Quelques auteurs compositeurs interprètes avant les cantautori (E. A. MARIO)
,
E.A. Mario (1884-1961)
E. A Mario s’appelait Erméte Giovanni Gaeta (1884-1961), il était fils d’un coiffeur de Naples, alla peu à l‘école, fut autodidacte et devint poète
et musicien. En 1903, il écrit un poème en l'honneur de Mazzini, La canzone di Mazzini, de 999 vers de huit pieds, et l'envoya au journal
socialiste de Gênes, Il Lavoro, avec lequel il collabora ensuite régulièrement.
Il fut formé entre autres par sa sœur Agata, très douée pour les études mai que ses parents ne purent envoyer à l'Université, et par son oncle
Agostino, frère analphabète de son père qui vivait dans la famille et qui l'encouragea beaucoup à étudier. Il se forma seul à la musique, à l'aide
d'une mandoline oubliée par un client dans la boutique de son père, lisant des manuels comme La musica senza maestro. Le gérant d'un
kiosque à journaux, s'étant aperçu qu'il lisait avec avidité les titres des journaux affichés (il était passionné d'histoire, surtout du Rinascimento),
lui installa une chaise dans le kiosque et mit tous les journaux à sa disposition. Il aimait aussi les promenades dans la nature, les arbres, les
fleurs.
À partir de 1903, Giovanni réussit un concours des Postes et il exerça le métier d’employé des Postes, à Bergame puis à Naples, et il eut un
premier succès en 1904 avec Cara mammà, mise en musique par Raffaello Segrè, avec qui il écrit en 1905 A Margellina ; il prit alors son nom
d’artiste, le « E » pour Ermete, le « A » en honneur d’un ami et le « Mario » en référence à Alberto Mario (1826-1883), un patriote mazzinien,
ou d'une poétesse polonaise aimée à Bergame, Mario Clarvy ; en 1908, Evemero Nardella lui mit en musique Ammore ‘e femmene et
Vincenzo Ricciardi Ammore guaglione en 1910.
Puis E.A. Mario devint son propre musicien : Funtana all’umbra et Maggio si’ tu en 1912, Io, ‘na chitarra e ‘a luna en 1913, et fonde sa propre
maison d’édition en 1915, la Casa Editrice Musicale - Napoli. Une nouvelle maison d'édition musicale d'origine allemande était née à Naples,
la Poliphon, absorbant une grande partie des auteurs de la ville, et le grand éditeur Ferdinando Bideri, resté sans auteurs, devint alors
l'éditeur de E.A. Mario : Comme se canta a Napule, 'A canzone 'e Santa Lucia, Ammore giovane, Maggio si tu!, Funtana all'ombra, Canzone di
trincea, Rumanzetta militare, Serenata all'Imperatore et des quantités d'autres qui eurent souvent un grand succès. Puis, encouragé par un de ses frères, il décide de fonder
sa propre maison d'édition avec une école de chant dirigée par Carlo Fanti. Ce furent de nouvelles chansons : Buongiorno a Maria, Napule mio, Canzone vesuviana,
Presentimento, 'O festino, 'A legge, Santa Lucia luntana, Canzone appassiunata, Mandulinata a Surriento, Core furastiero, Canzona mbriaca, Primma siconda e terza, ainsi
que deschansons en langue italienne, Ladra ou Leggenda del Piave, jusqu'à Tammriata nera. Le magasin ferma en 1930, et la maison d’édition fut transférée dans le propre
logis du chanteur. La maison publia entre autres les fascicules de Piedigrotta, dont quelques-uns parurent encore après la mort de E.A. Mario, grâce à un de ses gendres
La même année, en 1915, il répond à une note insultante d’un journal autrichien sur « les soldats italiens qui sont des mafieux de Sicile, des brigands de Calabre et des
joueurs de mandoline de Naples » par une chanson interprétée par Gennaro Pasquariello, Serenata all’Imperatore, qui exalte le public napolitain. En 1918, sa Leggenda del
Piave devint un hymne national qui lui valut de médailles et d'être reçu par le roi en remerciement de cette chanson qui redonna le moral aux troupes italiennes après la défaite
de Caporetto en 1917. En 1919, il compose en italien Vipera et Le rose rosse, qui furent chantées par Anna Fougez, et en napolitain Santa Lucia
luntana (1920), qui devient l’hymne des émigrants ; en 1928, il écrit une autre chanson de café-chantant, Balocchi e
profumi, puis en 1944, Tammuriata nera, sur un texte de Edoardo Nicolardi (1878-1954). Ce sont les principales
parmi les presque 2000 chansons qu’il écrivit et mit en musique, mais il fut un des derniers grands auteurs de
chansons avant la reprise des lendemains de la seconde guerre mondiale.
