Storia dei popoli d’Italia e canzone - 2° partie
Deuxième partie
I. - Les « invasions barbares », des Goths à Charlemagne
Le invasioni barbariche, dai Goti a Carlomagno
(Voir « invasions barbares », fr.wikipedia.org/wiki/invasions_barbares)
Mais dès le début du IVe siècle, après plus d’un siècle de crise de pouvoir, l’empire commence à se désagréger sous le choc des « Barbares ». Les « invasions barbares
» sont en réalité d’abord un phénomène de grandes migrations d’est en ouest qui, parallèlement à la dégradation interne de l’empire romain, vont bouleverser
l’organisation de tout le monde européen. Ce ne sont pas plus des « invasions » que les
envahisseurs n’étaient des « barbares ».
Relevons brièvement quelques caractéristiques de cette époque :
1)
Écartons d’abord une interprétation théologique très répandue qui affirmait que les
invasions étaient voulues par Dieu comme punition de la corruption de l’empire païen, selon
la vision biblique du prophète Daniel pour laquelle cette période d’invasions serait le
prélude de l’arrivée de l’Antéchrist puis de l’Apocalypse. Cette interprétation n’explique
malheureusement rien de l’histoire des premiers siècles de l’ère chrétienne.
2)
Derrière ce mot de « barbare », il y a le concept d’opposition entre peuples « civilisés »
(du mot « cives », le citoyen d’une société organisée en villes) et peuples « barbares
» étrangers à la société urbaine et incapables de comprendre et de parler la langue des
civilisés, le grec ou le latin, des êtres « balbutiants ». Cette distinction évolua ensuite vers
une opposition entre des peuples « évolués » et supérieurs – on parlera même de « races »
supérieures – et des peuples dits « sauvages » et cruels, comme si les Romains avaient
été un peuple pacifique et non-violent. En réalité, il y avait une opposition entre deux
conceptions de l’homme, celle des peuples méditerranéens privilégiait l’homme « citoyen
» qui mettait ses armes (car il était aussi un soldat) « au service d’un modèle civil fondé sur
la ville, sur la res publica et d’un système politique fondé sur la stabilité et la circulation à
l’intérieur de la stabilité (l’expansion même de l’Empire était une dilatation de la stabilité) »
(Storia d’Italia, Bompiani, 1989, vol. 68, p. 340). Pour les « barbares », les peuples
germaniques, la guerre était une nécessité vitale, car leur organisation économique les
conduisait au nomadisme qui les obligeait à chercher constamment de nouveaux espaces ;
ils étaient donc des « guerriers ».
3)
C’est souvent pour se défendre des attaques des autres peuples que les Latins (urbanisés
et devenus « romains ») ont dû « pacifier » ces territoires italiens puis européens et
méditerranéens. Souvenons-nous qu’en 390 av.J.C. des mercenaires gaulois Boïens (i Boii)
attaquent Rome et menacent son existence. Dès l’origine il fallut que Rome se défende contre les peuples voisins, à commencer par les Sabins. Et bien avant
l’Empire et l’avancée des Romains vers l’est européen, Rome avait eu affaire avec les « barbares » : s’ils décidèrent de « détruire Carthage », ce fut pour éviter le
retour d’une offensive aussi destructrice que celle d’Hannibal. Puis, dès 113 av.J.C., les Cimbres (i Cimbri) d’origine celte ou germanique envahissent la Norique (le
centre de l’Autriche), alliés aux Teutons (i Teutoni) et aux Ambrons (gli Ambroni). (Voir l’Histoire romaine de Jules Michelet, vol. I, consultable sur Internet). Ils sont
battus par Caius Marius en 102 av.J.C. à la bataille d’Aix-en-Provence. Ils envahissent aussi la Gaule et le nord de l’Espagne, puis le nord de l’Italie où ils sont
battus définitivement et pratiquement exterminés à la bataille de Vercelli en 101 av.J.C. Plus tard, les Suèves (I Suebi) venus des rives de la mer Baltique, guidés
par leur roi Arioviste (101-54 av.J.C.) , furent battus par Jules César en 58 av.J.C. et peu à peu intégrés dans la légion romaine ; on les retrouvera plus tard
comme alliés des Vandales. Ce sont toutes ces invasions qui détermineront la poussée des Romains vers la Gaule, la Grande-Bretagne et l’Allemagne : César alla
même plus loin et il estima que pour arrêter les incursions extérieures, il fallait semer la terreur parmi ces populations. C’est pour les mêmes raisons que la
conquête s’étendit à la Gaule, à l’Espagne, au Moyen-Orient.
Mais il faut ajouter une autre raison : c’est aussi pour régler des problèmes intérieurs que s’affirme le pouvoir impérial. César puis Octavien Auguste occupent la
Grèce et l’Égypte pour confirmer leur pouvoir sur Pompée puis sur Marc-Antoine.
