Histoire de la région Ombrie - 7° partie - Terni - Narni (suite)
4) Richesses particulières de l’Ombrie
L’Ombrie est une région particulièrement riche et offre une quantité de ressources que le visiteur appréciera à sa façon.
1)
Quelques « saints » ombriens.
On aura remarqué dans chaque ville la quantité d’églises, de couvents, d’édifices religieux, et l’importance des évêques et cardinaux dans la
construction des palais et dans l’urbanisme. C’est bien sûr la conséquence de la domination pontificale sur la région pendant des siècles. Mais
cela souligne aussi le fait que l’Ombrie a été le refuge des courants « hérétiques » qui voulaient réformer une Église devenue une puissance
temporelle et revenir à une plus grande fidélité au message christique.
C’est donc un phénomène historique important auquel il est utile de s’intéresser de façon « laïque », ou en tant que pèlerin croyant.
a) Un des premiers souvenirs religieux est l’adoration du saint Corporal. C’était en 1263 à Bolsena, près d’Orvieto, une période difficile de
guerres civiles, de doutes religieux, en particulier sur la présence réelle du Christ dans l’hostie et le vin consacrés par les prêtres, et il fallait pour
l’Église répondre à ces problèmes. Il faut se rappeler qu’en 1047, Bérenger, évêque de Tours (988-1088), avait montré que la présence du
Christ dans l’hostie était symbolique et non réelle ; il avait été condamné par plusieurs conciles, et en 1215, le Concile du Latran avait confirmé la
transsubstantiation qui devient dogme de foi ; mais il fallait bien en avoir confirmation par un miracle. C’est alors qu’un prêtre de Prague, qui était
rempli de doutes, se rendit à Rome pour visiter les tombeaux de Pierre et de Paul pour dissiper ses
inquiétudes ; arrivé à Bolsena, il célébra la messe, et après la Consécration, il vit l’hostie devenir
une chair vivante d’où s’écoulait goutte à goutte du sang qui trempa le corporal (linge de lin blanc
représentant le Suaire du Christ, étendu pendant la messe sur l’autel sous le calice pour recueillir
les fragments de l’hostie) et les dalles de l’église. C’est alors que le pape Urbain IV, qui résidait à
Orvieto fit examiner le fait par Thomas d’Aquin (qui avait fixé le dogme de la présence réelle du
Christ dans l’hostie, conception niée par l’atomisme de Galilée, une des raisons pour lesquelles il fut
condamné par les Jésuites) et Bonaventure qui confirmèrent le miracle, et institua la Fête du Très
Saint Sacrement, toujours célébrée aujourd’hui le jeudi de la semaine après la Pentecôte ; les dalles
tachées de sang et le Corporal sont enchâssées dans la chapelle du Corporal de la cathédrale
d’Orvieto (Cf. ci-dessus à droite l’ostensoir). Partisan de Thomas d’Aquin et d’Aristote, ou partisan
de Galilée et de Bérenger de Tours ? Chacun analysera le fait comme il veut, mais on ne peut nier
l’importance historique actuelle de ces discussions. D’ailleurs l’Église catholique reconnaît aujourd’hui, (alors que les « miracles » se font
très rares) que seule la Résurrection du Christ est article de foi, et on peut être béatifié sans avoir fait de miracles.
b) Un autre phénomène religieux de l’Ombrie est sans doute François d’Assise. En suivant les lieux franciscain, vous pouvez
parcourir toute l’Ombrie, de La Verna (au sud de la Toscane) et Montecasale au nord à Narni au sud (Voir notre dossier su Assise, et
toutes les villes d’Ombrie).
c) Nous avons rencontré aussi à Norcia un autre saint important, Benoît (480-543). C’est le fondateur de l’ordre des Bénédictins,
source principale du monachisme européen. C’était le fils d’une famille noble
romaine de Norcia, élevé par un esclave très instruit. Il part à Rome en 495, mais le
désordre et l’immoralité de la ville le dégoûtent, il part avec sa sœur jumelle
Scolastica, et initie sa vie érémitique à Subiaco, puis peu à peu, suivi par de
nombreux disciples, il commence à fonder des monastères, pour arriver à celui du Mont Cassin. Sa Règle devient un fondement
de toute la vie monastique de l’Occident. Vous pouvez voir le plus grand cycle de fresques sur la vie de Benoît à l’abbaye
bénédictine de Monte Oliveto Maggiore (Toscane - C’est la maison-mère de l’ordre des Olivétains), réalisées par Sodoma et
Luca Signorelli de 1497 à 1505. Benoît est le saint patron de l’Europe.
