgence d’expression d’une «  inspiration  » personnelle, mais ce sont les textes d’un « parolier » parmi les plus habiles. Et puis il y avait le personnage de Lucio, « avant tout avec sa voix si insolite, si légèrement rauque et aphone par rapport au bel canto encore dominant ; et puis avec son extraordinaire capacité d’écriture musicale qui a vraiment constitué une révolution dans notre chanson. Non plus mélodie italienne ou folk-rock américaine, mais quelque chose de différent qui fondait pour la première fois les deux choses » (Ibid. p. 467). Il y eut donc quelque chose de parfait dans cette « société artisanale » que constituèrent Lucio Battisti et Mogol. C’est ce qui fit qu’ils furent ceux qui représentèrent le mieux leur époque, où les chanson de Battisti furent sur toutes les lèvres ; on lui avait reproché d’avoir financé les groupes néofascistes, mais il fut en réalité profondément étranger à la politique, pourtant on retrouva son œuvre complète dans l’un des refuges des Brigades Rouges au moment de l’enlèvement d’Aldo Moro … Lucio Battisti est né en 1943 dans une petite ville du Latium, et sa famille vient vivre à Rome quand il a 7 ans. Il s’adonne très jeune à la musique avec passion et devient un grand guitariste. Mais il refuse de paraître en public à partir de 1972, fait peu de concerts, mais vend une quantité de disques (19 albums entre 1969 et 1994) ; jamais il ne laissera la presse s’emparer de sa vie privée, qui sera aussi secrète que sa mort, le 9 septembre 1998.  Il part à Milan en 1965 et une française lui fait rencontrer Giulio Rapetti (Mogol, 1936- ), parolier déjà connu de Caterina Caselli, les Dik-Dik, Équipe 84, Fausto Leali, Gianni Morandi, PFM, The Rokes, Bobby Solo (Una lacrima sul viso, 1964), Little Tony. Mogol était le fils de Mariano Rapetti, parolier lui aussi sous le nom de Calibi, et directeur de la branche de musique légère créée par Nanni Ricordi dans la maison d’éditions de son père. Lorsqu’est déclarée la rupture avec Battisti en 1980, Mogol écrit pour Riccardo Cocciante, Adriano Celentano, D’Alessio et d’autres, puis il se consacre en partie à la gestion d’une école pour les auteurs, musiciens et chanteurs, dont il déplore la médiocrité contemporaine et le manque de formation. Il écrit en 1997 avec Oliviero Beha un ouvrage intitulé L’Italia non canta più, Ediesse, 124 pages. Les Italiens autrefois chantaient à chaque instant, maintenant ils chantent de moins en moins ; « les gens sont découragés, pessimistes, déçus, frustrés, ils n’ont même plus envie de se mettre en colère » (p. 12), et il y a de moins en moins de bonnes chansons, la chanson est devenue un « produit » sur un marché et « le marché tue la culture » (p. 16). Un ouvrage à méditer au-delà du cas Battisti/Mogol  (7). Battisti commence sa carrière par une chanson de Sergio Endrigo, Adesso sì, publiée par Ricordi et qu’il présente avec l’auteur sur le disque de présentation du Festival de Sanremo de 1966: il est significatif qu’il commence par la chanson d’un cantautore, c’est-à-dire au-dessus du niveau de la chanson commerciale classique. Il participera au Festival une seule fois en 1969 en chantant avec Wilson Pickett une chanson écrite avec Mogol qui va en finale, Un’avventura. Battisti commence sa collaboration avec Mogol en compagnie du groupe Dik Dik en 1966 avec Dolce di giorno. La chanson est encore influencée par la mode beat anglaise et américaine, comme le manifeste l’usage de l’harmonica dans l’ouverture et l’accompagnement musical, mais le texte est une première création originale de Mogol : « Dolce di giorno / fredda di sera / … Tu sei come una torta / di panna montata / tutta contenta / di non essere stata mangiata ». Nous sommes en 1966, les italiennes croient à l’amour, mais se