Histoire de la région Ombrie - 3° partie - suite
3) Les Basiliques : b) Santa Chiara
Structure : analogue à celle de la basilique supérieure de S. François, commencée en 1257,
consacrée en 1265. Façade divisée en 3 zones, à assises horizontales blanches et rouges en
pierre du mont Subasio. Portail en plein cintre, avec arc externe reposant sur 2 lions. Rosace à 2
tours de colonnettes et de petits arcs ; dans le couronnement, un oeil. Remarquer les contreforts
polygonaux à arcs-rampants. À côté de l’abside, éclairée par 3 hautes fenêtres simples, clocher
carré.
Intérieur : croix latine à une nef, divisée en 4 travées, avec transept et abside polygonale. Les
fresques murales ont été blanchies au XVIIIe s. sur ordre de l’évêque et endommagées par le
tremblement de terre de 1832.
1) Chapelle S. Agnès, consacrée à la soeur de Claire, qui avait choisi aussi de quitter sa
famille et de devenir religieuse. Fresques de Girolamo Marinelli (1595-1652) et peintures
murales de Sigismondo Spagnoli (1914).
2) Transept gauche : paroi du fond, Crèche
(XIVe s.) ; à g. Vierge à l’enfant (Maître de Santa
Chiara, 1265). Sur les 3 parois en haut, fresques
du XIIIe s. : Histoires de l’Ancien Testament.
3) Maître-autel dans une colonnade fin XIIIe
s. de marbrier ombrien. Dans l’abside, Crucifix sur
bois du Maître de S. Chiara ; dans les retombées
de la voûte d’ogive, fresques du Maître
Expressionniste de Santa Chiara : Vierge et S.
Claire ; S. Agnès vierge et martyre (ou Agnès,
soeur de Claire ?) ; S. Catherine et autre sainte ;
S. Lucie, S. Cécile, groupe d’anges en prière
(vers 1337) (Image ci-dessous à gauche).
4) Transept droit : paroi droite : S. Claire et
8 histoires de sa vie, du Maître
Expressionniste de S. Chiara , qui tient son nom
de ces fresques. Dans la zone supérieure, Annonce à Joachim, Mariage de la Vierge, Massacre des Innocents, Fuite en Égypte, Jésus dans
le Temple ; paroi de g., en haut, Jugement dernier.
5) Chapelle du S. Sacrement. Paroi d’entrée : fresques de Pace di Bartolo (milieu XIVe s.) : Annonciation, S. Georges, Crèche,
Épiphanie. Paroi de g. : Vierge à l’enfant sur le trône et saints (Puccio Capanna, milieu XIVe s.) ; Résurrection, Descente de Croix, Jésus
déposé dans le sépulcre (peintre ombrien). Derrière l’autel, fragments de décoration (XIIIe s.) et fresques d’un peintre inconnu XIVe s. (S.
Catherine et sainte, S. François, Claire et Agnès).
6) Oratoire du Crucifix et des Reliques : sur l’autel, Crucifix sur bois (fin XIIe s.), qui aurait parlé à François à S. Damiano en 1205 («
François, va et répare ma maison qui, comme tu le vois, tombe en ruine »). Dans la paroi du fond, derrière une grille, reliques franciscaines :
crâne de S. Agnès, aube de diacre de François brodée par Claire, tunique, manteau et cordon de S. Claire, coffret avec ses cheveux,
tunique de S. François, sandales et chaussettes du saint, cilice et crucifix de S. Claire.
Dans la crypte, urne et sarcophage de S. Claire.
À propos de la décoration des églises franciscaines
La chronologie des fresques de la basilique supérieure d’Assise est très difficile à établir, elle est liée aux débats à l’intérieur de l’Ordre franciscain dont l’aile « spirituelle » continue
à refuser d’enrichir les églises par des décorations fastueuses. En 1260, au Concile de Narbonne, les Franciscains excluent encore l’usage des images, même à but didactique,
mais on fait une exception pour Assise. En 1279, un autre concile franciscain rappelle cette interdiction, mais provoque une vive réaction du pape Nicolas III qui donne le feu vert
aux fresques d’Assise. C’est un de ses successeurs, Nicolas IV (1288-92), le premier franciscain à devenir pape et grand mécène de la basilique, qui publie une Bulle décrétant
que les aumônes offertes par les pèlerins venus à Assise devaient servir à financer la décoration de l’église.
C’est donc seulement à partir de 1288 que l’on fait appel à de grands peintres pour décorer l’église : Cimabue et son jeune élève florentin, Giotto, et d’autres ateliers venus de
Rome, de Florence ou d’au-delà des Alpes nommés à partir de l’oeuvre réalisée, le « Maître d’Isaac », le « Maître de saint Pierre », etc.
À Florence, les Spirituels, sous la direction du Grand Maître de l’ordre Ubertino da Casale, s’opposent très fortement à la construction de l’église franciscaine de Santa Croce en
1294, et en 1333, lorsqu’une crue de l’Arno inonde l’église, elle sera interprétée comme un châtiment de Dieu pour la construction blasphématoire de cet édifice de richesse destiné
à abriter des franciscains voués à la pauvreté. Giotto est l’un des peintres qui décorent l’église.
4) Les sites « françoisiens » - Itinéraire « franciscain »
Le premier est Rivotorto (du nom du ruisseau qui longe le site, le « Rivotorto », ruisseau tordu) : l’église Santa Maria di Rivotorto est érigée en 1854 en
style néogothique sur l’emplacement d’un édifice plus ancien destiné à protéger le « tugurio » (la cabane) où François se réfugia vers 1208 avec Bernard
de Quintavalle et Pierre de Catane après avoir quitté Assise.
Sur la façade de l’église, inscription : « Hic primordia Fratrum
Minorum » (Ici les débuts des Frères
Mineurs). C’est là que fut probablement
rédigée la « première » Règle, celle qui fut
ensuite « perdue ». De façon significative,
les piliers de l’église viennent perforer le
toit des cabanes restaurées au XVe s. et
une église assez majestueuse vient
entourer les petites cabanes (Photo ci-
contre à gauche, et à droite , image d’une
cabane).