d) Un autre saint moins connu mais célèbre en Ombrie, réformateur de l’ordre bénédictin et fondateur de la
branche autonome des Camaldules, Saint Romuald. Il était fils d’une famille noble de Ravenne, et hostile à la
brutalité de son père, il va vivre une vie d’ermite à Ravenne, en Catalogne, puis en Italie où il fonde l’abbaye de
Sitria dans l’est de l’Ombrie, celle de Montecorona près d’Umbertide et plusieurs autres.
e) Parmi les rebelles à l’ordre pontifical, citons Jacopone da Todi (1230/1236 ?-1306), Jacopo de
Benedictis, fils d’une famille noble de Todi, devenu docteur en droit civil après ses études à Bologne. Il se marie à
Todi en 1267 et après la mort accidentelle de son épouse en 1268, après laquelle on trouve un cilice sur son corps,
il change de vie et commence une errance de pénitent du Tiers-Ordre franciscain, il est alors surnommé Jacopone
(le gros Jacques). Il choisit aussitôt le courant spirituel des « fraticelli » qui s’opposait aux « conventuels » partisans d’une application plus modérée de la règle de
François, et il soutint le pape ermite Célestin V durant son bref règne, parce qu’il avait reconnu les Spirituels, mais le nouveau pape Boniface VIII, élu en 1294,
excommunie les Spirituels et donc Jacopone qui fut emprisonné et libéré seulement en 1303 par le pape suivant Benoît XI. Il fut plus tard béatifié. Son œuvre est éditée
sous le titre de Laude. Voir ci-contre son portrait par Paolo Uccello (1346, Prato)
f) L’Ombrie est riche aussi de femmes mystiques. Rappelons-en quelques-unes :
* Commençons par Scolastica (480-547), la sœur jumelle de Benoît, dont on sait peu de choses et dont on ne parle
généralement que par rapport à Benoît. Elle fit ses études avec lui à Rome, suivit ensuite son frère à Subiaco, forma pourtant une
communauté féminine près de Montecassino, à l’origine de la branche féminine de l’ordre bénédictin. Les moines se disputèrent
beaucoup pour disposer de ses reliques qui seront finalement transférées au Mans en France, mais une partie de ses ossements
sont sans doute ailleurs. Elle fut sanctifiée. (Voir ci-contre le Monastère de Scolastica à Subiaco, près de Rome, et à droite sa
statue).
* On peut évoquer ensuite Claire d’Assise (1193-1253), la disciple de François d’Assise. Fille du comte Favarona di
Offreduccio degli Scili, un des nobles les plus riches d’Assise, elle fut initiée à la charité et aux pèlerinages par sa mère. Elle était
cousine de Ruffin, un des premiers disciples de François, et c’est probablement par lui qu’elle entendit parler de François. Sans
autorisation de sa famille, raconte la légende, elle s’enfuit à Santa Maria della Porziuncola vers les frères franciscains qui lui coupent les
cheveux, puis elle part à San Damiano, bientôt rejointe par sa petite sœur Agnès à qui on coupe aussi les cheveux, signe de passage à l’état de pénitente.
Toutes deux résistent à des tentatives d’enlèvement par leur famille. Le pape accepte bientôt de reconnaître la possibilité de créer un ordre de religieuses
cloîtrées, même n’ayant pas la dot jusqu’alors exigée, mais l’idéal de pauvreté de Claire était opposé à cette coupure avec le monde et à l’obligation que tenta
de lui imposer le pape d’avoir des biens. Claire obtint enfin ce qu’elle voulait pour San Damiano.
Claire eut aussi une longue correspondance et amitié avec Agnès de Bohême (1211-1282), fille du roi de Bohême, qui devint elle-même clarisse et fut
béatifiée en 1874, parce qu’elle était l’objet d’une grande dévotion populaire.
