La chanson d’auteur, la mythologie, l’histoire grecque et romaine, la tradition biblique
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Nous remercions Enrico De Angelis pour tous les disques de ce thème qu'il nous a signalés, son aide est toujours précieuse. Nous signalons aussi que ce texte a servi de base à
trois émissions radiophoniques de CouleursFM d'avril et mai, dans Sono solo canzonette, avec Françoise Gibaja et Angelo Sollima.
Jean Guichard.
La culture italienne a toujours été imprégnée de culture gréco-romaine et de mythologie, les dieux et les héros de l’Antiquité ont toujours été une référence dans la littérature, la poésie,
la sculpture, la musique italiennes ; elles se sont toujours inspirées du « mythe », c’est-à-dire du récit de la vie des dieux et des héros, pour donner une explication de leur vie et de leur
sens du sacré, c’est-à-dire du surnaturel, de l’extraordinaire, de ce qui ordonnait le monde et le sauvait du chaos. Les Italiens n’ont jamais cessé de vivre dans les restes et les ruines
de l’Antiquité romaine.
On connaît la place de la mythologie dans l’œuvre de Dante Alighieri (voir le beau livre de Paul Renucci, Dante disciple et juge du monde gréco-latin, Les Belles Lettres, 1954),
Boccace consacre des années à écrire ses Genealogia deorum gentilium, sur les principales divinités antiques, et chez de nombreux écrivains on trouvera les mêmes références à la
culture gréco-romaine, qui imprégnait non seulement la culture mais la vie quotidienne des Italiens.
Les intellectuels français, italiens et autres ont beaucoup analysé les références à la mythologie dans la littérature, poésie et théâtre, la sculpture, l’opéra lyrique (à partir de l’Euridice
de Jacopo Peri et de l’Orfeo de Claudio Monteverdi), mais presque jamais, comme dans d’autres domaines, ils n’ont fait allusion à la chanson. Voir par exemple les excellentes études
des Cahiers d’Études Romanes, dans leurs numéros 27 (2013) et 29 (2015) consacrés aux mythes, par Perle Abbruggiati et de nombreux collaborateurs (textes accessibles sur
Internet).
On parle très peu de la chanson et c’est bien dommage, car la culture grecque a aussi influencé un certain nombre de musiciens, de chanteurs et de « cantautori » (= auteurs-
compositeurs-interprètes) par son histoire et par sa mythologie.
Dans le dernier tiers du XXe s., en particulier, plusieurs compositeurs de chansons ont choisi des thèmes dans l’histoire ou la mythologie grecques et romaines. C’était à la fois un
retour sur les sources profondes de la société italienne, et souvent une façon détournée de parler de la société contemporaine, en comparant la corruption d’un empereur à celle des
hommes politiques d’aujourd’hui, en actualisant le personnage d’Ulysse, etc. (Voir l’intéressante étude de Mariangela Galatea Vaglio, La lira e il cantautore : l’antico nelle canzoni
italiane della seconda metà del Novecento, www.novecento.org, un des rares textes sur cette question).
Le XXIe siècle semble avoir transformé un peu cette tradition, à l’exception de Vinicio Capossela, Caparezza et quelques autres, en traitant les thèmes mythologiques non plus
comme références de problèmes sociaux et politiques, mais de questions plus psychologiques et privées.
1) Ulysse et Ithaque
C’est d’abord le thème d’Ulysse et d’Ithaque qui est développé par les « cantautori ». Il a toujours inspiré les Italiens, qui connaissent Homère, cet auteur grec qui aurait écrit aussi une
suite à l’Odyssée, aujourd’hui perdue, où il racontait le départ d’Ulysse vers les Colonnes d’Hercule après son retour à Ithaque ; il les aurait franchies et après un sacrifice à Neptune, il
serait revenu mourir en paix dans son île. On connaissait le Pseudo Apollodore, et son récit de la mort d’Ulysse tué par le fils qu’il aurait eu de Circé. Mais tous ceux qui ont suivi la «
scuola media » connaissent surtout Dante dans le chant XXVI de l’Enfer, où Ulysse ne rentre pas à Ithaque mais entraîne directement les derniers compagnons de son navire vers le
dépassement des Colonnes d’Hercule, jusqu’à la montagne du Purgatoire où il fait naufrage. On connaissait Foscolo (A Zacinto, 1802), et Giovanni Pascoli dans les 24 chants de son
Dernier voyage (L’ultimo viaggio, Poemi Conviviali, 1904), où Ulysse veut refaire son voyage à l’envers et fait naufrage près de l’île des Sirènes ; pour Gabriele d’Annunzio (Laudi,
Livre I), Ulysse sera un modèle de surhomme, que critiquera ironiquement Guido Gozzano en faisant d’Ulysse un dandy moderne sur son yacht (L’Ipotesi, Poesie sparse, 1907).
L’Italie écrit aussi des opéras sur Ulysse, de Claudio Monteverdi (Il ritorno di Ulisse, 1641) à Ippolito Pindemonte (Ulisse, 1778), de Luigi Dallapiccola (Ulisse, 1968) à Luciano
Berio (Outis, 1996, c’est le nom qu’avait donné Ulysse à Polyphème pour le tromper, signifiant « personne »). L’Italie écrit sur Ulysse des films, comme celui de Francesco Rossi en
1968. En somme Ulysse apparaît bien comme le personnage héroïque le plus prisé par toute la culture italienne savante ou populaire.
