LA CHANSON EN EMILIE ROMAGNE -page 2
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2.5 - Luca Carboni (1962- ) et Vinicio Capossela (1965- )
Luca Carboni est le fils d’une famille modeste, dont le père, employé dans un magasin de jouets, est passionné de musique et fait étudier le piano à ses cinq enfants. Luca commence
en 1976, à 14 ans, à jouer de la guitare dans les salles paroissiales et les centres de quartier de Bologne, et il fonde un groupe avec des amis de
son quartier (Andrea Bellodi, Giovanni Cannamela, Antonello Giorgi, Nicola Lenzi, Marco Toschi, les « Teobaldi Rock », qui enregistrent son
premier 45T en 1980, sous l’influence des « Skiantos » (Voir plus loin) et de Lucio Battisti, dans le ferment culturel de Bologne en ces années de
punk et de new wave. Mais bientôt Luca Carboni se lance dans une carrière de soliste, enregistre son premier album en 1984, … Intanto Dustin
Hoffman non sbaglia un film, gagne le Festivalbar en 1984, et écrit de nombreux textes pour les « Stadio » (Voir plus loin). Il rencontre la faveur du
public avec son second CD, Forever (1985), puis son troisième, Luca Carboni (1987), qui vend plus de 700.000 exemplaires, et dont la chanson
Silvia lo sai, une histoire d’amour troublée par la drogue, devient un hymne de sa génération, avec Farfallina. On parle maintenant de lui comme
d’un « phénomène », mais réservé aux adolescents et à leurs problèmes. Ce n’est pas un chanteur sensible aux problèmes politiques, mais il
s’intéresse aux « petits » problèmes de la vie quotidienne des gens, surtout des adolescents. Il sort ensuite Persone silenziose en 1989, dont une
chanson part du poème de Prévert Les enfants qui s’aiment, et Carboni en 1992, son plus grand succès, qui lui fait gagner le Festivalbar de 1992,
et dépasse le million de copies. Après un recueil live de chansons antérieures, Diario Carboni, diffusé dans 10 pays européens, en 1993, il fait des
tournées avec Jovanotti, et sort un nouveau CD, Mondo World Welt Monde, en 1995, contre le racisme, l’égoïsme et le monde d’apparences qui
nous entoure ; ce disque est suivi de Carovana qu’il réalise seul sur ordinateur en 1998. L’album Luca sort en 2001, dans un style plus mélancolique, et des chansons dédiées à son
fils Samuele ; il publie par la suite un live en 2003, et des chansons d’enfant. En 2006, il publie un nouvel album d’inédits, … le bad si sciolgono, avec Pino Daniele et Gaetano Curreri,
avec trois videos, où l’on sent l’inspiration du Corto Maltese de Hugo Pratt. Il publie en 2007 une autobiographie, Segni del tempo, suivie d’un autre album de 36 chansons d’amour,
Una rosa per te. Musiche ribelli est enregistré en 2008 à l’île d’Elbe, avec des covers d’autres cantautori, et en 2011 il sort Senza titolo. En 2013, il participe au grand concert donné sur
la Piazza Maggiore de Bologne, consacré à Lucio Dalla qui vient de mourir. Pop-up sort en 2015, et un nouvel album, Sputnik, est annoncé pour 2018.
Écoute 13 : Silvia lo sai (Luca Carboni, Luca Carboni, 1987)
Un autre cantautore contemporain est Vinicio Capossela. Il est né en Allemagne en 1965, et son père lui donne le prénom rare de Vinicio en hommage à un célèbre accordéoniste,
Vinicio, dont il est fan. Sa famille revient presque aussitôt en Émilie-Romagne. Il fait des études de chimie, et avec son amie il forme un duo, les « Blue
Valentine », qui chante de 1986 à1988 des standards internationaux. Il rencontre Guccini au Club Tenco, et, grâce à lui, son premier album est publié en
1990, All’una e trentacinque circa, qui obtient la Targa Tenco de la première œuvre. Il est suivi de Modì, en 1991, dédié en partie à Amedeo Modigliani et à
son amour pour Jeanne Hébuterne, puis de Camera a Sud, en 1994, dont certaines chansons seront les musiques de plusieurs films. Il ballo di San Vito
sort en 1996, avec la participation de Marc Ribot, le guitariste de Tom Waits, très inspiré d’œuvres littéraires et de l’influence de Tom Waits. C’est aussi le
cas de Canzone a manovella de 2000, tiré en partie de l’œuvre de Céline, Voyage au bout de la nuit, du Futurisme, de Jarry, de Russolo, et qui est primé
par le Club Tenco comme meilleure œuvre de l’année. En 2003, il met en musique 3 sonnets de Michelange. Ovunque proteggi est un album de 2006,
également primé par le Club Tenco. En 2008, il fait un concert de solidarité avec les populations d’Andretta, village natal de sa mère, qui protestent contre
une décision du gouvernement Berlusconi de construire une décharge à Pero Spaccone ; il y chante, outre des œuvres personnelles, des chansons
populaire de l’Irpinia avec des musiciens locaux. Son dixième album, Da solo, sort en 2008 et se retrouve à la finale de la désignation du Prix Tenco. Après
un concert à Cracovie en 2010, il participe au concert de Rome, le premier Mai, sur la place St Jean de Latran. En 2011, sort son album, Marinai, profeti e
balene, qui obtient une nouvelle Targa Tenco ; il fait un autre concert sur le problème des décharges abusives dans le Sud de l’Italie. Il a toujours réalisé
de nombreux tours très suivis, et marqué un grand intérêt pour la littérature et le cinéma. De Dori Ghezzi, il reçoit en 2011 le Prix De André pour sa
carrière. En 2012, il produit avec son guitariste Asso Stefana le premier album du groupe La Banda della Posta. En 2016 sort son grand dixième album,
Le canzoni della Cupa, (« La Cupa » est le nom de sa maison d’édition) qu’il a préparé pendant 13 ans, et qui parle des réalités et de la culture de l’Irpinia (province d’Avellino en
Campanie), région d’origine de sa mère, à partir duquel il fera de nombreux tours, en particulier en France.
Écoute 14 : 14.1 - Il ballo di San Vito (Il ballo di San Vito, Vinicio Capossela, 1996)
14.2 - Pioggia di Novembre (Ibid.)
La première de ces chansons évoque le rythme de la terre d’origine de Capossela, où l’on calmait par des tarantelles « il ballo di San Vito », c’est-à-dire la danse de Saint-Guy. Saint
Vito fut un saint de Basilicata, du IIIe siècle ; né en Sicile, tué à Rome par l’empereur Dioclétien en 303 après avoir guéri son fils d’une épilepsie, et enseveli probablement près de
Naples. Dans un village du Sud, dont Vito est le Patron, la veille de sa fête, le 14 juin, on fabrique des « panelle », petits pains que les enfants portent à la Mairie dans des corbeilles
ornées de fleurs, et on mange (on fait « lu fistinu Santu Vitu ») en regardant les feux d’artifice. C’est cette fête qu’évoque Capossela. San Vito est entre autres le patron des
pharmaciens, aubergistes, vignerons, d’où l’allusion au « cerùsico », le chirurgien de fortune ou le charcutier.
Pioggia di novembre est une belle description de la pluie, où la musique est une onomatopée du bruit qu’elle fait, et un texte riche.
Capossela est un des jeunes cantautori les plus raffinés, par ses qualités sonores, par la diversité de ses sources littéraires et poétiques, qui donnent à ses chansons une valeur
humaine rare.
2.6 - Luciano Ligabue (1960- ), un rock italien.
Ligabue est né à Correggio en 1960, neveu de Marcello Ligabue, un héros de la Résistance émilienne, qui a fait l’objet d’un film en 1997, Partigiani (Davide Ferrario, Guido Chiesa,
Marco Puccioni et Daniele Vicari), dont Luciano écrit le scénario, l’histoire de son grand-père communiste, torturé par les fascistes mais qui, après la
guerre, n’a jamais cherché à se venger ; il passe un diplôme de comptable et jusqu’à 27 ans il exerce divers métiers, de mécanicien à animateur de
radio, et il est élu conseiller municipal du PDS de Correggio. Mais il a toujours eu la passion de la musique, des cantautori au rock, et son père lui
ayant acheté une guitare quand il avait 15 ans, il commence vite à écrire des chansons. Son idole est Bruce Springsteen. Pourtant il ne fait son
premier concert qu’en 1987, devant un public corrégien de 150 personnes, avec le groupe « OraZero ». En 1988, Bertoli interprète dans son disque
Tra me e me une chanson de Ligabue, Sogni di rock’nroll, et en 1989 une chanson de Ligabue, Figlio d’un cane, dans son album Sedia elettrica.
Le premier album de Ligabue sort en 1990, Ligabue, avec un nouveau groupe, « Il ClanDestino ». Il est suivi en 1991 de Lambrusco coltelli rose e
popcorn, qui a un certain succès, plus de 250.000 exemplaires ; il épouse la chanteuse Donatella. En 1992, il participe au Montreux Jazz Festival, et il
prend un premier contact avec le Club Tenco. Son troisième album, Sopravvissuti e sopravviventi, de 1993, a moins de succès, et l’amène à rompre
avec son groupe. En 1994, il publie son quatrième album, A che ora è la fine del mondo, dont la chanson titre, dit-il, est inspirée « par cette folie
collective pour ce faux grand homme qui lançait un faux parti de derrière de fausses coulisses de télévision » (Interview de Curzio Maltese sur
Repubblica du 7 août 1997).