Il s'était marié avec Adelina Gaglianone, fille d'une actrice connue, qu'il aima tendrement jusqu'à sa mort et dont
il eut trois filles, Bruna (1920), Delia (1922 et Italia Terza Desiderata (1924) dont la première, devenue pianiste,
fut souvent son accompagnatrice. Elle a écrit sa biographie qui nous apprend beaucoup sur sa vie, Bruna
Catalano Gaeta, E.A. Mario, Leggenda e storia, Liguori, 1989, 128 pages, Prefazione di Max Vajro. Le livre
contient aussi de nombreuses photos, dont celles que nous reproduisons ici.
Bruna raconte beaucoup de détails de la vie de ce grand poète et chanteur, par exemple sa naissance, de parents déjà
âgés, sa mère avait près de 50 ans et son père un peu plus : quand il vint au monde, il était couvert de longs poils noirs, qui suscitèrent la
curiosité de tout le quartier, et qui ne disparurent qu'au bout de 40 jours !
La leggenda del Piave (L'epopea del Piave)
(E.A. Mario, 1918
Compagnia Columba e coro, 1928)
l Piave mormorava calmo e placido al passaggio
dei primi fanti il ventiquattro maggio.
L'esercito marciava per raggiunger la frontiera,
per far contro il nemico una barriera!
Muti passaron quella notte i fanti,
tacere bisognava e andare avanti.
S'udiva intanto delle armate sponde
sommesso a lieve il trepidar dell'onde;
era un presagio dolce e lusinghiero.
Il Piave mormorò : « Non passa lo straniero ! »
Ma in una notte trista si parlò di tradimento
e il Piave udiva l'ira e lo sgomento...
Ahi, quanta gente ha vista venir giù, lasciare il tetto,
poi che il nemico irruppe a Caporetto!
Profughi ovunque! Dai lontani monti,
venivano a gremir tutti i suoi ponti.
S'udiva allor dalle violate sponde,
sommesso e triste il mormorìo de l'onde:
come un singhiozzo, in quell'autunno nero.
Il Piave mormorò : « Ritorna lo straniero ! »
E ritornò il nemico per l'orgoglio e per la fame:
volea sfogare tutte le sue brame...vedeva il piano aprico,
di lassù voleva ancora sfamarsi e tripudare come allora...
« No ! » disse il Piave. « No ! » dissero i fanti,
"Mai più il nemico faccia un passo avanti!"
Si vide il Piave rigonfiar le sponde!
E come i fanti combattevan l'onde...
Rosso del sangue del nemico altero,
il Piave comandò : « Indietro và, straniero ! »
E indietreggiò il nemico fino a Trieste, fino a Trento,
e la Vittoria sciolse l'ali al vento.
Fu sacro il patto antico : fra le schiere furon visti
risorgere Oberdan, Sauro, Battisti...
Infranse alfin l'italico valore
le forche e l'armi dell'impiccatore.
Sicure l'Alpi...libere le sponde...
E tacque il Piave, si placaron le sponde.
Sul patrio suolo,vinti i torvi imperi,
la Patria non trovò nè oppressi nè stranieri.
On n'imagine plus l'importance qu' a eu cette chanson dans l'histoire d'Italie. Il faut se souvenir du choc que représenta la défaite de l'armée italienne à Caporetto en 1917 (Voir
notre dossier sur ce site ; Histoire : l'Italie dans la première guerre mondiale (1915-1918). La nouvelle s'en répandit aussitôt dans tout le pays. Ce soir du 23 octobre
1917, E.A. Mario rentrait chez lui, et sa mère veuve chez qui il vivait l'accueillit les larmes aux yeux en lui annonçant la défaite. Le poète se mit aussitôt au travail avec les
journaux, les cartes de la région et des quantités de documents, il vit les fleuves historiques du Tagliamento, et du Piave et s'écria : c'est de là que repartira l'offensive
italienne. Il écrivit alors d'un trait sa première version de la chanson. Et ce fut effectivement du Piave que les Italiens reprirent l'offensive. Le lendemain, il demanda aux Postes
un congé qui lui fut refusé ; il partit malgré tout au front, et il fit entendre sa chanson aux fantassins du bataillon en s'accompagnant de sa mandoline et en distribuant le texte à
tous. Cette musique redonna tout leur moral aux troupes et elle fut bientôt connue dans tout le pays, si bien que le général en chef Armando Diaz envoya à Mario un
télégramme : « Mario, votre Légende du Piave fait plus au Front qu'un général ».
