Storia dei popoli d’Italia e canzone - 2° partie suite 4
(Rappel de la fin de la page précédente) On peut citer à ce propos ce chant populaire, Il canto delle lavandaie del Vomero, qui date environ de l’époque de Frédéric II,
du XIIIe siècle, c’est-à-dire d’un temps où la colline qui surplombe Naples, le Vomero, était encore couverte de forêts de châtaigniers, avec quelques maisons rustiques
occupées par des lavandières qui descendaient ensuite dans la ville pour rapporter aux palais aristocratiques le linge qu’elles avaient lavé, remontant avec le linge à
laver dans les nombreuses sources du lieu. Ce chant, considéré comme le plus ancien chant napolitain connu, devint ensuite un chant de protestation contre la
domination aragonaise et de revendication de la terre : la « moccatora » est soit un mouchoir soit un morceau de terre :
Canto delle lavandaie del Vomero
Chant des lavandières du Vomero
(Anonyme,
Interprété par plusieurs chanteurs napolitains
dont Roberto Murolo et la NCCP (Nuova
Compagnia di canto popolare)
Tu m’aje prommiso quatto moccatora
Tu m’as promis quatre mouchoirs
oje moccatora, oje moccatora !
Oh mouchoir ! Oh mouchoir !
io so’ benuto se, io so’ benuto
je suis venue si, je suis venue
se me lo vuo’ dare,
si tu veux me les donner
me lo vuo’ dare !
Tu veux me les donner !
E si no quatto embe’, dammenne ddoje
Et sinon quatre, eh bien, donne m’en deux
oje moccatora, oje moccatora
Oh mouchoir ! Oh mouchoir !
chillo ch’è ‘ncuollo a tte nn’e’ rroba toja
Celui qui est à ton cou n’est pas à toi
me lo vuo’ dare
Tu veux me le donner !
me lo vuo’ dare.
Tu veux me le donner !
On trouve aussi cette « chasse » de Gherardello da Firenze (1320-1360) qui est un thème souvent traité dans la chanson populaire, chasse d’amour, chantée par
conséquent en canon (fugue), que la tradition italienne reprend de la France et de l’Angleterre avec beaucoup plus de vie et de tension émotive, parce que, derrière le
genre musical, apparaît aussi la recherche de rapports amoureux, dans des allusions souvent érotiques :
Così pensoso
(Francesco Landini
Musique du temps du Décaméron de Boccace
Philips)
Così pensoso corn' amor mi guida
Perdu dans mes pensées, avec l’amour pour guide,
Per la verde rivera passo, passo,
Au long de la verte berge, j'allais, j'allais .
Senti', « Leva quel 'sasso.
Et j'entendis : « Soulève cette pierre.
Ve'l granchio, ve', ve'l pesee, piglia, piglia.
Vois le crabe, vois le poisson ! Attrape, attrape !
Quest'è gran maraviglia ! »
c’est une grande merveille ! »
Cominciò Isabella, con istrida,
Isabelle commença par des cris.
« 0 me ! O me ! » « Che hai, che hai ? »
« Oh ! Oh ! » « Qu’as-tu, qu’as-tu ? »
« I' son morsa nel dito. »
« J’ai une morsure au doigt ».
« 0 Lisa il pesce fugge. » « l'l'ho, i'l'ho ! »
« Oh, Lisa, le poisson s'enfuit ! » « Je l'ai, je l'ai ! »
« L'Ermellina l'ha preso. » « Tie'l'ben, tie'l'ben !’
« Ermellina l'a pris. » « Tiens-le bien, tiens-le bien ! »
« Questa è bella peschiera ! »
« Quel bel endroit pour pêcher ! »
ln tanto giuns' all’amorosa schiera
Pendant ce temps je me joignis à la bande amoureuse
Dove vaghe trova' donne ed amanti,
où je trouvai des femmes charmantes et des amants
Che m'accolson a lor con bei sembianti.
Qui m'accueillirent parmi eux en me faisant belle figure.
Et voilà un texte populaire traditionnel de chasses d’amour chanté par le Canzoniere del Lazio :
Se tu ti fai monaca
(Canzoniere del Lazio,
Quando nascesti tune
Dischi del Sole / Ala Bianca)
Se tu ti fai monaca,
Si tu te fais nonne
in convento te ne vai
et si tu t’en vas au couvent
io mi faccio prete,
Je me fais prêtre
ti vengo a confessa’.
Et je viens te confesser
Se tu ti fai prete,
Si tu te fais prêtre
mi vieni a confessà
et viens me confesser
io mi faccio stella
moi je me fais étoile
nel cielo me ne vado,
je m’en vais dans le ciel
Se tu ti fai stella,
Si tu te fais étoile
nel cielo te ne vai
et t’en vas dans le ciel
io mi faccio luna,
moi je me fais lune
ti vengo a piglià.
Je viens te prendre
Se tu ti fai luna,
Si tu te fais lune
mi vieni a piglià
et si tu viens me prendre
io mi faccio pesce,
moi je me fais poisson
nel mare me ne vado.
Je l’en vais dans la mer
Se tu ti fai pesce,
Si tu te fais poisson
nel mare te ne vai
et t’en vas dans la mer
mi faccio pescatore,
moi je me fais pêcheur
ti vengo a pescà.
Et je viens te pêcher
Se tu ti fai pescatore,
Si tu te fais pêcheur
mi vieni a pescà
et viens me pêcher
io mi faccio rosa,
moi je me fais rose
al giardino me ne vado,
je m’en vais au jardin
Se tu ti fai rosa,
Si tu te fais rose
al giardino te ne vai,
et t’en vas au jardin
mi faccio giardiniere,
moi je me fais jardinier
ti vengo a coltivà,
je viens te cultiver
Se tu ti fai giardiniere,
Si tu te fais jardinier
mi vieni a coltivà
et viens me cultiver
io mi faccio uccello,
moi je me fais oiseau
nell’aria me ne vado.