Sa carrière ne prend vraiment son essor qu’avec son cinquième album, Buon compleanno Elvis, de 1995, avec un nouveau groupe composé de trois
membres du groupe « Rocking Chairs », Antonio Righetti, Roberto (Roby) Pellati, Mel Previte et Federico Poggipolliti, ancien second guitariste des «
Litfiba », qui « relisent à la lumière d’une culture italienne la tradition du grand rock » (Ligabue, La Repubblica, 07 luglio 1997). Pour Ligabue, la
chanson napolitaine est « la véritable musique italienne », mais il veut contribuer à montrer que le rock appartient aussi à la culture italienne. L’album
est en effet dédié au rock, encore en bonne santé pour Ligabue, et à Elvis Presley qui en incarne l’essence. Une chanson de ce disque devient la
meilleure chanson des années ’90, Certe notti, et assure au disque une diffusion de plus de 1.200.000 exemplaires.
Écoute 15 : Certe notti (Buon compleanno Elvis, Luciano Ligabue, 1995)
Le disque obtient le prix Tenco de 1995. La chanson devient l’hymne préféré des jeunes filles romantiques, pour l’évocation de ces nuits « entre cuisses et moustiques / et brume et
boîtes que tu tutoies », où le bar « Mario » est toujours prêt à t’accueillir, ces nuits « qui te tiennent entre leurs seins, / un peu des mamans un peu des putains qu’elles sont », ces
nuits où l’on est heureux d’être provisoirement seuls avant de se retrouver chez Mario (15)
En 1997 sort un album double en live, Su e giù da un palco, avec trois inédits. La même année, Ligabue publie un recueil de 43 récits, Fuori e dentro
il borgo, dont il tire le scénario d’un film, Radio Freccia, qui obtient au Festival de Cinéma de Venise trois Rubans d’argent et deux David de Donatello,
comme meilleur metteur en scène débutant et meilleure musique de film. Il situe son film dans un petit village qui ressemble à Correggio, en plein
milieu des années ’70 : « Pendant ces années, le monde semblait devenu fou. Il semblait vraiment que les choses puissent changer, que soit ouverte
une nouvelle saison du monde, avec en tête la passion révolutionnaire des jeunes. Les radios privées - on disait alors avec raison « libres », avant
que le mot commence à paraître équivoque - étaient nées précisément à l’intérieur de cet océan de passions, qui fut le grand théâtre de la réalité de
ces années » (Gino Castaldo, L’énergie du rêve, La Repubblica, 14 septembre 1998).
Il en tire un double CD, Radio Freccia : le canzoni, en 1998, dont l’un des disques contient des chansons étrangères insérées dans le film, de David
Bowie, Iggy Pop, Lou Reed, qui sont la source d’inspiration de Ligabue. Après une chanson contre la guerre du Kosovo, Il mio nome è Mai più (Mon
nom est Jamais plus) avec Jovanotti et Piero Pelù (le disque est vendu à 500.000 exemplaires et rapporte des millions à l’association « Emergency »),
Ligabue publie un nouvel album, Miss Mondo, en 1999, qui exprime les déceptions de l’artiste sur le monde qui l’entoure, et dont une chanson, Vita da
mediano, sera choisie par Romano Prodi pour accompagner sa campagne électorale en 2006 ; Il fait un concert dans une prison de Gênes, puis il
écrit avec Guccini la chanson Ho ancora la forza, enregistrée par Guccini dans Stagioni. En 2001 il participe à « Barones », un concert des Tenores
di Neoneli, avec Guccini, Elio, Branduardi, Baccini ; il prépare son second film, Da zero a dieci, qui sort le 8 février 2002, histoire de 4 amis de 35 ans
qui se retrouvent à Rimini après 20 ans d’absence. Puis en 2002, Ligabue réalise Fuori come va ? qui lui vaut de nombreux prix : c’est un très beau
disque de chansons d’amour et d’autobiographie. La tournée qui suit a plus de 400.000 spectateurs.
Écoute 16 : Libera uscita (Fuori come va ?, Luciano Ligabue, 2002)
Il énumère ce qui, dans la société contemporaine, qui ne les a jamais « pris au sérieux », n’arrivera jamais à les déterminer, eux qui ont « décidé qu’y croire encore / n’est pas une
mauvaise maladie », « sortie libre / dans un monde libre ». Souvent comparé à Vasco Rossi par ses qualités scéniques, son intérêt pour les maux de la société provinciale, l’agressivité
de certains de ses arrangements, il diffère de lui parce qu’il met en valeur les éléments de résistance et de rachat de ceux qui s’affirment contre le berlusconisme et contre son type de
divertissement de plage.
En 2003 sort son second live, Giro d’Italia, après une longue et spectaculaire tournée dans plusieurs villes d’Italie. En 2004, il reçoit une « laurea » (licence) honoris causa à l’Université
de Teramo, pour être « un auteur engagé dans une recherche qui a comme référence la compréhension du monde contemporain ». Après un silence de plus de deux ans, il remonte
sur scène en 2005 à l’aéroport de Reggio Emilia devant un public de 180.000 personnes (c’est le concert qui a eu le plus d’entrées payantes), avec son groupe et Mauro Pagani ; il
publie en 2005 son nouvel album, Nome e cognome, autre succès discographique, avec un livret très intelligemment et agréablement illustré. En 2006, il commence un nouveau tour
pour rappeler ses débuts dans les petits locaux d’Émilie et dans les théâtres, avec les « Clan Destino » et « La Banda ». Après le concert à San Siro à Milan, il enregistre un disque de
conversation avec Fernanda Pivano, Ligabue si racconta. Il réalise toujours de nombreuses tournées en Italie et en Europe ; la plus récente aura lieu à l’Arena de Vérone en septembre
2013. Vous en trouverez la liste complète sur le site Luciano Ligabue, it.wikipedia.org.
Le 15 avril 2010 est le « Liga Day », vingtième anniversaire de son premier album, et il publie un autre CD, Arrivederci mostro. En juin 2012, il adhère avec 16 artistes à la réalisation
d’un Concert pour l’Émilie dont les bénéfices serviront à aider les victimes du tremblement de terre de mai 2012. Giro del mondo sort en 2015, après un grand Tour en Amérique,
Australie et Extrême-Orient, et son nouveau concept-albume est publié en 2016, Made in Italy, qui inspire un film du même titre.
Luciano Ligabue (« Liga ») est sans doute aujourd’hui l’artiste le plus apprécié d’Italie, cantautore, mais aussi écrivain comme Bob Dylan, Léonard Cohen, Francesco Guccini ou
Roberto Vecchioni (son premier roman est sorti le 6 mai 2004, La neve se ne frega, La neige s’en fiche), metteur en scène, et grand communicateur, par ses tournées, ses interviews,
ses dialogues avec d’autres artistes ou sportifs, car il est aussi un homme passionné de football. Condamnant la drogue et le dopage, il dit souvent que « le rock est sa seule drogue ».
Écoute 17 : Una vita da mediano (Miss Mondo, Luciano Ligabue, 1999)
Écoutez les chansons de Ligabue … même si vous n’êtes pas passionné de rock !
2. 7 - Quelques autres cantautori d’Émilie-Romagne
Gianni Meccia, né à Ferrare en 1931, est sans doute le plus ancien et peut-être le premier cantautore italien d’après-guerre (les deux maisons de disques Ricordi et RCA se
disputent l’invention du mot « cantautore » !). Il est découvert par Franco Migliacci et Mario Riva qui le font passer à la télévision. Après un 45T, Jasmine, peu écouté, il publie un
single, Il barattolo, arrangé par Morricone, en 1960, et Il pullover en 1961. Son 45T suivant est Pissi pissi bao bao ; il va au Festival de Sanremo en 1961 avec Patatina, écrite avec
Franco Migliacci et chantée avec Wilma De Angelis. Il écrit des textes pour divers chanteurs, retourne à Sanremo en 1962 comme auteur avec Cose inutili. Ses chansons sont
rassemblées dans le 33T Le canzoni d’amore di Gianni Meccia, tandis qu’il continue surtout à écrire des textes (Il mondo pour Jimmy Fontana, qui a un succès mondial). Il est à
nouveau invité au Festival de Sanremo en 1967 comme auteur, avec Ma piano (per non svegliarmi) chantée par Nino Fidenco et Cher, et qui sera reprise par les Nomadi. En 1969, il
écrit le Concerto per Patty pour Patty Pravo. En 1970, il devient producteur de disques, fondant la « Pull » avec Bruno Zambrini. En 2002 est publiée son anthologie, Flashback - I
grandi successi originali.
Dino Sarti (1936-2007) a été un grand chanteur et cabarettiste de Bologne, auteur de nombreuses chansons et interprète de covers, en particulier de français (Aznavour, Bécaud,
Nathalie, Brel, Jef, Amsterdam) qu’il traduit en dialecte de Bologne. Ses premiers disques sont Bologna invece 1, 2, 3, 4, de 1972 à 1975. Ses chansons les plus connues sont
consacrées à Bologne et à l’Émilie-Romagne, dont Bologna campione, un hymne à l’équipe de football de Bologne.
Andrea Mingardi naît à Bologne en 1940, d’un père de Bologne et d’une mère de Messine. Passionné de sport et de musique, il commence sa carrière en 1959 comme leader des
« Golden Rock Boys », premier groupe italien de rock ‘n roll. Son premier 45T sort en 1962, Lentement dans la nuit et Si je pouvais. Il crée divers autres groupes, avec lesquels il
travaille dans les discothèques, en chantant des textes en dialecte de Bologne (en 2000, il publiera encore le CD Ciao Ràgaz, qui s’enrichit de la participation d’amis émiliens comme
Morandi, Dalla, Guccini, Carboni, Bersani, Belli, Gaetano Curreri du groupe des « Stadio », Gianni Cavina (acteur), Ivano Marescotti (acteur), Paolo Mengoli (chanteur) et Gianni
Fantoni (écrivain et acteur)). En 1984, il participe au Festivalbar avec un texte ironique Un boa nella canoa. Il s’est à plusieurs reprises illustré dans la reprise de chansons célèbres (Io
vivrò (senza te) de Mogol-Battisti). Il débute au Festival de Sanremo en 1992 avec Con un amico vicino (reprise dans un CD), il y retourne en 1993 avec Sogno (reprise aussi dans un
CD), en 1994 avec Amare amare, en 1998 avec Canto per te et en 2004 avec È la musica. Il collabore avec Mina à partir de 2006. En 2012, il publie Auguri, auguri, auguri, un album
de Noël, qui est la musique du film d’Alessandro Genovesi où Mingardi a un rôle important, Il peggior Natale della mia vita.