La chanson fut ensuite présentée à la Piedigrotta de 1918 et par la grande chanteuse Gina de Chamery au Théâtre Rossini de Naples, après quoi tous les chanteurs et toutes
les fanfare militaires l’inclurent dans leur répertoire. Et elle fut presque considérée comme un hymne national ( si bien que Mario ne toucha jamais le moindre droit d'auteur
pour ce texte qui lui avait désormais échappé, avant les lendemains de la seconde guerre mondiale, mais ce fut une somme dérisoire). Le roi le reçut personnellement en 1921
au Quirinal et le nomma Commandeur de la Couronne d'Italie.
Un autre classique de Mario est Vipera, une de ses grandes chanson en langue italienne. Mario était un grand poète aussi bien en italien qu'en napolitain. Il a toujours
défendu le napolitain comme langue aussi valable que l'italien, mais sa culture et ses lectures de jeunesse en avaient fait aussi un grand poète et chanteur italien.
VIPERA
di E.A. Mario, 1919
1.
Ella portava un braccialetto strano :
Elle portait un étrange petit bracelet !
una vipera d'oro attorcigliata,
une vipère d’or entortillée
che viscida parea sotto la mano
qui semblait visqueuse sous la main
viscida e viva, quando l'ho toccata...
visqueuse et vivante quand je l‘ai touchée
Quando elle abbandonavasi
Quand elle s’abandonnait
fremente sul mio seno,
frémissante sur ma poitrine
parea schizzasse tutto il suo veleno !
elle semblait faire gicler tout son venin
Vipera... - Vipera...
Vipère… Vipère…
sul braccio di colei
sur le bras de cette femme
che'oggi distrugge tutti i sogni miei,
qui aujourd’hui détruit tous mes rêves
sembravi un simbolo : - l'atroce simbolo
tu semblais un symbole - l’atroce symbole
della sua malvagità...
de sa méchanceté…
2.
Mamma - che, quando sogna, sogna il vero -
Maman- qui, quand elle rêve rêve ce qui est vrai -
ha sognato di me la notte scorsa...
a rêvé à moi la nuit dernière
M'ha visto per un ripido sentiero,
elle m’a vu sur un sentier raide
presso una mala vipera, ed è accorsa...
près d’une mauvaise vipère et elle est accourue
E s'è svegliata pallida,
et elle s’est réveillée toute pâle
gridando pel terrore :
criant de terreur :
la vipera m'avea già morso il cuore !
la vipère m’avait déjà mordu le cœur !
Vipera... - Vipera...
sul braccio di colei
che oggi distrugge tutti i sogni miei,
sembravi un simbolo: - l'atroce simbolo
della sua malvagità...
3.
Per non amarla più, vo' andar lontano,
Pour ne plus l’aimer, je veux partir loin
ma lontano non posso rimanere...
mais rester loin, je n’y arrive pas…
E vo' il suo bacio che mi rende insano,
et je veux son baiser qui me rend malade
la sua perfidia che mi fa piacere !
et sa perfidie me fait plaisir !
E, quando mi divincolo*
et quand elle se détache de moi
ribelle a questo amore,
rebelle à mon amour
qualcosa mi si annoda intorno al cuore...
quelque chose se noue autour de mon cœur…
Vipera... - Vipera
Sei tu, sei tu colei
che oggi ha distrutto tutti i sogni miei!
Era il tuo simbolo : - l'atroce simbolo
della sua malvagità.
Malgré son amour exclusif pour Adelina, il écrit aussi sur ce thème classique de la femme-vipère et de la protection de la mère, peut-être aussi un souvenir de ses aventures
bergamasques et de la trahison de Mario Clavy.
La même année Mario écrit une chanson étonnante en italien, presque une chanson antimilitariste qui surprend, à peine écrite après La leggenda del Piave et d'autres
chansons qui faisaient l'éloge des soldats. Mais peut-être ne faut -il pas confondre son patriotisme, son amour de l'Italie, de type mazzinien, et son hostilité aux guerres et au
sang innocent qu'elles font couler. La chanson a été souvent reprise, entre autres par Carlo Buti, par Claudio Villa et par Milva.
LE ROSE ROSSE
Les roses rouges
(Testo e musica, E.A. Mario, 1919
Int. Milva)
I
Tutte le rose di tutti i roseti
Toutes les roses de tous les rosiers
vorrebbe il cuore soltanto per sè :
mon cœur ne les voudrait que pour lui :
tutte le rose dei giorni più lieti,
toutes les roses des jours les plus heureux
or che ogni cuore più triste non è,
maintenant que tous les cœurs ne sont plus tristes
e si fan tènere
et que les bouches
le bocche, e baciano :
deviennent tendres et donnent des baisers :
baciano e fremono
elles embrassent et frémissent
tra i prati in fior...
dans les prés en fleurs...