Un des premiers cantautori à parler d’Ulysse fut Lucio Dalla avec ses chansons Itaca (1971) et Ulisse coperto di sale (1975) :
Itaca
(Testo : Gianfrano Baldazzi e Sergio Bardotti
Musica e Interpr. : Lucio Dalla
Storie di casa mia
1971)
Capitano che hai negli occhi il tuo nobile destino
pensi mai al marinaio a cui manca pane e vino
capitano che hai trovato principesse in ogni porto
pensi mai al rematore che sua moglie crede morto
itaca, itaca, itaca la mia casa ce l’ho solo la’
itaca, itaca, itaca
ed a casa io voglio tornare
dal mare, dal mare, dal mare
Capitano le tue colpe pago anch’io coi giorni miei
mentre il mio piu’ gran peccato fa sorridere gli dei
e se muori è un re che muore la tua casa avra’ un erede
quando io non torno a casa entran dentro fame e sete
itaca, itaca, itaca la mia casa ce l’ho solo la’
itaca, itaca, itaca
…
ed a casa io voglio tornare
dal mare, dal mare, dal mare
Capitano che risolvi con l’astuzia ogni avventura
ti ricordi di un soldato che ogni volta ha piu’ paura
ma anche la paura in fondo mi da’ sempre un gusto strano
se ci fosse ancora mondo sono pronto dove andiamo
itaca, itaca, itaca la mia casa ce l’ho solo la’ * .
itaca, itaca, itaca
…
ed a casa io voglio tornare
dal mare, dal mare, dal mare
itaca itaca itaca
,
la mia casa ce l’ho solo la’
itaca, itaca, itaca Ithaque,
ed a casa io voglio tornare...
* Variante de ces 2 vers chantée par Dalla dans ses concerts : Mais si tu ne me ramènes pas chez moi, / Capitaine, je te mets en pièces.
On a beaucoup discuté de cette chanson où Dalla donne la parole à un marin d’Ulysse, lors de son retour à Ithaque avec ses marins, alors que dans la légende il y revient seul : Dalla
s’inspire ici de Dante dans la Divine Comédie (Enfer, XXVI), qui fait revenir Ulysse de la guerre de Troie avec ses compagnons et les montre prêts à partir pour une nouvelle aventure
au-delà des Colonnes d’Hercule, ce qui fait d’Ulysse un héros mythique, symbole du monde moderne avide de connaissances et de science, même en contredisant les lois divines. Ici,
le marin conteste le mythe d’un Ulysse héroïque, et il en fait le maître dictatorial de ses marins dont les familles risquent de mourir pour soutenir son entreprise ; on est alors proche de
Bertold Brecht, dans sa poésie du recueil Poésies de Svendborg, Questions d’un lecteur ouvrier, où il évoque les grandes entreprises dont on célèbre les rois, pharaons, empereurs,
mais dont on oublie les ouvriers qui ont transporté les pierres : « Thèbes aux Sept Portes, qui l’a construite ? / Il y a les noms des rois dans les livres. / Est-ce que ce sont les rois qui
ont transporté ces blocs de pierre ? … Le jeune Alexandre a conquis l’Inde. Seul ? / César a défait les Gaulois. N’avait-il même pas un cuisinier avec lui ? …».
Dalla procède ici de la même façon, et on a dit que le marin représentait le prolétariat exploité par l’industriel moderne ; on dit même que ce fut l’interprétation donnée par Dalla lui-
même durant un Festival de l’Unità (le quotidien communiste d’alors) en 1974, ce qui expliquerait peut-être la variante que nous avons indiquée. Au contraire la version officielle semble
revenir sur l’interprétation brechtienne au profit de celle de Dante, et le marin semble douter et être prêt à repartir. Mais Dalla n’était pas un militant communiste, il vivait seulement à
Bologne où les communistes étaient alors dominants, et il avait, en partie pour des raisons d’opportunité, de bonnes relations avec eux, d’où l’ambiguïté de son interprétation d’Ulysse.
Disons encore que le chœur est ici chanté par tout le personnel du studio de la RCA et du bar attenant, dont Dalla avait ouvert les portes pour l’enregistrement, seul exemple italien de
cette pratique : autre façon de donner la parole au peuple ?
L’autre chanson de Dalla évoque aussi le retour d’Ulysse, mais n’est-ce pas simplement le voyage de quelqu’un qui revient de la guerre sur les galères grecques (ou autres), couvert
de sel et de sable, de beauté et de larmes, mais toute vie n’est-elle pas qu’un long retour ?, après les batailles, les chevaux de Troie, les Sirènes et les princesses. Peu importe
l’éternel, il est en nous, il est inutile de repartir.
Ulisse coperto di sale
Ulysse couvert de sel
(Testo : Roberto Roversi
Musica e interpr. : Lucio Dalla
Anidride solforosa
1975)
Vedo le stanze imbiancate
Je vois les chambres blanchies-
tutte le finestre spalancate
Toutes les fenêtres grandes ouvertes.
neve non c’è, il sole c’è,
il n’y a pas de neige, il y a le soleil,
nebbia non c’è, il cielo c’è !
il n’y a pas de brouillard, il y a le ciel !