Il est parmi les fondateurs de l’équipe de football Nazionale Cantanti, et il est l’auteur de plusieurs ouvrages humoristiques et noirs. Il a publié plusieurs autres disques 33T et CD.
Jimmy Villotti (1944- ) est lui aussi de Bologne. Très jeune, il étudie le piano et la guitare, et il participe à divers groupes beat avant de fonder son propre groupe de rock progressif,
« Jimmy M.E.C. », qui publie un premier 45T, avant de travailler pour quelques chanteurs éprouvés, comme Andrea Mingardi. En 1978, il compose un opéra rock Giulio Cesare, et
collabore avec des artistes comme Guccini, Claudio Lolli, Sergio Endrigo, Ornella Vanoni, Luca Carboni, Gianni Morandi, les Stadio et Paolo Conte qui lui consacre une chanson,
Jimmy ballando. Puis il se consacre au jazz, publiant plusieurs albums à partir de 1993. En 2008, il gagne le prix Tenco comme collaborateur des grands noms de la chanson.
Roberto Ferri, de Bologne, né en 1947, est d’abord chanteur classique, puis, recruté dans l’équipe de Mina, il écrit des chansons, publie en 1980 Se per caso un giorno la follia, album
sur la diversité aujourd’hui disparue. Il gagne le Festival de Sanremo comme auteur avec Sarà quel che sarà en 1983, chantée par Tiziana Rivale ; il y retourne en 1997 avec Dimmi
che non vuoi morire, chantée par Patty Pravo. Il écrit des textes pour de nombreux chanteurs, chante Brassens pour le dixième anniversaire de sa mort, participe à des spectacles
musicaux avec Franco Battiato, et chante plusieurs autres auteurs français dans son CD Marinelle et le chat, de 2002, dont Marinella de Fabrizio De André, chantée en français. Il
publie en 2012 un livre audio avec CD, Tutta colpa dell’amore. Il se consacre maintenant surtout à la poésie.
Alessandro Haber (Bologne, 1947, de mère catholique italienne et de père juif roumain) passe son enfance en Israël et vient en 1956 en Italie où il devient acteur de cinéma pour
plusieurs metteurs en scène, dont Marco Bellocchio, Pupi Avati, Leonardo Pieraccioni et Mario Monicelli, et de théâtre. Mais à partir de 1995, il enregistre plusieurs CD de chansons,
Haberrante en 1995, Qualcosa da dichiarare en 1999, Tango d’amore e coltelli en 2001, Il sogno di un uomo en 2003 et Haber bacia tutti en 2012. Il est invité trois fois à participer à la
Rassegna annuelle du Club Tenco. Il joue toujours dans de très nombreux films. Le court métrage Insetti de Gianluca Manzetti est de 2017, ses films récents sont de 2018.
Giovanni Lindo Ferretti est né en 1953 dans la province de Reggio Emilia. Après des études de psychiâtrie, il voyage et rencontre Massimo Zamboni avec lequel il fonde le groupe
CCCP Fedeli alla linea (Voir plus loin dans les groupes d’Émilie), en même temps qu’il milite à Lotta continua. Après sa dissolution en 1992, il fonde le
Consorzio Suonatori Indipendenti (CSI), puis en 2001 le groupe PGR (Per Grazia Ricevuta) qui se dissout en 2009 après la publicatiop de l’album Ultime
notizie di cronaca. Il est, avec plusieurs chanteurs et groupes, un des organisateurs du concert et du disque faits à Correggio en 1995 pour le
cinquantième anniversaire de la libération du fascisme, Materiale resistente. Il a publié plusieurs disques, Co.dex en 2002, Iniziali BCGLF en 2003, et en
2004 Litania, avec Ambrogio Sparagna, un album qui reprend des prières populaires, A cuor contento en 2012. Il fait de nombreux tours, publie un livre,
Barbarico (2013). En 2013, un documentaire, Fedele alla linea, retrace sa biographie dans les divers groupes qu’il a fondés. Il s’est retiré dans son village
natal, où il écrit et compose, en même temps qu’il élève des chevaux. Son dernier album à cette date (2018) est de 2013, Saga. Il canto dei canti. Il s’est
récemment rapproché de façon étonnante de l’extrême droite des Fratelli d’Italia et des catholiques de droite de Comunione e Liberazione, après avoir
soutenu la Ligue du Nord. Il participe au Festival « Notte della Taranta » qui se déroule chaque année dans le Salento, à Melpignano (province de Lecce),
et réunit plusieurs des grands cantautori italiens. Giovanni Lindo Ferretti est un personnage très contrasté dont on parle trop peu, mais qui a eu un rôle
important dans l’évolution de la chanson, entre rock, punk et chanson traditionnelle, il est considéré comme un des pères du punk italien.
Zucchero (Adelmo Fornaciari) est né dans la province de Reggio en 1955. Il est un des musiciens italiens qui a vendu le plus de disques (on lui attribue une vente de plus de 50
millions de disques). Son nom de chanteur lui vient du surnom que lui donnait une maîtresse d’école (zucchero = « sucre ») à cause de sa timidité. Il est passionné de football et de
musique, et il a 11 ans quand un étudiant noir américain lui enseigne ses premiers accords de guitare. Il fonde très tôt un groupe, les « Lordflowers », tandis qu’il passe un diplôme
d’expert électronicien, s’inscrit à la Faculté de Vétérinaire, où il ne passe que 39 examens sur 52, car il abandonne tout pour se consacrer à la musique. Il écrit d’abord des chansons
mélodiques pour d’autres chanteurs. Entre 1970 et 1978, il joue avec plusieurs groupes, les « Duca », les « Amici del mare », les « Nuove luci » avec lesquels il commence à chanter,
les « Decal », avec qui il enregistre son premier 45T, et enfin un dernier groupe, les « Sugar & Candles » avec lesquels il signe ses premières chansons, conformes à la tradition
italienne de la chansonnette.
Il commence vraiment sa carrière au festival de Sanremo de 1982 avec Una notte che vola via, et de 1983 avec Nuvola. Il publie son premier disque en 1983, Un po’ di Zucchero, puis
il part en Californie où il joue à San Francisco. De retour en Italie au bout d’un an avec le surnom de Sugar, il retourne à Sanremo en 1985 avec Donne, et publie son album Zucchero
& The Randy Jackson Band. Il est de nouveau à Sanremo en 1986 avec Canzone triste, et il publie Rispetto, auquel participe Gino Paoli, qui l’entraîne au Club Tenco et contribue à le
convaincre de changer de genre, en même temps que Zucchero découvre la musique soul et le rythm & blues. Son disque suivant, Blues, de 1987, vend 1.300.000 copies en Italie, et
sera repris en Angleterre. Des chansons comme Dune mosse, Con le mani, Senza una donna et surtout Solo una sana e consapevole libidine salva il giovane dallo stress e dall’Azione
Cattolica, auront un très grand succès. Zucchero joue alors avec les meilleurs instrumentistes américains, et dans le tour qui suit son disque, monte sur scène avec Joe Cocker, avec
qui il chante une chanson des Beatles.
Son disque suivant, Oro Incenso & Birra, est de 1989, avec la participation d’Eric Clapton, James Taylor, Francesco De Gregori (qui écrit Diamante en hommage à la grand-mère de
Zucchero dont c’était le prénom) et Ennio Morricone ; le disque sort en version anglaise en 1990. En décembre de la même année, Zucchero s’exhibe sur la Place Rouge à Moscou, où
il chante entre autres une chanson de John Lennon ; il lie des rapports professionnels et d’amitié avec Sting, et fait des concerts en Angleterre. L’album suivant, Miserere, en 1992 sera
diffusé sur le plan international, avec une chanson en duo avec Luciano Pavarotti, qui a désormais pris l’habitude de chanter avec des artistes pop. L’album de 1995, Spirito diVino,
vend plus de 3.000.000 de copies. Zucchero participe alors à de nombreuses tournées internationales, dont Le Montreux Jazz Festival, l’Annual Grammies Award de New York où il
chante Va pensiero de Verdi avec Luciano Pavarotti ; il obtient les premier et second prix au Festival de Sanremo de 2001 pour Luce (tramonti a nord est) et Di sole e d’azzurro, et il
retourne au Festival en 2009 avec sa fille Irene Fornaciari, pour chanter Spiove il sole. Son dix-septième album, Chocabeck, sort en 2010. En 2011, il publie son autobiographie, et fait
de nombreux spectacles. Il sort son nouveau disque en 2012, La sesìon cubana. L’année 2014 est marquée par une grande tournée en Amérique. Black cat est de 2016, et il participe
jusqu’à aujourd’hui à des nombreux concerts internationaux.
Zucchero est sans doute un des chanteurs italiens qui a le mieux réussi sur le plan international, sa langue, souvent à la limite de la vulgarité, a plu à ses jeunes fans populaires, il a su
s’adapter à des cultures musicales internationales différentes, tout en n’oubliant pas la tradition mélodique italienne. Mais le contenu de ses chansons reste superficiel et ambigu : voir
Overdose d’amore (1989), où il parle d’amour avec le langage de la drogue, mais sans qu’on sache jamais s’il est pour ou contre la drogue (Vasco Rossi est plus clair, Ligabue encore
plus) ; et sa chanson Solo una sana e consapevole libidine salva il giovane dallo stress e dal’Azione Cattolica est devenue un hymne de Comunione e Liberazione ! Comme dit Enrico
De Angelis, il est « un amalgame d’Émilie et de Louisiane, de Padanie et de Delta, de Pô et de Mississipi » (Musica sulla carta, 2009, p. 398). Sa musique est plaisante et accordée
aux goûts des jeunes d’aujourd’hui ; c’est ce qui fait son succès.