Ritornello
Refrain
Cuore,
Mon cœur
so che vuoi goder,
je sais que tu veux jouir
so che vuoi per te
je sais que pour toi tu veux
rose d'ogni colore...
des roses de toutes les couleurs ...
Ma
Mais
le rose rosse, no...
les roses rouges, non...
non le voglio veder !
Je ne veux pas les voir !
non le voglio veder !
Je ne veux pas les voir !...
II
So d'un giardino che fu devastato,
Je connais un jardin qui fut dévasté,
poi che la guerra feroce vi entrò :
parce que la guerre féroce y est entrée ;
tutto il terreno di sangue arrossato,
tout le terrain arrosé de sang,
sangue che tutte le rose macchiò !
Du sang qui tacha toutes les roses !
E rosseggiarono,
Et ils devinrent rouges,
corolle e petali,
les corolles et les pétales,
infranti al tepido
brisés par le tiède
bacio del sol... baiser du soleil...
Ritornello
Refrain
Cuore, ecc. ecc.
III
Torni il bel maggio,
Que revienne le beau mois de mai
e il ricordo cancelli
et qu'il efface le souvenir
d'un tempo triste che alfine passò...
d'un temps triste qui est enfin passé...
Tutti i colori più vaghi e più belli
que toutes les couleurs les plus charmantes et les plus belles
vegga fiorir chi sofferse ed amò...
celui qui souffrit et aima les voie fleurir...
Ma non ritornino
Mais que ne reviennent pas
le rosse immagini
les rouges images
che ci ricordano
qui nous rappellent
tanti dolor !
Tant de douleurs
Ritornello
Refrain
Cuore, ecc. Ecc.
On peut faire l'hypothèse que l'une de ses sources fut Le temps des cerises, cette belle chanson française qui devint l'hymne de la Commune de Paris. Écrite en 1866, la
chanson Le temps des cerises fut dédiée en 1882 par le chansonnier, militant républicain et communard Jean-Baptiste Clément à Louise, une ambulancière morte à Paris
pendant la Semaine sanglante. Plusieurs critiques ont aussi pensé qu'elle fut dédiée à Louise Michel.
Elle est, depuis, devenue, dans l'imaginaire populaire, le symbole de multiples espoirs ou aspirations (révolution populaire, résistance du peuple, luttes ouvrières, évolutions
sociales, liberté d'expression, émancipation, etc.)
Le temps des cerises
Paroles : Jean-Baptiste Clément (1837-1903).
Musique : Antoine Renard
Interprète : Yves montand
Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête...
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur
Mais il est bien court le temps des cerises
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles...
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang
Mais il est bien court le temps des cerises
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant
Quand vous en serez au temps des cerises
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Évitez les belles...
Moi qui ne crains pas les peines cruelles
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour
Quand vous en serez au temps des cerises
Vous aurez aussi des chagrins d'amour
J'aimerai toujours le temps des cerises
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte...
Et Dame Fortune, en m'étant offerte
Ne saura jamais calmer ma douleur
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au cœur
Il écrit un peu plus tard cette autre chanson, toujours connue et chantée, Balocchi e profumi, sur le thème de la mauvaise mère qui s'occupe de ses parfums et de ses liaisons
plutôt que de sa petite fille.
Balocchi e profumi
Jouets et parfums
(Testo e musica : E.A. Mario
1928
Int. : Pasquariello, A. Fougez, Milva)
Tutta sfolgorante e' la vetrina
Étincelante est la vitrine
piena di balocchi e profumi
pleine de jouets et de parfums
entra con la mamma la bambina
Avec sa maman entre la petite fille
tra lo sfolgorio di quei lumi
dans la splendeur de ces lumières
comanda signora Cipria colonia e Coty
la dame commande de la poudre de riz, de l’eau de Cologne et du parfum Coty
Mamma, mormora la bambina
Maman, murmure la petite fille
mentre pieni di pianto ha gli occhi
pleine de larmes dans les yeux
per la tua piccolina non compri mai balocchi
pour ta petite tu n’achètes jamais de jouets
Mamma tu compri soltanto i profumi per te
Maman tu n’achètes que des parfums pour toi.