Je m’en vais dans l’air
Se tu ti fai uccello,
Si tu te fais oiseau
nell’aria te ne vai
et t’en vas dans l’air
mi faccio cacciatore,
moi je me fais chasseur
ti vengo a sparà.
Je viens te tirer dessus
Così destina Iddio,
C’est le destin de Dieu
ci dobbiamo sposà
nous devons nous marier
così destina Iddio,
c’est le destin de Dieu
ci dobbiamo sposà.
Nous devons nous marier.
Le peuple semble peu s’intéresser à la vie des marchands ; même un personnage comme Marco Polo est peu chanté. Il existe une chanson de Flavio Giurato, et une
de Jovanotti de 1995, intitulée aussi Marco Polo (Lorenzo, 1990-1995) mais il s’agit d’une chanson sur le voyage où les allusions au personnage sont bien minces. Par
contre, Francesco Guccini consacre un belle chanson à Marco Polo sur les routes de la Chine, Asia :
Asia
(Francesco Guccini
L’isola non trovata
EMI, 1970)
Fra i fiori tropicali, fra grida di dolcezza
Dans les fleurs tropicales et les cris de douceur
La lenta lieve brezza scivolava.
glissait lentement la brise légère
E piano poi portava fischiando fra la rete
Et puis portait doucement, sifflant dans le filet,
L'odore delle sete e della spezia.
L’odeur des soies et des épices.
Leone di Venezia, leone di S. Marco
Lion de Venise, lion de saint Marc
L'arma cristiana è al varco dell'oriente.
L’arme chrétienne est au seuil de l’Orient
Ai porti di ponente il mare ti ha portato
Aux ports du couchant la mer t’a apporté
I carichi di avorio e di broccato.
Ses charges d’ivoire et de brocart.
Le vesti dei mercanti trasudano di ori,
Les vêtements des marchands sont pleins de sueurs d’or,
Tesori immani portano le stive.
Les soutes sont pleines de trésors immenses.
Si affacciano alle rive le colorate vele,
Les voiles colorées se montrent sur les rives,
Fragranti di garofano e di pepe.
Odorant l’œillet et le poivre.
Trasudano le schiene, schiantate dal lavoro
Les dos sont en sueur, écrasés par le travail,
Son per la terra mirra, l'oro e incenso.
Ils sont pour la terre la myrrhe, l’or et l’encens.
Sembra che sia nel vento su fra la palma somma
Il semble que dans le vent à la plus haute palme
Il grido del sudore e della gomma.
On entende le cri de la sueur, du caoutchouc.
E l'Asia par che dorma, ma sta sospesa in aria
Et l’Asie, il semble qu’elle dorme, mais est suspendue en l’air
L'immensa millenaria sua cultura.
Son immense culture millénaire.
I bianchi e la natura non possono schiacciare
Les blancs et la nature ne peuvent écraser
I Buddah, i Chela, gli uomini ed il mare.
Les Boudhas, les Chelas, les hommes et la mer.
Leone di S. Marco, leone del profeta,
Lion de Saint Marc, lion du prophète,
Ad est di Creta corre il tuo Vangelo.
A l’est de la Crète court ton Évangile.
Si staglia contro il cielo il tuo simbolo strano
Contre le ciel se détache ton symbole étrange
La spada, e non il libro hai nella mano.
L’épée et non le livre tu as dans la main.
Terra di meraviglie, terra di grazie e mali
Terre de merveilles, terre de grâces et de maux,
Di mitici animali da « bestiari ».
de mythiques animaux de « bestiaires ».
Arriva dai santuari fin sopra all'alta plancia
Des sanctuaires arrive jusque sur la haute passerelle
Il fumo della ganja e dell'incenso.
la fumée du haschich et de l’encens.
E quel profumo intenso, è rotta di gabbiani :
Et ce parfum intense, c’est la route des mouettes :
Segno di vani simboli divini.
Signe de vains symboles divins.
E gli uccelli marini additano col volo
Et les oiseaux marins indiquent par leur vol
La strada del Katai per Marco Polo.
La route du Katai pour Marco Polo.
« Katai » (Cathay en français) est le nom que Marco Polo popularise en Occident pour parler de la Chine ; le mot vient de « Kitai », nom d’un peuple nomade qui,
entre le XIe et le XIIe siècle fonda un État puissant dans le nord de la Chine. À travers Marco Polo, Guccini parle aussi de la fascination de l’Orient, avec sa culture
particulière que l’on n’effacera pas par les armes comme tentent parfois de le faire les « blancs » qui viennent avec des armes à la main, alors que l’on attend de saint
Marc qu’il porte le Livre. Et ses richesses nous attirent et font l’objet de notre commerce, mais c’est bien au-delà de l’argent qu’elles sont pour nous fascinantes, car
elles sont aussi le « signe de vains symboles divins»
NOTES :
11. Storia d’italia, Bompiani, op. cit., n° 75, pp.97-120, L’Italia feudale.
12. Fernand Braudel, Le modèle italien, Arthaud, 1989, p.38. Voir ce livre sur toute cette période et sur toute l’Italie de 1480 à 1650. C’est un ouvrage fondamental pour
comprendre l’histoire de l’Italie. Voir aussi sur les communes et la poussée de l’économie marchande, première forme d’économie capitaliste, Storia d’Italia, Bompiani,
op. cit. pp. 241-264.
RETOUR A LA TABLE DES MATIERES SUITE 2.5 DU FICHIER