4)
Ainsi l’armée est un élément essentiel de toute l’histoire de Rome, et c’est souvent elle qui déterminera l’élection d’un général comme empereur. Or, surtout à partir
de l’édit de Caracalla (198-217) qui accorde le titre de « citoyen romain » à tous les habitants de l’Empire – alors que cette dignité était la récompense des
légionnaires après leurs 20 ans de service – les Latins se désintéressent de l’armée et n’effectuent plus de service militaire pour lequel ils se font remplacer par un
mercenaire : et ces troupes auxiliaires sont surtout composées de « barbares », qui prennent une importance décisive, leur fonction étant devenue héréditaire. Et
deux empereurs furent affublés de titres « barbares », Maximin (265-268), dit « le Thrace » et Claude II (268-270) dit « le Gothique ». Dans cet état de crise de
l’Empire, l’empereur Constantin le Grand (306-337) transfère la capitale de l’empire à Byzance qui devient Constantinople, en 330 ; Rome est pratiquement
abandonnée, devient une ville « symbole » où le chef de l’Église chrétienne va bientôt reprendre les pouvoirs et le titre de l’empereur « Souverain Pontife » à partir
de 642, affaiblissant d’autant la religion romaine qui ne tardera pas à être interdite.. Les « invasions » ne vont pas tarder.
5)
À quoi sont dus ces mouvements migratoires ? probablement d’abord à une dégradation climatique qui dure du IIIe au Xe siècle qui pousse les populations de
l’est européen vers l’ouest et le sud moins touchés au niveau du climat et de la productivité agricole. Mais aussi à la place qu’elles occupaient maintenant dans
l‘Empire qui les avait assimilées et gratifiés par les avantages matériels de la vie urbaine, et à l’affaiblissement et à la corruption du pouvoir impérial.
Les Goths furent les premiers à envahir l’Italie ; ils avaient été intégrés dans l’organisation impériale, mais estimaient que leur place était trop réduite, et ils étaient
attirés par la richesse de Rome. Sous la direction de Stilicon (365-408, « semi barbare » d’origine vandale et marié à la nièce de l’empereur Théodose), l’armée
romaine les vainquit à Pollenzo en 402, grâce à une concentration de soldats qui laissa dégarnies les provinces septentrionales de l’empire, et favorisa l’invasion
des Vandales, des Burgondes et d’autres peuples. Mais, après avoir refusé toute négociation, le roi des Goths, Alaric (370-410), mit à sac la ville de Rome en 410,
ce qui suscite la réflexion d’Augustin d’Hippone (354-430) sur la fin de la « cité de l’homme » à laquelle pourrait succéder la « cité de Dieu ».
Puis, après les Burgondes, arrivèrent les Huns, le « fléau de Dieu » de souche probablement mongole, qui étaient frappés par une crise agricole qui les laissait
dépourvus de nourriture suffisante. Ils se lancent d’abord sur les steppes de l’Asie centrale, puis sur l’Italie, mais leur absence de culture urbaine fait qu’ils ne
cherchent que des esclaves, des chevaux et du butin ; les Romains leur opposèrent leurs légions commandées par Flavius Aetius (395-454), qui, après s’être allié
avec les Huns contre les Burgondes, les combat et les défait à la bataille des champs Catalauniques aux alentours de Châlons-en-Champagne en 451. Les Huns
durent se retirer et disparurent pour les Romains.
Mais en 455 arrivèrent les Vandales (i vandali), venus de Scandinavie, sous la direction de leur roi Genséric (389-477). Ils avaient été intégrés par l’empereur
Aurélien en 271, moyennant la fourniture de 2000 cavaliers formant une troupe auxiliaire des légions, et on leur avait fourni des terres abandonnées, ce qui
explique la présence d’un général vandale comme Stilicon, exécuté cependant par les Sénateurs antigermaniques en 408. Mais au début du Ve siècle, ils sont
chassés par les Huns, passent le Rhin, envahissent la Gaule puis l’Espagne entre 409 et 429, puis l’Afrique romaine entre 429 et 439, prennent Hippone et
Carthage dont ils font leur capitale, et en 455, ils remontent jusqu’à Rome qu’ils « saccagent » pendant 15 jours : en réalité, ils s’entendent avec le pape Léon I
(390-440-461), partagent Rome en secteurs dont ils se contentent d’emporter les richesses sans violence ni destructions ; c’était un peuple très civilisé et organisé,
qui connaissait le latin, et qui avait une littérature. Ils ne disparaissent qu’en 533, défaits par l’armée byzantine et son général Bélisaire (500-565), et ceux qui
restent se fondent avec les Berbères d‘Afrique du Nord.