Écoute 18 : Solo una sana libidine salva il giovane dallo stress e dall’Azione … (Blues, Zucchero, 1987).
Andrea Chimenti est né à Reggio en 1959. Il commence sa carrière musicale en chantant pour le groupe rock « Moda », qui se dissout en 1989, puis pour le groupe « Beau Geste ».
Son premier disque de soliste est de 1992, La maschera del corvo nero e altre storie, suivi en 1996 de L’albero pazzo. Il publie en 1997 l’album Quoelet, inspiré par le livre biblique et
par des textes d’Ungaretti et de Fernando Pessoa, puis en 1998, la musique qui accompagne la lecture du Cantique des cantiques par l’actrice Anita Laurenzi. Il chante à nouveau des
poèmes d’Ungaretti dans Il porto sepolto, réédité pour le centenaire de la guerre de 1914-18, qu’Ungaretti avait décrite dans ses poésies, alors qu’il était soldat sur le Carso. Ses
derniers disques sont Vietato morire (2004) et Tempesta di fiori (2010) ; en 2014, son roman Yuri est accompagné d’un CD homonyme et il sort en 2017 un live Andrea Chimenti canta
David Bowie. C’est un exemple intéressant de mise en musique de poésies, souvent accompagnée de mise en scène théâtrale et figurative (voir son site officiel).
Paolo Belli est né à Formigine (province de Modena) en 1962 ; dès son enfance, il travaille le piano, étudie au conservatoire, et se consacre à la chanson dans sa maturité. Il fonde en
1984 le groupe « Ladri di biciclette », en hommage au film de Vittorio De Sica, et ils vont au Festival de Sanremo en 1989 avec la chanson Ladri di biciclette, qui n’est pas classée mais
obtient un bon succès de critique. En 1990, en duo avec Francesco Baccini, le groupe gagne pour la seconde fois le Festivalbar pour la chanson Sotto questo sole. Il retourne à
Sanremo en 2009 avec L’opportunità. Il publie une douzaine de disques à partir de Paolo Belli & Rythm Machine en 1993, et devient un animateur de télévision très connu. Avec de
nombreux autres chanteurs, il participe à l’Équipe Nationale Italienne de chanteurs, créée par Mogol en 1981, et il a souvent chanté pour le Giro d’Italia, le Tour d’Italie (Faccio festa) .
Angela Baraldi naît près de Bologne en 1964 ; après avoir chanté dans des clubs underground de Bologne, elle est découverte par Lucio Dalla en 1989,
participe à sa tournée « Dallamericaruso », et publie son premier album, Viva, en 1990, avec les Stadio. Elle participe au Festival de Sanremo en 1993 avec A
piedi nudi qui sera dans son second album de 1993, Mi vuoi bene o no ? dont une chanson, Dammi da mangiare, est écrite par Francesco De Gregori. Après un
travail d’actrice, elle publie en 1996 Baraldi lubrificanti. Elle se partage alors entre chanson et cinéma : elle publie en 2001 avec deux autres chanteuses, La Pina
et Elisa, un album de chansons de femmes, Rosasporco, puis en 2003 Angela Baraldi, et elle joue dans le film de Gabriele Salvatores, Quo vadis, Baby ? En
2011, avec Massimo Zamboni, elle publie un nouvel album de chansons des CCCP Fedeli alla linea. En 2017 est publié son huitième album, Tornano sempre.
C’est aujourd’hui une intéressante chanteuse et actrice.
Gianluca Lo Presti, né à Livourne en 1967 mais venu résider à Ravenne, fonde un groupe en 1992, les « Lotostudio », avec qui il publie la même année I suoni dell’inconscio, fusion
de musique ethnique et de musique électronique, suivi en 1997 de I frammenti del mio io, à partir de dialogues avec son père. En 1998, une chanson qui dénonce les « majors » (les
grandes maisons de disques) et la musique pop commerciale, Il barone nero, gagne le Prix de Recanati. En 1999 sort Cent’anni di solitudine (le titre d’un roman de Gabriel Garcia
Marquez), un voyage musical entre le rock et la world music, qui gagne un Prix pour son intelligent non-conformisme, puis en 2001 Sun and Rain, voyage dans la musique
électronique. Il aime De André et Fossati, les CSI et Battiato, et il rêve d’être admis au Festival de Sanremo.
Samuele Bersani est né à Rimini en 1970. Sa carrière musicale commence en 1991 lorsqu’il est remarqué par Lucio Dalla qui le fait participer à son tour « Cambio ». Il publie son
premier album en 1992, C’hanno preso tutto, qui a un succès immédiat grâce à une chanson, Chicco e Spillo, de style néo-réaliste. Son second album sort en 1994, Freak ; il en chante
une chanson même devant le Pape ; il est suivi en 1997 de Samuele Bersani, dont les chansons Coccodrilli et Giudizi universali obtiennent une
grande audience (Prix Lunezia 1998 du meilleur texte littéraire). Il participe en 2000 au Festival de Sanremo, où il obtient le prix de la critique avec
Replay, qu’il insère dans son album de 2002, Che vita ! Il meglio di Samuele Bersani, qui suit son disque de 2000, L’oroscopo speciale, qui obtient la
Targa Tenco au mois d’octobre, comme meilleur album de l’année 2000, et dont deux chansons sont utilisées dans un film. Che vita ! vend plus de
150.000 exemplaires. Son album de 2004, Caramella smog, lui fait gagner deux nouveaux prix du Club Tenco (2 Targhe Tenco). En 2005,
Seguendo Virgilio est un hommage au Quartetto Cetra ; en 2006, il publie Lo scrutatore non votante dans le CD L’aldiquà, qui obtient très vite un
disque d’or (16). Bersani enregistre ensuite en 2007 un disque de chansons de divers auteurs et en 2009 il participe au concert de soutien à
l’Abruzzo. Son septième album, Manifesto abusivo, sort en 2009. Il participe au Festival de Sanremo en 2012 avec Il pallone, qui obtient le Prix de la
Critique Mia Martini, et il chante au concert de soutien de l’Émilie après le tremblement de terre du mois de mai. Son album de 2013 s’intitule Nuvola
numero nove. Il a collaboré avec de nombreux aures chanteurs.
Écoute 19 : 19.1 - Il mostro (C’hanno preso tutto, Samuele Bersani, 1992)
19.2 - Lo scrutatore non votante (L’aldiquà, Samuele Bersani, 2006)
Il mostro est l’histoire d’un marginal, ou d’un être différent, mais les hommes ne supportent pas la différence, et ils vont le pourchasser et le tuer, leurs préjugés sur la « normalité » le
font considérer comme dangereux. Lo scrutatore non votante est celle de celui qui fait son travail sans y croire, il ne croit finalement qu’à la chaise électrique où envoyer tout ce qui le
gêne, tous ceux qui se battent pour une cause. C’est l’a-politique, qui a fait de sa lâcheté une éthique. Belle description d’une espèce courante …
Bersani est un des jeunes cantautori d’avenir de l’Italie contemporaine.
Frankie Magellano (Matteo Morgotti à l’état civil) est né à Correggio en 1971. Il publie son premier disque, homonyme, en 1995, et le complète en 2002 avec son groupe composé de
Pippo Bartolotta, Paolo Giglioli, Michele Trapijov et Andrea Morelli. Son second disque, de 2011, s’intitule Ricordati che prima o poi ti mangerò avec une cover de Renato Zero ; il est
suivi de nombreux concerts dans toute l’Italie ; une bande vidéo est réalisée sur des textes de l’écrivain de Correggio Pier Vittorio Tondelli ; Magellano est aidé financièrement par une
entreprise de mode de la ville, pour qui il est modèle. Son troisième album, Adulterio e porcherie, paraît en 2012 et lui vaut de passer en troisième soirée de la Rassegna della
canzone d’autore du Club Tenco en octobre 2013 avec Sciare, une chanson écrite sur un texte de Tondelli.
Viola Selise (Elisa Rossi) est une jeune chanteuse et compositrice de Rimini, transférée à Rome en 1998, dont le premier album est sorti en 2011, Viola Selise. Son deuxième album,
Il dubbio, est de 2013, suivi d’un troisième de 2016, Eco.
Maria Chiara Fraschetta (Nina Zilli), soprano, est née en 1980 près de Piacenza. Après des études de piano et de chant lyrique, elle vit en Irlande et aux Etats-Unis où elle se forme
au Rythm and Blues et au reggae ; en Italie, ses références sont Celentano et Mina ; son prénom de chanteuse a été choisi en hommage à Nina Simone et au nom de famille de sa
mère. En 2010, elle obtient au Festival de Sanremo le prix Mia Martini avec L’uomo che amava le donne, chanson inspirée par le film de François Truffaut, Un homme, une femme. Son
premier EP sort en 2009, Nina Zilli, suivi d’un premier album en 2010, Sempre lontano, et d’un second en 2012, L’amore è femmina, dont une chanson, Per sempre, est classée 9e au
Festival de Sanremo, et qui obtient un disque d’or. Une autre chanson du disque, Un’altra estate, est écrite avec Carmen Consoli. Elle participe au Festival de Sanremo en 2015
comme membre du jury. Son quatrième album, Modern Art, est de 2018, où elle participe à Sanremo avec Senza appartenenza.
Nek (Filippo Neviani) est né à Sassuolo en 1972. Il commence à chanter en 1986, forme un groupe et continue par une carrière de soliste à partir de 1991 et réalise trois albums pour
la Fonit Cetra. Il présente une chanson, In te, au Festival de Sanremo de 1993, et il y retourne en 1994 avec Angeli nel ghetto, il y présente Laura non c’è en 1997. Son 6e album, La
vita è, sort en 2000, suivi de plusieurs autres, dont Congiunzione astrale en 2013, Prima di parlare en 2015 après sa participation au Festival de Sanremo, Unici en 2016. Il est encore
invité au Festival de Sanremo de 2018.