Claire écrivit elle-même la règle des clarisses. Mais en 1288, le pape Nicolas IV, premier pape d’origine franciscaine, obligea les religieuses à abandonner leur
« privilège de pauvreté » pourtant fondamental pour Claire, autre trahison pontificale de l’idéal franciscain.
Sur Claire, lire le livre de Chiara Frugoni, Storia di Chiara e Francesco, Einaudi, 2011, et le très beau texte de Joseph Delteil.
* Une autre sainte ombrienne du même nom est Chiara di Montefalco (1268-1308), canonisée en 1881 par Léon XIII, ancien évêque de Perugia. Ses
frère et sœur avaient fondé à Montefalco un hospice pour femmes où elle voulut entrer dès l’âge de 6 ans. Malgré l’opposition d’autres communautés
religieuses qui considéraient que c’était une concurrence pour les aumônes, sa sœur obtint de l’évêque la transformation en monastère qui adopta la règle de
saint Augustin et dont Chiara devint abbesse après la mort de sa sœur en 1291. C’est là qu’elle fut ensevelie après sa mort en 1308 ; les légistes dirent avoir
trouvé dans son cœur un crucifix, un fléau et trois globes d’égale grandeur, symboles de la Trinité. Sa fête est célébrée le 17 août à Montefalco. Voir la
fresque du XIVe siècle ci-contre où le Christ plonge sa croix dans le cœur de sainte Claire.
* Beaucoup de ces saintes furent des franciscaines comme Angela da Foligno (1248-1309), canonisée par le pape François en 2013, mais vénérée
depuis longtemps par la piété populaire : née dans une famille noble de Foligno, mariée et mère de famille, elle eut une apparition de saint François après la
mort de son mari et de ses enfants en 1285, et devint tertiaire dans le Tiers-Ordre franciscain ; adepte de la
pauvreté absolue, elle abandonna tous ses biens et se consacra aux soins des pauvres et des malades, écrivant
de nombreux textes qui restent parmi les témoignages de la descendance spirituelle de François. Elle fut une
théologienne très influente sur plusieurs Spirituels franciscains, en particulier Ubertino da Casale.
* Autre sainte d’Ombrie, Rita da Cascia (1378-1457), elle aussi mariée à un noble gibelin violent et mère de famille, après sa mort,
elle entra dans le monastère augustinien de Cascia. Selon la légende, elle fit refleurir une vigne desséchée et reçut une épine de la
couronne du Christ, toutes choses irréalisables et elle devint la sainte des choses impossibles, une des plus vénérées par les Italiens.
* Une autre franciscaine est Angelina da Marsciano ou da Montegiove (1357-1435), béatifiée par Léon XII en
1825, fondatrice du Tiers-Ordre franciscain Régulier.
* la bienheureuse Lucia di Broccadelli (1476-1544), de Narni. Bien qu’ayant fait vœu de virginité, on l’obligea à
se marier avec un jeune noble dont elle se sépara au bout de 5 ans. Son mari devint frère franciscain, et elle prit
l’habit du Tiers-Ordre de saint Dominique. Elle reçoit les Stigmates, puis fonde un monastère à Ferrare où elle devint
conseillère du duc de la ville. Elle meurt à Ferrare où son corps est exposé sur l’autel de saint Laurent dans la cathédrale.
* De Città di Castello, citons d’abord Margherita della Metola (1287-1320), fille de paysans (ou de nobles ?) pauvres, née aveugle et atteinte de difformités
des épaules, elle fut abandonnée par ses parents dans le monastère de Sainte Marguerite, qui se débarrassa d’elle parce qu’elle critiquait la vie trop légère des
religieuses en la confiant à une famille qu’elle émerveilla par sa connaissance de la doctrine chrétienne (alors qu’elle n’avait jamais fait d’études) et sa gentillesse.
Elle devint tertiaire de l’ordre dominicain à 14 ans et surprit tous les théologiens par sa sagesse doctrinale, en particulier Ubertino da Casale, le leader du mouvement spirituel
franciscain. Elle devint célèbre par ses nombreux miracles, et on conserve encore deux ampoules d’une huile qui aurait coulé de son corps après sa mort. On aurait aussi trouvé dans
son cœur les trois globes déjà vus dans celui de Chiara di Montefalco.
