13.- La mosaïque de Torcello
Mosaïque de la contre-façade de Santa Maria Assunta à Torcello
On n’imagine pas aujourd’hui ce que fut la splendeur de Torcello (le nom vient de Turricellum, donné par les réfugiés en souvenir de la
Tour de leur patrie perdue) : elle était un des lieux les plus importants avec des églises, des monastères, des industries (laine) jusqu’au
XIVe siècle. L’édifice est une construction vénéto-byzantine du XIe siècle et les mosaïques sont des XIIe et XIIIe siècles.
Mosaïque de la Basilique de Torcello
14- Venise, ville musicale
On ne comprend pas Venise sans voir sa peinture, mais on ne comprend pas Venise sans écouter sa musique.
Il n’est pas question ici de faire une histoire de la musique vénitienne : on la trouvera très bien écrite par Nanie Bridgman dans ce petit
Que sais-je ? (La musique à Venise, PUF, 1984, 128 pages), des origines à la musique d’aujourd’hui.
Essentiel aussi le Venise, Musique et peinture du XIVe au XVIIIe siècle, publié par Opus 111 Muses, Livre et CD, qui met très
intelligemment en rapport ce qu’on voit sur les murs des églises et des palais ou sur les toiles
des musées avec des enregistrements musicaux. Il y a aussi tellement de représentations de
musiciens dans les oeuvres des grands peintres vénitiens !
On pourra voir aussi le livre plus difficile à trouver de Paolo
Fabbri, Musica nel Veneto, La Storia, Federico Motta Editore,
1998 (où est pris le détail ci-contre du tableau de Domenico
Mancini, Lendinara, 1511, Vergine con il Bambino e angelo con
liuto, p. 105). Voir ci-dessous un autre ange musicien de
Giovanni Bellini, dans la Pala Pesaro, dans la sacristie de
l’église des Frari. On voit aussi en bas un détail du tableau de
Antonio Visentini (1688-1782), Concerto in villa.
On n’oubliera pas que Venise fut un grand centre de l’imprimerie
et que l’une de ses originalités fut l’impression de partitions
musicales.
Alors on pourra se gaver de la musique des Gabrieli, de Claudio
Monteverdi, d’Antonio Cesti, de Giovanni Legrenzi, de
Benedetto Marcello, d’Antonio Vivaldi. Rossini, Donizetti, Bellini,
Verdi, produisirent leurs opéras à la Fenice ou au Théâtre San Moisè.
Richard Wagner, Chopin, Liszt, Stravinsky résidèrent à Venise. Et on
n’oubliera pas les modernes, Bruno Maderna, Gianfrancesco
Malipiero, Luigi Nono. Les noms de cette histoire sont
innombrables.
À titre d’illustration, lors d’un séjour à Venise, on pourra aller assister à
l’un des nombreux concerts toujours donnés dans la ville. Citons cet
itinéraire Vivaldi qui suit les principaux lieux où Vivaldi exerça :
A) Église Santa Maria della Pietà ; Vivaldi y fut embauché comme maître de violon en
1703, puis aussi maître de viole à l’anglaise ; il y revient de 1711- 1718. Il y intervint aussi
comme compositeur.
B) Basilica di San Marco
C) Église de Santa Maria dei Derelitti (Ospedaletto), de Longhena. D) Église de San
Lazzaro dei Mendicanti, projetée par Scamozzi.
1) Forni di San Martino, où vint travailler la grand-mère de Vivaldi, dont le père fut «
barbier » puis « musicien à la Cappella Marciana.
2) Église de San Martino, siège de la Scuola des « sonadori, cantori e compositori », dont
faisait partie le père de Vivaldi (Patronne : S. Cécile).
3) Église de San Giovanni in Bràgora, où habitait la mère de Vivaldi et où naquit et fut
baptisé le musicien.
4) Église de San Giovanni Novo, et Campo SS. Filippo e Giacomo, où Vivaldi fut
ordonné diacre en 1700 et prêtre en 1703. Il renonça très vite à dire des messes sous
prétexte de « mal de poitrine ». Vivaldi habita cette place de 1711 à 1722.
5) Maison de Vivaldi sur la Fondamenta del Dose, habitée par Vivaldi de 1722 à 1730
6) Maison de Vivaldi sur la Riva del Carbon, sa dernière habitation à partir de 1730. Il la quitta en 1740 pour Vienne où il mourut en
1741. Pour les concerts de chaque lieu, voir les agences de tourisme.
Aux églises étaient rattachés des « hôpitaux » (Instituts de charité et orphelinats) qui eurent un rôle musical important, car chacun avait
un choeur et un orchestre féminins formés par les orphelines hébergées. Seule la Chapelle ducale avait un orchestre de professionnels,
les orphelines n’étaient pas professionnelles, mais elles avaient une très bonne formation musicale, tellement que beaucoup de familles
nobles y envoyaient leurs filles.
Ajoutons enfin qu’il y a une tradition vénitienne de musique populaire dialectale, que Nanie Bridgman n’aborde pas, et qui vit
aujourd’hui de façon intense. Nous en avons vu un exemple avec Gualtiero Bertelli et avec le groupe Calicanto, un des nombreux à
rechercher et à chanter cette tradition ; il y en a beaucoup d’autres.