C’est l’occasion de rappeler que c’est l’empire byzantin, encore installé dans une partie de l’Italie, qui combat le mieux les « barbares ». Théodose I dit le «
Grand » (379-395) fut pratiquement le dernier empereur d’un empire formellement unifié ; c’est lui qui instaure le christianisme comme religion officielle de l’Empire
par l’Édit de Thessalonique le 28 février 380, faisant triompher la foi trinitaire catholique sur les théories d’Arius (250-336) (Concile de Constantinople de 381) ; la
religion païenne sous toutes ses formes est interdite et réprimée ; les jeux de gladiateurs sont définitivement interdits en 439. C’est après Théodose qu’existe
vraiment l’Empire byzantin, ce dernier empereur ayant partagé son héritage entre ses fils Honorius (empire d’Occident, 384-423) et Arcadius (empire d’Orient,
377-408). Après une période de luttes entre les deux empires qui s’appuient à tour de rôle sur l’un ou l’autre des peuples germaniques qui ont pris maintenant une
place centrale dans les institutions et l’armée impériales, l’empire d’Occident tombe aux mains d’empereurs faibles, et en 475, Flavius Oreste (420-476), ancien
secrétaire d’Attila et chef des troupes romaines confédérées qui constituaient l’armée impériale d’Italie, dépose l’empereur Julius Népos (430-480) et impose
comme empereur son propre fils, Romulus Augustule. Mais Oreste est désavoué par ses troupes, et c’est le chef barbare Flavius Odoacre (433-493), chef des
Hérules (gli Eruli), qui, sous l’inspiration de l’empereur d’Orient, fait assassiner Oreste et dépose Romulus qui sera donc le dernier empereur d’Occident.
Mais l’empereur d’Orient Zénon (425-491) envoie Théodoric (465-526), roi des Ostrogoths, combattre Odoacre qui se révélait de plus en plus indépendant de
l’empereur ; Odoacre est vaincu, se réfugie à Vérone puis à Ravenne où il est tué par Théodoric, et ce dernier se fait nommer roi d’Italie par les Goths sans
l’accord de l’empereur d’Orient. Pendant trente ans, il fait régner la paix en Italie, respectant les Romains et leurs traditions, mais les laissant strictement sé,
parés des Goths (les mariages mixtes sont par exemple interdits, de même que l’usage des couteaux !) ; bien qu’arien, il gouverne en accord avec le pape
Symmaque (450-514) contre l’antipape Laurent (460-506), et avec le philosophe Anicius Manilus Severinus Boethius (Boèce, 480-524) ; mais celui-ci, qui
luttait contre l’arianisme, est finalement accusé de communiquer avec l’empereur d’Orient et tué par Théodoric en 524. De même, Théodoric finit par combattre
l’église catholique et il fait assassiner le pape Jean 1
er
en 526. C’en était fini de l’empire d’Occident que les « barbares » contrôlaient désormais en grande partie,
et c’était le début de la rupture entre Occident et Orient, entre l’évêque de Rome et le patriarche de Constantinople, future scission entre Catholiques et
Orthodoxes. C’était aussi l’orée d’une civilisation chrétienne qui supplanta peu à peu la civilisation romaine, convertissant les « barbares » tout en luttant avec
l’aide de l’empereur Justinien (483-565) contre les « hérésies » auxquelles ils adhéraient souvent (sur la nature du Christ, entre les monophysites qui affirmaient
qu’il n’avait qu’une seule nature divine, les ariens qui affirmaient au contraire sa nature humaine, et les catholiques qui défendaient la double nature et
l’incarnation), et assimilant la culture classique romaine, dont la langue, juqu’à revendiquer l’indépendance de l’Église face à l’Empire. Une nouvelle ère humaine
commence.
On peut donc moins parler d’invasion que de migration, et de prise de pouvoir de peuples colonisés par les Latins puis intégrés dans l’armée romaine et désirant
s’approprier les richesses et la puissance de leur ancien maître. Barbares, ces peuples ? Non, simplement organisés selon d’autres critères que celui des Romains,
rendus guerriers de par leur organisation sociale même. Rappelons que tous les peuples premiers de l’Italie, venaient plus ou moins du nord ou de l’est, à
commencer par les Latins.
L’empereur d’Orient Justinien (483-565) tenta de réunifier l’empire en envoyant ses généraux Bélisaire (500-565) puis Narsès (478-573) reconquérir le royaume
vandale d’Afrique du Nord, Sardaigne et Corse puis l’Italie (535-553), d’où les 300.000 Ostrogoths des origines disparurent, semblant ne laisser aucun souvenir.