Ella nel salotto profumato
Elle dans le salon parfumé
ricco di cuscini di seta
riche de coussins de soie
porge il labbro tumido al peccato
tend ses lèvres charnues au péché
mentre la bambina indiscreta
tandis que la petite fille indiscrète
dischiude quel nido pieno d'odor di Coty...
ouvre ce nid plein d’odeur de Coty…
Mamma mormora la bambina
mentre pieni di pianto ha gli occhi
per la tua piccolina non compri mai balocchi
Mamma tu compri soltanto i profumi per te
Esile agonizza la bambina
Grêle la petite fille agonise
or la mamma non e' piu' ingrata
Maintenant Maman n’est plus ingrate
corre a vuotar tutta la vetrina
elle court vider toute la vitrine
per la sua figliuola malata
pour sa petite fille malade
amore mio bello ecco i balocchi per te
Mon bel amour voici des jouets pour toi
Grazie mormora la bambina
Merci murmure la petite fille
vuole toccare quei balocchi
elle veut toucher ces jouets
ma il capo gia' reclina
mai déjà sa tête s‘incline
e gia' socchiude gli occhi
et déjà elle ferme à moitié les yeux
piange la mamma pentita
la maman pleure, pleine de remords
stringendola al cuor
la serrant contre son cœur
Mamma senza la sua bambina
Maman sans sa petite fille
il capo suo reclina
sa tête s’incline déjà
triste su quei balocchi
avec tristesse sur ces jouets
piange la mamma pentita
la maman pleure, pleine de remords
stringendoli al cuor.
la serrant contre son cœur.
Citons maintenant une des grandes chansons mises en musique par Mario sur un texte de son ami Eduardo Nicolardi. Celui-ci était Directeur de l'Hôpital de Naples Loreto
Mareet un jour de 1945 à la Maternité, les médecins eurent la surprise de voir qu’une jeune Napolitaine avait accouché d’un enfant noir. L’explication était simple : le 1er
octobre 1943, au terme des 4 journées de révolte napolitaine qui avaient chassé les allemands de la ville, étaient arrivés à Naples des quantités de soldats afro- américains, et
à cause de la misère et de la violence des soldats, beaucoup de jeunes Napolitaines (les « segnorine ») durent se prostituer pour survivre (voir le film de De Sica, La Ciociara
sur le roman d'Alberto Moravia, le roman de Malaparte, La Peau, etc. ; c’est ainsi que naquirent à Naples des quantités d’enfants noirs ; le soir, rentré chez lui, Nicolardi,
qui avait déjà écrit des chansons (dont Voce 'e notte), créa ce texte que son ami E.A. Mario mit aussitôt en musique. Ainsi naît une chanson ironique et délicate, une des plus
belles de la chanson napolitaine, mais aussi un témoignage de la misère napolitaine dans l'immédiat après-guerre. Un des plus célèbres Napolitains noirs dans le domaine de
la chanson fut James Senese, fils d’un noir de Californie, James Smith, né en 1945, chanteur et saxophoniste de grande valeur. Ce dernier a sans doute eu tort de dire que
c'était une chanson raciste (La Repubblica, 1er mai 2016) : «Tammurriata nera est une chanson raciste, fais attention, n'écoute pas la musique, écoute les paroles : elles
offensent une femme blanche qui a un enfant avec un noir. En somme elle dit qu'un gamin est une enfant . Si je te disais que ça a été facile de dire des mensonges. Tu devais
te gagner une dimension à toi, et quand tu es un enfant ce n'est pas automatique, tu dois l'apprendre de force. Moi je me regardais et je voyais que je n'étais pas come les
autres. Imagine-toi les autres : « Tu es noir », voilà la réalité » - è una canzone razzista, fai attenzione, non sentire la musica, ascolta le parole : offendono una donna bianca
che fa un figlio con un nero. Insomma dice che ‘o guaglione è ‘nu figlio ‘e zoccola. Ti dicessi che è stato facile direi bugia. Dovevi conquistarti una tua dimensione e quando sei
bambino non è automatico, te lo devi imparare a forza. Io mi guardavo e lo vedevo che non ero come gli altri. Figurati gli altri : “Sî niro”, sei nero, questo era ». Ce n'est pas du
tout une chanson raciste, mais de dénonciation de ce à quoi étaient contraintes les jeunes napolitaines, qui acceptaient pourtant leur enfant noir, pleines d'amour maternel, et
lui donnaient un prénome typiquement napolitain.
Le refrain anglais transformé en dialecte napolitain est le refrain de la chanson Pistol Packin’ Mama, de Al Dexter, chantée par Bing Crosby avec les Andrew Sisters, au
sommet des classifications américaines en 1943, et connue de tous les soldats américains présents à Naples à cette époque.
Avant d’être reprise par la NCCP, Tammuriata nera avait été chantée par le chanteur napolitain Renato Carosone, qui en avait fait un succès national. Sous l’impulsion de
Roberto De Simone, la NCCP a inséré dans la chanson quelques phrases de chansons rurales alors encore chantées à Naples (Voir la fin de la chanson).