Toujours de Città di Castello fut Veronica (Orsola) Giuliani (1660-1727). Selon la légende, elle commence à marcher à 5 mois pour aller adorer un tableau de la Sainte Trinité, et elle
eut des visions à partir de deux ans. Dès six ans, elle se mortifie quotidiennement, mettant une main dans le feu sans pleurer, se flagellant, marchant sur les genoux. Elle écrit son
Diario (journal intime) à partir de 1696 pour raconter sa vie mystique ; elle aurait reçu les stigmates et dans son cœur se seraient imprimés les signes de la Passion du Christ que le
légiste dit avoir retrouvés lors de son autopsie. Elle fut canonisée en 1839 et elle reste vénérée à Città di Castello. Lire le récit du médecin dans Marisa Borchiellini, Veronica Giuliani,
La fiamma dell’amore, Edimond, Città di Castello, 1999, et voir ci-dessus, tirée de ce livre , la gravure qui montre son cœur après l’autopsie.
On pourrait citer d’autres saints d’Ombrie sans oublier saint Valentin, martyr, peut-être évêque de Terni, devenu le patron des amoureux.
2) La gastronomie ombrienne.
Profitez aussi de la cuisine ombrienne, sa qualité, sa diversité, mais aussi ses prix modérés. C’est resté une cuisine de tradition paysanne, qui a su se moderniser. L’Ombrie est une
région surtout de collines et de montagnes, mais c’est aussi une région très riche en eaux où l’agriculture, activité essentielle, s’est développée
facilement depuis des siècles. La cuisine ombrienne est naturelle, utilisant ses produits, selon la saison.
On ne connaît souvent à l’étranger que les « Baci Perugina », les petits chocolats farcis de gianduia et de noisettes travaillés à Perugia depuis 1922.
La société, la Perugina-Cioccolato e Confetture, administrée d’abord par Buitoni puis intégrée dans le groupe Nestlé depuis 1988. La fondatrice du «
Bacio » est Luisa Spagnoli, épouse de Giovanni Buitoni, qui décide d’exploiter en même temps la laine des lapins angora ; elle était aussi une
entrepreneuse qui se préoccupait du bien-être de ses salariés (crèches, salles d’allaitement, etc.), et elle mourra à
Paris en 1935 (avait-elle émigré par hostilité au fascisme ?. L’Ombrie sait aussi mélanger sa cuisine paysanne
traditionnelle avec du chocolat, elle prépare par exemple des spaghettis au chocolat.
L’Ombrie a une autre spécialité, la truffe, blanche à Gubbio ou Orvieto, noire à Norcia et Spoleto. Connue depuis l’Antiquité romaine, elle ne se
valorise vraiment qu’à une date plus récente : une vieille italienne d’un village près de Città di Castello, maintenant décédée, nous disait : « Au début
du XXe siècle, nous à la campagne, on mangeait les truffes comme des patates ». Maintenant la truffe d’Ombrie est exportée dans le monde entier,
une foire de Norcia fixe les prix de la truffe noire (de 350 à 800 euros le kg), une autre de Città di Castello ceux de la truffe blanche (de 3.000 à
4.000 euros le kg). Dans plusieurs villes comme Gubbio, il est possible d’acheter des préparations à la truffe d’un parfum exceptionnel, et beaucoup
de restaurants préparent tous les plats d’un repas avec de la truffe, les « crostini », la viande, le gibier, les pâtes, les œufs, le dessert.
Parmi les légumes, on trouve les lentilles, comme à Castelluccio qui produit les plus appréciées d’Italie à 1400 mètres d’altitude, lentilles vertes,
savoureuses, vite cuites et cultivées sans aucun produit antiparasites (leurs graines ne sont pas attaquées par le charançon). On les préparait souvent avec de l’épeautre, cultivé
écologiquement et moulu depuis des siècles, et des oignons ou des tomates, cultivés dans la région. On cultive aussi les pommes de terre rouges, les gesses (la cicerchia), sorte
de pois chiches que l’on cuisait avec la couenne près du lac Trasimène. On trouve aussi le gobbo (le cardon), les poivrons, et on consomme les herbes sauvages bouillies pour
accompagner la viande. On fait la Bandiera avec des poivrons verts, des oignons blancs et des tomates rouges, les trois couleurs du drapeau italien.
