4.2.16. Puglia : La Pouille : la guerre de l’olivier
Toujours la « guerre de l’olivier » !
Le Monde du 11 août 2015 commence son enquête sur « Cinq arbres malades de la mondialisation » par une page consacrée à la
maladie de l’olivier dans les Pouilles, par Philippe Ridet.
Une interview de Giuseppe Silletti, le commissaire du Corpo forestale dello Stato, précise d’abord ce qu’il a fait depuis sa nomination en
février : essentiellement une construction de 1.200 kilomètres de route, le nettoyage de plus de 60.000 hectares d’oliveraies et de jardins
publics ; il ajoute que 2.500 oliviers seulement (sur environ 60 millions dans les Pouilles) sont concernés par l’arrachage.
Ridet analyse ensuite les hypothèses en cours sur l’origine de la Xilella fastidiosa : d’une part la « filière sud-américaine » : la bactérie
serait arrivée avec des végétaux venus du Costa-Rica, où elle frappe les plants de café, par Rotterdam puis Lecce. La seconde est la
« piste italienne », un congrès de scientifiques de l’Institut Agronomique Méditerranéen de 2010 (organisé par qui ? …) qui a étudié la
bactérie, et l’aurait laissé échapper, mais le compte rendu du Congrès n’est pas consultable, et on ne sait pas s’il s’agit de la même
bactérie.
La troisième est la « piste mafieuse » du « crime en bande organisée » : « Deux complices, un champignon et un parasite du bois,
pourraient avoir offert une aide logistique à la Xyllela pour semer la terreur dans les oliveraies. Cette théorie du complot a aussi ses
partisans. Selon eux, une main criminelle aurait diffusé la Xylella fastidiosa dans la province de Lecce où se concentrent les petites
exploitations pour ruiner les oliveraies et laisser place à des grandes résidences touristiques, les pieds dans l'eau ... Par qui ? Des
oléiculteurs de Bari, la capitale régionale, où les propriétés sont plus prospères et où l'huile, dit-on, est plus fine et plus chère ? Des élus
aux ordres des multinationales de la chimie agroalimentaire comme Monsanto ? Des tenants de l'agriculture intensive qui voudraient
mettre à genoux l'agriculture biologique ? »
Et il ajoute que « Les partisans de l'arrachage sont perçus comme des « profiteurs de guerre » cherchant à thésauriser sur les aides et
les dédommagements. A l'inverse, les écologistes, qui veulent sauver les arbres, sont accusés de vouloir propager la peste. Venu
apporter son soutien aux oléiculteurs, l'eurodéputé José Bové, qui n'a pas voulu prendre parti dans cette drôle de guerre, est soupçonné
d'être au service de la science officielle : « Normal, son père était agronome »,persifle une productrice ».
Ridet raconte ensuite ce que disent certains producteurs comme Valentina et Stefania Stamerra, de Santa Maria di Leuca : elles ne
jurent « que par les travaux du professeur Christos Xiloyannis, un agronome de Matera. Celui-ci soutient qu'il suffit de fertiliser le terrain
avec de la matière organique, de le nettoyer régulièrement mais sans acharnement, de tailler les brindilles mortes dès leur apparition et
les jeunes pousses au pied de l'arbre pour le maintenir en bonne santé. Valentina est l'une des avocats qui a plaidé devant le tribunal
administratif le gel du pian de Giuseppe Silletti. Stefania, architecte, gère la plantation de la famille, 500 arbres apparemment en pleine
forme. « Nous sommes ici dans l'épicentre de la catastrophe ... Et pourtant nous aurons une récolte cette année : Ceci est une bataille
culturelle et politique ».
Plusieurs articles ont bien sûr paru dans la presse italienne, lisez en particulier : www.nationalgeographic.it/2015/05/07/news, qui précise
la nature de l’insecte qui transporterait la bactérie et du champignon coupable. Voyez aussi les articles de Il Fatto Quotidiano (par
exemple celui du 17 mars 2015).
La situation italienne actuelle laisse de plus en plus privilégier la piste mafieuse : ne s’agit-il pas de politique plus que de seule lutte
contre une bactérie et contre un insecte ? La magistrature de Lecce essaie de se faire une idée plus précise des causes d’une maladie,
sans se limiter aux consignes d’éradication des arbres données par l’Union européenne.
J.G. 11 août 2015