refusent encore à l’amour physique, et leur sensualité se referme dès que vient le soir, et elles deviennent des « statues de cire ». Une autre chanson de l’été 1966, Per una lira, permet à Battisti de commencer sa collaboration avec Mariano Detto, qui faisait les arrangements de Celentano pour le Clan et les « Ribelli » ; c’est la chanson qui est publiée dans son premier 45 tours avec Dolce di giorno. Avec 29 settembre, de 1967, s’affirme la collaboration avec l’Équipe 84 qui interprète la chanson en   premier : Battisti se sent encore plus auteur que chanteur, et il ne l’interprétera lui-même que plus tard. C’est l’histoire, racontée en peu de phrases, d’une trahison amoureuse qui ne durera qu’une nuit : il « la » rencontre dans un café et il est séduit, ils vont au restaurant, puis au bal, puis …au lit ; et le lendemain matin, en se levant, il repense à celle qu’il aime, il lui téléphone aussitôt, il parle, il rit et elle ne sait pas pourquoi. Comme interprète, Battisti commence surtout à être connu à partir de 1968, avec Balla Linda, qui eut un grand succès même aux USA grâce à Grass Roots. De plus en plus « l’entreprise » Battisti/Mogol brise avec la tradition de la chanson mélodique italienne, avec la forme figée de l’alternance entre couplets et refrains, avec les rythmes obligés et le dernier vers terminé par un mot tronco, etc. ; la voix, plus rauque, et le rythme de Battisti sont inhabituels ; les contenus sont surprenants, insistant sur la difficulté du couple fixe plus que sur les amours romantiques. Le succès est rapide, Battisti est une des meilleures expressions de l’esprit de son temps, des doutes sur la société comme sur les rapports humains et amoureux. En 1969, la Ricordi publie son premier album, Lucio Battisti, suivi en 1970 de Emozioni et en 1971 de Pensieri e parole. Ce succès n’empêche pas la RAI de censurer sa chanson Dio mio no, pour sa description trop érotique : elle vient chez lui, mange, demande où est le lit, ressort de la chambre en pyjama, s’approche de lui, et il ne peut que s’écrier« Mais que fais-tu ? Mais que fais tu ? », dans un rock violent. Il publie dans cette même année 1971 plusieurs chansons pour les Dik Dik, Mina, Bruno Lauzi, Hervé Vilard ; il est reconnu aux USA pour Mi ritorni in mente, mais sa tournée aux Etats-Unis en 1976 n’a pas un très grand succès. En 1978, son enregistrement de Una donna per amico, fait à Londres, vend presque un million de disques rien qu’en Italie. Après sa rupture avec Mogol en 1980, il publie quelques disques écrits par son épouse sous le nom de Velezia, puis il mettra en musique les textes, souvent difficilement compréhensibles, de Pasquale Panella jusqu’à son dernier disque, Hegel, de 1988, après quoi il se retire dans sa maison de campagne, où il meurt mystérieusement à 55 ans. Lucio Battisti est devenu un des grands mythes de la chanson. Quand le film Il Grande Blek (1987) était passé au Festival d’Annecy, j’avais demandé à son metteur en scène pourquoi il l’avait illustré par des chansons de Lucio Battisti, il m’avait répondu que c’était évidemment celui qui avait le mieux traduit l’état d’esprit des jeunes des années 1970 et qu’il était aussi le plus populaire auprès d’eux. Écoute 9 : Alors ÉCOUTEZ les chansons de Battisti, depuis les premières, 29 settembren Non è Francesca, Balla Linda, Io vivrò (senza te), Dolce di giorno, Mi ritorni in mente, Emozioni, Dieci ragazze, Dio mio no, Pensieri e parole, I giardini di marzo, Il mio canto libero, La collina dei ciliegi, Sì, viaggiare, Donna selvaggia donna, Una donna per amico, Tapez leur titre, lisez leur texte, écoutez et regardez leur enregistrement. C’est un tournant dans l’histoire de la chanson italienne, et ce sont toutes de bonnes et belles chansons qui ont marqué la mémoire des italiens. Ou écoutez nos émissions de CouleursFM (Cf Note 7). 