Pourtant une grave épidémie de peste bubonique, sous Antonin le Pieux (86-161) et Marc-Aurèle (121-180), vient encore aggraver
les dissensions et les mouvements de révolte à l’intérieur de l’empire ; l’idéologie du nouvel ordre bénédictin prend la relève, et bientôt
arrive en Italie une nouvelle force venue de Pannonie (la Hongrie et une partie de la Croatie) par les Alpes occidentales, les
Longobards (de l’expression « long bart » = qui a une longue barbe … ou une longue hache ; cf. le mot hallebarde), acceptés par les
Byzantins (ils étaient depuis longtemps fédérés dans la légion romaine). C’était le roi Alboïn (vers 530-572) qui avait mené son peuple
vers l’Italie du Nord en 568 (Voir ci-dessus la carte des terres qu’il occupa) ; il était marié à Rosemonde (Rosmunda), fille du roi
gépide Cunimond (milieu du VIe siècle). Puis les Longobards assiègent Pavie en 572, d’où ils furent repoussés par l’armée byzantine
; leur roi Alboïn est tué la même année par Rosemonde, dit la légende. En 584, c’est Authari (roi de 584 à 590) qui devient leur roi,
suivi de Agilulf (590-616). En 626, la capitale est transférée de Monza à Pavie, Monza devient résidence estivale des rois et fut
enrichie par la reine Théodelinde. C’est la reine Théodelinde (573-627), « bouclier du peuple » en germain, épouse du roi Agilulf, qui poussa son mari à traiter
avec l’Église, sous le pape Grégoire le Grand (590-604). Sous le règne d’Aripert (653-661) les Lombards se convertissent au christianisme et mettent en place
les bases du régime féodal. Liutprand règne de 713 à 744 et renforce le pouvoir politique du pape en donnant Sutri à Grégoire II. Mais le roi Aistolf (749-756)
tenta d’unifier l’Italie, s’empara de l’exarchat byzantin de Ravenne et voulut intégrer aussi le patrimoine de Saint Pierre pour réunifier les territoires lombards du
Nord et les Duchés lombards de Spoleto et Bénévent au sud. Son successeur fut Didier (710-774), il attaque les territoires pontificaux mais est repoussé par le roi
franc Pépin le Bref (714-768), fils de Charles Martel, qui donne l’exarchat de Ravenne au pape, créant ainsi les bases de l’État pontifical. Didier donne
ensuite sa fille Désirée en mariage à Charlemagne (742-814), espérant obtenir son alliance. C’est Charlemagne, devenu roi des Francs en 771, qui, ayant
répudié la fille du roi Didier, descend en Italie à l’appel du pape Adrien Ier (pape de 772 à 795) et défait les Lombards en 774, devenant « Gratia Dei rex
Francorum et Langobardorum ».
Les « invasions barbares » – qui durent aussi longtemps que l’histoire de Rome elle-même – furent donc d’une part des migrations de peuples du nord vers le
sud et de l’est vers l’ouest, mais elles contribuèrent de façon déterminante à la décomposition d’un empire millénaire, déjà corrompu de l’intérieur, par l’usage
des esclaves qui furent finalement un frein à la croissance, le refus du service militaire, l’appauvrissement démographique par une limitation volontaire des
naissances, une santé ravagée par l’usage du plomb dans les aliments (l’eau), la vaisselle et les instruments de cuisine, la faiblesse de l’administration romaine
dans les « provinces », etc. ; la diffusion du christianisme, venu lui aussi d’Orient, peut-être accélérée par la peste, contribua aussi à cette décadence, mais
seulement à partir du IVe siècle, de l’édit de Constantin (313) à ceux de Théodose (380 et 391) : il mettait le salut dans une métaphysique non historique, et non
dans une lutte politique, mettant encore plus en doute la foi dans les capacités de l’empire, que le christianisme voulut remplacer, effacer, changer dans ses valeurs
les plus profondes. Et finalement ce furent les « barbares » installés à la tête d’un empire transformé (le « Saint Empire Romain Germanique ») qui repoussèrent
les nouvelles tentatives d’invasion venues du nord (Vikings, Danois, Suédois …), de l’est (Slaves, Magyars …) ou du sud (Arabes). Mais l’unité augustéenne de la
Méditerranée était brisée, et nous héritons aujourd’hui de cette période de 8 siècles. Ne sommes-nous pas dans un autre temps d’invasions « barbares » (des
barbares porteurs en réalité d’une autre civilisation, comme ceux d’il y a presque 2000 ans) ? De ce passage à un autre monde avons-nous une conscience plus
claire que celle qu’en eurent les Romains, lorsque nous continuons à nous battre contre les « barbares » migrants ?
On n’a pas vraiment de musique de cette époque, mais il nous reste deux traités sur la musique, qui sont hérités de l’expérience grecque et romaine, d’une part le
De Musica de Saint Augustin, commencé en 387, et d’autre part le De institutione musica de Boèce, écrit vers 510 et que l’on n’a pas cessé de reprendre par la
suite. Et quelques personnages ont continué à inspirer des auteurs italiens.
Une chanson a été considérée par Costantino Nigra (1828-1907) comme un souvenir de l’époque lombarde, Donna lombarda 7. Il donne 16 versions de la
chanson, et les fait suivre d’un commentaire où il rappelle et critique les interprétations précédentes pour proposer la sienne, basée sur l’étude historique de Paul
Diacre (vers 720-799), moine bénédictin lombard du Frioul, puis homme de lettres de Charlemagne, auteur notamment avant 774 d’une Histoire de Rome (Historia
romana), des origines au règne de Justinien, et d’une Histoire des Lombards (Historia gentis Langobardorum) entre 787 et 789, qui va des origines à 744. Nigra
cite un autre historien, Agnello di Ravenna (Vers 800-850) qui écrit en 834 un Liber pontificalis ecclesiae ravennatis (Histoire pontificale de l‘Église de Ravenne).