Parmi les chanteurs importants de cette région, il faudrait citer en particulier
* Caterina Caselli, de Sassuolo (province de Modena), née en 1946, connue comme « Casco d’oro » (Casque d’or), célèbre pour sa chanson Nessuno mi
può giudicare, qui la fait connaître à Sanremo en 1966. Après son mariage en 1970 avec le responsable d’une grande maison de disques homonyme Piero
Sugar, elle devient surtout productrice discographique, grande découvreuse de talents musicaux, Giuni Russo, Andra Bocelli, Gli Avion Travel, Elisa, etc.
* Gianni Morandi (Monghidoro, prov. de Bologne, 1944), fils d’un savetier communiste qui lui faisait lire quelques pages du Capital de Marx avant de
commencer à travailler Il commence sa carrière en 1962 avec Andavo a cento all’ora, et devient un des chanteurs italiens internationalement les plus connus qui
vend plus de 50 millions de disques, et un animateur de festivals et de spectacles dont le Festival de Sanremo.
* Milva (Maria Ilva Biolcati, de Goro, prov. de Ferrare, 1939- ), surnommée « la panthère de Goro » est probablement une des plus grandes chanteuses
mondiales du XXe siècle, et aussi actrice qui travaille entre autres avec Giorgio Strehler.
* Iva Zanicchi (Ligonchio, prov. de Reggio Emilia, 1940- ) est une autre grande voix de la chanson italienne à partir de 1960, reeconnue elle aussi sur le
plan international.
* Orietta Berti (Orietta Galimberti, Cavriago, prov. Reggio Emilia, 1943- ) commence à chanter très jeune tout en étudiant la musique et le chant lyrique ;
elle se qualifie en 1961 dans un concours de voix nouvelles avec une chanson de Gino Paoli. Elle participe au Festival de Sanremo en 1966 puis en 1967, et c’est sa chanson que cite
de façon critique Luigi Tenco dans sa dernière lettre. Elle y retournera encore 9 fois. À part quelques chansons populaires et sociales, elle a chanté surtout des chansons d’amour,
mais c’est une des chanteuses les plus connues et appréciées des Italiens.
* Anna Marchetti (Copparo, prov. de Ferrare, 1945-2015) chante jusqu’en 1971, puis se retire de la scène pour se consacrer à sa famille.
* Carmen Villani (Ravarino, prov. de Modena, 1944- ) chante très jeune dans les salles de bal d’Émilie et à l’âge de 15 ans elle rencontre Fred Buscaglione qui se propose d’en
faire une star. Dotée d’une voix exceptionnelle, elle arrive au succès en 1966, mais s’arrête de chanter en 1972 et se consacre au cinéma, et représentera une des actrices les plus
connues pour ses comédies érotiques à l’italienne.
* Alice (Carla Bissi, 1954- ) est de Forlì. Sa carrière est lancée par sa participation au Festival de Sanremo en 1972 avec Il mio cuore se ne va. Son premier album est de 1973,
La mia poca grande età, suivi en 1978 de Cosa resta … un fiore. Elle rencontre Franco Battiato en 1980 et change totalement de style avec Capo Nord, et triomphe à Sanremo en
1981 avec Per Elisa, écrite avec Battiato et Giusto Pio, suivie de l’album Alice. Elle réalise ensuite beaucoup d’autres disques, Park Hotel en 1986, Elisir et Mélodie passagère
(Musiques de Satie, Fauré et Ravel) en 1987, Il sole nella pioggia en 1989, Mezzogiorno sulle Alpi en 1992, Charade en 1995, Exit en 1998, Personal Juke Box en 2000, Viaggio in
Italia en 2003, Samsara en 2012. Elle chante en 2009 pour aider les victimes du tremblement de terre des Abruzzes, et participe au Festival de Sanremo 2018 en duo avec Ron.
* Mario Guardera (Bologne, 1949- ) est connu dans les années 1960-1970, publie quelques disques, puis se consacre à la publicité.
* Citon enfin Lara Saint Paul (Silvana Aregasc Savorelli, Asmara, 1945-2018, Emilia), fille d’une mère érythréenne et d’un père italien, qui dès sa naissance, à la fin du
fascisme, rentre en Émilie où Silvana vit depuis.. Elle apprend le chant et débute au Festival de Sanremo de 1962 sous le nom de Tanya ; son succès commence en 1968 où elle
chante à Sanremo en double de Louis Armstrong. Engagée ensuite par Polydor, elle devient une grande vedette internationale. Elle épouse le producteur discographique Pier Quinto
Cariaggi au début des années 1960 et devient sa propre productrice avec l’étiquette Lasana, faisant une brillante carrière, relançant aussi son ami Frank Sinatra en Italie. À la mort de
son mari en 2013, elle se trouve dans une situation économique difficile et obtient en 2014 l’aide officielle de l’État italien qui fait jouer la loi Bacchelli de 1985 qui prévoit d’aider les
artistes italiens en difficulté. Elle est morte à Bologne le 8 mai 2018.
* Et rappelons que Laura Pausini est née à Faenza en 1974. Elle a gagné le Festival de Sanremo en 1993 avec La Solitudine, à partir de laquelle elle atteint le marché
international, obtient le titre d’Ambassadrice de l’Émilie dans le monde, soutient l’UNICEF, les réfugiés irakiens de 2003, les associations de lutte contre le Sida, les femmes
maltraitées, les gays ; elle est fan du groupe de football, le Milan. C’est sans doute aujourd’hui la chanteuse italienne la plus diffusée dans le monde entier.
* D’Émilie viennent aussi Raffaella Carrà (Bologne, 1943- ) ; Serge (Sergio) Reggiani (Reggio Emilia, 1922-2004), dont la famille s’installe ensuite à Paris, devient français en
1948 ; surtout acteur, il chanta aussi en italien.
3) - Les groupes d’Émilie-Romagne
L’Émilie est l’une des régions qui a connu le plus grand nombre de groupes, de styles différents, de l’époque du beat des années ’60 (signalons le groupe « I Corvi », créé en 1965) à
celles du rock ou du folk-rock (par exemple le groupe « Il Parto delle nuvole pesanti », formé à Bologne en 1994 par deux étudiants calabrais, et qui présente son nouveau travail en
2013, Che aria tira). Bologne fut l’une des principales villes où se déroula le mouvement de 1977, ou plutôt « LE Mouvement », masse souvent informe, de jeunes qui cherchent, une
seconde fois après 1968, à être présents sur une scène socio-politique qui refuse leur présence ; cette masse est le fruit de nombreuses évolutions de l’Italie entre 1968 et 1976, la
croissance d’une classe moyenne qui évolue politiquement vers la gauche communiste (cf les résultats des élections législatives de 1976) qui se rapproche donc du pouvoir, grâce à
une politique habile de « compromis historique » avec la Démocratie Chrétienne ; mais la crise pétrolière de 1973 avait contribué à affaiblir l’optimisme des année antérieures, on ne
croit plus autant en la possibilité de révolutionner la société occidentale, et cela pousse à un mouvement plus radical, à un terrorisme d’extrême-gauche dont le sommet sera
l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro en 1978, probablement avec l’aide de la C.I.A.(17). Le 26 février 1976 est aussi la date de reconnaissance des radios libres qui vont bientôt
prendre une place décisive et devenir les porte-parole du Mouvement, come Radio Alice à Bologne.
Cela influence évidemment la musique, qui s’éloigne du rock « progressif » du début des années ’70 pour se rapprocher du « punk » apparu en Angleterre, plus nihiliste et porté à une
violence plus absolue. Mêlé à une grande ironie, ce fut en Italie le courant du rock « démentiel », « notre version du punk, actualisée selon les canons d’un nihilisme joyeux et
moqueur, proche parent de l’ironie des « Indiens métropolitains », bien loin en somme de l’obscurité douloureuse d’un certain punk new-yorkais comme de la rage hyperviolente du
punk britannique » (L’Italia del rock, n° 7, 1994, p. 7). Un « punk » proprement italien, dont le centre fut à Bologne, avec un groupe comme les Skiantos et leur fondateur, Roberto «
Freak » Antoni (1954-2014). Même les cantautori rentrent à leur façon dans ce nouveau mouvement contestataire, de Guccini dans l’Avvelenata à Jannacci ou à Gianfranco Manfredi.
Un des premier groupes politiques d’Émilie est le Canzoniere delle Lame créé à Bologne (les Lame étaient un quartier de Bologne) par Janna Carioli (1944-) et Gianfranco Ginestri
(1944- ) en 1967. C’étaient de jeunes communistes qui s’inspiraient de Kurt Weil, mort en 1957, et des recherches de Cantacronache, du Nuovo Canzoniere Italiano, d’Ivan della Mea.
Ils enregistrent d’abord des chants populaires de mondines, de partisans, d’ouvriers et fondent leur groupe le 1er mai 1967, chantant ensuite avec tous les grands chanteurs
contestataires d’Italie. Entre 1970 et 2012 ils enregistrent plus d’une trentaine de disques.
3.1 - I Nomadi (1961- )
C’est un des groupes les plus importants de l’histoire de la chanson italienne, et de plus grande longévité, seuls les Rolling Stones durent plus longtemps en Europe. Ils avaient publié
76 albums en 2012, mais ils en publient encore entre 2012 et 2018, dont Nomadi dentro en 2017 et Nomadi 55 - Per tutta la vita en 2018. Ils sont fondés au début des années 1960 par
Beppe Carletti, qui a alors 15 ans, sous le nom de « I Monelli » (les gamins), avec Leonardo Manfredini, Antonio Campari et Remo Gelati, bientôt remplacé par Mario Cambi. Ils
deviennent « I Nomadi » avec l’arrivée de Gualberto Gelmini, et en 1963, Augusto Daolio (1947-1992) devient la voix du groupe et écrit la plupart de ses chansons. Le groupe définitif
se forme avec Augusto, Beppe, Franco Midili, Gianni Coron remplacé en 1970 par Umberto Maggi et Gabriele Copellini (Bila) remplacé en 1969 par Paolo Lancellotti. Nous sommes
dans ces années ’60, où les jeunes doivent se battre pour exister contre les tabous de la vieille société fasciste et démocrate-chrétienne, imposer leurs cheveux longs, leurs vêtements
colorés et leur envie de changement ; I Nomadi seront un des groupes les plus représentatifs de l’époque.