Tutto scomparso, tutto cambiato
Tout a disparu, tout a changé
mentre ritorno da un mio passato
tandis que je reviens d’un passé qui m’appartient
tutto è uguale, irreale
Tout est égal, irréel
sono Ulisse coperto di sale !
Je suis Ulysse couvert de sel !
E’ vero la vita è sempre un lungo, lungo ritorno
Il est vrai que la vie est toujours un long, long retour.
ascolta io non ho paura dei sentimenti
Écoute, je n’ai pas peur des sentiments.
e allora guarda, io sono qui,
Et alors regarde, je suis ici,
ho aperto adagio adagio con la chiave
J’ai ouvert tout doucement avec la clé ;
come un tempo
Comme dans le temps
ho lasciato la valigia sulla porta
J’ai laissé ma valise sur la porte
ho lasciato la valigia sulla porta.
J’ai laissé ma valise sur la porte
Ho guardato intorno prima di chiamare, chiamare
J’ai regardé autour de moi avant d’appeler, appeler
non ho paura, ti dico
Je n’ai pas peur, je te dis
che sono tornato per trovare, trovare
que je suis revenu pour trouver, trouver
come una volta
comme autrefois
dentro a questa casa
à l’intérieur de cette maison
la mia forza
ma force
come Ulisse che torna dal mare
Comme Ulysse qui revient de la mer
come Ulisse che torna dal mare.
Comme Ulysse qui revient de la mer
Una mano di calce bianca
Une couche de chaux blanche
sulle pareti della mia stanza
sur les murs de ma chambre
cielo giallo di garbino,
Ciel jaune de vent du sud-ouest,
occhio caldo di bambino !
Œil chaud d’enfance !
Tiro il sole fin dentro la stanza
Je tire le soleil jusque dans la chambre,
carro di fuoco che corre sul cuore
char de feu qui court sur mon cœur
perché ogni giorno è sabbia e furore
Car chaque jour est sable et fureur
e sempre uguali non sono le ore !
et les heures ne sont pas toujours égales !
Voglio dirti
Je veux te dire :
non rovesciare gli anni come un cassetto vuoto, Ne retourne pas les années comme un tiroir vide.
ascolta :
Écoute :
anche i giovani non hanno paura di un amore
Même les jeunes n’ont pas peur d’un amour
e mai, mai, mai strappano dal cuore
Et jamais, jamais, jamais, ils n’arrachent de leur cœur
i sentimenti
les sentiments ;
io ti guardo
Je te regarde
la tua forza è un’ombra di luce
Ta force est une ombre de lumière
la tua forza è un’ombra di luce.
Ta force est une ombre de lumière
La mano affondata nel vento del vento...
La main plongée dans le vent du vent,
aria calda, urlano quelle nostre ore
Air chaud, hurlent ces heures qui sont nôtres
strette in un pugno
Serrées dans un poing
urlano come gli uccelli,
elles hurlent comme les oiseaux,
i sassi si consumano, non si consuma la vita
Les cailloux se consument, la vie ne se consume pas
la giornata è uguale a una mano che è ferita
La journée est égale à une main qui est blessée
io sono Ulisse al ritorno
Je suis Ulysse de retour
Ulisse coperto di sale !
Ulysse couvert de sel !
Ulisse al principio del giorno !
Ulysse au début du jour !
Un autre « cantautore », Gianni Nebbiosi, a écrit un Testament d’Ulysse en 1974. Nebbiosi était médecin psychiatre à Rome, et, dans les années ’60 et ’70, il se battit dans le même
sens que Franco Basaglia pour un psychiatrie plus démocratique. Et comme arme, il prit aussi sa guitare et composa des chansons qui parlaient des conditions du malade mental dans
un premier disque de 1972 (E ti chiamaron matta), tandis que son deuxième et dernier disque de 1974 (Mentre la gente se crede che vola) contenait des sujets plus généraux, dont ce
Testament d’Ulysse. Il a travaillé aussi avec le Canzoniere del Lazio en 1974. Il est maintenant Président de l’ISISPSE, Institut de Spécialisation en Psychologie Psychanalytique de Soi
et en Psychanalyse. Ici, Ulysse est sur le point de mourir à Ithaque et il repense à la guerre, au cheval mortel, et il fait pour son fils un testament où il l‘appelle à ne plus faire la guerre,
à ne plus croire à Mars et à Junon :
Il testamento di Ulisse
Le testament d’Ulysse
(Gianni Nebbiosi
Mentre la gente se crede che vola
1974)
La sera vicino alla tenda sicura
Le soir dans la sécurité de la tente
gli eroi si toglievano freddo e paura,
les héros se libéraient du froid et de la peur,
le donne ed il vino e pensare al ritorno
les femmes et le vin et penser au retour
scordavano presto i morti del giorno
faisaient vite oublier les morts de la journée
poi quando nel sonno moriva la noia
puis quand l’ennui mourait dans le sommeil
tu ancora guardavi le mura di Troia.
tu regardais encore les murs de Troie.
