Quelques auteurs compositeurs interprètes avant les cantautori (De Angelis et le fascisme)
,
Rodolfo De Angelis et le fascisme
Il a participé au futurisme, a même signé quelques Manifestes marinettiens (dont le Manifesto del Teatro della Sorpresa en 1921), mais a-t-il par la suite adhéré au fascisme
comme d'autres auteurs futuristes ? Il faut toujours lire ses chansons en pensant qu'elles sont une forme ironique, comme sa musique et sa façon de chanter ; il introduit dans
la chanson le bruit de bouche, qui vient souvent contredire le contenu verbal : ainsi le « perepè perepè » qui précède le début de Ma cos'è questa crisi, laisse douter de sa
dénonciation, de qui se moque-t-il ? Et dans Una volta... non c'era Mussolini, il dénonce à la fois le désordre parlementaire d'avant et l'autoritarisme fasciste qui ne tolère
aucune discussion, comme le comique Petrolini qui, après avoir reçu une médaille du régime déclarait ironiquement avec la voix de Gastone, un de ses héros « Me ne
fregio ! » (Je m'en décore) de telle façon que tout le monde riait en entendant « Me ne frego !» (Je m'en fous). Et même la dernière strophe qui dit l'admiration des autres pays
pour Mussolini peut-elle être prise au sérieux au moment où le monde désapprouve et sanctionne le comportement de l'armée italienne en Éthiopie. Ambiguïté permanente de
l'auteur. L a chanson est de 1933, avant les sanctions, mais il continue à la chanter après. Et que penser de l'interdiction du droit de grève ? Après tout, faire la fête, ce n'est
pas si mal, pour un futuriste, qui dira que le monde n'est qu'un carnaval.
Una volta ... non c'era Mussolini
Autrefois... il n'y avait pas Mussolini
(Rodolfo De Angelis, 1893-1968
1933)
Una volta il Parlamento
Autrefois le Parlement
discuteva di sovente,
discutait souvent,
ma non concludeva niente !
Mais ne concluait rien !
Solamente era dovere,
Le camarade batailleur
del compagno battagliero,
devait seulement
far cadere il Ministero.
Faire tomber le Ministère.
Una volta ... non c'era Mussolini :
Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
La parola all'onorevole ... Basta …
la parole à l'Honorable... Ça suffit...
Dimissioni. .. Démission...
[Farabutti...
Canaille...
Mascalzoni... Abbasso il Ministero …
Voyou... À bas le Ministère
La seduta è sciolta.
La séance est close.
Oggi invece che abbiamo Mussolini :
Aujourd'hui au contraire que nous avons Mussolini :
Il decreto legge è approvato all'unanimità ...
le décret-loi est approuvé à l'unanimité
Viva il duce... Viva il duce ...
Vive le Duce... Vive le Duce...
Una volta scioperare
Autrefois faire la grève
era un modo di far festa
était une façon de faire la fête
con annessa la protesta.
Avec la protestation en annexe.
Scioperavano il tranviere,
Le traminot faisait la grève
l'autista, il ferroviere
et le chauffeur, le cheminot
e perfino il panettiere !
Et même le boulanger !
Una volta ... non c'era Mussolini :
Autrefois... il n'y avait pas Mussolini ;
Tromba che suona la carica della polizia.
Trompette qui sonne la charge de la police
Rumori di folla.
Bruits de foule.
Scioglietevi !...
Dispersez-vous !
Oggi invece ... che abbiamo Mussolini : Aujourd'hui au contraire... que nous avons Mussolini
Rumori prodotti da tram, treni ecc.
Bruits produits par les trams, les trains, etc.
Una volta molte donne,
Autrefois beaucoup de femmes
agli amati maritini,
à leurs petits maris bien-aimés
non donavano bambini !
Ne donnaient pas d'enfants !
Rinunciavano al sorriso
Elles renonçaient au sourire
dell 'infanzia, che è la gioia,
de l'enfance, qui est la joie,
per scansare qualche noia !
Pour éviter quelques ennuis !
Una volta ... non c'era Mussolini :
Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
(Solitario « uè, uè, uè »).
(Solitaire « ouè, ouè ouè »
Oggi invece ... che abbiamo Mussolini :
Aujourd'hui au contraire... que nous avons Mussolini :
(Coro di « uè, uè, uè »).
(Choeur de « ouè, ouè, ouè »).