De Rivotorto, on peut remonter au couvent
de San Damiano, qui conserve une partie de ses structures du XIIIe s. Ancien prieuré
bénédictin, le couvent était presque abandonné et en ruine à l’époque où François y
arrive et où, en 1205, le Crucifix (Cf. image ci-dessous à droite, aujourd’hui à l’église
Santa Chiara) lui aurait révélé sa vocation : « François, va et répare ma maison qui,
comme tu le vois, tombe en ruine ». François prend l’ordre au pied de la lettre et se livre à la première
restauration de l’édifice : il n’a pas encore compris que l’Église était à réparer dans ses valeurs et dans ses
comportements. En 1212, il y accueille Claire et ses premières compagnes ; il y séjourna ensuite plusieurs fois et il y composa le
Cantique des Créatures en 1224-25 avant de partir à la Porziuncola pour y mourir. Après la mort de sainte Claire, en 1260, ses
compagnes cédèrent le couvent au chapitre de la Cathédrale en échange de S. Giorgio. L’ensemble a été donné définitivement aux
Mineurs Observants en 1983. Sur la petite place, à droite, niche avec une Vierge sur le trône, les Saints François et Claire et deux
autres saints, du XIVe s. Dans la paroi supérieure du portique, petite porte où, un vendredi de septembre 1241, Claire se montra,
l’ostensoir à la main, aux Sarrasins envoyés par Frédéric II contre les guelfes d’Assise, et les mit en fuite. Sous le portique, à dr.,
Chapelle de S. Jérôme : fresques de Tiberio d’Assise (1517 et 1522), Vierge à l’enfant avec les Saints François, Claire, Bernardin
et Jérôme et S. Sébastien et S. Roch.
On entre dans l’église à une nef et voûte ogivale : tout de suite à dr., petite fenêtre par laquelle on raconte que François, en signe de
mépris pour l’argent, jeta la bourse prise à son père et refusée par le prêtre pour la restauration de l’église ; une fresque (XIVe s.) rappelle l’épisode ; sur les parois, restes d’enduit
préparé pour des fresques jamais exécutées. À l’autel, copie du Crucifix qui parla à S. François ; dans l’abside, choeur en bois de 1504 qui couvre en partie la fenêtre par laquelle les
Clarisses communiaient et par où elles virent passer le cercueil de François quand il fut rapporté de la Porziuncola à Assise.
À dr., on passe dans un vestibule, à dr. la Sacristie, à g. le choeur avec des stalles grossières et un lutrin du temps de Claire ; à l’autel, Crucifixion, et une petite pièce où, selon la
légende, François se cacha pour échapper à son père.
Du vestibule, un escalier monte à dr. dans le jardin de S. Claire (vue sur une partie de la plaine). En reprenant l’escalier, on arrive à l’Oratoire de S. Claire (fresques du XIVe s.), et de
là à un des dortoirs des religieuses (une croix sur le mur indique le lieu où mourut S. Claire en 1253).
On descend dans le cloître, charmant espace de méditation (fresques d’Eusèbe de San Giorgio, 1507), puis dans le Réfectoire, avec bancs et tables d’origine ; une croix et un vase
indiquent le lieu occupé par S. Claire (au mur, fresques de Cesare Sermei, 1581-1668).
L’eremo delle Carceri
De la porte des Capucins, on monte à pied ou par un service de petits bus, au milieu des chênes, des yeuses et des oliviers, sur
une route d’où l’on a une vue très belle sur la vallée. Noyé dans la forêt sur les pentes du mont Subasio, se trouve le bâtiment
construit sur le lieu où François et ses compagnons se retiraient (« s’emprisonnaient », d’où le nom de Carceri = prison), près
d’une petite église entourée de grottes fréquentées par des ermites depuis les débuts du christianisme. Le couvent est construit
au XIVe s. et agrandi par Bernardin de Sienne au XVe s.
* Dans la cour, puits d’où l’eau aurait jailli suite à un miracle de François ;
* Église du XVe s. ; à travers une grille de fer, on entre dans la petite église
primitive, consacrée à S. Marie des Prisons, probablement une grotte aménagée en
chapelle ;
* On descend à dr. par un escalier et des portes minuscules dans la grotte de S.
François, en deux parties, l’une avec le lit de fer sur lequel il dormait, l’autre avec un
rocher sur lequel il s’asseyait pour méditer et prier ;
* Sur le mur près de la porte de sortie, fresque du XIVe s. qui représente le Sermon
aux oiseaux qui se posaient sur le chêne vert visible près du petit pont. Le mur, construit en 1609,
couvre une crevasse dite « trou du diable », où le diable se serait précipité, vaincu par les prières de
François. À côté, le « fossé sec », aux eaux duquel François aurait demandé d’arrêter de faire du
bruit pour ne pas troubler les prières des frères.
* Après le pont, bronze de Vincenzo Rosignoli (1856-1920), François libère les tourterelles, puis la promenade dans la forêt
parsemée des grottes où vivaient les premiers compagnons de François (Léon, Bernard de Quintavalle, Silvestre, Ruffin, Massée, etc.).
* Sur la g. bronzes représentant François et ses deux compagnons en méditation face au ciel (Lire la plaque de commentaire) ;
* petit autel de pierre sur lequel priait François (mais il n’y célébrait pas la messe, ayant refusé d’être prêtre).
La Porziuncola et Santa Maria degli Angeli
C’est avec Rivotorto le lieu le plus représentatif des deux visions de la foi chrétienne : autour de la plus humble chapelle entourée
des cabanes d’argile et de joncs des premiers franciscains, le pape Pie V décide de construire la plus grandiose basilique baroque
de la région, à l’issue du concile de Trente, à partir de 1569. Autour de la plus grande pauvreté, la plus grande richesse ! Même
les lieux de l’époque de François furent décorés de façon à insister sur le côté
mystique de François et sur son idéal de pauvreté, mais aussi sur son orthodoxie et
sa reconnaissance par l’Église officielle (Voir la reconnaissance du Pardon par le
pape Honorius III).
Le lieu dit « Porziuncola », à partir de 1045, doit sans doute son nom à la « petite
portion » de bois qui se trouvait au pied de la ville d’Assise. Près d’une ancienne
léproserie où François rencontra et embrassa le lépreux, c’est là qu’il décida
d’installer les premières cabanes des frères, vers 1205 (Cf ci-contre à droite
estampe ancienne). Il existait déjà une petite église abandonnée, qui appartenait
aux bénédictins du mont Subasio, et qui fut la troisième église que François
restaura ; ayant obtenu des moines qu’ils la lui remettent, il vint souvent y demeurer.
C’est là qu’il reçut Claire en 1212 et qu’il tint en 1221 le « chapitre des Nattes » où
furent présents plus de 5000 frères. C’est là qu’il est mort le soir du 3 octobre 1226.
L’église de Santa Maria degli Angeli fut construite sur projet de Galeazzo Alessi
(1512-1572) approuvé par Vignola (1507-1573) ; elle fut achevée en 1579 avec la construction du
clocher de droite ; elle est restaurée entre 1836 et 1840 après le tremblement de terre de 1832 ; la façade n’est achevée qu’en 1925-30 en style
baroque romain ; la coupole est visible de toute la plaine d’Assise.
L’intérieur à trois nefs comporte des chapelles richement décorées qui constituent un musée de la peinture ombrienne des XVIe et XVIIe siècles (Voir
le plan ci-dessous).