E tu non pensavi a duelli futuri
et tu ne pensais pas aux duels futurs
a lance più forti a scudi più duri
à des lances plus fortes, des boucliers plus durs
capisti che a farvi tremenda la sorte
tu as compris que ce qui vous faisait un sort terrifiant
era quell’amore a un gioco di morte
c’était cet amour pour un jeu de mort
smettesti di credere in Marte o Giunone
tu as cessé de croire à Mars et à Junon
usando a preghiera la sola ragione...
te servant comme prière de ta seule raison …
e ti volò in testa un cavallo lucente
et dans ta tête vola un cheval luisant
che avrebbe portato laggiù la tua gente
qui porterait là-bas tous tes gens
e ti volò in testa un cavallo infernale
et dans ta tête vola un cheval luisant
che avrebbe portato allo scontro finale.
Qui conduirait au combat final.
Ad Itaca un giorno calava la notte
À Ithaque un jour la nuit tombait
e Ulisse sentì che arrivava la morte
et Ulysse sentit que la mort arrivait
e volle suo figlio in quel brutto momento
Il voulut voir son fils dans ce vilain moment
e volle suo figlio per far testamento
il voulut voir son fils pour faire son testament
sentiva nel cuore i passi del boia
il sentait dans son cœur les pas du bourreau
e ancora pensava alle mura di Troia
et il pensait encore aux murs de Troie.
- Voi che combattete una guerra da anni
Vous qui faites la guerre depuis des années,
e amate la polvere il sangue e le armi qui aimez la poussière le sang et les armes,
che il vostro nemico non rida contento
que votre ennemi ne rie pas de contentement
vedendovi fare duelli col vento
en vous voyant faire des duels avec le vent
smettete di credere in Marte o Giunone
Cessez de croire à Mars et à Junon
usando a preghiera la sola ragione.
en vous servant comme prière de la seule raison …
Vi volerà in testa una strana creatura
Il vous volera en tête une étrange créature
che porta diritti aldilà delle mura
qui emporte tout droit au-delà des murs
vi volerà in testa un cavallo infernale
il vous volera en tête un cheval infernal
che porta diritti allo scontro finale.
Qui emporte tout droit au combat final.
Le sicilien Kaballà (Gianni « Pippo » Rinaldi, né à Caltagirone en 1953) a écrit, en une langue qui mêle le dialecte et l’italien, une chanson sur le retour d’Ulysse dans sa patrie,
Itaca, en se souvenant lui aussi du texte de la Divine Comédie où Ulysse voit les deux rives de la Méditerranée, la Sardaigne puis l’Espagne et le Maroc et il dit la séduction des
paysages méditerranéens, Ithaque peut attendre :
Itaca
Ithaque
(Kaballà
Le vie dei canti
1993)
Davanti a mia c’è l’Africa
Devant moi il y a l’Afrique
davanti a mia
devant moi
c’è sempre tempu e libertà
il y a toujours du temps et de la liberté
Itaca ora mi po’ aspittari
Maintenant Ithaque peut m‘attendre
sta strada longa è fatta
cette longue route est faite
di acqua e di sali
d’eau et de sel.
Davanti a mia c’è l’Africa
Devant moi il y a l’Afrique
ma quanto mare vento e mare senza pietà
mais que de mer, que de vent et de mer sans pitié
Itaca ancora po’ aspittari
Ithaque peut encore attendre
mille e ‘na notti prima di riturnari
mille et une nuits avant de revenir
Porti d’oriente d’oro e d’argento
ports d’orient d’or et d’argent
ambra da respirare
ambre à respirer
vinu duci chi nun fa durmiri
vins doux qui ne font pas dormir
Danzi d’amuri aria d’incenso
danses d’amour air d’encens
preghiere da cantare
prières à chanter
notti e notti prima di turnari
des nuits et des nuits avant de revenir
E turnari vivi
et revenir vivants
quannu scinni ‘u suli
quand descend le soleil
quannu veni l’ura di turnari
quand vient l’heure de revenir
Davanti a mia c’è l’Africa
Devant moi il y a l’Afrique
davanti a mia si rapi ‘u munnu
devant moi on vola un monde
e ‘a libertà
et la liberté
Itaca intanto po’ aspittari
Ithaque cependant peut attendre
Itaca è solo un viaggio
Ithaque n’est qu’un voyage
da raccontare
à raconter
Porti d’oriente d’oro e d’argento
ports d’orient d’or et d’argent
ambra da respirare
ambre à respirer
notti e notti prima di turnari
des nuits et des nuits avant de revenir
E turnari vivi...
et revenir vivants
E turnari vivi
et revenir vivants
quannu ‘u cielu è mari
quand le ciel est la mer
quannu ‘u cori dici di turnari
quand le cœur te dit de revenir.
En 2004, Francesco Guccini commence son disque Ritratti par une chanson intitulée Odysseus : c’est une autre méditation, à la fois historique et actuelle sur ce personnage
homérique. Guccini s’inspire de nombreux textes littéraires, l’Odyssée d’Homère, l’Enfer XXVI de Dante, L’Isola petrosa de Foscolo dans A Zacinto, l’Itaca de Costantino Kavafis (voir
plus loin), et d’autres. Ulysse n’est plus un héros surhumain, il n’était qu’un paysan, un montagnard comme Guccini lui même, dans son Ithaque pierreuse, destiné au travail de la terre
et pas aux aventures sur la mer, c’est ce que Guccini affirme dès le début ; mais il doit aussi se lancer dans l’aventure, pour trouver une autre vérité, comme s’il était un scientifique
cherchant sans savoir s’il trouvera, mais il doit chercher comme c’est la tâche de tout homme. Guccini fait ainsi de l’histoire d’Ulysse comme une « métaphore de la vie », dira-t-il, sans
rien inventer de nouveau sur Ulysse, racontant son histoire sans allusions précises à la vie sociale contemporaine mais en en faisant comme le masque de Guccini et de la
psychologie d’un homme d’aujourd’hui : c’est aussi pour cela qu’elle est sans doute si émouvante.