Una volta nei consessi
Autrefois dans les assemblées
dei padroni della terra
des maîtres de la terre
si faceva il serra serra.
Il y avait de la bousculade.
Per l'Italia mai un posto
Pour l'Italie, jamais une place
per trattar da pari a pari,
pour traiter d'égal à égal,
con gli amabili compari !
Avec nos aimables compères !
Una volta ... non c'era Mussolini :
Autrefois... il n'y avait pas Mussolini :
Prego, suonare mandolino ...
Je vous en prie... Jouer de la mandoline...
Oggi invece ... che abbiamo Mussolini :
Aujourd’hui... que nous avons Mussolini :
Grande Italia ! ... Camerata italiano ...
Grande Italie !... Compagnon italien...
Viva l'Italia ! ... Admiration ... Grande Duce! ...
Vive l'Italie !... Admiration... Grand Duce...
Viva Italia ! ...
Vive l'Italie !...
Ip, ip, ip, hurrà.
Hip Hip Hip Hurra.
Il mondo che fa
(Rodolfo De Angelis
1936)
Che bella cosa potere ascoltare
restando in poltrona, la radio che dà
le mille notizie vicine e lontane
per cui puoi sapere il mondos che fa !
Accidenti all'amicizia !
Accidenti all'amicizia !
L'amicizia la si vede
nel momento del bisogno,
Le amicizie dell'Italia,
le amicizie dell'Italia
son svanite come un sogno
son svanite come un sogno !
Un coltello qui alla gola
alle spalle una minaccia
ma l'Italia fiera e sola
vince, guarda tutti in faccia !
Ah mon Dedé
la va mal la va mal per noi !
Io son del Purtugallo
e non conto proprio niente,
mais je suis président
de tutte le sanzioni !
Tu sei del Purtugallo
non conti proprio niente,
perciò sei presidente
di tutte le sanzioni !
« Sélassié, Sélassié,
mi chiamavano leone,
Sélassié, Sélassié,
io non sono che un caprone !
Ah, ah, ah ! Ah, ah, ah, ah !
Ho perduto anche il barbone,
per dar retta alla nazione
che m'ha detto : senti a me,
fai la guerra, Sélassié ! Ah, ah, ah ! Ah, ah, ah, ah ! »
« Oh yes, non voglio che Italia
conquista le terre african !
Oh yes, ma contro Germania
adesso non ho pim banan ! »
« Germania vuol la carità
oh, oh, oh ! Ja, ja, ja ! »
« Noi bolscevichi
stare cagneschi
con nostri amichi giapponeschi, schi !
Con i franceschi
fatto pattoschi
ma germanisti fatto fischi, schi !
Fischi, fiaschi, caschi, figli maschi,
mosche e carasciò, sciò, sciò ! »
« Sotto il sole piano piano
noi la cina ci mangiamo.
Alla faccia di chi vuole
chi non vuole ! Che cenetta
la Cinetta pel Giappone ! »
« Amerrecano sta a guardar,
all right, thank you !
La sociétà non vuole far
no, no, no !
Con quella nazion che danno ragion
a quel pazzo di Wilson ! »
Avanti march
l'Italia avanti va
e con i suoi soldati chissà dove arriverà !
Uno, due,
il Negus dov'è,
nessuno mi sa dire dov'è andato Sélassié !
O primavera in fior
tu porti in ogni cuor
certezza di vittoria tricolor !
O primavera in fior,
tu porti in ogni cuor
vittoria e gloria al tricolor !
Che bella cosa potere ascoltare
restando in poltrona, la radio che dà
le mille notizie vicine e lontane
per cui puoi sapere il mondo che fa !
« Il mondo che fa » est une expression inventée par De Angelis par imitation de « Il tempo che fa », le temps qu'il fait. Ainsi en permanence il invente des expressions, imite
l'accent étranger et déforme les mots, les accords grammaticaux pour se moquer de ces étrangers qui veulent sanctionner l'Italie qu'ils ne connaissent pas et qui n'a rien à
faire de ces condamnations. En même temps, dans la première et dans la dernière strophe, il se moque de ces nouvelles de la radio qui nous renseignent sur tout : tout cela
est-il vrai ? On parle aujourd'hui de « fake news » ! Mais sans cette ironie, sans ces doubles sens, De Angelis aurait-il pu continuer à chanter sous ce régime dictatorial, qui lui
avait déjà interdit de monter sur scène ? Quant à « mon Dedé », c'est peut-être une déformation du « Mon Dieu » français ou une allusion à Édouard Daladier, plusieurs fois
premier ministre. C'est l'occasion de souligner l'usage des langues étrangères chez De Angelis, pour accentuer leur ridicule et leurs imperfections ; il a été bien étudié dans
deux articles intérressants d'Edoardo Buroni, Misoxenia (xenofobìa - NDR) e pseudoautarchia (linguistiche) nelle canzonette italiane di epoca fascista : il caso di Rodolfo di
Angelis (2019) et « Qui non si canta al modo del poeta ». Appunti su aspetti metalinguisitici, metamusicali e interetestuali nelle canzoni di Rodolfo De Angelis (2018)
(consultables sur Internet).