1) Chapelle de S Antoine abbé (fresques 1670), 2) Chapelle de S. Jean-Baptiste (Cesare Sermei, 1602), 3)
Chapelle de S Anne (fresques des Circignani, 1602), 4) Chapelle de Pie V (Baldassare Croce, 1602), 5) Chapelle
de l’Annonciation (crèche en terre cuite ; à g. sur la fresque, façade d’origine de la basilique), 6) Autel de S. Pierre
aux Liens (1675), 7) Autel de S. Pierre d’Alcantara (Appiani, XVIIIe s.), 8) Chapelle des Reliques (XVIIe s.), 9)
Sacristie.
COUPOLE : S. François institue l’ordre des Mineurs, Les Bénédictins cèdent la Porziuncola à François, Remise de
l’habit à S. Claire, S. Bonaventure écrit la vie de S. François (Francesco Appiani, 1704-1792).
10) CHAPELLE DE LA PORZIUNCOLA : Sous la coupole se trouve l’oratoire du Xe-XIe s. consacré à Sainte Marie des Anges, que restaura François,
en pierres polychromes du mont Subasio. La petite église abandonnée et en ruine appartenait aux Bénédictins du Mont Subasio. En
1205, François s’y installa, la restaura et y fonda l’Ordre franciscain. Il l’obtint des moines en 1209, et fit construire autour les
cabanes de glaise et de roseaux. En 1212, c’est là qu’il remit son habit à Claire, et c’est là que se tint en 1221 le chapitre dit des «
stuoie » (des nattes) qui réunit plus de 5000 frères, c’est là qu’il obtint, dit la tradition franciscaine l’indulgence de la Vierge, dite « du
Pardon ». C’est une construction rectangulaire rustique et simple. La partie supérieure de la façade est ornée d’une fresque de
Friedrich Overbeck de Lubech (1829, François implore de Jésus et de Marie la concession de l’indulgence plénière du Pardon) ;
sur le flanc droit, restes de 2 fresques du XVe s. (Vierge à l’enfant sur le trône et les S. François et Bernardin, et S. Bernardin), une
inscription rappelle que Pierre de Catane, second compagnon de François y fut enseveli en 1221 ; Dans la partie postérieure, fresque du Pérugin (le Calvaire) ;
Intérieur : à l’autel, Annonciation et histoires du Pardon, d’Ilario da Viterbo (1393), sur la voûte, Évangélistes.
11) CHAPELLE DU TRANSIT, dans le chœur à dr., infirmerie dans laquelle est mort François le soir du 3 octobre 1226, fermée par
une grille en fer forgé. À l’extérieur, Mort et funérailles du saint (Domenico Bruschi, 1886) ; sur l’autel du XIVe s., Statue de
François en terre cuite émaillée d’Andrea della Robbia.
12) Abside : Choeur en bois et chaire avec de riches gravures baroques ; au centre, nouvel autel avec 7 panneaux en bronze d’Enrico Manfrini (1917
- ) ; 2 ambons décorés avec scènes de la vie de François. Sous l’autel, crypte, avec parement d’autel d’Andrea della Robbia (6 scènes).
13) Autel de S. Antoine de Padoue (Crucifix en bois d’un artiste du Nord),
14) Autel de la Vierge des Grâces (parement d’autel en bronze de Tommaso Gismondi, 1977),
15) Oratoire du S. Sacrement : S. Pierre d’Alcantara (Giacomo Giorgetti, 1603-1679), fresques détachées de la chapelle de la Porziuncola
(Perugino).
16) Chapelle du Rosaire,
17) Chapelle du Couronnement de la Vierge (fresques de Simeone Ciburri, 1603 : Assomption de la Vierge, S. Diego guérit la fille du roi d’Espagne, Apparition de S. François et
Claire, Saints et Vertus),
18) Chapelle de la Descente de Croix (Baldassare Croce, 1558-1628),
19) Chapelle des Stigmates (Giacomo Giorgetti et Cesare Sermei),
20) Chapelle de S. Diego d’Alcala.
De la Sacristie (n. 9 du plan), on accède à un couloir : à g. Statue de François avec un nid où nichent des colombes. Un portique conduit au lieu où vivait François : Vincenzo
Rosignoli (1912).
21) CHAPELLE DE LA ROSERAIE (Cappella del roseto) : dans la première salle ajoutée par s. Bernardin de Sienne, fresques de Tiberio
d’Assisi (1518 : Le saint se jette dans la roseraie, Il est guidé à la Porziuncola par 2 anges, Il demande à Dieu l’indulgence du pardon,
Confirmation d’Honorius III, Publication de l’indulgence) ;
* Dans la seconde salle (Oratoire de S. Bonaventure) : fresques de Tiberio (1506 : S. François et ses premiers compagnons, à dr. S.
Claire et S. Élisabeth, à g. les saints Bonaventure, Bernardin de Sienne, Ludovic de Toulouse, Antoine de Padoue), à la voûte, Père éternel ;
* La troisième salle est la grotte construite après la mort de François sur le lieu où il vécut (poutres et pupitre d’origine).
* À g. en sortant de la chapelle, petit jardin avec un figuier qui rappelle l’épisode de la cigale qui chanta 8 jours sans interruption la louange du
Créateur ;
22) CHAPELLE DES PLEURS (Cappella del Pianto) : François pleure en méditant sur la Passion du Christ.
En revenant à l’église, restes du couvent du XVe s. récemment restauré et doté d’un puits qui daterait du XIIe siècle.
23) MUSEE
5) Penser François d’Assise dans son temps
En réalité, la récupération de François d’Assise par les mouvements révolutionnaires, écologistes ou pacifistes est aussi inadaptée que celle qu’ont
opérée l’Église catholique et les conservateurs de tous temps. François d’Assise n’est ni anticapitaliste, ni « démocrate », ni pacifiste, ni écologiste : les
problèmes ne se posaient pas en ces termes au XIIIe s. Inversement, en faire le personnage un peu mièvre ou conforme aux normes dominantes dans
la hiérarchie catholique de l’époque, ou le nommer « patron des marchands et commerçants italiens » comme l’a fait le pape Pie XI, est une totale
trahison de la réalité « françoisienne ».
Ce début du XIIIe s. est le grand moment de l’expansion des communes marchandes italiennes et du triomphe de la bourgeoisie sur la noblesse
féodale ; l’envers de cet enrichissement des villes est une grande misère des campagnes, une pauvreté d’une partie importante du peuple.
Parallèlement, c’est une époque où la Papauté, qui a appuyé la lutte des communes guelfes contre l’Empire et les gibelins, s’affirme d’une façon
nouvelle. La réforme grégorienne n’a pas changé que les modes de chant religieux, mais aussi l’idée que l’Église se fait d’elle-même : pour incarner
sa mission religieuse, elle a la conviction qu’il lui faut occuper une place politique, sociale, économique solide.