Nigra en déduit que la « dame lombarde » est la reine Rosmunda qui, après avoir contribué à l’assassinat de son mari Albuïn par Elmichi, épouse ce dernier,
puis elle cède aux sollicitations du Préfet de Ravenne qui lui conseille d’empoisonner son nouveau mari, mais celui-ci, s’apercevant, grâce à un enfant, que le vin
qu’elle lui sert est empoisonné, l’oblige avant de mourir à boire le reste de la coupe, ou la tue avec son épée. La chanson est passée en France sous le titre de
Dame lombarde, où elle commence par ce vers « Allons au bois, charmante brune »9
DONNA LOMBARDA
Versione premanese del più famoso canto narrativo italiano
( Nigra 1) Cantori di Premana, Regione Lombardia 9,
LP, Disco Albatros, VPA 8372/RL
Donnà lombàrda perchè non mi àmi
Dame lombarde, pourquoi tu ne m’aimes pas
perchè gh’o ‘l marì perchè gh’o ‘l marì
parce que j’ai un mari, parce que j’ai un mari
si ài ‘l marìto fallo morire
Si tu as un mari, fais-le mourir
si ài ‘l marìto fallo morire
Si tu as un mari, fais-le mourir
t’inségnero mì t’inségnero mì
Je t’apprendrai moi, je t’apprendrai
va nèl giardino del sìgnor pàdre
Va dans le jardin de monsieur ton père
va nèl giardino del sìgnor pàdre
Va dans le jardin de monsieur ton père
che c’è la ‘n serpént
car il y a là un serpent
taglià la tèsta di quèl serpénte
Coupe la tête à ce serpent
taglià la tèsta di quèl serpénte
Coupe la tête à ce serpent
poi pèstela bén poi pèstela bén
puis écrase-la bien, écrase-la bien
e quàndo pòi l’ì ben pestàta
Et quand tu l’auras bien écrasée
e quàndo pòi l’ì ben pestàta
Et quand tu l’auras bien écrasée
mettìla nel vìn mettìla nel vìn
mets-la dans le vin, mets-la dans le vin
no nò bevéte o pàdre mio
Non ne buvez pas, oh mon père
no nò bevéte o pàdre moi
Non ne buvez pas, oh mon père
che c’è del velén
car il y a du poison
levò la spàda che téngo al fiànco
Je lève l’épée que j’ai à mon côté
ti vòglio mazàr ti vòglio mazàr
je veux te tuer, je veux te tuer.
Une autre chanson raconte une histoire (ou légende ?) antérieure concernant Rosmunda : après une nuit de bombance à Vérone, dans le palais royal qui fut celui de
Théodoric, Albuïn but du vin dans une coupe creusée dans le crâne du père de Rosemonde qu’il avait tué, et il obligea sa femme à boire aussi. Pour se venger, cette
dernière aurait attaché l’épée de son mari à son fourreau ; et quand les conjurés guidés par Elmichi arrivèrent il ne put se défendre qu’avec sa chaise ; c’est du moins
ce que racontent Paul Diacre et Agnello de Vérone. La chanson est du groupe des Gufi (1964-1981) :
Va Longobardo
(I Gufi
Il Teatrino dei Gufi
1966)
Va longobardo lungo il corso dell’Adda
Va Lombard, le long du cours de l’Adda
porta con te il papà di Rosmunda
emmène avec toi le papa de Rosemonde
dorme la figlia non può urlar dal terrore
sa fille dort et ne peut pas hurler de terreur
così almeno potrai il suo cuor pugnalar e la testa staccar.
Ainsi tu pourras poignarder son cœur et détacher sa tête
O longobardo della selva fatale
Oh Lombard de la forêt fatale
riporta al campo la testa ed il pugnale
ramène au camp la tête et le poignard
poi col cucchiaio vuota per bene il cranio
puis avec une cuillère vide bien le crâne
perché almeno così una coppa farai dove bere potrai.
Parce qu’au moins comme ça tu feras une coupe où tu pourras bien boire
Bevi Rosmunda, bevi nel cranio vuoto del tuo papà
Bois Rosemonde, bois dans le crâne vide de ton papa
non esitare sciocca, ti mostro io come si fa.
N’hésite pas, sotte, je te montre comment on fait
Bevi Rosmunda bevi, la schizzinosa non devi far
bois Rosemonde bois, ne fai pas la difficile
se te lo dice Alboino che ti vuoi bene lo puoi ben far
c’est Alboïn qui te le dit, il t’aime, tu peu bien le faire
suvvia dai retta al maritino se no la testa ti fa staccar
allez, écoute ce que te dit ton petit mari, sinon je te fais couper la tête
Par contre un personnage a laissé une trace différente : le roi Théodoric ; il était arien, donc hérétique, et les catholiques ont inventé ensuite le récit de son enlèvement
en enfer par Belzebuth lui-même transfiguré en destrier noir. On le retrouve sur la façade de la Basilique San Zeno de Vérone (voir ci-contre), dans une sculpture de la
première moitié du XIIe siècle ; et un cantautore de Vérone, Massimo Bubola (1954- ) a chanté en 1999 ce récit de la chasse infernale du roi.
Signalons que le groupe Mercanti di liquore (créé en 1995) a cité aussi la reine longobarde Teodolinda dans sa chanson Lombardia (dans La musica dei poveri, 2002)
:
Atterrati su in Brianza come un 747
Ayant atterri en Brianza comme un 747
siam cresciuti di nascosto, come le castagne matte
nous avons grandi en cachette, comme des châtaignes folles
La regina Teodolinda ci faceva l’occhiolino
La reine Théodolinde nous faisait des clins d’oeil
ma noi irriconoscenti, non gli abbiam fatto l’inchino.
mais nous, irrévérencieux, nous ne lui avons pas fait de salut.