Récemment Daniele Sepe (1960- ), autre grand de la chanson napolitaine, let Peppe Barra (1944- ) la chante souvent.
Pour la tammurriata, voir l'annexe de notre dernier livre, annexe sur la chanson napolitaine.
Tammuriata nera
Tammuriata noire
(Texte = Eduardo Nicolardi
Musique : E.A. Mario, 1945)
Io nun capisco 'e vvote che succere
e chello ca se vere nun se crere.
E' nato nu criaturo, è nato niro,
e 'a mamma 'o chiamma Giro,
sissignore, 'o chiamma Giro.
Seh, vota e gira, seh
seh, gira e vota, seh
ca tu 'o chiamme Ciccio o 'Ntuono,
ca tu 'o chiamme Peppe o gGiro,
chillo 'o fatto è niro niro, niro niro comm'a cche...
S''o contano 'e cummare chist'affare
sti cose nun so' rare se ne vedono a migliare.
'E vvote basta sulo 'na 'uardata,
e 'a femmena è rimasta sott''a botta 'mpressiunata.
Seh, 'na 'uardata, seh
seh, 'na 'mprissione, seh
va truvanno mò chi è stato,
c'ha cugliuto buono 'o tiro
chillo 'o fatto è niro niro, niro niro comm'a cche...
E dice 'o parulano, Embè parlammo,
pecché si raggiunammo chistu fatto ce 'o spiegammo.
Addò pastin' 'o grano, 'o grano cresce
riesce o nun riesce, semp'è grano chello ch'esce.
Meh, dillo a mamma, meh
meh, dillo pure a me
conta 'o fatto comm'è ghiuto
Ciccio, 'Ntuono, Peppe, Girosi
chillo 'o fatto è niro niro, niro niro comm'a che...
Seh 'na 'uardata seh
seh 'na 'mprissione seh
và truvanno mò chi è stato
c'ha cugliuto buono 'o tiro
chillo 'o fatto è niro niro, niro niro
.
'E signurine napulitane
fanno 'e figlie cu 'e 'mericane,
nce verimme ogge o dimane
mmiezo Porta Capuana.
Sigarette papà
caramelle mammà,
biscuit bambino
dduie dollare 'e signurine.
A Cuncetta e a Nanninella
'e piacevan'e caramelle,
mò se presentano pe' zitelle
e vann'a fernì 'ncopp'e burdelle.
E Ciurcillo 'o viecchio pazzo
s''è arrubbato 'e matarazze
e ll'America pe' dispietto
ce ha sceppato 'e pile 'a pietto
'E signurine 'e Caporichino
fanno ammore cu 'e marrucchine,
'e marrucchine se vottano 'e lanze,
e 'e signurine cu 'e panze annanze
American espresso,
ramme 'o dollaro ca vaco 'e pressa
sinò vene 'a pulisse,
mette 'e mmane addò vò isse.
Aieressera a piazza Dante
'o stommaco mio era vacante,
.si nun era p''o contrabbando,
ì' mò già stevo 'o campusanto.
Aieressera magnai pellecchie
'e capille 'ncopp''e recchie
e capille e capille
e 'o recotto 'e camumilla...
'O recotto,'o recotto
e 'a fresella cu 'a carna cotta,
'a fresella 'a fresella
e zì moneco ten''a zella
tene ‘a zella ‘nnanze e arreto
uffa uffa e comme fete
e lle fete e cane muorto
uè pe ll’anema e chillemmuorto.
La porte Capuana se trouve au centre-ville, là où commence le quartier des prostituées.Quant au Ciurcillo, selon beaucoup de critiques , il ne s'agirait pas de Winston
Churchill, mais bien de Benito Mussolini, qui semble le mieux placé pour être celui à qui l'Amérique a arraché les poils de la poitrine. Ciurcillo est la figure de la grimace qui
représente le numéro 22 et qui mieux que Mussolini l'incarnait, lui qui organisa en 1922 sa marche sur Rome qui lui valut le pouvoir.
La camomille et le moine semblent se référer à des petites histoires des bordels en temps de guerre. Et la fin fait allusion aux trafiquants, qui jusqu'à hier mangeaient et
vivaient mal, et qui maintenant vivent bien grâce à l'exploitation des filles de Naples
Quant à « sigarette » e « caramelle », c'étaient sans doute les seuls mots italiens appris par beaucoup de soldats américains. La « fresella » est au sens propre une tranche de
biscotte, mais au sens figuré indiquait en napolitain le sexe féminin. « Nanninella » est le diminutif de Anna en napolitain.