À l’époque féodale où les princes et chefs locaux conféraient les « bénéfices » en même temps que les fonctions ecclésiastiques, Grégoire VII avait
voulu libérer l’Église de la tutelle féodale : le principe de sa réforme était de réserver à l’Église l’investiture des fonctions sacrées tout en conservant les
« bénéfices » ; par là, l’Église conservait sa liberté, mais restait solidaire des pouvoirs politiques et économiques établis. C’est un nouveau tournant
dans l’histoire de la foi chrétienne : l’Église a vite compris qu’il lui faut faire alliance avec la bourgeoisie communale, c’est-à-dire avec ceux qui
représentent la richesse et la puissance, de la banque florentine à la couronne de France, et elle devient elle-même une institution puissante et riche.
Cela suscite dans le peuple chrétien de nombreuses réactions. À Lyon, dans les années 1170-1180, un riche bourgeois,
Pierre Valdo, dit à peu près ce que dira François 30 ans plus tard, il revendique la pauvreté et l’humilité comme idéal de vie chrétienne, donne tous ses
biens aux pauvres et demande pour tout chrétien laïc la possibilité de prêcher l’évangile ; il est à l’origine du mouvement vaudois. La hiérarchie de
l’Église voit très mal un mouvement de laïcs qui veulent prêcher un évangile de pauvreté ses droits sacrés et comme une dangereuse subversion
sociale, d’autant plus que les femmes avaient aussi une place dans le mouvement vaudois, autre élément de rupture. Les Vaudois sont donc
condamnés comme hérétiques et persécutés tout au long de leur histoire jusqu’à l’unité de l’Italie au XIXe s. (Voir notre dossier sur les Vaudois : les
Vaudois et le Piémont)
Parmi les réactions que provoque l’enrichissement de l’Église, il y a celles qui se limitent à la réforme du clergé et des classes dominantes (de S.
Bernard, fondateur des Cisterciens de Clairvaux à S. Robert qui fonde le monastère de la Chaise-Dieu, de S. Norbert et les Prémontrés à S. Jean
Gualbert qui fonde le monastère de Vallombrosa près de Florence), et il y a les réactions populaires (Humiliés, Patarins, disciples d’Arnaud de Brescia,
Cathares, Flagellants, « Laudesi », associations de fidèles qui chantent et jouent les « laudes », des litanies et des actions dramatiques comme la
passion du Christ). Celle de François d’Assise tient un peu des unes et des autres.
Il est fils de marchand de drap, il appartient à la jeunesse dorée d’Assise, il a reçu la bonne éducation (lecture, écriture, calcul) que devait avoir un futur
marchand, il était destiné à reprendre le négoce paternel. Par ailleurs il avait une mère française (picarde) qui lui avait enseigné toute la culture courtoise
française : il dira souvent qu’il est le « Chevalier de Dame pauvreté » pour laquelle il mène un combat chevaleresque. La pratique du Psautier liturgique
et des Écritures lui ont donné une bonne culture religieuse.
Il a fait l’expérience de la guerre que se mènent les villes et il est resté prisonnier près d’un an à Perugia dans la guerre entre Assise et Perugia pour la
domination du territoire. Il a aussi l’expérience de la pauvreté, il voit les pauvres, il croise sur sa route les lépreux. Et, de retour de la prison, il entend une
lecture de l’évangile où le Christ appelle ses disciples à abandonner leurs biens et à s’en aller prêcher la parole de Dieu. Jeune homme très ardent et enthousiaste, il renonce à
l’héritage paternel après en avoir utilisé une partie pour réparer des églises qui tombaient en ruine, et il part nu (il a même restitué ses vêtements à son père qui réclamait son dû !)
prêcher à travers les campagnes ombriennes. Beaucoup de jeunes bourgeois d’Assise le rejoignent bientôt, et ensemble ils constituent un mouvement qui comptera en peu de temps
des milliers de fidèles.
Il ne veut pas constituer un « ordre », il veut un mouvement beaucoup plus souple qui aille prêcher la parole de Dieu dans un monde qui vit dans le péché, parce que, même dans sa
partie sacrée, le clergé, il s’est laissé prendre au jeu du pouvoir, du sexe et de l’argent. François dépose simplement en 1209 une « règle » orale qui a été « perdue » et que le pape
approuve « oralement » ; puis, le nombre de disciples augmentant très vite, il fixe quelques normes de vie selon la règle de la pauvreté.
François respecte l’institution ecclésiale et les prêtres, même pécheurs, car ce sont eux qui dispensent les sacrements. Mais pour sa part, il refuse la prêtrise, il se
laissera ordonner diacre parce que le pape l’y oblige, puisqu’un laïc n’a pas le droit de prêcher. Il mène son combat par l’exemple, il vit la pauvreté
quotidiennement et il prêche le modèle évangélique, convaincu que le Christ et ses disciples ne possédèrent rien ni en propre ni en commun. Il refuse l’installation
dans le monde : avec ses compagnons, il refuse de vivre dans un couvent ou dans un quelconque bâtiment en dur, tous vivent dans des cabanes qu’ils
construisent eux-mêmes ou dans des grottes naturelles, il refuse l’aumône, mais gagne de quoi vivre par d’humbles travaux de maçon, paysan, domestique ; il
refuse l’uniforme du moine et ne veut posséder qu’une tunique grossière d’un tissu et d’une couleur quelconques, avec une corde en guise de ceinture. Toute
possession lui paraît contradictoire avec l’idéal christique. Il prêche le dépouillement, la vie fraternelle égalitaire, la mission universelle. Beaucoup de cardinaux et
le pape lui-même trouvèrent que c’était là une entreprise « au-dessus des forces humaines ».
À la différence de mouvements comme le catharisme et d’autres groupes charismatiques qui renient le corps et le monde, François est animé par le principe de
réalité : il est attentif à tous les aspects d’un monde terrestre qu’il aime, nature, animaux constamment présents dans tous les récits de sa vie, êtres humains dans
leur réalité physique et spirituelle. Lui qui est un religieux (mais ni moine ni prêtre) méfiant vis-à-vis des femmes, comme tous ceux de son temps (l’image
dominante de l’Ève tentatrice !) est sensible à leur présence quotidienne ; le « couple » qu’il forme avec S. Claire ne peut pas être minimisé, il est à l’imitation de
celui de S. Benoît et de sa soeur S. Scholastique. Claire est la première femme à rédiger elle-même la règle d’un Ordre, au lieu de
se plier, comme c’était l’habitude, aux règles des Ordres masculins. Il faut rappeler aussi « frère » Jacopa dei Settesoli. François
a aussi hérité de son père le sens du travail créateur, il a compris la transformation sociale que représentait le passage de la
féodalité aux communes bourgeoises, et il veut l’humaniser. C’est dans toute cette réalité naturelle et humaine qu’il veut réaliser
l’idéal évangélique et non le vivre hors du monde en attendant sa fin.