Il blues di Re Teodorico
ww.pensieriparole.it/testi-canzoni/massimo-bubola
Diavoli e farfalle
1999)
Un giorno re Teodorico sentì suonare - bang! bang! - Un jour le roi Théodoric entendit jouer - bang ! bang !
era il segnale di caccia degli scudieri del re
c’était le signal de chasse des écuyers du roi
il più bel cervo del mondo stava passando di lì
le plus beau cerf du monde passait par là
ma non aveva un cavallo per inseguirlo e così
mais il n’avait pas de cheval pour le poursuivre et ainsi
- povero re, povero re, povero re Teodorico ! -
– pauvre roi Théodoric, pauvre roi Théodoric ! –
E poi gli apparve un destriero nero più nero non c’è Et puis lui apparut un destrier noir, il n’y a pas plus noir
aveva gli occhi di fuoco, gli disse - Vieni con me ! Il avait des yeux de feu, il lui dit – Viens avec moi !
Cattureremo la bestia e le sue corna io ti darò
Nous prendrons la bête et je te donnerai ses cornes
su svelto saltami in groppa e tieni forte sennò -
Allons vite saute-moi sur la croupe et tiens-toi fort, sinon
–
- povero re, povero re, povero re Teodorico ! - – pauvre roi Théodoric, pauvre roi Théodoric ! –
Tua moglie, i tuoi figli, tua madre
Ta femme, tes enfants, ta mère,
saluta bene perchè
salue-les bien parce que
i regni, i fiumi, le strade
les royaumes, les fleuves, les routes
ora appartengono a me !
maintenant c’est à moi qu’ils appartiennent !
- povero re, povero re, povero re Teodorico ! - – pauvre roi Théodoric, pauvre roi Théodoric ! –
E da Verona a Messina ci mise un attimo o poco più Et de Vérone à Messine il mit un instant, pas beaucoup plus
capì quand’era ormai tardi che quel cavallo era Belzebù Il comprit quand c’était trop tard, que ce cheval était Belzébuth
dall’alto azzurro del cielo, dentro il vulcano si fiondò giù Du haut du ciel bleu, il plongea dans le volcan
dove comincia l’inferno e dove indietro non torni più où commence l’enfer et d’où on ne revient plus
- povero re, povero re, povero re Teodorico ! - – pauvre roi Théodoric, pauvre roi Théodoric ! –
Tua moglie, i tuoi figli, tua madre
saluta bene perchè
i regni, i fiumi, le strade
ora appartengono a me!
- povero re, povero re, povero re Teodorico ! -
- Povero re, povero re, povero re Teodorico !
Déjà entre 1861 et 1887, dans ses Rime nuove, Giosuè Carducci (1835-1907) avait écrit une Leggenda di Teodorico, s‘inspirant aussi des textes des poètes allemands
du Moyen-Âge.
Attila e la Stella
(Antonello Venditti -
Lilly 1975,
Centocittà 1985, Diario 1991)
Barbara luna rosso scudo
Lune barbare d’un rouge écu
il re degli Unni guardava Roma
le roi des Huns regardait Rome,
uomo di poca fantasia
homme de peu d’imagination
lui la scambiò per una stella.
Il la prit pour une étoile.
Quando gli uomini giunsero in collina
Quand les hommes arrivèrent sur la colline
aveva sciolto l’armatura
il avait défait son armure
e fu per ignoranza o per sfortuna
et ce fut par ignorance ou par malheur
che perse il treno, il treno per la luna.
Qu’il perdit le train, le train pour la lune.
Quando il « Leone » gli prese la mano
Quand le « Lion » lui prit la main
lui alzò il pugno chiuso e il suo coltello
il leva son poing fermé et son couteau
forse mentiva l’uomo bianco
peut-être que l’homme blanc mentait
ma lui era proprio suo fratello
mais il était vraiment son frère
flagellum, flagellum Dei
flagellum, flagellum Dei
flagellum, flagellum Agnus Dei.
Flagellum, flagellum Agnus Dei.
Quando i carri volsero le spalle
Quand les chars tournèrent le dos
Leone levò il calice al cielo
Léon leva son calice vers le ciel
e fu per ignoranza o per sfortuna
et ce fut par ignorance ou par malheur
che questa stella figlio è ancora a Roma.
Que cette étoile, mon fils, est encore à Rome.
che questa stella figlio è ancora a Roma...
Venditti évoque ici la légende selon laquelle ce serait le pape Léon qui aurait arrêté Attila quand il arriva devant Rome. On dit parfois qu’il aurait plagié la chanson de
Rino Gaetano (1950-1981), Anche questo è sud (1979). En réalité, Venditti s’est trompé sur cet événement de la vie du pape : en 452, celui-ci s’est rendu en
ambassade en Italie du Nord, près de Mantoue, pour rencontrer Attila en compagnie d’un consul romain à la demande de l’empereur, pour le persuader d’arrêter son
avancée vers Rome ; influencé par l’autorité du pape (selon les récits les plus hagiographiques), ou plutôt par la somme importante que lui remit Léon Ier, selon d’autres
historiens, ou par la mort d’Alaric Ier, le roi des Wisigoths, après le sac de Rome, Attila se retira. En 455, le pape serait intervenu aussi auprès de Genséric, roi des
Vandales qui occupait et pillait Rome, pour obtenir qu’il respecte la vie des habitants réfugiés dans trois basiliques, Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint -Jean de Latran.