Dans le même sens, De Angelis exerce sa verve satirique contre les vices qui sont aussi ceux du régime fasciste, en nous rendant compte de la façon dont vivent vraiment
alors les Italiens. Et souvent, c'est encore la réalité d'aujourd'hui, comme dans cette satire des recommandations :
Le presento e raccomando
Je vous présente et recommande
(Rodolfo De Angelis, 1893-1968
Anni ‘30)
Nella vita, cari miei,
Dans la vie, chers amis
senza un santo protettore,
sans un saint protecteur
che ti fa qualche favore,
qui te rend quelques services
è difficile arrivar !
Il est difficile d'arriver !
Il mio santo l'ho trovato
Mon saint je l'ai trouvé,
nello zio di mio cognato :
l'oncle de mon beau-frère :
egli è un membro altolocato
c'est quelqu'un de haut placé
e mi può raccomandar.
Et il peut me recommander.
Ho qui una lettera di raccomandazione,
J'ai ici une lettre de recommandation
fate attenzione che ve la leggerò :
faites attention, je vais vous la lire :
«Le presento e raccomando
« Je vous présente et recommande
il mio amico Ferdinando,
mon ami Ferdinand,
lo riceva, lo accontenti,
recevez-le, donnez-lui satisfaction
molto grato le sarò ! »
Je vous en serai très reconnaissant ! »
Con questa lettera di raccomandazione
Avec cette lettre de recommandation
la posizione di certo cambierò.
Ma position va sûrement changer.
Se ne viene l'esattore
Voilà qu'arrive le percepteur
del padrone mio di casa
du propriétaire de ma maison
e mi dice : « Mio signore,
et il me dit : « Cher Monsieur
vuoi pagare si o no ? »
veux-tu payer oui ou non ? »
Meno male che da furbo
Heureusement que moi qui suis malin
io mi sono premunito,
je me suis prémuni
non mi scuoto, né mi turbo
Je ne m'inquiète pas, je ne me trouble pas
e gli dico : « Guardi un po' !
Et je lui dis : « Regardez un peu !
Ho qui una lettera di raccomandazione
J'ai ici une lettre de recommandation
per la pigione che le dovrei pagar ».
pour le loyer que je devrais payer !»
Non appena che l'ha letta
Dès qu'il l'a lue
è rimasto pepe e sale,
il est resté poivre et sel,
s'è gettato per le scale
il s'est jeté dans les escaliers
e s'è messo a canticchiar :
et s'est mis à chantonner :
« Egli ha una lettera di raccomandazione,
« Il a une lettre de recommandation
caro padrone che cosa ci vuoi far ? »
cher proprio que veux-tu y faire ? »
L'altra sera sopra il treno,
L'autre soir dans le train :
affollato di persone,
rempli de gens,
mi trovai in un vagone
je me suis trouvé dans un wagon
senza un posto da seder.
Sans une seule place assise.
Ed allora io dissi in fretta,
Alors j'ai dit en vitesse :
« O signori del diretto,
« Oh messieurs du train direct
ascoltatemi in piacer !
Écoutez-moi s'il vous plaît !
Ho qui una lettera di raccomandazione
j'ai ici une lettre de recommandation
salutando con rispetto :
en saluant respectueusement :
per le persone che viaggiano con me ! »
pour les personnes qui voyagent avec moi ! »
Tutti quanti i viaggiatori
Tous les voyageurs
inforcarono gli occhiali,
enfourchèrent leurs lunettes
ed ognuno coi guanciali
et chacun avec ses oreillers
fece posto accanto a sé.
Laissa une place à côté de lui.
Con quella lettera di raccomandazione
avec cette lettre de recommandation
in quel vagone un posto mi si dié !
Dans ce wagon on me donna une place !