Il prêche et pratique le dialogue plutôt que la guerre : en 1219, pendant la 5e Croisade, il part en Orient rencontrer le Sultan au péril de sa vie pour
discuter avec lui de sa foi religieuse. Il réussit à être reçu et respecté, tandis que les Croisés connaissent à Damiette une terrible défaite que François
leur avait prédite.
Quand il rentre d’Orient, François débarque à Venise en 1220 et il apprend que les frères de Bologne sont installés dans un beau couvent et se livrent
au travail intellectuel. Il fait aussitôt vider le couvent, lance une malédiction contre le provincial, dépose tous les vicaires, nomme Pierre de Catane
ministre général, renonçant lui-même au généralat pour aller préparer une nouvelle Règle, qu’il devra assouplir un peu pour la faire approuver par le
pape en 1223.
François sait dorénavant qu’il a échoué dans son Église et dans la société et que son idéal sera trahi, adapté aux normes de l’institution. Il se retire alors sur l’Alverne, La Verna, où il
reçoit les « stigmates », puis à S. Damiano où il écrit le Cantique des Créatures, un des textes qui contestent le plus radicalement la pratique du pouvoir dans l’Église et dans la société
de son temps. Quant au symbole des stigmates, - qui sont peut-être la conséquence d’une longue incubation de la peste contractée lors du « baiser au lépreux » -, c’est l’affirmation
d’une stratégie précise : accepter formellement le pouvoir établi, mais le nier radicalement dans son corps en y manifestant les symboles de la Passion du Christ, en faisant de son
corps une perfection de dépouillement et de pauvreté, sans riposte possible de la part des institutions. L’Église mettra d’ailleurs longtemps avant de reconnaître (et de récupérer) la
réalité des stigmates.
Il faut avoir ces faits présents à l’esprit si on veut comprendre les lieux « franciscains », interpréter correctement les fresques de Giotto et les sites les plus mystiques des environs
d’Assise, évaluer la portée du message de François et de ceux qui l’ont « trahi », bien distinguer
* ce qui relève de l’héritage direct de François d’Assise et de ses disciples fidèles, les « Spirituels », puis les « Fraticelli » dont un des derniers (Fra Minore Minorita : voir notre
traduction de sa vie) sera brûlé à Florence en 1389, après que le pape Jean XXII eut condamné comme hérétique en 1322 la proposition selon laquelle le Christ et les apôtres
n’avaient rien possédé ni en propre ni en commun, c’est-à-dire précisément le coeur de la pensée de François ;
* ce qui exprime l’héritage adapté, récupéré par l’institution, la « régression » du franciscanisme, dans la lignée des « Conventuels » installés, dont le premier fut le frère Élie et
dont Giotto fut une des plus belles traductions picturales.
Quelques saints franciscains
Bonaventure (1221-1274) : frère franciscain, évêque et cardinal, théologien important à l’école franciscaine de Paris ; élu Ministre général de l’Ordre en 1257, il insista sur la nécessité
de l’étude et de l’enseignement dans les universités, à l’opposé de la doctrine de François ; modéré hostile aux Spirituels, il écrivit une Vie de François qui fut reconnue comme la
version officielle, et en 1266, le chapitre décréta la destruction de toutes les autres Vies.
Bernardin de Sienne (1380-1444), prêtre franciscain, grand prédicateur dans toute l’Italie qu’il parcourut à pied, il devait installer un pupitre à ciel ouvert tant étaient nombreuses les
foules venues l’écouter ; Vicaire général de la branche des Observants, il en multiplia le nombre par 10, tant était grande sa renommée. Il refusa par trois fois d’être évêque.
Ludovic de Toulouse (d’Anjou, 1274-1297), prêtre franciscain et évêque de Toulouse ; il abolit l’usage des matériaux précieux à l’église.
Antoine de Padoue (1195-1231), prêtre franciscain né à Lisbonne ; prit part au chapitre des Nattes en 1221 ; théologien et prédicateur, nommé Docteur de l’Église en 1946. Invoqué
pour retrouver les objets perdus. La Fondation du Pain de S. Antoine, consacrée à ceux qui souffrent de la faim, est toujours active dans les pays pauvres.
Élisabeth de Hongrie (1207-1231), reine, épouse de Louis IV, landgrave de Thuringe, mère de trois enfants, bientôt réprouvée par sa famille pour son adhésion aux principes de
François d’Assise. Après la mort de son mari à la croisade en 1227, elle entra dans le Tiers Ordre des Franciscains et vécut durement en soignant les malades et les pauvres, sous la
direction spirituelle cruelle et presque sadique de son confesseur, Conrad de Marburg, qui devint un des plus féroces inquisiteurs.
Pierre d’Alcantara (1489-1562), prêtre franciscain né en Espagne, fondateur d’une branche réformée de l’Ordre. Éduqué à l’Université de Salamanque, il devint franciscain Observant
et ascète. Provincial du district d’Estrémadure, il tenta de réformer la vie religieuse, mais échoua. Il créa alors près de Lisbonne une petite communauté d’ermites franciscains qui fut la
base d’une nouvelle province des « Alcantarini » à la règle très sévère. Il fut considéré par S. Thérèse d’Avila comme l’inspirateur de son couvent. Patron du Brésil.
Diego d’Alcala (1400-1463), frère franciscain d’Andalousie. Il fut envoyé dans les îles Canaries, puis à Séville et à Rome où il se consacra à l’assistance des pèlerins et des malades.
Connu pour ses miracles, entre autres la guérison du fils de Philippe II, à qui il dut sa canonisation en 1588.
« Frère » Jacopa dei Settesoli, bienheureuse. Noble romaine de la famille des Normanni. Elle épouse Graziano Frangipane, qui vit dans un palais somptueux situé dans le
Septizonium, au pied du Palatin, qui donne son nom à cette branche de la famille : Septemsolis. Devenue veuve encore jeune et mère de 2 garçons, elle se consacrait à Rome aux
oeuvres de charité lorsque François s’y rendit pour faire approuver sa Règle. Ils devinrent amis et c’est elle qu’il fit appeler à la Porziuncola alors qu’il était mourant. Elle assista à sa
mort et resta à Assise dans la communauté de S. Claire.