C’est un des faits qui valut à Léon Ier d’être enterré à l’intérieur de Saint-Pierre et d’être canonisé et élevé à la distinction de Docteur de l’Église.
Mais Venditti, bien que fils du Préfet de Rome et d’une enseignante de latin, n’en était pas à un détail près, et il reprend ici la vision populaire de l’histoire, en même
temps qu’il fait une satire de la papauté : c’est toujours le même rapport ambigu de Venditti avec sa chère et détestée ville de Rome.
On parle aussi d’une chanson qui aurait été écrite par Francesco Guccini, Ode a Odoacre, mais ce n’est que le travail d’un imitateur sur l’air de L’Avvelenata de
Francesco Guccini. Par contre, celui-ci écrit une belle chanson sur Byzance :
Bisanzio
Byzance
(Francesco Guccini
Metropolis
1981)
Anche questa sera la luna è sorta
Ce soir aussi, la lune est sortie
affogata in un colore troppo rosso e vago,
Enveloppée d’une couleur trop rouge et vague,
Vespero non si vede, si è offuscata,
L’Étoile du soir ne se voit pas, elle s’est offusquée,
la punta dello stilo si è spezzata.
La pointe de la plume s’est brisée
Che oroscopo puoi trarre questa sera, Mago?
Mage, quel horoscope peux-tu faire ce soir ?
Io Filemazio, protomedico, matematico, astronomo,
Moi, Philémace, protomédecin, mathématicien, astronome
forse saggio,
peut-être sage,
ridotto come un cieco a brancicare attorno,
réduit comme un aveugle à tâtonner partout,
non ho la conoscenza od il coraggio
Je n’ai pas la connaissance ou le courage
per fare quest’oroscopo, per divinar responso,
pour faire cet horoscope, pour deviner une réponse,
e resto qui a aspettare che ritorni giorno.
Et je reste ici à attendre que revienne le jour.
e devo dire, devo dire, che sono forse troppo vecchio
Et je dois dire, je dois dire, que je suis peut-être trop vieux
per capire,
pour comprendre,
che ho perso la mia mente in chissà quale abuso, od ozio, que j’ai perdu mon esprit dans qui sait quel abus, ou quelle oisiveté,
ma stan mutando gli astri nelle notti d’ equinozio.
mais les astres changent dans les nuits d’équinoxe.
O forse io, forse io, ho sottovalutato questo nuovo dio.
Ou peut-être que moi, moi, j’ai sous-évalué ce nouveau dieu.
Lo leggo in me e nei segni che qualcosa sta cambiando, Je le lis en moi et dans les signes que quelque chose est en train de changer
ma è un debole presagio che non dice come e quando... Mais c’est un faible présage qui ne dit ni comment, ni quand...
Me ne andavo l’ altra sera, quasi inconsciamente,
Je m’en allais l’autre soir, presque inconsciemment,
giù al porto a Bosphoreion là dove si perde
Descendant vers le port de Bosphoreïon là où se perd
la terra dentro al mare fino quasi al niente
la terre dans la mer presque jusqu’au néant
e poi ritorna terra e non è più occidente :
et puis redevient terre et ce n’est plus l’occident :
che importa a questo mare essere azzurro o verde ?
Qu’importe à cette mer d’être bleue ou verte ?
Sentivo i canti osceni degli avvinazzati,
J’entendais les chants obscènes de gens avinés,
di gente dallo sguardo pitturato e vuoto...
De gens au regard maquillé et vide ...
ippodromo, bordello e nordici soldati,
Hippodrome, bordel et soldats nordiques,
Romani e Greci urlate dove siete andati...
Romains et Grecs, hurlez, où êtes-vous allés... ?
Sentivo bestemmiare in Alamanno e in Goto...
J’entendais jurer en allemand et en goth...
Città assurda, città strana di questo imperatore sposo di puttana, Ville absurde, cité étrange de cet empereur marié à une putain,
di plebi smisurate, labirinti ed empietà,
de foules innombrables, de labyrinthes et d’impiétés,
di barbari che forse sanno già la verità,
de barbares qui peut-être savent déjà la vérité,
di filosofi e di eteree, sospesa tra due mondi, e tra due ere..
de philosophes et d’hétaïres, suspendue entre deux mondes, entre deux ères …
Fortuna e età han deciso per un giorno non lontano,
La Fortune et ’âge ont décidé pour un jour pas lointain,
o il fato chiederebbe che scegliesse la mia mano, ma...
ou le destin voudrait que ma main choisisse, mais...