Nella piazza Mercadante
Sur la place Mercadante
ho incontrato una bellezza,
J'ai rencontré une beauté
e le ho detto una sciocchezza :
et je lui ai dit une sottise :
« Non desidero che te ! »
« Je ne désire que toi ! »
Lei pigliata alla sprovvista
Elle, prise à l'improviste
s'è fermata e mi ha risposto :
s'est arrêtée et m'a répondu :
« Brutta faccia di gallista,
« Sale gueule de macho,
cosa vuole lei da me ? »
qu'est-ce que vous voulez de moi ? »
« Ho qui una lettera di raccomandazione
« J'ai ici une lettre de recommandation
per la ragione che lei comprenderà !. .. »
pour la raison que vous comprendrez ! »
Non appena le ho spiegato,
Dès que je lui eus déployé
sotto gli occhi, quella carta
ce papier sous les yeux
lei m'ha detto : « Fo la sarta,
elle m'a dit : « Je suis couturière
corso Umberto 83 ».
au 83 du cours Humbert ».
Con quella lettera di raccomandazione
Avec cette lettre de recommandation
un bel bacione di certo mi darà !
Elle me donnera sûrement un gros baiser !
Per questa lettera di raccomandazione
Pour cette lettre de recommandation
la mia canzone vorrete perdonar !
Vous voudrez bien pardonner ma chanson !
Certes, De Angelis ne fut pas un antifasciste militant, ce qui lui valut d'être souvent marginalisé après la guerre, sinon par un autre grand chanteur comme Paolo Poli ;
cependant, même dans une chanson sur les sanctions de la Société des Nations, qu'il semblait lui aussi désapprouver, il maintient son ton ironique, et il se joue plutôt de
l'hypocrisie des puissants et de la « communauté internationale », discours encore très actuel à propos d'une autre guerre. La chanson se moque d'abord du Royaume Uni,
seul pays à avoir effectivement appliqué les sanctions, mais dit-il, il ne l'a fait que par jalousie de cette Italie qui hérite de la civilisation romaine d'un temps où l'Angleterre
n'avait pas encore accédé à la moindre civilisation. La seconde strophe évoque l'appel du 18 décembre 1935 aux femmes italiennes (pas aux hommes) d'imiter la reine Elena
en donnant à la patrie leurs bijoux en or pour payer la guerre. Et on disait que quand Il chantait qu'il ne donnerait pas à l'Angleterre..., il posait ses mains sur son sexe, pour
marquer une des qualités viriles des Italiens aimées des Anglais...
La chanson fut très appréciée, elle fut reprise en 1977 même dans un show télévisé de Pippo Franco (Bambole, non c'è una lira).
Sanzionami questo
Sanctionne-moi ça
(Rodolfo De Angelis
1935)
I.
Tutto quel che fai
Tout ce que tu fais
lo fai per gelosia,
tu le fais par jalousie,
ex amica mia,
mon ex- amie,
perché vorresti vivere anche tu,
parce que tu voudrais vivre, toi aussi,
quest'ora di eroismi e di virtù.
Cette heure d'héroïsme et de vertu.
Ma non lo puoi ed io lo so,
Mais tu ne peux pas et moi je le sais,
perciò mia cara canterò :
c'est pourquoi, ma chère, je chanterai :
Sanzionami questo,
Sanctionne-moi ça,
amica tenace,
amie tenace,
lo so che ti piace,
moi je sais que ça te plaît
ma non te ne do !
Mais je ne t'en donne pas !
I.
Guarda la regina
Regarde la reine
che dona la sua fede,
qui donne son alliance,
quella che il re le diede...
celle que le roi lui a donnée...
L'Altare della Patria
L'Autel de la Patrie
accoglierà l'offerta
accueillera l'offrande
che ogni sposa porterà...
que chaque épouse apportera...
E dalla Reggia al casolar,
Et du Palais Royal à la maison de paysans,
un fiume d'oro va all'altar...
un fleuve d'or va à l'autel...
Sanzionami questo,
Sanctionne-moi ça,
o amica rapace,
o amie rapace,
lo so che ti piace,
je sais que ça te plaît
ma non te ne do !
Mais je ne t'en donne pas !
I.
Musica divina,
Musique divine,
e senso di poesia,
et sens de la poésie,
in questa Patria mia !
Dans ma Patrie !
Artisti che hanno dato al mondo inter,
Artistes qui ont donné au monde entier
la luce della vita e del pensier...
la lumière de la vie et de la pensée...
ma che me ne fo ?