6) Actualité de François d’Assise
Notre objet est de comprendre l’importance de ce François Bernardone non seulement dans l’histoire religieuse mais dans celle de toute notre culture, jusqu’à
aujourd’hui où les débats internes à l’ordre franciscain et à l’église catholique éclairent singulièrement quelques grandes questions du monde contemporain, par
exemple celle des rapports entre les civilisations issues de traditions religieuses distinctes autour de la Méditerranée. François d’Assise reste un personnage d’une
présence et d’une modernité extraordinaires qui ne cesse d’alimenter la réflexion et la créativité (Cf. ci-dessous, les oeuvres qu’il continue à inspirer). Il y a quelques
similitudes entre son temps et le nôtre : période de mutation rapide d’une société et une autre, conflits meurtriers, changements profonds dans les rapports avec la
nature, et la « stratégie » de François, - le salut par la liberté, la liberté par la pauvreté -, mérite qu’on y réfléchisse, que ce soit dans le cadre d’une pensée religieuse
ou simplement dans celui d’une pensée laïque soucieuse d’humanisme : on peut être « françoisier », comme dit Joseph Delteil, sans être « franciscain », ni même
croyant.
Dans ces dix dernières années, Assise a été touchée par deux secousses de nature et d’importance différentes : le tremblement de terre de septembre et octobre
1997 qui a ravagé l’Ombrie et les Marches, et le « coup de crosse » de Benoît XVI de novembre 2005. Par un décret (« motu proprio ») du 19 novembre 2005, le
pape a en effet retiré aux franciscains l’autonomie dont ils disposaient par rapport à l’évêque d’Assise, accordée par Paul VI en 1969 et confirmée par Jean-Paul II.
Les franciscains de la Basilique d’Assise et de Santa Maria degli Angeli avaient pris ces dernières années des initiatives qui plaisaient peu à l’évêque très
traditionaliste de la ville : dans la foulée de la Journée mondiale pour la Paix proclamée par Jean-Paul II en 1986, ils organisaient chaque année une grande marche
pour la paix, de Perugia à Assise, qui rassemblait des milliers de pacifistes, chrétiens ou non ; ce fut par exemple l’occasion d’une des grandes manifestations de
l’opposition d’une majorité des Italiens à l’engagement de l’Italie dans la guerre d’Irak en 2003. La présence de nombreuses personnalités internationales des milieux
intermondialistes et souvent de gauche (l’Ombrie était une région « rouge » en même temps que catholique ! Le centre droit ne l’a emporté qu’aux élections
politiques de 2018, et aux élections régionales de 2018, le centre gauche reste en tête) ou peu favorables à la politique berlusconienne, suscitait l’hostilité de la
droite et des milieux traditionalistes de l’Église. On reprochait donc à ces franciscains d’être « instrumentalisés par la gauche », et par ailleurs de favoriser un
dialogue inter religieux qui, déjà en 1986, apparaissait au futur Benoît XVI, comme une tentation de syncrétisme. En 1986, des Indiens d’Amérique s’étaient livrés à
leurs danses rituelles dans l’église Santa Chiara, et des animistes africains y avaient sacrifié des poulets sur l’autel. Les franciscains pourront-ils maintenant
poursuivre leur travail de diffusion du message de François, par des colloques, rencontres, manifestations internationales, sous la houlette du nouvel évêque
d’Assise nommé le jour même du Motu proprio, et ancien Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin, Mgr Domenico Sorrentino , nommé en 2005?
Le franciscanisme est porteur aussi d’un autre message plein d’actualité touchant les rapports de l’homme à la nature : François prêchait un amour des créatures,
hommes, animaux, nature, qui prend tout son sens en une époque où la nature est souvent saccagée, pillée par la recherche du gain et d’une productivité peu
soucieuse de l’avenir. Il a donc été appelé en renfort dans beaucoup d’opérations de protection de la nature, la défense du loup, des espaces naturels, sans que
soient toujours bien interprétés des épisodes comme ceux du loup de Gubbio, du sermon aux oiseaux, des cigales qu’il caresse et des petits vers qu’il ramasse sur
le chemin pour qu’ils ne soient pas écrasés, ou des textes comme le Cantique des créatures. C’est à ce texte que s’est référé le pape nommé le 13 mars 2013, qui a
pris le premier le nom de François : son encyclique Laudato sii du 24 mai 2015 contient des références explicites à la pensée de François.
Quelques œuvres inspirées par François d’Assise
François d’Assise est toujours le sujet de nombreuses oeuvres théâtrales, cinématographiques, musicales, littéraires, ou d’abondants essais d’interprétation. Quelques exemples :
* Musique : L’opéra d’Olivier Messiaen « Saint François d’Assise – Légende franciscaine en huit tableaux », créé en 1983, repris en 2003 à Bochum. En 2000, Angelo
Branduardi compose un disque dans lequel il met en musique des textes de François, de Dante et de biographes de François, « L’infinitamente piccolo ... le vie del pellegrinaggio. 11
canzoni su testi tratti dalle Fonti Francescane » ;
*Théâtre : 1998 : Francesco Agnello, L’Extra – Ordinaire François d’Assise, « Les Fioretti », onze histoires des Fioretti mis en scène et accompagnées par 60 instruments de
percussion ; 1999 : Marco Baliani et Felice Cappa, « Francesco a testa in giù » (François la tête en bas), créé pour la RAI puis donné en spectacle à Rome ; Dario Fo, « Lu santo
jullare Francesco » (Le saint jongleur François), créé à Spoleto ; Ron, Susanna Tamaro, Roberta Mazzoni, Saverio Marconi, « Francesco », musical ; José Saramago, « Seconda
vita di Francesco d’Assisi », où il imagine que François revient sur terre et trouve son Ordre aux mains de frères plus préoccupés d’argent que de pauvreté ; 2000 : Vincenzo Cerami,
« Francesco, il musical », créé à Assise ;
* Cinema : 1949 : Roberto Rossellini, « Francesco giullare di Dio » ; 1966 : Pier Paolo Pasolini, « Uccellacci e uccellini » ; 1971 : Franco Zeffirelli, « François et le chemin
du soleil » ; 2002, Michele Soavi, « Francesco », avec Raul Bova, Amélie Daure, créé à Rome ;
* Essais : parmi beaucoup d’autres, Chiara Frugoni, Saint François d’Assise, la vie d’un homme, Préface de Jacques Le Goff, Pluriel, Hachette Littérature, 1999 ; Jacques Le
Goff, Saint François d’Assise, Gallimard « Bibliothèque des Histoires », 1999, 224 p. ; Jacques Le Goff, Héros du Moyen Âge, le saint et le roi, Gallimard, Quarto, 2004, 1344 p.,
reprise du texte de 1999 et du précédent Saint Louis ; Jean-Louis Fournier, Le Pense-bêtes de saint François d’Assise, Préface de Pierre Desproges, 35 histoires humoristiques sur
le modèle des Fioretti, comme la 12 : « Frère François apprenant le décès de soeur Poule décide de couver les œufs » ... sans oublier le « François d’Assise » de Joseph Delteil,
1960 (repris dans : Oeuvres complètes, Grasset, 1961, pp. 549-695, un des plus beaux textes sur François.