Ils présentent en 1965 leur premier 45 T qui comprend une cover (une traduction de Mogol) et une chanson composée par le groupe, Giorni tristi. En 1966, ils participent au «
Cantagiro » avec la chanson Come potete giudicar, cover de The Revolution Kind de Sonny Bono, qui devient un manifeste des groupes beat et des « capelloni » (cheveux longs). Ils
rencontrent alors le jeune Francesco Guccini, qui écrit pour eux plusieurs chansons qui feront leur succès, dont Noi non ci saremo (1966), Un figlio dei fiori non pensa al domani et Dio
è morto en 1967 . Leur premier LP est précisément Per quando noi non ci saremo (1967). Ils passent au Festival de Sanremo en 1971 avec Non dimenticarti di me, et font un voyage
aux USA ; en 1973, ils publient d’autres disques et l’album I Nomadi cantano Guccini, suivi en 1974 de I Nomadi interpretano Guccini. En 1975, Gordon est le premier album ne
contenant aucune cover mais seulement des chansons écrites par I Nomadi.
En 1980 sort l’album Sempre Nomadi, édité par la CGD, comprenant trois chansons écrites pour une Fête de l’Unità, suivi de Ancora una volta con sentimento. Privés de maison de
disques, I Nomadi autoproduisent plusieurs disques, entre autres I Nomadi in concerto, en 1987, double CD Live, et en 1989 Ancora Nomadi, malgré les turbulences internes du
groupe qui font qu’en 1990, I Nomadi ne restent que trois, Augusto Daolio, Beppe Carletti et Dante Pergreffi qui s’adjoignent Daniele Campani et Cico Falzone ; après un voyage à
Prague, sort leur premier album, Solo Nomadi, en 1990. Ils participent à de nombreuses manifestations internationales, mais en 1992 meurent Augusto Daolio et Dante Pergreffi. Elisa
Minari, Danilo Sacco et Francesco Gualerzi se joignent alors au groupe en 1993, et le fils de Beppe Carletti publie une biographie des 30 ans de vie du groupe. En contact avec les Inti-
Illimani, ils font une tournée au Chili en 1993. Leur premier album sans Daolio, La settima onda, sort en 1995, avec la participation des Inti-Illimani. Ils rencontrent le Dalai Lama, font un
voyage à Cuba puis au Tibet d’où ils ramènent l’album Lungo le vie del vento. Ils participent à de nombreuses manifestations, festivals pour la paix, etc. et reçoivent en 1997 le prix «
Artistes pour la paix ».
Après un autre changement de musiciens, ils font un voyage dans le Sud Dakota à la rencontre du peuple Lakota, et en ramènent le CD Le leggende di un popolo. Ils chantent contre
la prostitution des mineures en Indochine et pour les enfants victimes de mines anti-personnel. Le disque Amore che prendi amore che dai est numéro un dans les classements officiels
en 2002. En 2005, ils font un concert pour récolter des fonds devant servir à la construction d’un Centre médical à Sumatra. Ils retournent à Sanremo en 2006 avec Dove si va, qui
obtient le second Prix au classement final, et ils publient un nouvel album, Con me o contro di me. Sanremo les appelle encore en 2008 avec la chanson Cammina nel sole, et en 2010
ils y accompagnent Irene Fornaciari dans Il mondo piange de Zucchero.
Ils continuent tours et publications, en particulier en l’honneur d’Augusto Daolio, avec un nouveau chanteur, Cristiano Turato, de Padoue. Ils participent au concert pour l’Émilie en
2012. Ils célèbrent leur cinquantième anniversaire d’activité en 2013.
Malgré les nombreux changements de musiciens (plus d’une vingtaine), I Nomadi ont toujours gardé pendant plus de cinquante ans une très grande cohérence d’engagement, non pas
politique mais sociale et humanitaire, dans des chansons, de rok modéré, de l’amour, de l’amitié, de l’espérance, de la solidarité entre les peuples. Augusto Daolio fut l’inspirateur de
ces contenus, et un disque de 1995, Tributo ad Augusto, lui rend hommage, avec Ligabue, Teresa De Sio, Gang, Gianna Nannini, I Timoria, Alice, Enrico Ruggeri, Modena City
Ramblers, CSI, Inti-Illimani. En 1998, la EMI a publié une anthologie de 48 chansons du groupe, In Italia erano i Nomadi.
Écoute 20 : 20.1 - Un figlio dei fiori non pensa al domani (Guccini e Nomadi, 1967) ;
20.2 - Come potete giudicar (I Nomadi, 1966) ;
20.3 - Lungo le vie del vento (Lungo le vie del vento, I Nomadi, 1995)
3.2 - Équipe 84 (1962- ), le « beat » italien
Il faut rappeler l’existence de ce groupe beat des années ’60 mais qui poursuit son activité jusqu’aux années ’90. Après avoir joué sous d’autres noms (« Giovani Leoni », « Paolo e i
Gatti ») dans les locaux de la côte romagnole, le groupe naît en 1962 à Modena, avec Maurizio Vandelli, Franco Ceccarelli, Alfio Cantarella et Romano Morandi. Leur nom leur est
suggéré par un disque polynésien, Équipe Taïthienne, et par l’espoir d’être engagés par la Stock 84, productrice de Brandy (à moins que ce ne soit l’addition de l’âge de tous les
membres du groupe ?). Ils font d’abord connaître des traductions en italien de morceaux étrangers célèbres, comme dans leur premier album de 1964, Équipe 84, qui traduit les Rolling
Stones, les Beatles, les Beach Boys et les Kinks. Ils disent qu’ils sont « un complesso senza complesso » (un ensemble sans complexe). Ils deviennent célèbres par leurs concerts au
Piper Club de Rome. Ils vont au Festival de Sanremo en 1966 avec Un giorno tu mi cercherai, après avoir participé au Festival de Naples avec Notte senza fine, chanson en langue
napolitaine arrangée selon la mode du beat. Ils deviennent alors un phénomène juvénile de masse, presque équivalent aux Beatles en Angleterre. Leur second album, Io ho in mente
te, de 1966, les rapproche des auteurs italiens (ils enregistrent Auschwitz de Guccini, puis 29 settembre de Lucio Battisti en 1967) et les oriente peu à peu vers le rock progressif, dans
l’album Id. En 1974, ils enregistrent Dottor Jekill e Mr Hide, suivi en 1975 de Sacrificio et d’un disque pour le PSI, après quoi ils vont progressivement disparaître, ne revenant que
sporadiquement pour un concert ou l’impression d’un disque. Franco Ceccarelli et Maurizio Vandelli se donnent principalement à leur carrière de solistes. Ils reviennent à partir de 1984
et publient en 1989 un nouvel album, Un amore vale l’altro. Ils chantent surtout jusqu’en 2012, date de la mort de leur fondateur, Franco Ceccarelli.
Écoute 21 : 21.1 - Quel ti ho dato (Cover de Tell me des The Kinks, 1964)
21.2 - Io ho in mente te (Cover de You were on my mind, de Sylvia Fricker, 1966)
3.3 - Les Skiantos (1977- ) : le rock « démentiel »
Ils sont la meilleure expression du Mouvement étudiant de Bologne dans les années ’70, mais ils continuent à produire jusqu’à aujourd’hui. Ils rentrent dans ce que l’on a appelé le «
rock démentiel » que Roberto « Freak » Antoni définit ainsi : « C’est un cocktail explosif de pseudo futurisme, dada, esprit estudiantin, improvisation, performance non logique, ironie
de spectacle de variétés, poésie surréelle - surtout crétine, incidents au hasard, sottises et chahut, paradoxe et coups de génie », ce qui est le contraire du « dément ». Roberto Gatti
leur donne une nombreuse descendance dans la chanson : « Dagli Skiantos ai Gaznevada, da Luti Chroma agli Stupid Set, dagli Hi-Fi Bros ai Pale TV, dalla Banda Osiris a Lino e i
Mistoterital, dai Figli di Bubba a Elio e le Storie Tese, da Frizzi-Comini-Tonazzi ai Take four Doses, da Francesco Salvi a Paco d’Alcatraz e Marco Carena » (Dizionario della canzone
italiana, Curcio, 1990, p. 1574). Il faudrait ajouter beaucoup d’autres groupes comme « Pitura Freska » à Venise, « Windopen », « Kandeggina Gang », à Milan, « Confusional
Quartet », à Bologne, « Central Unity », « Edipo e il suo Complesso », à Prato, dont le nom est souvent tiré de l’ouvrage de Freakantoni, Stagioni del rock demenziale, Feltrinelli, 1981.
Les Skiantos sont « le meilleur de la production des mouvements de jeunes des années ’70, avec les BD d’Andrea Pazienza et les ouvrages d‘Enrico Palandri et de Pier Vittorio
Tondelli » (Ibid., p.1594).
Leur fondateur est Roberto Antoni, dit « Freak » (1954-2014), étudiant au DAMS de Bologne et diplômé à partir d’une Thèse sur les Beatles, il collabore avec les auteurs de la revue
Frigidaire, lorsqu’il crée le groupe en 1977, après un premier groupe , « Freakantoni e la Demenza Precoce ». « Je pensais, dit Freak Antoni, que la nôtre pouvait être la troisième voie,
et que, en nous moquant du rock, nous pouvions occuper un espace différent de celui des cantautori et de la musique Disco, alors dominants ». Voilà les ennemis : la Disco bien sûr,
mais aussi les cantautori, « poètes ratés », dans leur évolution vers une nouvelle rhétorique.