2.3 – Roberto Vecchioni (1943- ) Il est fils d’un commerçant milanais et d’une ménagère napolitaine. Son originalité est de n’être pas un cantautore à plein temps : après des études de Lettres classiques à l’Université catholique du Sacré Cœur de Milan il devient, après y avoir été assistant d’histoire des religions, professeur de latin et de grec dans des lycées de Milan. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, il écrit des textes de chansons pour de nombreux chanteurs italiens, de Betty Curtis à Patty Pravo ou Gianna Nannini. Sa première chanson, dont il est auteur et interprète, sur musique de Andrea Lo Vecchio, est Luci a San Siro, en 1971, une invective contre les modes de fonctionnement et les hypocrisies du monde musical, qui n’est pas sans ressemblance avec L’Avvelenata de Guccini dont nous reparlerons. Écoute 10 : Luci a San Siro (Texte  : Roberto Vecchioni  ; musique  : Andrea Lo Vecchio et Giorgio Antola, Parabola, 1971) Nous nous référons au texte probablement original : le vers 3 (« Parli di sesso e di prostituzione ») a été remplacé par « parli di donne di buon costume »  ;  au vers 7 «  fra le tue braccia  » remplace «  fra le tue gambe  »  ; les vers 7 et 8 de la 4e strophe (« Più lecchi il culo più ti dicono di si / e se hai la bocca sporca che importa, / chiudi la bocca e nessuno lo saprà ») deviennent : « più abbassi il capo e più ti dicono di sì / e se hai le mani sporche che importa / tienile chiuse e nessuno lo saprà ». La censure (et parfois l’autocensure) est passée par là  ! Le quartier de Milan et le grand stade de San Siro furent un lieu de rencontre des jeunes de la ville, où on allait avec la « ragazza » et où on laissait rires et larmes, bonheurs fragiles et drames d’amour. La chanson est probablement en partie autobiographique. Elle exprime la complexité, la « duplicité » (dit Cesare G. Romano), du personnage de Vecchioni, entre lutte socio-politique contre le monde ambiant du milieu musical, la corruption, les poètes qui se vendent à ce monde, et une recherche de vérité, un permanent dialogue avec lui-même pour résoudre ses contradictions et pour ne sacrifier aucune richesse possible de son être. Dans Figlia (Elisir, 1976), il écrit : « E figlia, figlia, / non voglio che tu sia felice, / ma sempre contro, / finché ti lasciano la voce. / Vorranno / la foto col sorriso deficiente,/ diranno : / « Non ti agitare che non serve a nient   » / e invece tu grida forte / la vita contro la morte » (Et ma fille, ma fille, / je ne veux pas que tu sois heureuse, / mais toujours contre, / tant qu’ils te laissent ta voix. / Ils voudront / ta photo avec un sourire débile, / ils diront  : / «  Ne t’agite pas, cela ne sert à rien  » / et au contraire toi crie fort / la vie contre la mort). Crier la vie, à la fois ses beautés, l’amour surtout, et ses horreurs qu’il faut combattre, contre lesquelles il faut crier. Et si l’on chante l’amour, – ce sera un thèmes constant des chansons de Vecchioni –, il faut en chanter autant le romantismee que la sensualité, comme il le dira très bien dans Il tuo culo e il tuo cuore : Écoute 11 : Il tuo culo e il tuo cuore (Il cielo capovolto, 1995) Comme explique Vecchioni, il est vrai qu’il est rare qu’un poète évoque le « cul » de la femme qu’il chante, et il ne cite qu’une chanson de Léo Ferré qui l’ait fait, Ton cul est ton cœur. Mais c’est la réalité de l’amour, et, dit Vecchioni, cette chanson est très romantique, « un éloge de la sensualité et de l’intelligence qui, chez une femme, ne sont jamais séparées   … Sexe et sentiment qui vont à l’unisson ». Vecchioni se réfère aussi souvent aux héros de la littérature et aux mythes grecs ou autres, Ajax (Aiace, Saldi di fine stagione, 1972), Judas (Giuda, Il re non si diverte, 1973), Dante Alighieri (Alighieri, Ipertensione, 1975), Velasquez (Velasquez, Elisir, 1976), Rimbaud et Verlaine (A.R., ibid.), Roland (Roland (Chanson de geste/chanson sans geste), Robinson, 1979), Robinson Crusoë (Robinson, ibid.), Ulysse (Ulisse e l’America, Il grande sogno, 1984), Alexandre le grand (Alessandro e il mare, Milady, 1989), Eurydice (Euridice, Blumùn, 1993), Sapho (Il cielo capovolto, Il cielo capovoto (ultimo canto di Saffo), 1995), et beaucoup d’autres, Don Quichotte, Pinocchio, le roi Richard, Marco Polo, César ; il dédie des chansons à des auteurs, Pessoa, Guccini, Fellini, Alda Merini, Van Gogh et Gaughin … Pas de rupture entre la chanson et la culture classique du chanteur ! (Voir quelques-unes de ces chansons dans notre dossier  : La chanson d’auteur, la mythologie, l’histoire gréco-romaine, l’histoire biblique). Mais chaque fois qu’il parle d’un personnage ou d’un mythe, Vecchioni n’en fait jamais une description objective, il ne parle en réalité que de lui-même. Le navigateur Diego Velasquez (1465-1524) a par exemple « une guitare en guise d’épée » (Velasquez) et n’est autre que le chanteur, dans ses incertitudes et ses contradictions (8). Qu’il parle de lui-même, de sa femme (Irene), de ses ancêtres (Ninnì),  de sa fille (Lettera a Francesca), Vecchioni est à la recherche de lui-même, de sa cohérence,  de sa vérité, dans un dialogue qui lui fera conserver pendant toute sa vie son double métier de cantautore et d’enseignant. Sa thématique profonde est de «  comprendre les hommes et les idées  ». Il en fait autant lorsqu’il évoque des lieux, Samarcande, Paris, Venise, Florence, Milan, Jérusalem, Waterloo, etc. Vecchioni dit de sa chanson Alessandro e il mare (Milady, 1989) : « C’est une composition qui, comme j’aime quelquefois le faire, unit des personnages historiques à mon autobiographie » (9). Au fond, Vecchioni n’a jamais chanté qu’une mise en scène de lui-même. Mais il a une telle capacité d’inventer des vers originaux, un tel enthousiasme, une telle connaissance et compréhension de tous les sujets, personnages, lieux de ses chansons, qu’à travers lui on découvre toujours un nouveau monde de rêves (« Sogno » est un des mots qui revient le plus souvent dans ses chansons) qui nous séduit et nous permet de mieux nous comprendre nous-mêmes, d’élargir notre vision du monde, d’être heureux. Et ainsi, il entraîne son public, chacun de nous, à se cultiver plus profondément, à devenir plus humain. Il nous conduit vers une interrogation sur nous-mêmes, qui nous arrache à la routine et nous oblige à nous interroger toujours  (Il cielo capovolto) : Che ne sarà di me e di te  Q’en sera-t-il de moi et de toi Che sarà di noi  ?  Qu’en sera-t-il de nous ? L’orlo del tuo vestito,           Le bord de ton vêtement, un’unghia di un tuo dito,  un ongle de ton doigt, l’ora che te ne vai…           l’heure où tu t’en vas … Che ne sarà domani, dopodomani  Qu’en sera-t-il demain, après-demain e poi per sempre  ?           et puis pour toujours? Mi tremerà la mano                            Ma main tremblera passandola sul seno           quand je la passerai sur mon sein cifra degli anni miei …                   chiffre de mes années … C’est ainsi que passe le temps, le cours de notre vie et de nos amours … Vecchioni sera vainqueur du Festival de Sanremo de 2011 avec une belle chanson Chiamami amore amore, dont vous trouverez un commentaire intéressant sur le site : www.wakeupnews.eu) Dommage qu’ Enrico De Angelis n’ait publié qu’un seul article (un peu critique) sur Vecchioni (op. cit. p. 375, du 5 décembre 1993). Roberto Vecchioni est aussi l’auteur de plusieurs romans et récits, Viaggio del tempo immobile, Einaudi, 