Les pâtes sont préparées de plusieurs façons différentes : on se régalait à la veille de Noël de gnocchis avec une sauce de noix et de
chocolat, on fabriquait les « spaghettoni » avec une grande diversité de condiments, et on les appelle ciriole (macaronis courts sans œufs
de farine de blé moulue à la main) à Terni, bigoli à Gubbio, bringoli à Lisciano, umbricelli à Orvieto ou Perugia, strozzapreti à Todi,
vincisgrassi (du nom d’un général autrichien d’occupation à l’époque napoléonienne) à Foligno, strangozzi (Cf. image ci-jointe) à Spoleto
où ils sont fins comme des lacets de souliers (la stringa - Voir à gauche), strascinati, petite feuille de pâte travaillée à la main, ntrelocchi
… Les paysans se préparaient l’acqua cotta, une soupe composée des légumes de saison cuits avec du pane sciocco, le pain sans sel
du centre de l’Italie, et de l’huile d’olive.
Voilà un autre produit ombrien, l’olive : le relief et le climat ont favorisé la culture de l’olivier depuis l’antiquité. L’huile ombrienne a plusieurs variétés avec 5 origines
géographiques différentes (huiles DOP = Denominazione di Origine Protetta). L’huile extra-vierge est préparée dans de nombreux pressoirs (il frantoio). Elle accompagne la plupart des
plats de la cuisine ombrienne, en particulier ces entrées qui s’appellent la bruschetta, des tranches de pain grillé sur la braise, frotté avec de l’ail et arrosé d’huile d’olive, le crostino,
tranche de pain grillé couverte d’une pâte de foie de poulet quelquefois garni de truffes d’anchois ou de champignons, ou la panzanella (panmollo) qui sert parfois de plat unique,
tranche de pain (parfois trempé dans l’eau, émietté et ajouté aux autres ingrédients) couvert d’oignon rouge, basilic, huile d’olive : plats pauvres mais savoureux. Il y a un Musée de la
Civilisation de l’Olivier à Trevi, et un Musée de l’Olivier et de l’Huile à Torgiano.
Une autre caractéristique de la cuisine ombrienne est l’utilisation de la viande de porc (il maiale) ou d’autres animaux. Signalons en particulier le gibier :
l’Ombrie est une région de chasseurs, qui préparent entre autres les pigeons sauvages (la palomba) qui fournissent les plats de Piccione ripieno, de
Palombaccio ou de Piccione alla ghiotta (= la gloutonne), où la viande cuite est arrosée d’une sauce préparée avec du jambon de campagne, des
aromates, de l’ail et les abattis de la palombe cuits sur un feu de bois.
On trouve aussi des faisans (il fagiano), des escargots (la lumaca), et des grenouilles (la granocchia, la rana) et on élève les oies que l’on fait rôtir ; avec
les poulets, on prépare la Galantina, poulet désossé, vidé, dont on remplit la peau de viande hachée, d’œufs, de noix muscade, de pistaches. On élève
aussi les pintades.
Mais le plus caractéristique est le porc. Mangez de la Porchetta (cf. photo de droite) : le porcelet est rôti après qu’il ait été rempli de fenouil (il finocchio) et
d’herbes aromatiques, puis coupé en tranches, et mis dans un petit pain (panino), souvent vendu par des marchands
ambulants dans les concerts, fêtes, marchés. Mais on fabrique aussi de nombreuses formes de saucisses (la salsiccia) que
l’on mange souvent avec des lentilles, saucisses de porc ou de sanglier (il cinghiale) faites avec la viande des diverses
parties de l’animal, le Barbozzo (avec la joue de porc), le Capocollo (avec les muscles du dos), le Ciauscolo (avec l’épaule, le
jambon, le lard) que l’on mange sur du pain grillé, le Mazzafegati (avec le foie, des raisins secs, des pignons, de l’écorce d’orange et du sucre), le
Lombetto (avec les longes). Ajoutons l’arvoltolo, beignet chaud salé ou sucré.