Le texte exprime même ce fait d'une police corrompue qui profite aussi de la prostitution des fillles de Naples.
Quelques autres chansons de E.A. Mario
Mario a écrit beaucoup de chansons, et beaucoup sont restées célèbres et chantées. Dès son jeune âge, il avait commencé à écrire des poésies et des articles pour un journal
socialiste de Gênes. Et un jour, nommé au tri postal de Naples, il découvre par hasard sur une lettre l'adresse de Raffaello Segrè, musicien local connu qu'il admirait beaucoup.
Il décide alors de lui envoyer une poésie en lui demandant de la mettre en musique. D'abord réticent Segrè accepte finalement et écrit une musique entraînante qui fit de la
chansons un succès, c'était Cara Mammà, de 1904 :
Cara Mammà
Chère maman
( Testo : E.A. Mario
Musica : Raffaele Segrè-
1904)
« Cara mammá,
« Chère maman
faciteme 'o favore,
rendez-moi un service
mannáteme nu vaglia 'e vinte lire :
Envoyez-moi un mandat de vingt lires
ce sta nu capurale traditore
Il y a un traître de caporal
ca, s'io nun vótto 'e llire, mme pò fá
qui, si je ne lui donne pas de lires, peut me faire
perdere 'a libbertá...»
perdre ma liberté... »
Doppo tre ghiuorne, è inutile,
Après trois jours, c'est inutile
'o vaglia ha da arrivá !
Le mandat doit arriver !
fore 'o quartiere, Briggeda,
En-dehors de la caserne, Brigitte,
che festa mme farrá !...
quelle fête elle me fera !...
Chella vucchella 'e zuccaro
Cette petite bouche de sucre
che vase sape dá !...
quels baisers elle sait donner !...
P''e solde ca se spènnono,
Quant aux sous qu'on dépense,
ce penzarrá mammá !
Maman y pensera !
« Cara mammá,
Chère maman
ll'autriere só' caduto
avant-hier je suis tombé
e mme s'è rotta 'a giubba aret''e spalle...
et ma veste s'est déchirée dans le dos...
Si 'o vvede 'o capitano io só' perduto !
Si le capitaine le voit je suis perdu !
Mannáteme quaccosa p'appará,
Envoyez-moi quelque chose pour réparer,
si no comm'aggi''a fá ?! »
sinon qu'est-ce de dois faire ?! »
Doppo tre ghiuorne, è inutile,
'o vaglia ha da arrivá!
fore 'o quartiere, Briggeda,
che festa mme farrá!...
Chella vucchella 'e zuccaro
che vase sape dá!...
P''e solde ca se spènnono,
ce penzarrá mammá!
« Cara mammá,
Chère maman,
só' asciuto da 'o spitale....
je suis sorti de l'hôpital...
Mo tengo cierti diébbete cu 'amice...
maintenant j'ai quelques dettes envers mes amis
Dimane torno â casa, a bene e a male :
demain je rentre à la maison, à la fin,
si vene Rosa ce 'o ddicite ca
si Rose vient, dites-lui
nun mm''a pozzo scurdá... »
que je ne peux pas l'oublier... »
E 'o vaglia telegrafico
Et le mandat télégraphique
se vede giá arrivá :
on le voit déjà arriver :
fore 'o quartiere, Briggeta,
hors de la caserne, Brigitte,
che festa ca mme fa !
Quelle fête elle va me faire !
Chella vucchella 'e zuccaro
che vase sape dá...
P''e solde ca se spènnono
ce penzarrá mammá !
La chanson avait été inspirée par une dispute entre ses parents et son frère aîné qui demandait toujours de l'argent à sa famille. C'est Ricordi qui imprima la chanson, et nous
avons choisi ici l'interprétation de Giacomo Rondinella.
Une autre chanson lui avait été inspirée par une histoire que lui avait racontée sa grand-mère, d'une fontaine où les amoureux pouvaient venir s'embrasser tranquillement et
qui suscitait même leur rapprochement, quelque chose de magique. C'était probablement sur le Vomero, la colline aujourd'hui peuplée de plus de 800.00 habitants, et qui était
autrefois une zone de forêts et de fontaines où les napolitaines venaient laver le linge de leurs patrons. Et toujours l'amour est entouré de feuilles « complaisantes » :
PAGE SUIVANTE
Le Piave murmurait calme et paisible au passage
des premiers fantassins le vingt-quatre mai ;
l’armée marchait pour rejoindre la frontière
pour faire une barrière contre l’ennemi !
C’est en silence que les fantassins passèrent cette nuit,
car il fallait se taire et aller de l’avant.
On entendait de temps en temps depuis les rives aimées
Tout bas et léger l’exultation des eaux.