Odysseus
(Francesco Guccini
Ritratti
2004)
Bisogna che lo affermi fortemente
Il faut que je l’affirme fortement
che, certo, non appartenevo al mare
je n’appartenais certainement pas à la mer
anche se Dei d’Olimpo e umana gente
même si les Dieux de l’Olympe avec les humains
mi spinsero un giorno a navigare
m’ont poussé un jour à naviguer
e se guardavo l’isola petrosa
et si je regardais mon île pierreuse
ulivi e armenti sopra a ogni collina
mes oliviers et mes troupeaux sur chaque colline
c’era il mio cuore al sommo d’ogni cosa
il y avait mon cœur en-haut de toutes choses
c’era l’anima mia che è contadina ;
il y avait mon âme qui est paysanne
un’isola d’aratro e di frumento
une île de charrue et de froment
senza vele, senza pescatori,
sans voiles, sans pêcheurs,
il sudore e la terra erano argento
la sueur et la terre étaient en argent
il vino e l’olio erano i miei ori.
le vin et l’huile étaient pour moi de l’or.
Ma se tu guardi un monte che hai di faccia
Mais si tu regardes la montagne en face de toi
senti che ti sospinge a un altro monte,
tu sens qu’elle te pousse vers une autre montagne,
un’isola col mare che l’abbraccia
une île embrassée par la mer
ti chiama a un’altra isola di fronte
t’appelle en face vers une autre île
e diedi un volto a quelle chimere
et j’ai donné un visage à ces chimères
le navi costruii di forma ardita,
j’ai construit des navires à la forme hardie
concavi navi dalle vele nere
j’ai creusé des navires aux voiles noires
e nel mare cambiò quella mia vita
et dans la mer ma vie a changé
ma il mare cambiò quella mia vita
mais la mer a changé ma vie.
ma il mare trascurato mi travolse :
mais la mer négligée m’a emporté :
senza futuro era il mio navigare
sans avenir était le fait que je navigue.
Ma nel futuro trame di passato
Mais dans l’avenir des trames de passé
si uniscono a brandelli di presente,
se mêlent à des lambeaux de présent,
ti esalta l’acqua e al gusto del salato
l’eau t’exalte et au goût de son sel
brucia la mente
ton esprit brûle
e ad ogni viaggio reinventarsi un mito
et dans chaque voyage, il faut réinventer un mythe
a ogni incontro ridisegnare il mondo
à chaque rencontre redessiner le monde
e perdersi nel gusto del proibito
et se perdre dans le goût de l’interdit
sempre più in fondo
en allant toujours plus au fond.
E andare in giorni bianchi come arsura,
et aller dans des jours blancs comme la chaleur,
soffio di vento e forza delle braccia,
au souffle du vent, à la force des bras,
mano al timone e sguardo nella pura
la main au timon et le regard dans la pure
schiuma che lascia effimera una traccia ;
écume qui laisse une trace éphémère ;
andare nella notte che ti avvolge
aller dans la nuit qui t’entoure
scrutando delle stelle il tremolare
en scrutant le tremblement des étoiles
in alto l’Orsa è un sogno che ti volge
en haut l’Ourse est un rêve qui te fait tourner
diritta verso il nord della Polare.
tout droit vers le nord de l’Étoile Polaire.
E andare come spinto dal destino
Et aller comme poussé par le destin
verso una guerra, verso l’avventura
vers une guerre, vers l’aventure
e tornare contro ogni vaticino
et revenir contre toute prophétie
contro gli Dei e contro la paura.
contre les Dieux et contre la peur.
E andare verso isole incantate,
Et aller vers des îles enchantées
verso altri amori, verso forze arcane,
vers d’autres amours, des forces mystérieuses,
compagni persi e navi naufragati ;
des compagnons perdus, des navires naufragés ;
per mesi, anni, o soltanto settimane ?
pendant des mois, des années ou seulement des semaines ?
La memoria confonde e dà l’oblio,
La mémoire confond et fait oublier,
chi era Nausicaa, e dove le sirene ?
qui était Nausicaa, où étaient les sirènes ?
Circe e Calypso perse nel brusio
Circé et Calypso perdues dans le bourdonnement
di voci che non so legare assieme.
de voix que je ne sais plus relier aujourd’hui.
Mi sfuggono il timone, vela e remo,
le timon, la voile et la rame m’échappent,
la frattura fra inizio ed il finire,
la fracture entre le début et la fin,
l’urlo dell’accecato Poliremo
le hurlement de Polyphème aveuglé
ed il mio navigare per fuggire.
et naviguer pour m’enfuir.