Comme dans toute l’Italie, on trouve en Vénétie et à Venise deux réalités complémentaires, la chanson
traditionnelle rurale et la chanson urbaine, elle-même composée de musique savante (opéra, musique
instrumentale) dont nous venons de parler et de chanson populaire, celle des artisans, commerçants,
ouvriers et petite bourgeoisie vénitienne. Cependant, à Venise comme à Naples, pour d’autres raisons, il n’y
a pas de séparation réelle entre la chanson d’auteur, savante, écrite sur des textes littéraires de poètes, et
la chanson populaire. Une première chose est commune aux deux traditions, le dialecte : l’une et l’autre
sont écrites en vénitien, et pas en italien. Une seconde raison vient du fait que, dans cette île, milieu
relativement fermé, la musique savante est jouée dans des lieux accessibles à tout le peuple, les églises et
les théâtres ; tous vivent dans les mêmes lieux, partagent les mêmes divertissements, participent au même
carnaval, écoutent la même musique. Enfin on peut faire l’hypothèse que le capitalisme marchand,
dominant à Venise jusqu’au début du XIXe siècle, connaissait des luttes de classes moins aigues que le capitalisme industriel qui s’était
développé à Florence (voir la révolte des Ciompi, les ouvriers de l’industrie textile, en 1378) ; ce n’est qu’à partir du XXe siècle, lorsque
des industriels commencent à développer des usines à Mestre et Marghera, que les luttes sociales s’aggravent, et s’expriment dans la
chanson vénitienne. Antérieurement, Barbiera a sans doute raison d’insister sur le caractère musical généralisé de Venise : « Pendant
longtemps, Venise fut la ville musicale par excellence. Musique dans ses nombreux Conservatoires, dirigés par des maîtres éminents ;
musique dans les théâtres, dans les oratoires, dans les églises, dans les palais, dans les rues, sur les canaux, pour toutes les fêtes, pour
toute occasion joyeuse. Dans les années de la décadence républicaine, la passion de la musique envahissait tout : la République
séculaire descendait vers sa ruine dans les gazouillements, les trilles, les violons». (Raffaello Barbiera, Venezia nel canto dei suoi poeti, Milano,
Treves, 1925, p. XXIX.)
.Il y a toujours à Venise un mode de communication et de collaboration entre la musique savante et la musique populaire.
On connaît un peu la nature et le contenu des chansons populaires par l’ouvrage publié en 1872 par D. G. Bernoni, Canti popolari
veneziani, Venezia, Tipografia Fontana-Ottolini, composé de douze livrets de textes de chansons dialectales, que souvent Luisa Ronchini
entendra encore chanter dans les années 1970.
Après la seconde guerre mondiale, la chanson populaire reprend vie sous d’autres aspects. Citons deux groupes importants, le
Canzoniere Popolare Veneto et Calicanto. Le premier groupe fut créé après la rencontre en 1964 de la céramiste et chanteuse Luisa
Ronchini (1933-2001).. (Parmi ses importantes publications, voir son livre (avec audiocassette jointe), « Sentime bona zente », Filippi Editore, 1990,
anthologie essentielle de chansons populaires vénitiennes qu’elle a recueillies dans les rues et sur les places).
et de Gualtiero Bertelli (né en 1944), auxquels se joignirent Tiziano Bertelli, Alberto d’Amico (né en 1943), Rosanna Trolese,
Renzo Bonometto et Linda Caorlin ; ils réalisèrent un remarquable spectacle sur Venise en 1968, « Tera e acqua », dont des extraits
se trouvent dans le disque « Addio Venezia, addio » ; ils se séparèrent en 1971, date à laquelle Bertelli fonde le Nuovo Canzoniere
Veneto, insistant plus sur la dimension socio-politique de Venise. À partir des années ’80, Gualtiero Bertelli écrivit de nouvelles chansons,
en dialecte ou en italien (« Barche de carta » en 1986) et publia deux disques de chansons d’émigrants. Il a aussi toujours fait de la
recherche des traditions populaires.
Le groupe Calicanto (photo ci-contre) se forme en 1981, sous l’impulsion de Roberto Tombesi, centré sur la recherche
ethnomusicologique dans tout le territoire de l’ancienne République de Venise. Il publie de nombreux disques, de chansons traditionnelles
et de chansons qu’ils écrivent selon la tradition poétique et musicale de la Vénétie. Le groupe est
invité dans le monde entier, et ses disques sont essentiels à la connaissance de la chanson
traditionnelle vénitienne (En particulier : Venexia, CNI, 1997 ; Labirintomare, Calicanto CNI, 2001 ; Isole
senza mar, Calicanto Cierre, 2005, l’anthologie 25 anni di Calicanto, Calicanto, 2006 ; Mosaico, Calicanto,
2011. Parmi ses importantes publications, voir son livre (avec audiocassette jointe), « Sentime bona zente »,
Filippi Editore, 1990, anthologie essentielle de chansons populaires vénitiennes qu’elle a recueillies dans les
rues et sur les places.)
Jean Guichard, texte revu le 18 août 2015
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