1996, Le parole non le portano le cicogne, Einaudi, 2000, Il libraio di Selinunte, Einaudi, 2004, Diario di un gatto con gli stivali, Einaudi, 2006, Il mercante di luce, Einaudi, 2014, La vita che si ama. Storie di felicità, Einaudi, 2016  … Écoute 12 : Écoutez les chansons que nous avons citées et voyez leur vidéo en tapant leur titre italien suivi du mot « testo » sur Internet, en particulier celles du disque Il cielo capovolto. NOTES : 1. Paolo Jachia, La canzone d’autore italiana 1958-1997, con prefazione di Caterina Caselli, Feltrinelli, 1998, p. 71. 2.  Le nom de Carlo Giuliani ou une référence aux événements qui provoquèrent sa mort ont suscité de nombreuses chansons, outre celle de Jannacci, de Francesco Guccini, Piazza Alimonda (Ritratti, 2004), des Modena City Ramblers, La legge giusta, Fabri Fibra, Caparezza, Simone Cristicchi, Lo Stato Sociale, Inoki, Il mio paese se ne frega, Gian Piero Alloisio, Canzone per Carlo, Carmelo Albanese, Reggae per Carlo Giuliani (Piazza Carlo Giuliani, consultables sur Internet), le groupe napolitain 99 Posse, Odio/rappresaglia, le groupe florentin Malasuerte, Il mio nome è Carlo, le groupe Linea 77, Fantasma, le groupe La Casa del Vento a dédié à Carlo Giuliani la chanson Al di là degli alberi, etc 3. Le texte de toutes les chansons de Gaber se trouve dans  le coffret  : Gaber, Parole e canzoni, Einaudi, 2002. Le livre est intitulé  : La libertà non è star sopra un albero, 612 pages.  La video en VHS comporte 70’ de chansons et d’interviews de Gaber. Vous pouvez écouter presque toutes les chansons de Gaber en tapant le titre de la chanson sur Google (You tube ou autre). Ma voi … se  trouve p. 31. 4. Umberto Eco, Préface à  : Michele Straniero, Emilio Jona, Sergio Liberovici, Giovanni De Maria, Le canzoni della cattiva coscienza, Bompiani, Milano, 1964, p. 11. 5. On peut lire le petit livre de Giandomenico Curi, Chiedo scusa se parlo di Gaber, Arcanamusica, 2003, 128 pages. 6. Enrico De Angelis, Musica sulla carta, Quarant’anni di giornalismo intorno alla canzone,  Zona, 2009, p. 466, «  Crepuscolo di un canto libero  : la scomparsa di Lucio Battisti  », 10/09/1998. C’est le seul article que De Angelis consacra à Battisti 7. Sur Battisti et Mogol, on peut lire  : 1) Gianfranco Manfredi, Lucio Battisti, Canzoni e spartiti, Lato Side,8, 1979  ; 2) Gianfranco Salvatore, Mogol-Battisti, L’alchimia del verso cantato. Arte e linguaggio della canzone moderna, Castelvecchi, 1997, 394 pages  ; 3) Luciano Ceri, Lucio Battisti, Pensieri e parole, Una discografia commentata, Tarab Edizioni, 1996, 304 pages  ; 4) Gianfranco Salvatore, L’arcobaleno. Storia vera di Lucio Battisti vissuta da Mogol e dagli altri che c’erano, Giunti, 2000, 256 p. On peut aussi écouter les trois émissions de Jean Guichard, Françoise Gibaja et Angelo Sollima sur Couleurs FM, 2017. 8. Cf.  : Paolo Jachia, La canzone d’autore, 1958-1997, Feltrinelli, 1998, pp. 129-130. 9. Roberto Vecchioni, Trovarti, amarti, giocare il tempo. Tutte le canzoni, Einaudi, 2002, p. 227. Le livre accompagne un DVD d’enregistrements de Vecchioni et comporte toutes les chansons de Vecchioni jusqu  ‘en 2002. Sur Vecchioni, on peut lire : Michelangelo Romano, Roberto Vecchioni, Canzoni e spartiti, Lato Side, 1979 ; Sergio Secondiano Sacchi, Voci a San Siro, Arcana Editrice, 1992, avec un CD de quatre chansons ; Anna Caterina Bellati e Paolo Jacchia, Roberto Vecchioni, le Canzoni, Clausio Lombardi Editore, 1992 ; Paolo Jacchia, Roberto Vecchioni, Le donne, i cavalier, l’arme, gli amori, Fratelli Frilli Editori, 2001… Page 2
LA CHANSON EN LOMBARDIE - page 1
Enzo Jannacci, anni ‘70
Enzo Jannacci, anni ‘80
Mogol en 2007
Vecchioni, années 1970
Vecchioni en 2011
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