E fuggendo si muore e la morte
Et en fuyant on meurt et la mort
sento vicina quando tutto tace
je la sens proche quand tout se tait
sul mare, e maledico la mia sorte
sur la mer, et je maudis mon sort
non trovo pace
je ne trouve pas de paix
forse perché sono rimasto solo
peut-être parce que je suis resté seul
ma allora non tremava la mia mano
mais alors ma main ne tremblait pas
e i remi mutai in ali al folle volo
et j’ai changé les rames en des ailes au vol fou
oltre l’umano.
au-delà de l’humain.
La vita del mare segna false rotte,
La vie de la mer indique de fausses routes
ingannevole in mare ogni tracciato,
trompeurs dans la mer sont tous les tracés,
solo leggende perse nella notte
seulement des légendes perdues dans la nuit
perenne di chi un giorno mi ha cantato
éternelle de celui qui un jour m’a chanté
donandomi però un’eterna vita
en me donnant pourtant une vie éternelle
racchiusa in versi, in ritmi, in una rima,
cachée dans des vers, des rythmes et une rime
dandomi ancora la gioia infinita
qui me donnent encore la joie infinie
di entrare in porti sconosciuti prima.
de rentrer dans des ports que j’ignorais avant.
Francesco Camattini (né à Parme en 1969), un autre jeune cantautore, écrit aussi son Itaca en 2003, qui serait peu compréhensible sans la dédicace à Constantin Kavifis que nous
lirons ensuite :
Itaca
(Francesco Camattini
Ormeggi
2003)
Se per Itaca volgi il tuo viaggio
Si tu orientes ton voyage vers Ithaque
fallo adesso o non farlo mai più
fais-le maintenant ou ne le fais plus jamais,
Poseidone e ciclopi ti aspettano al varco
Poséidon et les Ciclope t’attendent au tournant
ma a innalzarli sarai solo tu
mais pour te relever il n’y aura que toi,
Poseidone e i ciclopi
Poséidon et les Cyclopes
non ti fermeranno
ne t’arrêteront pas
se a fermarti non sarai tu,
si tu ne t’arrêtes pas toi-même.
Issa il cuore delle cose più care
Hisse le coeur des choses les plus chères
e guarisci la tua nostalgia
et guéris ta nostalgie :
dove cresce il successo e marcisce il danaro
là où croît le succès et où l’argent pourrit
si indurisce la tua malattia
ta maladie s’endurcit,
dove arde il successo ed impazza il futuro
là où brûle le succès et où l’avenir devient fou
è il principio di un'altra bugia.
se trouve le début d’un autre mensonge.
Ogni giorno è un colosso di nubi
Chaque jour est un colosse de nuages
e silenzi, di piccole perplessità
et de silences, de petites perplexités,
una cesta di scuse,
un panier d’excuses
che spostan l'accento
qui déplacent l’accent
dal nulla che ci resterà,
du néant qui nous restera,
una cesta di frasi che reggono a stento
un panier de phrases qui portent difficilement
il mio volto, la sua brevità.
mon visage, sa brièveté.
Se per Itaca volgi il tuo sguardo
Si tu tournes ton regard vers Ithaque
sii contento di quello che hai,
sois content de ce que tu as
non stupirti se è brutta o se è solo il miraggio ne t’étonne pas si elle est laide ou si elle n’est qu’un mirage
di ciò che cercavi e che vuoi,
de ce que tu cherchais et de ce que tu veux
non stupirti se è brutta, ti basti il tuo viaggio
ne t’étonne pas si elle est laide, que ton voyage te suffise
e la gloria di non essere eroi.
et la gloire de ne pas être des héros.
E se Itaca infine hai raggiunto
Et si tu as enfin rejoint Ithaque
Non ti sorprenda la sua povertà
que sa pauvreté ne te surprenne pas
nè il grigiore dell'anima che perde in quel punto ni la grisaille de l’âme qui perd ici
Ogni sciocca ed assurda irrealtà
toute irréalité sotte et absurde
né lo specchio dell'anima
et que le miroir de l’âme ne te laisse pas non plus
ti lasci sconvolto se il tuo viso
bouleversé s’il ne reflète pas
non rispecchierà.
ton visage.
Se per Itaca volgi il tuo viaggio
Si tu orientes ton voyage vers Ithaque
fallo adesso o non farlo mai più
fais-le maintenant ou ne le fais jamais plus
Poseidone e ciclopi ti aspettano al varco
Poséidon et les Ciclope t’attendent au tournant
ma a innalzarli sarai solo tu
mais pour te relever il n’y aura que toi,
Poseidone e i ciclopi
Poséidon et les Cyclopes
non ti fermeranno
ne t’arrêteront pas
se a fermarti non sarai tu.
si tu ne t’arrêtes pas toi-même.