C’était un présage doux et flatteur.
Le Piave murmura : « L’étranger ne passe pas ! ».
Mais une nuit triste on parla d’un sombre événement
Et le Piave entendait la colère et l’effroi.
Ah, que de gens il a vu descendre, quitter leur toit,
Parce que l’ennemi fit irruption à Caporetto.
Partout des réfugiés depuis les monts lointains,
Venaient remplir tous ses ponts.
On entendait alors depuis les rives violées
Bas et triste le murmure des eaux.
Comme un sanglot dans cet automne noir
le Piave murmura : « Il revient l’étranger ».
Et l’ennemi revint par orgueil et par faim
il voulait se passer toutes ses convoitises,
il voyait la plaine ensoleillée de là-haut : il voulait encore
se rassasier et exulter comme alors !
Non, dit le Piave, non, dirent les fantassins,
que jamais plus l’ennemi ne fasse un pas de plus !
On vit le Piave faire gonfler ses rives,
Comme les fantassins les eaux combattaient.
Rouge du sang de l’ennemi hautain,
le Piave murmura : Recule, oh étranger ! ».
L’étranger recula jusqu’à Trieste, jusqu’à Trente
et la Victoire délia ses ailes au vent !
Il fut sacré le pacte ancien, et dans les troupes on vit
revenir Oberdan, Sauro et Battisti !
La valeur italique brisa enfin
Les fourches et les armes du Bourreau !
Sûres furent les Alpes, libres les rives
Et le Piave se tut, ses eaux s’apaisèrent.
Sur le sol de la patrie étaient vaincus les torves empires
La Patrie ne trouva ni opprimés ni étrangers.
Funérailles de E.A. Mario Piazza
Plebiscito à Naples, en juin 1961.
Je ne comprends pas ce qu'il se passe,
on ne peut pas croire que c'est vrai
Un bébé est né et il est tout noir,
et sa maman l'appelle Ciro,
oui, bien sûr, elle l'appelle Ciro.
T'as beau dire ce que tu veux,
oui, tout ce que tu veux,
qu'on l'appelle Ciccio ou Antonio,
qu'on l'appelle Peppe ou Ciro,
il est tout noir, tout noir, noir comme le charbon.
Les commères se racontent cette histoire,
C'est pas si rare, on en voit par milliers.
Parfois il suffit d'un petit regard
Pour qu'une femme soit frappée,
Un p'tit regard, bien sûr...!
Elle reste frappée, que oui...!
Va savoir à qui c'est la faute,
Qui a touché si bien la cible,
Mais le bébé est tout noir, noir comme le charbon.
Un paysan a dit Parlons-en,
Car tout s'explique bien, il suffit d'en parler.
Là où on sème du blé, le blé pousse
Et c'est toujours du blé, ce qui pousse.
Bon !.. va dire ça à ta maman, toi... !
Bon !.. dis-le à moi aussi!
C'est allé comment, alors...?
Ciccio ou Antonio, Peppe ou Ciro,
Mais le bébé est tout noir, noir comme le charbon.
Un petit regard, bien sûr...!
Elle rest' frappée, que oui...!
Va savoir à qui c'est la faute,
Qui a touché si bien la cible,
Mais le bébé est tout noir, noir comme le charbon.
Les demoiselles napolitaines
Font des bébés avec les ricains,
on s' voit aujourd'hui ou demain
près de la porte Capouane.
Des cigarettes pour papa,
Des bonbons pour maman,
Des friandises pour les enfants,
Deux dollars pour les filles.
Concetta et Nanninella
Aimaient bien les bonbons,
Personne ne voudra plus les épouser,
Elles vont finir dans un bordel.
Et Tchourtchile, ce vieux fou,
Volait des matelas,
Et l'Amérique pour l'embêter
Lui a tiré les poils de la poitrine.
Les demoiselles de Capodichino
Baisent avec les marocains,
Les marocains se vident les couilles,
Les demoiselles s'arrondissent.
American express
Donne-moi des dollars, dépêche-toi,
Sinon les poulets vont arriver
Et c'est eux qui se dépêchent.
Hier soir en la place Dante
Je m'sentais le ventre creux,
Si on fait pas de la contrebande,
Bien, on nous enterre tous.
Hier soir je mangeais des épluchures
Avec mes cheveux sur les oreilles,
Mes cheveux, mes cheveux,
Une tisane de camomille,
La camomille, la camomille,
Du pain dur et du pot-au-feu
Du pain dur en croûtes
Et le curé a attrapé la gale,
Attrapé la gale partout,
Putain, ce qu'il pue...!
Il pue le chien mort,
Que le diable l'emporte..!