À propos du Nom de la Rose d’Umberto Eco : la « Querelle de la pauvreté ».
À partir de 1220, les clercs entrent en masse dans la fraternité (François avait refusé d’être ordonné prêtre) et se dressent contre la Règle qui impose la pauvreté absolue.
1230 : la Bulle Quo elongati tente de trouver une solution médiane et ouvre une première brèche dans la règle de pauvreté absolue. Se forment les 2 branches des Conventuels et des
Spirituels ou Observants, qui pratiquent l’érémitisme et la pauvreté : Clareni, Amadeiti, Célestins.
1260 : Les Constitutions de Narbonne intellectualisent l’Ordre dont les membres partent à la conquête des grades universitaires et entrent dans le monde de la scholastique
(Bonaventure est Maître à l’Université de Paris).
1322 : Dans la Bulle Ad conditorem, le pape Jean XXII condamne comme hérétique la thèse de la pauvreté absolue du Christ et de ses apôtres et la proposition selon laquelle ils ne
possédèrent rien ni en propre ni en commun. Il institue un jeu d’institutions de médiation entre les Frères et les propriétaires : les Frères vivent bien tout en continuant à pratiquer la
mendicité et la charité. Les « Fraticelli » sont condamnés au bûcher (1317-1323 et tout au long du XIVe s. :
1389, arrestation et condamnation de Fra Michele Minorita).
1444 : mort de S. Bernardin de Sienne qui a imposé un retour à l’observance de la Règle.
1517 : Dans la Bulle Ite et vos, le pape Léon X sépare les Conventuels, institués gardes du couvent et de la basilique d’Assise, et les Observants qui ont la première place parmi les
deux Ordres.
1525 : Matthieu De Basci (mort en 1552) qui a pratiqué un retour radical à la Règle, institue les Capucins qui vivent la pauvreté dans leurs couvents hors des lieux habités.
Les Observants se ramifient alors en Congrégations : Réformés, Tiers Ordre régulier, en France Récollets, constituant 4 familles qui seront réunies en 1897 par Léon XIII en un
seul Ordre : les Frères Mineurs (Franciscains) ; les Capucins et les Conventuels restent indépendants.
1857 : Création à S. Pétersbourg et en Pologne des Soeurs franciscaines de la Famille de Marie par Z.S. Felinski.
1952 : Pie XII désigne François comme « Protecteur spécial des marchands et commerçants italiens ».
1972 : Dans la ligne du concile Vatican II, se fait sentir le rappel à la pauvreté : création des Frères Mineurs Rénovés (les seuls qui n’aient pas leur siège à Assise) et des Soeurs
franciscaines de l’Évangile.
2000 : début de la discussion à l’intérieur de l’Ordre sur le nouveau look des Frères : couleur de la soutane (gris des origines ? noir des Conventuels ? marron des Capucins ? brun
beige des Mineurs ?), modernisation de la forme (cape en pointe, plus longue derrière et ramenée sur la poitrine avec 2 poches utilitaires ; capuchon fonctionnel ; ouvertures latérales
pour accéder aux poches du pantalon ; fermeture éclair de la poitrine au cou ...). Il faudrait 6 mètres d’étoffe de laine de qualité pour habiller un frère !
ANNEXES
1) Un texte de Dante Alighieri (Divina Commedia, Paradiso, Chant XI, vv. 49-63)
De cette côte si fertile (comme Dante l’a dit au vers 45), quand elle arrive à la plaine
(Assise est
au bas de la pente de la montagne, le Monte Subasio), est né un soleil (c’est-à-dire
François,
selon l’expression que Dante reprend de la Vie de Tommaso da Celano) qui est
plus
lumineux comme celui qui sort du Gange au moment du solstice d’été : François luit
de
la splendeur de sa charité comme le soleil physique luit au solstice d’été. Pour parler
d’Assise (Ascesi est la forme commune de l’époque), on devrait donc parler d’Orient
(dans les livres sacrés, c’est le nom qu’on donne au Christ), là où naît le soleil. «
Orto » est un latinisme pour parler de la naissance ; la dame est évidemment la
pauvreté, que François voulut suivre dès sa jeunesse, contre le gré de son père qui
voulait
en faire un marchand ; en effet, après que François eût donné des draps précieux de
la
boutique et que son père l’avait traduit devant la « cour spirituelle », c’est-à-dire
l’évêque d’Assise, il renonça à son héritage pour se consacrer à la dame Pauvreté
dont il se dit le chevalier, tandis que le Christ sera dit plus loin le « premier mari » de
la
dame.
François s’ouvre à la Pauvreté avec un plaisir que personne n’éprouve, de même
que
personne n’en éprouve à l’approche de la mort. Ce n’est pas par sacrifice
douloureux
que François épouse la Pauvreté mais par une joie profonde de tout son être.
2) Un texte de Goethe (25 octobre 1786)
Je quittai Pérouse par un magnifique matin et je ressentis la félicité d'être à nouveau seul. La ville est bien située, la vue du lac
très agréable. Je me suis bien gravé les images dans l'esprit. Le chemin descendit tout d'abord, suivit ensuite une vallée riante,
entourée, des deux côtés de collines dans le lointain, puis ensuite je vis Assise.
Par Palladio et Volkmann je savais qu'un délicieux temple de Minerve, bâti au temps d'Auguste, s'y trouve encore bien
conservé. A Madonna del Angelo je quittai mon cocher, qui poursuivit son chemin vers Foligno et montai à Assise par un grand
vent, car j'avais la nostalgie d'une promenade à pied dans un monde pour moi si solitaire. Je laissai à main gauche, avec
dégoût, les monstrueuses substructures des églises entassées, comme la tour de Babel, les unes au-dessus des autres et où
saint François repose, car je pensais qu'on y frappe les têtes, dans le genre de celle de mon capitaine. Puis je demandai à un
joli petit garçon où se trouvait Maria della Minerva ; il m'accompagna en haut de la ville, bâtie à flanc de, montagne. Enfin nous
arrivâmes dans la véritable vieille ville, et je vis tout à coup devant mes yeux l'édifice le plus digne d'éloge, le premier
monument complet de l'antiquité que j'ai vu. Un tempIe modeste, comme il convenait à une si petite ville et pourtant si parfait, si
bien conçu, qu'il brillerait partout. Quelques mots avant tout sur sa situation ! Depuis que j’ai lu dans Vitruve et Palladio
comment on doit bâtir les viles, placer les temples et les édifices publics, j’ai un grand respect de toutes ces choses. En ce point
aussi les anciens avaient tant de grandeur dans le naturel.le temple a une belle situation à mi-côte, juste au point où deux
collines se rencontrent sur la place – elle s’appelle encore ainsi – celle-ci monte un petit peu et il y débouche quatre rues qui
forment une croix de Saint-André très écrasée, deux viennent du bas, deux du haut.Vraisemblablement, dans l’antiquité, les maisons qui se trouvent maintenant en face du temple et
masquent la vue n’y étaient pas encore. Si on les imaginait absentes, le regard se perdrait au sud dans la région la plus riche, et en même temps le sanctuaire de Minerve serait vu de
tous les côtés. La disposition des rues doit être vieille, car elle uit la forme et la pente de la montagne. Le temple ne se trouve pas au milieu de la place, mais orienté de telle sorte qu’il
se présente en un beau raccourci à ceux qui montent de Rome. Il ne faudrait pas seulement dessiner l’édifice mais aussi son heureuse situation.