Mais qu'est-ce j'en ai à faire ?
IV.
Da Roma in poi è sempre qua
Depuis Rome il est toujours là
lo specchio della civiltà !
Le miroir de la civilisation !
Sanzionami questo,
Sanctionne-moi ça,
se tu sei capace,
si tu en es capable,
amica seguace,
amie partisane,
del tempo che fu !
Du temps qui fut !
I.
Quello che tu dici,
Ce que tu dis,
è tutta ipocrisia,
ce n'est que de l'hypocrisie,
Ex amica mia...
mon ex-amie...
Lo scopo tuo
Ton but
sappiamo noi qual'è : piegare,
nous savons, nous, ce que c'est : faire plier
chi non piega innanzi a te !
Qui ne plie pas devant toi !
Ma non sarà, non piegherà,
Mais ce ne sera comme ça, elle ne pliera pas
l'Italia che Vittoria avrà !
L'Italie qui aura la Victoire !
Sanzionale questo
Sanctionne-lui ça
se tu sei capace,
si tu en es capable,
lo so che ti piace,
je sais que ça te plaît
ma che me ne fo' ? ......
mais qu'est-ce que j'en ai à faire ?....
ma che me ne fo' ?
mais qu'est-ce que j'en ai à faire ?...
La chanson suivante est encore moins alignée sur les slogans fascistes. Elle dénonce le bellicisme ambiant, faut-il faire la guerre pour obtenir la paix ?, allusion à la Guerre
d'Espagne, qui sera en effet un prélude à la seconde guerre mondiale. Et la dernière strophe dénonce un système inégalitaire qui fait des ventres pleins et des ventres vides,
après qu'aient été exprimé de nouveaux doutes sur la vérité de ce que dit la presse, ce qui pouvait passer pour une attaque de ce que disait la presse officielle fasciste, la
seule autorisée dans les années Trente. Et toujours les mêmes doutes sur la « vérité » de la radio !
Schiocca la frusta
Claque le fouet
(Rodolfo De Angelis
1937)
Signore, ci parli della radio che frigge
Monsieur, parlez-nous de la radio qui grésille
in quell’armadio...
dans cette armoire...
Ma si, ma si, si si si, si si si
Mais oui, mais oui, oui oui oui oui oui oui
E’ la radio lo strumento che trasmette la rèclame
La radio est l'instrument qui transmet la réclame
dal formaggio e dal salame e tu paghi per sentir
pour le fromage et le saucisson et tu paies pour entendre
cosicchè l’imbonimento che non volle mai sentire si bien que le boniment que vous n'avez jamis voulu entendre
se lo deve oggi subire e pagarlo : per di più
aujourd'hui vous devez le subir et le payer ; en plus
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Ta ta ta Tatata, claque ton fouet et va
E dica, quello che Lei sa intorno al teatro
Et dites-moi ce que vous savez sur le théâtre
d’oggigiorno
d'aujourd'hui
Su dica su, su su su, su su su
Allez dites dites allez allez allez allez
Il teatro si direbbe che dovrebbe divertire
On dirait que le théâtre devrait amuser
ma talvolta fa dormire e giammai ti fa sognar ;
mais quelquefois il fait dormir et jamais ne fait rêver
cosicchè chi vuol vedere veramente una tragedia
si bien que celui qui veut vraiment voir une tragédie
può sedersi su una sedia nella Spagna d’oggidì
peut s'asseoir sur une chaise dans l'Espagne d'aujourd'hui
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Oh caro ! Che gliene pare della stampa
Oh mon cher ! Quelle est votre impression sur la presse
che dovunque tien la zampa
qui partout piaffe
Si direbbe che la stampa è la grande informatrice
On dirait que la presse est la grande informatrice
d’ogni cosa che si dice d’ogni cosa che si fa ;
sur toute chose que l'on dit de toute chose que l'on fait :
ma se leggi una notizia nelle lingue forestiere
mais si tu lis une nouvelle dans les langues étrangères
non riesci più a sapere dove sta la verità
tu n'arrives plus à savoir où est la vérité
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Amico! Se non le dispiace ci parli della pace
Ami ! Si ça ne vous déplait pas, parlez-nous de la guerre
Ah ah, ah ah ah, ah ah ah
Ah ah ah ah
Si direbbe che la pace la si ottiene con la guerra
On dirait que la paix on l'obtient par la guerre
se ogni stato della terra arma a gran velocità ;
si chaque État de la terre s'arme à grande vitesse ;
sugli scambi son d’accordo : niente grano nè carbone
sur les échanges ils sont d'accord : ni blé ni charbon
solo piombo a profusione tutto il mondo scambierà rien que du plomb à profusion, le monde entier changera
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
E dica : perchè nel mondo ormai non si è tranquilli mai ? Et dites -moi : pourquoi n'est-on jamais tranquilles désormais dans le monde
Beh beh, beh beh beh, beh beh beh
Si potrebbe star tranquilli con le cose che in eterno On pourrait être tranquilles avec les choses qu'éternellement
ci ha donato il padreterno ma purtroppo non si può
nous a données le père éternel, malheureusement on ne peut pas
chè a spartirle ci sta l’uomo con dissimili bilance
car pour les répartir l'homme a différentes balances
cosicchè ci saran pance vuote e piene ad ogni età
si bien qu'à chaque époque il y aura des ventres vides et des ventres pleins
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
Tatata Tatata, schiocca la frusta e va...