(Ispirata da e dedicata a Costantino Kavafis)
Comme d’autres cantautori, Guccini et Camattini connaissaient la poésie du grand poète grec Constantin Kavafis (1863-1933), Ithaque, de 1911, plusieurs fois traduite en italien, qui
est une admirable métaphore de la vie humaine, qui est un long voyage comme celui d’Ulysse, dans son désir d’atteindre Ithaque, métaphore de la connaissance, de la sagesse, à
laquelle on n’arrive qu’après toutes ces rencontres et toutes ces aventures, tous les dangers effrayants que symbolisent les Lestrigons, les Cyclopes et Neptune, mais qui ne sont
dangereux que si on les accepte, si on les amplifie en nous ; et dans ce voyage nous devons accumuler le maximum de sagesses et de richesses intérieures et matérielles si on veut
que le retour à la pauvre Ithaque soit beau et que sa « grisaille » ne nous déçoive pas :
ITACA
Ithaque
Poésie de Kostantinos Kavafis (1863-1933)
1911
Quando ti metterai in viaggio per Itaca
Quand tu te mettras en voyage pour Ithaque
devi augurarti che la strada sia lunga,
tu dois souhaiter que la route soit longue,
fertile in avventure e in esperienze.
fertile en aventures et en expériences.
I Lestrìgoni e i Ciclopi
Les Lestrigons et les Cyclopes
o la furia di Nettuno non temere,
ou la fureur de Neptune, n’en aie pas peur
non sara` questo il genere di incontri
ce ne sera pas le genre de tes rencontres
se il pensiero resta alto e un sentimento
si ta pensée reste haute et si un sentiment
fermo guida il tuo spirito e il tuo corpo.
solide guide ton esprit et ton corps.
In Ciclopi e Lestrigoni, no certo,
Sur des Cyclopes et des Lestrigons, certainement
ne' nell'irato Nettuno incapperai
ni sur Neptune en colère tu ne tomberas
se non li porti dentro
si tu ne les portes pas en toi
se l'anima non te li mette contro.
si ton âme ne les dirige pas contre toi.
Devi augurarti che la strada sia lunga,
Tu dois souhaiter que ta route soit longue,
Che i mattini d'estate siano tanti
que les matins d’été soient nombreux
quando nei porti - finalmente e con gioia -
quand dans les ports – finalement et avec joie –
toccherai terra tu per la prima volta :
tu toucheras terre, toi, pour la première fois :
negli empori fenici indugia e acquista
dans les marchés phéniciens attarde-toi et acquiers
madreperle coralli ébano e ambre
de la nacre, des coraux, de l’ébène et de l’ambre
tutta merce fina, anche profumi
toutes ces marchandises fines, et puis des parfums
penetranti d'ogni sorta, piu' profumi
pénétrants de toutes sortes, le plus de parfums
inebrianti che puoi,
enivrants que tu peux,
va in molte citta` egizie
va dans de nombreuses villes d’Égypte
impara una quantità di cose dai dotti.
Apprends des sages une quantité de choses.
Sempre devi avere in mente Itaca -
Toujours tu dois avoir Ithaque dans l’esprit
raggiungerla sia il pensiero costante.
que ta pensée constante soit de la rejoindre.
Soprattutto, non affrettare il viaggio ;
Surtout ne te hâte pas dans ton voyage
fa che duri a lungo, per anni, e che da vecchio
fais qu’il dure longtemps, pendant des années, et que une fois vieux
metta piede sull'isola, tu, ricco
tu mettes le pied sur ton île, toi, riche
dei tesori accumulati per strada
des trésors accumulés en route
senza aspettarti ricchezze da Itaca.
sans attendre des richesses de la part d’Ithaque.
Itaca ti ha dato il bel viaggio,
Ithaque t’a donné ton beau voyage
senza di lei mai ti saresti messo
sans elle tu ne te serais jamais mis
sulla strada : che cos'altro ti aspetti ?
En route : qu’attends-tu d’autre ?
E se la trovi povera, non per questo Itaca
Et si tu la trouves pauvre, ce n’est pas pour cela
ti avrà deluso.
qu’elle t’aura déçu.
Fatto ormai savio, con tutta la tua esperienza
Désormais devenu sage, avec toute ton expérience
addosso
en toi
gia` tu avrai capito cio` che Itaca vuole significare. tu auras déjà compris ce que veut dire Ithaque.
Vinicio Capossela est un de ceux qui ont repris des thèmes mythologiques au XXIe siècle. Il écrit par exemple une belle chanson, Le Sirene, dans un disque plein de références à
l’Antiquité, Marinai, Profeti e Balene, de 2011. Les Sirènes viennent évidemment de l’Odyssée d’Homère, où elles attirent les mortels par leurs chants sublimes pour les entraîner avec
elles au fond de la mer et dans la mort. Capossela dit qu’il lit l’Odyssée comme « des récits de mes oncles ou de mes grands-parents qui ont vécu dans l’autre siècle » (Cf. www.Note
spillate.com/2011/04). Faut-il écouter les sirènes ou se mettre de la cire dans les oreilles, rentrer chez soi et s’attacher au mât de l’habitude ? Les sirènes ne sont pas que mythologie,
elles font partie de notre vie quotidienne, comme une « nuit de bière » :
Le Sirene
Les Sirènes
(Vinicio Capossela
Marinai, Profeti e Balene
2011)
Le sirene ti parlano di te
Les sirènes te parlent de toi
quello che eri
ce que tu étais
come fosse per sempre
comme si c’était pour toujours
le sirene
les sirènes
non hanno coda nè piume
n’ont ni queue ni plumes
cantando solo di te
en ne parlant que de toi dans leurs chants
l’uomo di ieri
l’homme d’hier
l’uomo che eri
l’homme que tu étais
a due passi dal cielo
à deux pas du ciel
tutta la vita davanti
toute ta vie devant toi
tutta la vita intera
toute ta vie entière
e dicono
et elles disent
fermati qua
arrête-toi là
fermati qua
arrête-toi là
le sirene ti assalgono di notte
Les sirènes t’assaillent de nuit
create dalla notte
créées par la nuit
han conservato tutti i volti
elles ont conservé tous les visages
che han amato e che
qu’elles ont aimé et qu’elles ont,
loro hanno le sirene
les sirènes
e te le cantano in coro
et elles te les chantent en choeur
e non sei più solo
et tu n’es plus seul
sanno tutto di te
elles savent tout de toi
e il meglio di te
et le meilleur de toi
è un canto di sirene
c’est un chant de sirènes
e si sentono il rimpianto
et on les entend, le regret
di quanto è mancato
de tout ce qui t’a manqué
quello che hai previsto e non avrai
ce que tu as prévu et que tu n’aura pas
loro te lo danno
elles te le donnent
solo col canto
rien qu’avec leurs chants
ti cantano di come sei venuto dal niente
elles te chantent comment tu es venu du néant
e niente sarà
et ce ne sera rien.