L’art de la charcuterie se pratique surtout à Norcia ou à Spello. « Norcino », le nom de l’habitant de Norcia, est devenu l’équivalent de « charcutier ». Ils
furent tellement habiles dans le découpage des viandes et les opérations de castration des porcs qu’ils donnèrent naissance à Preci (Prov. de Perugia) à
une école célèbre de chirurgie expérimentale de la fin du Moyen-Âge au XVIe siècle, développée dans l’abbaye bénédictine de Sant’Eutizio (Ci-contre à
gauche). Mais, les moines n’ayant pas le droit d’exercer la chirurgie, ils transmirent leur savoir aux artisans de cette région riche en spécialistes de
charcuterie.
Le porc est aussi à l’origine de « l’intocco », pour lequel on découpe et fait bouillir les tripes, les oreilles, la queue et les pieds du porc, puis on les met
dans une casserole placée sous la broche de la porchetta et dans laquelle coule alors la graisse du porcelet.
L’Ombrie a, comme toutes les autres régions, ses formes particulières de pain. Citons par exemple sa Torta al testo, une sorte de fougasse, préparée
dans toute la région de diverses façons, cuite sur une plaque autrefois de gravier de fleuve, aujourd’hui de fonte ; elle
est souvent farcie, comme sur l’image ci-contre. On trouve aussi à Todi le pan nociato, pain aux noix avec des
raisins secs et du pecorino, le pan pepato, sorte de pain d’épices de Noël avec des noix, des amandes, des raisins
secs, des noisettes et des fruits confits.
N’oublions pas les fromages de la région, le pecorino, avec du lait de brebis, ou le caciotta, avec du lait de vache, le
ravigiolo à pâte blanche et qui ne fait pas de croûte, la scamorza, la ricotta, le provolone, etc.
À côté du pain, les Ombriens fabriquent de nombreux gâteaux, eux aussi à partir de leurs produits locaux, comme les gâteaux aux
châtaignes cultivées sur les collines : le castagnaccio (Ci-contre à gauche), le tartufo di marrone et les pinoccate. Le premier est
à base de farine de châtaigne et enrichi de raisins secs, de pignons, de noix et de romarin. Les pinoccate (ci-contre à droite) sont à
base de pignons et d’écorces de citrons et de vanille. On en trouve en Ombrie des centaines d’autres, la castagnola, les strufoli,
beignets recouverts de miel, la cicerchiata, les frittelle di San Giuseppe préparées avec de la mie de pain et du riz frits dans l’huile,
etc. (cherchez-en d’autres en tapant sur Internet « cucina umbra »)
Enfin pensez à arroser vos repas de quelque bon vin dont l’Ombrie offre un grand choix de qualité que les Romains connaissaient déjà
bien : vin blanc d’Orvieto, vin blanc et rouge de Torgiano, les Colli del Trasimeno, les Colli altoriberici, les Colli perugini, les vins de Montefalco. Il y a un
Musée du vin à Torgiano (Ci-contre un pressoir).
L’Ombrie est une région de grande gastronomie populaire. C’est un des aspects de la civilisation ombrienne.
Beaucoup d’autres aspects de l’Ombrie devraient être soulignés. D’abord l’artisanat, encore florissant, la céramique d’Orvieto, de Gubbio ou de Deruta
(voir le Musée de la Céramique ombrienne à Deruta), les tissus de Perugia ou de Città di Castello, l’art du bois et du fer forgé (ferro battuto).
Vous avez noté dans les différentes villes l’importance des tours et des châteaux, héritage de l’histoire. Pour en avoir une idée plus complète, consultez :
mondimedievali.net/castelli, qui en compte et décrit 375.
Et en allant d’un village à un autre, d’un musée à un autre, d’un artisan de la céramique à un fabricant de nappes, d’un agriturismo à un autre, d’une fête à l’autre, vous apprécierez la
douceur des paysages ombriens, et chacun fera sa propre découverte de tout ce que nous avons oublié.
Jean Guichard, 17 décembre 2018
Collines vers Castelluccio