La chanson suivante semble adhérer à l'antiintellectualisme fasciste, amateur d'irrationnel plus que de raison, et à l'hostilité à la philosophie et aux philosophes comme
Benedetto Croce (mais parmi les fascistes il y eut Giovanni Gentile). En cela il flatte dans le sens du poil la méfiance populaire pour les orateurs, leur verbosité, l'inutilité de
leurs paroles vides qui disent des évidences. Mais on peut y voir aussi une satire féroce de la rhétorique mussolinienne, grand orateur et amateur de discours très longs et
souvent inutiles ; c'était surtout lui qui parlait, depuis le balcon du Palais de Venise à Rome pour faire l'éloge des victoires et de la grandeur retrouvée du fascisme. Alors, là
encore, grande ambiguïté !
Bravo ma come parla bene
Bravo mais comme vous parlez bien
(Rodolfo De Angelis
1935)
Sentire un oratore che dice un'orazione
Écouter un orateur qui fait un discours
È questa la passione che nel moi cuore sta
voilà la passion qui est dans mon cœur
sentire divagare tutti gli argomenti
entendre divaguer tous les arguments
Più vari e differenti, che gran felicità les plus divers et différents, quel grand bonheur
« Signore e signori, noi non siamo altro « Mesdames et Messieurs, nous ne sommes rien d'autre
su questa terra
sur cette terre
Che degli esseri... degli esseri viventi ! »
que des êtres... des êtres vivants ! »
Bravo, bravo, ma come parla bene !
Bravo, Bravo, mais comme vous parlez bien !
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
Con quell'arte che egli sa
avec l'art que vous avez
Son la pura verità !
Sont la pure vérité !
Pensate a Cicerone, il re della parola
Pensez à Cicéron, le roi de la parole
Che ancora ci consola pur non parlando più
qui nous console encore tout en ne parlant plus
Pensate all'oratore che in abito da festa
Pensez à l'orateur qui en habit de fête
Con la parola lesta non la finisce più !
N'en finit plus avec sa parole leste !
« La piuma... la piuma... la più umana delle parole «La plume … la plume...le plus humain des mots
Che mi attraversa il labbro, mi costringe
qui me traverse les lèvres, m'oblige
a sintetizzare i miei pensieri
à synthétiser mes pensées
In un grido solo : viva lo spo..., viva lo spo...
En un seul cri : vive le spo... vive le spo...
Viva lo sposo ?
Vive le sposo (l'époux) ?
Ma no ! viva lo sport ! »
Mais non ! Vive le sport ! »
Bravo, bravo, ma come parla bene !
Bravo, Bravo, mais comme vous parlez bien !
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
Con chiarezza e abilità
avec clarté et habileté
Son la pura verità.
Sont la pure vérité.
Le cose che ho sentito io non le posso dire
Ce que j'ai entendu je ne peux pas le dire
Son cose da morire di colpo là per là
ce sont des choses à mourir là d'un coup
Non so come si possa parlare a tanta gente
Je ne sais pas comment on peut parler à tant de gens
Così continuamente e senza aver pietà.
de façon si continue et sans avoir pitié.
« La donna è come un fiore, che cos'è un fiore ?
« La femme est comme une fleur, qu'est-ce qu'une fleur ?
È un dono della natura
C'est un don de la nature
Che cos'è un dono della natura ?
Qu'est-ce qu'un don de la nature ?
