LA CHANSON EN EMILIE ROMAGNE -page 3
3.6 - Quelques autres groupes d’Émilie-Romagne
Beaucoup d’autres groupes ont existé en Émilie-Romagne. Citons d’abord les Pooh qui chantent de 1966 à 2016, un des groupes les plus durables de la République, formés à
Bologne par Valerio Negrini (1946-2013) et Mauro Bertoli (1945- ) auxquels s’adjoignent Vittorio Costa, Giancarlo Cantelli, bientôt remplacé par Gilberto Faggioli et Bruno Baracco.
Leur album Memorie (1969) est un des premiers concept-albums de l’histoire italienne : la suite des chansons forme une trame cohérente. Ils ont alors la réputation d’être un groupe
commercial pour minettes. Ils vont ensuite changer de musiciens et publier de nombreux disques ; ils gagnent le Festival de Sanremo en 1990 avec Uomini soli. Leur dernier disque,
Dove comincia il sole, est de 2010. Ils font leur dernier concert à Bologne en décembre 2016 et reviennent encore à l’Arena de Vérone en janvier 2017.
Quintorigo est un groupe formé en 1996 composé de John De Leo (1970- ), Valentino Bianchi (1974- ), Andrea Costa (1971- ), Gionata Costa (1973- ) et Stefano Ricci (1968- ) ; il est
composé, outre la voix, d’un saxophone, d’un violon, d’une contrebasse et d’un violoncelle, groupe original donc, qui n’a ni basse, ni batterie, ni guitares. Ils commencent par un Cd
autoproduit, Dietro le quinte, en 1998. Leur chanson Rospo obtient le prix de la critique au Festival de Sanremo de 1999, et une Targa Tenco de la meilleure première œuvre. L’album
Grigio sort en 2000, mélange de covers et de compositions originales. Ils retournent à Sanremo en 2000 avec Bentivoglio Angelina, y obtiennent le prix de la Critique. Ils signent la
musique du film La forza del passato de Piergiorgio Gay (2002), et ils continuent à écrire des chansons d’auteur, dans un mélange de styles particulier, pop-rock, jazz et musique
classique. En 2009, ils consacrent un projet à Charly Mingus avec la chanteuse de jazz Maria Pia De Vito. En 2012, ils célèbrent le 70e anniversaire de la naissance de Jimi Hendrix
par le disque Quintorigo Experience. Ils collaborent avec de nombreux musiciens dont Paolo Fresu, et publient plusieurs disques, dont Around Zappa en 2015, hommage à Frank
Zappa.
Les Rats se forment en 1979 près de Modena. Un de leurs meilleurs disques est Indiani padani de 1992, avec la collaboration de Luciano Ligabue. Le groupe se dissout en 1997,
mais se recontitue en 2008. Ils enregistrent en 2013, sortant un nouvel album, Siete in attesa di essere collegati con l’inferno desiderato.
Un groupe important de Reggio Emilia est Offlaga Disco Pax ; leur nom est lié à la commune d’Offlaga dans la province de Brescia, où un des fondateurs du groupe s’était perdu en
allant à un concert, et au titre d’une chanson d’un groupe de Reggio, Disco Pax, du groupe « Mumble ». Il est constitué en 2003 par Enrico Fontanelli, Daniele Carretti, et Max Collini ;
ils sont lancés par un fan anonyme qui diffuse sur le web un de leurs concerts, ce qui leur crée un public inattendu. Leur premier disque s’intitule Socialismo tascabile (Prove tecniche
di trasmissione), suivi d’un tour de plus d’un an, ce qui leur vaut plusieurs prix dont le Prix Ciampi en 2005, et un prix donné par la revue « Il Mucchio Selvaggio » (existant depuis 1977
et qui rend compte de la musique rock et autre, et de cinéma). Bachelite sort en 2008, suivi d’un tour de promotion. Le groupe participe au disque Materiali resistenti en 2010 ; en
2011, ils sonorisent le film muet I Mille, qui raconte l’histoire de l’expédition de Garibaldi croisée avec une histoire d‘amour. En 2012 sort Gioco di società. Leur style est marqué par la
musique new wave (= nouvelle vague, musique pop-rock incorporant punk, musique électronique et disco) qui accompagne généralement des textes récités et non chantés, mais sur
un rythme lent , sans rapport avec le rap habituel : ils racontent des histoires.