Je ne pouvais me rassasier d’admirer dans la façade le génie logique et conséquent de l’artiste, ici aussi. Il est d’ordre corinthien : les entre-colonnes d’un peu plus de deux modules.
Le pied des colonnes et leur plinthe semblent reposer sur un piédestal, mais ce n’est qu’une apparence ; car le socle est fait de cinq parties, et chaque fois cinq degrés s’élevent entre
les colonnes, par ceux-ci on accède à la surface où s’élèvent les colonnes à proprement parler, et puis on passe dans le temple. Oser couper le socle, c’était une témérité qui est ici à
sa vraie place, car le temple étant à flanc de montagne, l’escalier qui y conduisait aurait dû être porté bien trop en avant et aurait rétréci l’espace. Combien de degrés avaient été posés
en-dessous, il est impossible de le fixer ; quelques-uns exceptés, ils sont recouverts et enfouis sous le pavé. Je m’arrachai à regret à
cette contemplation et me promis de porter l’attention des architectes sur cet édifice, afin d’en avoir un plan exact. Car il me fallait
remarquer encore une fois à quel point la tradition est une mauvaise chose. Palladio, en qui j’avais toute confiance, donne il est vrai la
reproduction de ce temple, mais il est impossible qu’il l’ait vu lui-même, car il met vraiment des piédestaux sur la surface, ce qui donne
aux colonnes une hauteur démesurée et rend l’édifice disproportionné et affreux à la manière de Palmyre, alors qu’en réalité c’est un
charmant et calme spectacle qui satisfait les yeux et la raison. Ce qui s’est développé en moi par la contemplation de cet édifice est
inexprimable et porteur de fruits éternels. Par le soir le plus beau je descendais la voie romaine, dans la sérénité d’esprit la plus belle,
lorsue je perçus derrière moi des voix rude et violentes qui discutaient. Je présumais que c’étaient les sbires que j’avais déjà
remarqués dans la ville. Je continuai ma route calmement et tendis l’oreille à ce qui se passaot derrière moi. Alors je pus bientôt
m’apercevoir que c’était à moi qu’ils en avaient. Quatre de ces hommes, deux armés de fusils, et l’air peu engageant, passèrent
devant moi en grommelant, revinrent bientôt sur leurs pas et m’entourèrent. Ils me demandèrent qui j’étais et ce que je faisais ici. Je
répondis que j’étais un étranger qui s’en allait à pied par Assise, pendant que mon cocher allait à Foligno. Il ne leur parut pas
vraisemblable que quelqu’un paye une voiture et s’en aille à pied. Ils demandèrent si j’avais été au Grand Couvent. Je le niai et leur
assuréi que je connaissais l’édifice depuis longtemps. Mais qu’étant architecte j’avais simplement, cette fois, considéré Maria della
Minerva, qui était, comme ils le savaient, un édifice modèle. Ils ne le nièrent pas, mais prirent très mal que je n’aie pas présenté mes
hommages au Saint et me laissèrent deviner qu’ils soupçonnaient que je faisais mon métier de la contrebande. Je leur montrai
combien il était ridicule qu’un homme seul sur la route, sans sac de voyage et les poches vides, puisse être pris pour un contrebandier.
Puis je leur offris de retourner avec eux à la ville, d’aller chez le podestat et de lui montrer mes papiers, après qui il reconnaîtrait que j’étais un honorable étranger. Sur ce, ils
grommelèrent et dirent que ce n’était pas nécessaire et comme je continuais à me montrer décidé et sérieux, ils s’éloignèrent enfin vers la ville. Je les suivis des yeux. Au premier plan
donc marchaient ces drôles grossiers et derrière eux l’aimable Minerve me jetait un regard très aimable et consolateur, puis je regardai à gauche la pitoyable église de Saint-François
et j’allais poursuivre mon chemin lorsqu’un de ceux qui n’étaient pas armés se détacha de la troupe et vint à moi très aimablement. En me saluant il dit tout de suite : « Monsieur
l’étranger, vous devriez me donner au moins un pourboire, car je vous assure que je vous ai pris tout de suite pour un brave homme et que je l’ai dit tout haut à mes compagnons. Mais
ce sont des têtes chaudes que tout de suite s’emballent et qui n’ont aucune expérience du monde. Vous aurez aussi remarqué que moi le premier j’ai applaudi et donné du poids à vos
paroles ». Je l’en louai et le priai de protéger les honorables étrangers qui viendraient à Assise tant à cause de la religion qu’à cause de l’art ; surtout les architectes qui, pour la gloire
de la ville, voudraient mesurer et dessiner le temple de Minerve, qu’on n’avait pas encore bien dessiné et gravé sur cuivre. Qu’il les aide, car ils se montreraient sûrement
reconnaissants, et en disant cela je lui mis dans la main quelques piécettes d’argent qui le réjouirent au-delà de son attente ; il me pria de revenir, surtout je ne devais pas manquer la
fête du saint, très sûrement je pourrais m’édifier et me réjouir. Et même si, joli cavalier comme je l’étais, j’avais besoin, comme c’est normal, d’une jolie fmme, il pouvait m’assurer que,
sur sa recommandation, la plus jolie et la plus honorable de tout Assise, m’accueillerait avec joie. Il prit congé alors, assurant que dès ce soir il penserait à mois dans ses dévotions au
tombeau du saint et qu’il prierait pour la bonne continuation de mon voyage. C’est ainsi que nous nous séparâmes, et je me sentis très heureux d’être à nouveau seul avec la nature et
moi-même. le chemin de Foligno fut une des plus belles et agréables promenades que j’aie jamais faites. Quatre heures entières le long d’une montagne, à droite une vallée aux riches
cultures.
(Goethe, Voyage en Italie, Aubier, Montaigne, 1961, Tome 1, pp. 233-39)
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