È tutto quello che noi abbiamo
c'est tout ce que nous avons
E tutto quello che noi abbiamo,
et tout ce que nous avons
che cos'è tutto quello che noi abbiamo ?
C'est quoi tout ce que nous avons ?
È tutto, amabili signori e gentili signore »
C'est tout, aimables messieurs et gentilles dames »
Bravo, bravo, ma come parla bene !
Bravo, Bravo, mais comme vous parlez bien !
Bravo, bravo, le cose che sostiene
Bravo, bravo, les choses que vous soutenez
Scivolando qua e là
en glissant ça et là
Son la pura verità.
sont la pure vérité.
La critique de la conception fasciste de la chanson et de la musique
Évidemment De Angelis, grand auteur-compositeur-interprète, va s'intéresser à la chanson, qui était devenue sous le fascisme, surtout après l'arrivée de la radio à partir de
1919 et de la mise en fonction de la premère station de radiodiffusion de Guglielmo Marconi, l'URI (Unione radiofonica Italiana) puis l'EIAR (Ente Italiano Audizioni
Radiofoniche) fasciste, un instrument important de propagande gouvernementale. Mussolini avait compris qu'on acquiert plus de force sur le peuple par le contrôle de l'affiche
et de la chanson, outre le sport. Le referendum de 1939 auprès des abonnés à l'EIAR avait confirmé aussi que les émissions préférées étaient les information sur la guerre et la
chanson. Le pouvoir poussa alors les compositeurs à diffuser ses grands thèmes, la romanité et la grandeur unique de l'empire romain que Mussolini était en train de
reconstituer, avec la conquête de l'Éthiopie, la nécessité de la violence des « squadristi », les miliciens fascistes armés, sur le racisme, l'horreur représentée par les roms, les
juifs, les homosexuels, les « rouges », la beauté des organisations de jeunesse fascistes, les vertus viriles et antiféministes, etc.
Mussolini était personnellement très interessé par la musique, il jouait du violon et fréquentait quelques grands compositeurs classiques. Mais à mesure que le régime se durcit
et que le nationalisme raciste augmente, la chanson fut entraînée dans un nouveau mouvement hostile aux musiques étrangères, surtout le jazz (qui devient il gezzo !),
musique négroïde, hébraïque, décadente, barbare, etc. Malgré tout il protégea les soeurs Lescano et un de ses fils, Romano, devint un bon pianiste jazz. Autant lui que la
famille de Savoie aimaient le jazz.
Voilà une première chanson sur la chanson, qui ridiculise la chanson mélodique traditionnelle et la chanson actuelle en général, prête à faire n'importe quoi pour rapporter de
l'argent. Vous verrez, c'est facile. C'est aussi plein d'auto-ironie, comme s'il donnait une « recette » de cuisine, loin de la sacralité réservée d'ordinaire à la musique
Per fare una canzone
Pour faire une chanson
(Rodolfo De Angelis, 1893-1968,
1935)
Per fare una canzone
Pour faire une chanson
non ci vuoI proprio niente,
il ne faut vraiment rien,
un uomo intelligente
un homme intelligent
l'avrà capito già,
l'aura déjà compris,
e se non lo capirà !
Et s'il ne le comprend pas !
La musica non conta,
La musique ne compte pas
non serve la poesia,
la poésie ne sert à rien
ma basta che ci sia
mais il suffit qu'il y ait
la buona volontà :
de la bonne volonté :
la ricetta è questa qua :
voilà la recette :
A tutti quei che fan la serenata
À tous ceux qui font des sérénades
la donna se n'è andata !
La femme s'en est allée !
Ed a colui che piange per amore
Et à celui qui pleure par amour
gli si è spezzato il cuore !
Son cœur s'est brisé !
Delusion, emozion, ilIusion, perdizion ;
Déception, émotion, illusion, perdition ;
mare blù, occhi blù, sempre du-du-du-du.
Mer bleue, yeux bleus, toujours du-du-du-du.
Non ti scordar la rima in a
N'oublie pas la rime en -a
per quella tal felicità !
Pour un tel bonheur !
Con queste rime senza conclusione
Avec ces rimes sans conclusion
è fatta la canzone !
La chanson est faite !
è fatta la canzone !
La chanson est faite !