Fabio Monti écrit sur La Repubblica : « Les Offlaga Disco Pax sont ce que la musique italienne a produit de meilleur ces dernières 15 années. Et pas seulement. Ils sont aussi parmi
les très rares continuateurs crédibles de la grande tradition de la chanson politique italienne ». Il ajoute qu’après « l’épopée sociale » de 1977, c’est en Occident la victoire de
l’hédonisme de la consommations, la « mort opiacée des rêves », le triomphe de l’anticulture des Reagan, des Bush, des Berlusconi, « le vide, la lente démolition de l’état social » et
l’ouverture d’une nouvelle phase du capitalisme, dont le nouvel empire se révèle capable, grâce au contrôle des systèmes d’information, de faire de toute révolte une marchandise de
consommation, un produit de marché vidé de tout contenu idéologique : Che Guevara devient un visage sur un tee-shirt, les centres sociaux un pur prétexte à faire des petits films de
télévision, et la chanson politique des années ’80 et ’90 devient anachronique, continuant à chanter le passé sans bien comprendre le présent.
Les Offlaga, au contraire, continue Monti, ont bien compris les situations nouvelles, ils constatent la ruine du communisme réel, et racontent, à travers des épisodes de vie
quotidienne, souvent autobiographiques, qui retracent les vingt dernières années, l’arrivée du socialisme « de poche », et l’indignation de la statue de Lénine restée sur la place de ce
petit village d’Émilie, « bouleversée par un dégoût insolite pour tant d’imbécillité ».
Écoute 27 : Palazzo Masdoni (Gioco di società, Offlaga Disco Pax, 2012)
Citons encore un groupe que nous avons déjà évoqué, Ustmamò. Il est formé au début des années ’90 par Mara Redeghieri (Photo ci-dessous), qui remplace Silvia Barbantini,
Simone Filippi, Ezio Bonicelli, et Luca Alfonso Rossi, poussés et aidés par Giovanni Lindo Ferretti, du « C.S.I. » ; leur nom signifie en dialecte des Apennins tosco-émiliens (environs
de Reggio) « proprio adesso » (juste maintenant). Leur premier disque sort en 1991, Ustmamò, usant plusieurs langues, dialecte (pour des chansons populaires), italien, français,
anglais, et plusieurs styles musicaux, rock mélodique, folk, reggae. En 1993 sort Maciste contro tutti, en collaboration avec les « Disciplinatha » et les « C.S.I. ». Ils participent au
disque Materiale Resistente, évoqué plus haut, où ils chantent Siamo i ribelli della montagna. Leur troisième album est Üst, de 1996, qui est caractérisé par leur passage du rock
militant à la musique pop et à la musique électronique ; c’est un des disques de rock italien qui a le plus grand succès : il est analysé par Mauro Ronconi parmi « es cent disques
idéaux pour comprendre la Nouvelle chanson italienne » (op. cit. p. 344-6). En 1998 sort Stard’Üst, à la suite d’une longue tournée où ils ouvrent les concerts de David Bowie. Tutto
bene est de 2001, entre ironie et protestation sociale contre les trafics des banquiers internationaux. En 2003, ils publient une anthologie, Bestmamò, mais le groupe s’est déjà
dissous, chacun de sess membres suivant sa propre voie. Il se reconstitue et sort en 2015 Duty Free Rockets. Mara Redeghieri dit à propos de ce disque dans une interview à Rock.it
du 17 février 2015 : « Je me rapproche dela fabuleuse chanson populaire pour qu’elle m’enseigne comment on dit les choses, comment on s’émeut en les racontant (…). Chanter
anarchique et partisan est encore plus profond, parce que c’est chanter un peuple opprimé qui revendique son propre honneur, sa propre liberté de vouloir vivre de façon digne. Voilà
que le chant prend une forme sociale et politique, bien que moi, je n’aie jamais été fidèle d’aucun parti, je continue à espérer en une vie civile et démocratique où chacun soit
étroitement responsable pour lui-même et le monde qui l’entoure ».
Écoute 28 : Siamo i ribelli della montagna (Materiale resistente, 1995)
I Giardini di Mirò, référence au peintre espagnol Johan Mirò, se forment en 1995 près de Reggio Emilia ; ils publient plusieurs disques de musique, surtout instrumentale, rock, dont
celui de 2012, Heart Quake réalisé pour aider les populations émiliennes touchées par le tremblement de terre, et participent à de nombreux festivals.
Marta coi Tubi est d’origine sicilienne mais se transfère à Bologne en 2002. C’est un groupe de folk rock dont un récent disque, Cinque, la luna e le spine est de 2013, objet d’un
grand tour, et publié après leur participation au Festival de Sanremo en février, avec Dispari et Vorrei, présentés par Fabio Fazio et Luciana Littizzetto. Ils participent à une réédition
d’un disque des Afterhours, et publient Lostileostile en 2016.
I Ladri di Biciclette sont de Modena, nés en 1984, leur leader est Paolo Belli (1964- ). Ils publient trois disques et disparaissent en 1994.
Un des groupes les plus récents est Lo Stato sociale né à Bologne en 2009, qui se fait surtout connaître à partir de sa participation au Festival de Sanremo de 2018 où sa chanson
Una vita in vacanza, qui est classée à la seconde place.
Jean Guichard, 4 juin 2018
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