uhhhhhhhhhhhhhhhh
le sirene sono una notte di birra
Les sirènes sont une nuit de bière
e non viene più l’alba
et l’aube n’arrive plus
sono i fantasmi di strada
ce sont des fantômes de rue
che arrivano a folate
qui arrivent en rafale
e hanno voci di sirene
et elles ont des voix de sirènes.
limpidi e orecchie di cera
Soyez limpides avec des oreilles de cire
per non sentirle quando è sera
pour ne pas les entendre quand c’est le soir
per rimanere saldo
pour rester solide
legato all’abitudine
lié à l’habitude
ma se ascolti le sirene
Mais si tu écoutes les sirènes
non tornare a casa
ne rentre pas chez toi
perchè la casa è
parce que la maison est
dove si canta di te
le lieu où l’on te parle en chantant
ascolta le sirene
Écoute les sirènes
non smetttono il canto
elles n’arrêtent pas leur chant
nelle veglie infinita cantano
dans leurs veilles elles chantent à l’infini
tutta la tua vita
toute ta vie
chi eri tu
qui tu étais
chi eri tu
chi sei tu
chi eri tu
chi eri tu chi sei tu “lemosino”
qui étais-tu « toi qui demandes l’aumône » ?
perchè continuare fino a vecchiezza
Pourquoi continuer jusqu’à la vieillesse
fino a stare male
jusqu’à se trouver mal
e già tutto qua
Tout est déjà là
fermati qua
arrête-toi là
non hai che dove andar
tu n’as rien où aller
le sirene non cantano il futuro
les sirènes ne chantent pas l’avenir
ti danno quel che è stato
elles te donnent ce que tu as été
il tempo non è gentile Le temps n’est pas aimable
se ti fermi ad ascoltarle
si tu t’arrêtes à les écouter
ti lascerai morire
tu te laisseras mourir
perchè è tanto incessante
parce qu’il est si incessant
ed è pieno d’inganni
et plein de tromperies
e ti toglie la vita
et il t’enlève la vie
non te la scartano
elles ne te la mettent pas au rebut.
uhhhhhhhhhhhhhh
D’autres encore ont chanté Ulysse et Ithaque : Enrico Ruggeri (Ulisse, dans Fango e stelle de 1996) ou Caparezza (Ulisse, dans Le dimensioni del mio caos, de 2008) qui ne fait
qu’utiliser le nom d’Ulysse comme protagoniste du personnage d’Ilaria. Ce n’est que dans d’autres chansons qu’il se référera à des personnages de l’histoire italienne pour écrire des
attaques féroces contre les pouvoirs politiques contemporains et contre l’Église d’aujourd’hui, mais ce seront des personnages d’une histoire récente, Galilée, Savonarole, Giordano
Bruno et Jeanne d’Arc : nous en reparlerons ailleurs à propos de Sogno eretico, 2010. La mythologie est loin.
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Ithaque
Capitaine, toi qui as dans les yeux ton noble destin,
Penses-tu parfois à ton marin à qui manquent le pain et le vin
Capitaine, toi qui as trouvé des princesses dans chaque port,
penses-tu parfois au rameur que sa femme croit mort
Ithaque, Ithaque, ma maison n’est que là.
Ithaque, Ithaque, Ithaque
Et chez moi je veux revenir
De la mer, de la mer, de la mer.
Capitaine, tes fautes je les paie moi aussi de mes jours
Tandis que mon plus grand péché fait sourire les dieux
Et si tu meurs, c’est un roi qui meurt, ta maison aura un héritier,
Moi quand je ne rentre pas chez moi, entrent la faim et la soif
Mais même la peur me donne au fond toujours un goût étrange,
Ithaque, Ithaque …
Capitaine, toi qui résous astucieusement toute aventure,
Te souviens-tu d’un soldat qui a plus peur chaque fois,
Mais même la peur me donne au fond toujours un goût étrange,
s’il y avait encore un monde, je suis prêt, où allons-nous ?
Ithaque, Ithaque, ma maison n’est que là *.
Ithaque, Ithaque …
Ithaque, Ithaque, Ithaque,
Ma maison n’est que là
Ithaque, Ithaque,
Et chez moi je veux revenir …