Bisanzio è forse solo un simbolo insondabile,
Byzance est peut-être seulement un symbole insondable,
segreto e ambiguo come questa vita,
secret et ambigu, comme cette vie,
Bisanzio è un mito che non mi è consueto,
Byzance est un mythe qui ne m’est pas familier,
Bisanzio è un sogno che si fa incompleto,
Byzance est un rêve qui devient incomplet,
Bisanzio forse non è mai esistita
Byzance peut-être n’a jamais existé
e ancora ignoro e un’ altra notte è andata,
et j’ignore encore et une autre nuit s’en est allée.
Lucifero è già sorto, e si alza un po’ di vento,
Lucifer est déjà sorti, et un peu de vent se lève,
c’è freddo sulla torre o è l’ età mia malata,
Il fait froid sur la tour ou c’est mon âge malade,
confondo vita e morte e non so chi è passata...
Je confonds vie et mort, je ne sais laquelle est passée...
mi copro col mantello il capo e più non sento,
je me couvre la tête de mon manteau et je n’entends plus
e mi addormento, mi addormento, mi addormento...
Et je m’endors, je m’endors, je m’endors...
*etère, du grec byzantin ἐταῖραι, « compagnes occasionelles » et par extension « prostituées ».
Poème difficile ! Il reprend d’abord l’opposition ancienne entre les deux apparitions de la planète Vénus, après le coucher du soleil et à l’aube ; mais les anciens
croyaient que c’étaient deux étoiles, « Vespero » ou « Espero », l’étoile du couchant et « Lucifero » l’étoile du matin ; c’est Pythagore (580-495 av.J.C.) qui les identifia
le premier comme la planète Vénus.
Le début annonce donc un mauvais présage par trois signes : la lune qui devient rouge, l’absence de Vespero, l’Étoile du soir, et la plume qui se brise. On est donc entre
un soir et un matin, dans un grand changement d’époque, où l’emporte une nouvelle religion, le christianisme, une nouvelle civilisation, et le vieux mage (ou sage, diseur
d’horoscopes qui pourtant devait dire l’avenir) de Constantinople ne comprend pas bien ce qui se passe. Le christianisme a remplacé le polythéisme et les sages de
l’Antiquité sont persécutés par les empereurs, dont Justinien ; on ne sait pas où sont allés les Romains et les Grecs, remplacés par les Goths et autres « barbares »
avinés, soldats venus du nord. Quant à Filemazio (= celui qui aime apprendre), il représente probablement Guccini lui-même. Et du haut de sa tour, dans la nuit froide
au nord di Bosphore, il scrute les étoiles pour essayer de comprendre ce qui se passe, alors que la religion nouvelle s’affirme aux dépens des sciences que Filemazio a
cultivées toute sa vie.
Le nouvel empereur aurait pu être Constantin Ier, qui eut pour seconde épouse Fausta Flavia Maxima, la fille de Maximien Hercule, dont on disait qu’elle était restée
païenne, et qu’elle était tombée amoureuse de Crispus, un fils du premier lit de l’empereur, et que devant son refus, elle l’aurait dénoncé à Constantin comme ayant
attenté à sa pudeur, ce qui amena l’empereur à exécuter son fils, d’où sa réputation de « putain ». Mais il s’agit plutôt de l’empereur Justinien et de son épouse
Théodora, ancienne actrice fille d’un dresseur d’ours de l’hippodrome pour la faction des Verts et d’une danseuse et pour cela considérée comme une courtisane : c’est
en tout cas ce qu’a affirmé Guccini qui dit s’être inspiré de L’Histoire secrète (Les choses non publiées) de Procope de Césarée (vers 500-565), l’historien de Justinien ;
il dit dans ce livre le plus grand mal de l’empereur et de Théodora, dénonçant le plaisir qu’il prenait à massacrer les hérétiques et la ruine qu’il provoqua dans l’empire
(Voir : Procope de Césarée, Histoire secrète suivi d’« Anekdotica » par Ernst Renan, Les Belles Lettres, 2009).
La mer est insondable et infinie, et peu lui importent le vert ou le bleu, couleurs des deux équipes de l’hippodrome de Constantinople. Ce sont peut-être les « barbares »,
nouveaux habitants de l’empire et de cette nouvelle ville de Byzance-Constantinople – et non plus les anciens mages – qui connaissent la « vérité » de l’avenir, c’est-à-
dire que l’empire romain d’Occident va s’écrouler (où sont allés les Grecs et les Romains ?) et être remplacé pour un temps par l’empire d’Orient dont la capitale est
cette incompréhensible Byzance : on est entre l’Occident et l’Orient ((le « Bosphoréïon » est le détroit du Bosphore, entre est et ouest). Mais ce caractère insondable
n’est-il pas celui de toute vie ? Et cela fait de cette chanson sur l’antiquité de Byzance un symbole de notre vie actuelle où nous semblons être pris sans rien comprendre
par l’arrivée d’un nouveau monde, cette « stanca civiltà », civilisation fatiguée que Guccini condamnait dans Dio è morto (1965). Mais c’est aussi une chanson qui dit
beaucoup de la transformation historique que fut la chute de Rome et l’arrivée de l’empire byzantin ; elle est historiquement correcte, à la différence de certaines
chansons de Venditti.
9 Cf. Henri Davenson, Introduction à la chansons populaire française, Éditions de la Baconnière et Éditions du Seuil, 1946 puis 1977, pp. 204-206.
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