Provatevi voi pure,
Essayez vous aussi
vedrete com'è bello,
vous verrez comme c'est beau
a fare un ritornello
de faire un refrain
che ognuno fischierà,
que tout le monde sifflera,
ecco qua come si fa :
voilà comment on fait :
su quelle paroline
sur ces petites paroles
un ritmo di danza,
un rythme de danse,
con grazia ed eleganza,
avec grâce et élégance
si cerca d'applicar
on cherche à appliquer
e però, per non sbagliar :
et pourtant, pour ne pas se tromper :
La musica dev'essere un po' vecchia
la musique doit être un peu ancienne
sennò non va all' orecchio.
Sinon elle ne convient pas à l'oreille.
Se non si trova quella che s'adatta,
Si on ne trouve pas celle qui va bien
si piglia bell'e fatta
on prend simplement
da Berlioz, da Gounod, da Bizet, da Rossin
chez Berlioz, Gounod, Bizet, Rossini
puoi sfogliar, puoi trovar,
tu peux feuilleter, tu peux trouver
puoi grattare quel pochin
et puis piquer ce petit peu
che può servire a una canzon
ce qui peut servir à une chanson
cambiando tono e division ;
en changeant de ton et de division :
Sentite con un tema come questo
Écoutez avec un thème comme celui-ci
io come faccio lesto !
Moi comme je fais vite !
io come faccio lesto !
Moi comme je fais vite !
Tema …
Thème...
Fox-trot …
Fox trot...
Tango,
Tango
Valzer,
Valse,
.
Bolero.
Bolero.
Non c'è più tema di sbagliar,
On n'a plus peur de se tromper
autore ognuno può diventar,
tout le monde peut devenir auteur,
e guadagnare tutti quei milioni .
Et gagner tous ces millions
che danno le canzoni !
Que procurent les chansons !
che danno le canzoni !
Que procurent les chansons !
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Que c'est beau de pouvoir écouter
en restant dans son fauteuil, la radio qui donne
les mille nouvelles proches e lointaines
Par lesquelles tu peux savoir ce que fait le monde !
Au diable l'amitié !
Au diable l'amitié !
L'amitié on la voit
au moment où on en a besoin,
les amitiés de l'Italie,
les amitiés de l'Italie
se sont évanouies comme un rêve
Se sont évanouies comme un rêve !
Un coup de couteau dans la gorge
une menace dans le dos
mais l'Italie fière et solitaire
Gagne et regarde tout le monde en face !
Ah mon Dedé
ça va mal Ça va mal pour nous !
Je suis du Portugal
et je ne compte vraiment pour rien,
mais je suis président
De toutes les sanctions !
tu es du Portugal
tu ne comptes vraiment pour rien,
c'est pour ça que tu es président
De toutes les sanctions !
« Sélassié, Sélassié
on m'appelait le lion,
Sélassié, Sélassié,
Je ne suis qu'un bouc !
Ah, ah...
J'ai perdu même ma grande barbe,
pour satisfaire ma nation
qui m'a dit : écoute-moi,
Fais la guerre, Sélassié ! Ah ah, ah, ah,
« Oh oui, je ne veux pas que l'Italie
Conquière les terres africains !
Oh oui, mais contre l'Allemagne
maintenant je n'ai plus de bananes ! »
« L'Allemagne veut
la charité oh, oh, oh ! Ja, ja ja ! »
« Nous les bolcheviques
nous regarder de travers
Avec nos amis japonais !
Avec les franchouses
on a fait des pactes
Mais les germanistes ont sifflé
sifflets, fiasques, casques, enfants mâles,
mouches et »
« Sous le soleil tout doucement
nous la chine nous nous mangeons.
et au diable ceux qui veulent
ou qui ne veut pas ! Quel bon petit repas
la petite Chine pour le Japon ! »
« L'Américain regarde seulement,
all right, thank you !
lla société ne veut pas avoir à faire
Non, non non !
avec cette nation où ils donnent raison
à ce fou de Wilson ! »
En avant marche
l'Italie avance
Et avec ses soldats qui sait où elle arrivera !
Un, deux,
le Négus où est-il,
Personne ne peut me dire où est allé Sélassié !
Oh printemps en fleur
tu apportes dans tous les cœurs
La certitude d'une victoire tricolore !
Oh printemps en fleur,
tu apportes dans tous les cœurs
Victoire et gloire au drapeau tricolore !
Que c'est beau de pouvoir écouter
en restant dans son fauteuil, la radio qui donne
les mille nouvelles proches et lointaines
Par lesquelles tu peux savoir ce que fait le monde !