Les Skiantos (de « schiantare » = abattre, briser, déchirer) continuent leur activité avec lui jusqu’en 1981, date à laquelle il devient Beppe Starnazza à la tête du groupe « I Vortici »,
puis « Astro Vitelli » ; avec Antoni sont alors Andrea Setti (Jimmy Bellafronte), Stefano « Sbarbo » Cavedoni, Fabio Testoni (Dandy Bestia). Ils publient des covers et des chansons
ironiques et insolentes, dans Inascoltable (1977) et MONO Tono (1978), puis Kinotto (1979) et Pesissimo (1980) ; leurs spectacles sont provocateurs, ils jettent des légumes sur le
public, mangent sur scène, utilisent un jargon agressif bien que jamais vulgaire, comme le faisaient les auteurs futuristes. Cela les met évidemment en crise avec le monde des
maisons de disques, Robert Antoni abandonne alors le groupe, qui intègre Linda Linetti et Jimmy Villotti. Ils reprennent en 1984 avec Ti spalmo la crema, plus commercial, style
chanson de plage, puis ils reviennent à leur « démentialité » d’origine avec Non c’è gusto in Italia ad essere intelligenti (1987), suivi de Troppo rischio per un uomo solo (1989), de
Signore dei dischi (1992) et de Saluti da Cortina (1993). Ils restent quelques années sans produire de disques, puis sortent Doppia dose en 1999, avec la participation de chanteurs ou
personnages comme Lucio Dalla, Michele Serra, Samuele Bersani, Riccardo Tesi, Luca Carboni, Branduardi et Gang. Ils publieront ensuite régulièrement plusieurs recueils de leurs
chansons. Freak Antoni abandonne définitivement le groupe en 2012 et continue une carrière de soliste déjà commencée en collaboration avec la pianiste Alessandra Mostacci,
publiant Ironikontemporaneo en 2004, disque de poésie et de musique démentielles, surréalistes et dadaïstes. Il publie plusieurs disques et meurt à 59 ans d’un cancer à l’intestin ; en
son honneur les Skiantos organisent un concert avec d’autres groupes et artistes (Eugenio Finardi, Ricky Gianco, Claudio Lolli, Luca Carboni, ecc.). Ils reprennent leur activité en
2014, mais n’ont pas publié de disques depuis 2009. En 2017, sort la grande biographie des Skiantos, de Gianluca Morozzi et Lorenzo « Lerry » Arabia (Cf. ci-dessus).
Écoute 21 : 21.1 - Mi piacciono le sbarbine (Kinotto, Skiantos, 1979)
21.2 - Nuovo medioevo (Doppia dose, Skiantos, 1999)
21.3 - Il sesso è peccato farlo male (Doppia dose, 1999)
21.4 - Fischia il vento ( Materiale Resistente, CSI, 1995)
Plusieurs groupes suivront la voie ouverte par les Skiantos, et d’abord les Gaznevada, qui se forment en 1977 et se dissolvent en 1988, après avoir vainement tenté la voie d’une
chanson plus commerciale. Lino e i Mistoterital jouent aussi à Bologne dans les années ’80 un rock démentiel, plus ironique et cabarettiste, ils se dissolvent en 1991 et ne referont
qu’un concert en 2002. Confusional Quartet publie quelques disques entre 1979 et les années ’80. On pourrait encore citer le groupe Lùnapop, formé par Cesare Cremonini (1980- ,
qui publie en 1999 un seul disque qui a un succès énorme, Squerez (= « merde » en dialecte de Bologne), et Freakantoni publie son livre Mia figlia vuole sposare uno dei Lùnapop
(non importa quale), en 2001. Mais ils ne savent pas gérer leur succès et Cremonini continue une carrière de soliste, publiant plusieurs CD. Beaucoup d’autres groupes ont suivi les
Skiantos, nous en verrons aussi dans d’autres région.
3.4 - Les Modena City Ramblers (1991- )
D’une tout autre nature est le groupe des Modena City Ramblers qui se forme à Modena, en 1991. Leur nom est fabriqué à partir de leur ville d’origine et de leur admiration pour la
musique irlandaise (le groupe « Dublin City Ramblers ») ; ils sont constitués de Stefano « Cisco » Bellotti, Alberto Cottica, Giovanni Rubbiani, Alberto Morselli, Massimo Ghiacci,
Roberto Zeno, Franco D’Aniello, Marco Michelini et Luciano Gaetani, grand connaisseur de la musique irlandaise. Ils prennent la suite du groupe « Lontano da Dove », spécialisé dans
la musique celtique ; une autre modalité de leur musique est leur engagement politique, souvent lié au souvenir du dialecte local, ils le définissent comme « combat folk ». C’est ce que
manifeste leur première publication, Combat Folk, de 1993, où ils reprennent deux chants de Résistance, Bella ciao et Fischia il vento, et suivi en 1994 de Riportando tutto a casa, avec
une chanson, Il bichiere dell’addio, où intervient Bob Geldof, Morte di un poeta dédié à Helno, le chanteur des « Négresses Vertes » mort en 1992, une chanson dédiée à Enrico
Berlinguer, I funerali di Berlinguer, des chansons dialectales, Bella ciao, Fischia il vento, et Contessa, de Paolo Pietrangeli. Après avoir participé à deux disques d’hommage, l’un à
Ivano Fossati, l’autre à Augusto Daolio, des Nomadi, disparu en 1992, dans leurs nombreux concerts, ils chantent la Résistance, celle d’hier et celle d’aujourd’hui, les paysages
irlandais, les voyages, les luttes sociales. Leur album suivant , La grande famiglia, sort en 1996, et est marqué par l’abandon d’Alberto Morselli et de Luciano Gaetani, pour des
divergences personnelles et politiques, remplacés par Francesco Moneti et Massimo Giuntini. Le disque comprend une interprétation de La locomotiva de Guccini.
Après un voyage au Sahara, pour le soutien du peuple sarahwi, les Modena City Ramblers publient Terra e libertà (1997), qui reprend le titre d’un film de Ken Loach sur la guerre civile
espagnole, et qui est inspiré par des textes littéraires, par exemple de Luis Sepulveda et Osvaldo Soriano ; le thème du voyage devient dominant, comme métaphore de la rébellion,
exprimée aussi bien par la musique, d’une source celtique toujours plus combattive, que dans les textes, comme par exemple dans Il ballo di Aureliano, évoquant le statut des gitans.
Cent’anni di solitudine, de 1998, est repris du titre d’une œuvre de Gabriel Garcìa Marquez.
Les deux disques suivants, Raccolti de 1998, disque live, et Fuori campo de 1999, se rapprochent du reggae et de la world music et correspondent au départ d’Alberto Cottica et
Giovanni Rubbiani qui vont former deux autres groupes, « Fiamma Fumana » et « Caravane Des Ville », remplacés par Aracangelo « Kaba » Cavazzuti. En 2002 sort Radio Rebelde,
qui reprend le nom de la radio fondée par Che Guevara dans la Sierra Maestra, et dont les chansons s’inspirent des événements de Gênes lors du G8 et de l’attaque des Twin Tower
américaines ; en 2002, les Modena City Ramblers fondent leur propre marque, Modena City Records et font avec le journal « Manifesto » des projets qui débouchent sur la publication
de Pazienza Santa, d’un groupe des Apennins de Modena inspiré par la musique celtique de tradition populaire, avec la participation de Luciano Gaetani.
En 2003, ils publient Modena City Remix et en 2004 Viva la vida Muera la muerte, dont le titre rappelle le slogan des communautés indiennes zapatistes du Chiapas. Appunti partigiani
est publié en 2005 à l’occasion du 60e anniversaire de la Libération, avec la participation de Francesco Guccini dans Auschwitz, de Moni Ovadia dans Oltre il ponte de Italo Calvino, de
Piero Pelù dans La guerra di Piero de Fabrizio De André, de Goran Bregovic dans Bella ciao, de Billy Bragg dans All You Fascists de Woody Guthrie, et en final une interprétation
collective de Viva l’Italia de Francesco De Gregori. Les Modena City Ramblers doivent changer de musiciens après l’abandon de Cisco, mais ils restent fidèles à leur inspiration initiale
d’engagement et de musique celtique ou des peuples opprimés. Leur récent album (le 13e) est Niente di nuovo sul fronte occidentale (2013), suivi en 2015 de Tracce clandestine et en
2017 de Mani come rami, ai piedi radici.
Célèbre reste leur interprétation de Bella ciao dans Riportando tutto a casa (1994) en style irlandais, reprise dans un autre disque réalisé à Correggio en 1995 pour le 50e anniversaire
de la Libération, Materiale resistente, auquel participent la plupart des groupes « résistants », dont les Skiantos dans Fischia il vento et une douzaine d’autres groupes dont on parlera
pour d’autres régions.
Écoute 22 : 22.1 - Un giorno di pioggia (Riportando tutto a casa, Modena City Ramblers, 1994)
22.2 - Bella ciao (Ibid.)
22.3 - Contessa (Ibid.).
Un giorno di pioggia ouvre le disque, c’est une déclaration d’amour à l’Irlande, la « patrie de l’âme » du groupe ; mais c’est aussi un chant d’émigration, car d’Irlande, ils ont tout
ramené à la maison, la « luminosité du ciel (utile pour percer la brume mortelle de la plaine du Pô) et la Guinness » (livret du disque). Et vous aurez plaisir à écouter Bella ciao
chantée sur ce rythme qui fait échapper la chanson à toute rhétorique et lui redonne une fraîcheur originelle. C’est pareil pour Contessa, dont vous pourrez comparer cette version à
celle de Pietrangeli.
Mais vous écouterez avec le même plaisir toutes les chansons des Modena City Ramblers.
3.5 - Area (1969- ) et les CCCP (1982- )
Mais il nous faut parler encore de deux groupes très importants de l’Émilie-Romagne, les Area, et les CCCP-Fedeli alla Linea. Area est le fruit d’une rencontre de hasard entre le
batteur de Rimini, Giulio Capiozzo, et l’ancien chanteur grec du groupe I Ribelli, Demetrio Stratos ; ils sont rejoints par le grec Yan Patrick Erard Djivas, ancien musicien de Lucio Dalla,
Victor Edouard « Eddy » Busnello, Patrizio Fariselli, et Paolo Tofani ; ils forment ensemble le groupe Area-International POPular Group ; Gianni Sassi écrit les textes sous le surnom
de Frankestein. Leur premier album est Arbeit Macht Frei, de 1973, dont la première chanson est Luglio, agosto, settembre (nero) consacrée au massacre des Palestiniens par le
gouvernement jordanien en septembre 1970, avec une introduction en arabe suivie du chant de Demetrios Stratos. Le style de l’album est un mélange de jazz, de rock et de musique
électronique, et la couverture reproduit la silhouette d’un pistolet en carton. Le disque fit impression, mais le marché italien continue à préférer le rock anglo-saxon. Par contre le groupe
Area devient un peu le porte-parole des mouvements extraparlementaires de gauche.
Écoute 23 : Luglio, agosto settembre (nero) (Arbeit Macht Frei, Area,1973) (18)
Après le départ de Busnello et de Djivas et l’arrivée d’Arès Tavolazzi, les Area vont à Cuba, participent aux concerts de solidarité avec le Chili et le Vietnam, se retrouvent au dernier
Festival du Parc Lambro de Milan organisé par « Re Nudo » (voir le chapitre sur la chanson de Lombardie) et sortent l’album Parco Lambro en 1976. Ils jouent dans l’hôpital
psychiatrique de Trieste de Franco Basaglia, et en ouverture d’un concert de Joan Baez à Milan en 1974. Avec la voix de Demetrio Stratos, ils auront sorti depuis leurs débuts Caution
Radiation area et Crac en 1974, Are(a)zione en 1975, qui comprend une interprétation de l’Internationale, Maledetti (maudits), Paris Lisbona, et Event ’76 en 1976, Antologicamente en
1977 et Gli dei se ne vanno, gli arrabbiati restano en 1978. Demetrio Stratos meurt en 1979 de leucémie ; le lendemain de sa mort, se tient devant 60.000 personnes le concert qui
avait été prévu pour l’aider à se soigner, et les fonds en seront versés à la famille. Ils ont été connus non seulement en Italie, mais en France (Festival de l’Humanité de 1976), à Cuba,
au Portugal, au Japon. Ils font encore en 1980 la musique qui accompagne le spectacle des Oiseaux d’Aristophane.
Le groupe se reforme en 1993, puis en 1997 pour publier Chernobyl 7991, et se dissout deux ans après, mais se reforme régulièrement pour un concert ou la publication d’un disque
(Live 2012).
Écoute 24 : Gioia e rivoluzione (Crac, Area, 1974)
Toujours l’idée que la culture et la musique peuvent aider à faire la révolution : « Ma mitraillette est une contrebasse qui te tire sur la figure ce qu’elle pense de la vie / Avec le son de
mes doigts on peut mener une bataille / qui nous porte sur les voies des gens qui savent aimer ». Par leurs textes et leurs musiques, les Area contribuèrent à conserver un peu d’espoir
chez ceux qui ne croyaient ni à la lutte armée ni à la répression de l’État policier socialo-démocrate-chrétien.
Un autre groupe prendra une grande importance dans la vie socio-politique de l’Italie, les CCCP Fedeli alla Linea. Il naît en 1982 d’une rencontre à Berlin entre Giovanni Lindo Ferretti
(Cf. plus haut dans les cantautori d’Émilie) et Massimo Zamboni, de Reggio Emilia. Ils s’adjoignent Umberto Negri, bientôt remplacé par Ignazio Orlando, Danilo Fatur et Antonella «
Annarella » Giudici, artistes de théâtre qui animeront leurs spectacles, et décident de fonder un groupe punk prosoviétique, d’où leur nom qui reprend le nom de l’URSS en cyrillique. Ils
créent également un petite maison de disques indépendante (une « indie »), Attack Punk, qui publie leurs premières chansons. Ils sont également sensibles à la culture islamique, et
on les prend parfois pour un second Skiantos. Ils publient leur premier LP en 1985, Compagni, Cittadini, Fratelli, Partigiani / Ortodossia II, d’où est tirée la phrase fameuse, «
Consomme, produis, crève ». Leur premier abum, de 1986, s’intitulera 1945-1985 - Affinità e divergenze tra il compagno Togliatti e noi. (Del conseguimento della maggiore età). C’est
un mélange étrange entre la réalité émilienne, la culture soviétique et la culture islamique, et la musique punk est particulière ; le succès commercial n’est pas énorme, mais les
contenus séduisent un public militant, et le disque est souvent considéré comme le meilleur disque de rock punk. Socialismo e Barbarie sort en 1987, publié non plus par leur « indie »
mais par une « major » (Virgin) et c’est la consécration commerciale du groupe, qui leur sera parfois reprochée par les militants. En 1988, les CCCP réalisent un 45T avec une version
de Tomorrow et leur chanson préférée Inch’Allah ça va, chantée en français, avec la participation d’Amanda Lear. Virgin publiera en 1994 le double CD Enjoy, avec un disque intitulé
Danza et l’autre Militanza, anthologie des publications des CCCP.
Écoute 25 : 25.1 - Inch’ Allah ça va (Enjoy CD 1, Singolo, CCCP Fedeli alla Linea, 1988)
25.2 - Manifesto (Enjoy 2 CD 2, Socialismo e Barbarie, CCCP Fedeli alla linea, 1989)
Les CCCP publient encore deux albums, Canzoni, preghiere, danze del secondo millennio en 1989, et Epica, Etica, Etnica Pathos, en 1990, avec une autre formation de musiciens.
Puis ils considèrent que la chute du mur de Berlin en 1989 marque la fin de leurs motivations idéologiques, et, après un tour en Union Soviétique, ils prononcent leur dissolution ; après
leur arrêt ils publient encore un recueil Ecco i miei gioielli.
Lors d’un concert à Prato avec deux autres groupes, « Ustmamò » et « I Disciplinatha », Ferretti, Zamboni, Maroccolo et Magnelli décident de former un nouveau groupe qui reprend la
suite des CCCP, le CSI (Consorzio Suonatori Indipendenti), nom emprunté au nouveau nom de l’URSS, « Comunità di Stati Indipendenti ». Leur premier disque sort en 1993,
Maciste contro tutti, qui reprend leur concert de Prato, suivi de Ko de mondo la même année, enregistré en Bretagne. En 1996, le groupe sort Linea gotica, dont la première chanson
est Cupe vampe, consacré à la guerre en Yougoslavie, à propos de laquelle ils écrivent : « Encore une fois, l’Europe montre plus que sa propre incapacité sa propre inconsistance au-
delà d’un système de production et de consommation. « Produis, consomme, crève », chantions-nous il y a dix ans en nous moquant de la triade dominante, quelque chose a changé
et pas en mieux de ce point de vue : on consomme plus, on produit moins, toujours moins, on crève beaucoup plus et d’une façon très mauvaise » (livret du disque). En hommage à
Franco Battiato, ils enregistrent aussi à leur façon une de ses chansons, E ti vengo a cercare, « une chanson italienne parmi les plus belles ». Le livret de ce disque a l’immense intérêt
de joindre à chaque texte de chanson un commentaire qui en explique le sens politique, à partir d’un rappel des faits historiques qui ont inspiré la chanson. Chose rare ! Ce disque
marque aussi l’entrée dans le groupe de Ginevra Di Marco. Parallèlement, le groupe crée une maison de disques indépendante, la CPI (Consorzio Produttori Indipendenti) qui sera
précieuse pour la publication des jeunes groupes ou chanteurs comme Marlene Kuntz, Disciplinatha, Andrea Chimenti, Ustmamò, Marco Parente, etc. et qui publie en 1995 le disque
Materiale Resistente, dont nous avons parlé plus haut.
Écoute 26 : Cupe Vampe (Linea gotica, C.S.I., 1996).
En 1996, les CSI font un concert à Alba en l’honneur de Beppe Fenoglio, qui sera reproduit dans La terra, la guerra, una questione privata, en 1998. En 1996, ils effectuent aussi un
voyage en Mongolie, dont ils rapporteront leur CD suivant, Tabula rasa elettronica en 1997, rejoints entre autres par Angela Baraldi (Voir plus haut). Puis ils se dispersent, les temps
ont changé et ils ont changé, chacun poursuit sa carrière individuelle. En 2001, la Universal publie une anthologie de deux cd, Noi non ci saremo.
Le collectif se retrouve un peu plus tard et décide de former un nouveau groupe, le PRG, qui publie son premier disque homonyme, Per Grazia Ricevuta, en 2002, suivi de quelques
autres disques. Leur musique s’inspire de la musique électronique et de souvenirs de musique africaine. Ils reviennent au rock en 2004 avec D’anime e d’animali, et se dissolvent en
2009. En 2015, ils se retrouvent sous le nom de Post CSI, et publient Breviario partigiano (livre + DVD + CD).
NOTES : 15 à 18
15. On trouve une analyse précise du disque dans l’ouvrage cité de Mauro Ronconi, Nuova canzone italiana, pp. 340-343.
16. En Italie le « disco d’oro » est attribué par la Federazione Industria musicale Italiana à un album qui a vendu plus de 30.000 exemplaires.
17. Cf. l’ouvrage de Paolo Cucchiarelli, L’ultima notte di Aldo Moro, Ponte alle Grazie, 2018, 440 pages, qui fait une description très rigoureuse des conditions et des participants à
l’enlèvement d’Aldo Moro le 16 mars 1978.
18. Le disque d’Area Arbeit Macht Frei (1973) est repris dans l’anthologie Progressive Rock italiano numero 4 de l’hebdomadaire L’Espresso en 2014.
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