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Histoire de la région Emilie-Romagne (suite)
VI.- XIXe et XXe siècles : croissance agricole, industrie, tourisme, urbanisation.   1) Durant la période napoléonienne, la formation d'une nouvelle bourgeoisie est stimulée par la vente des biens domaniaux, les fournitures militaires, les spéculations commerciales ; les classes montantes sont donc une bourgeoisie terrienne et une bourgeoisie marchande et de profession libérale : activités administratives, judiciaires, artistiques, universitaires (l'Université de Bologne reste une des plus grandes d'Italie). La crise qui suit le retour de l'administration pontificale de 1815 à 1860 favorise le développement de la grande propriété foncière, déjà de type capitaliste, et des ouvriers agricoles (« braccianti » = ceux quui n’ont que leurs bras) dont le nombre dépasse en 1845 celui des métayers. L'agriculture continue à être la base de l'économie émilienne (plus de 60% de la population active). 2) En 1846-1848, l'Emilie est une des centres des révoltes qui conduiront à l'Unité italienne en 1859-1861 ; des mouvements comme la « Società agraria » et les  « carbonari » préparent des plans d'insurrection (Ciro Menotti (1798-1831) à Modène et révolte de Bologne en 1831. Voir son monument par Cesare Sighinolfi à Modena, 1879) ; plus tard se forme la « Giovane Italia » de Mazzini (1805-1872. Voir son portrait de 1849), le « Covo degli Apofasimeni » de Filippo Buonarroti (révolte de Bologne contre les troupes autrichiennes en 1843 puis révolution de 1848, insurrection antipontificale et antiautrichienne de 1859 et plébiscite d'annexion à la nouvelle Italie unifiée le 14 mars 1860). Mais, malgré le développement du réseau ferroviaire et le passage de marchés locaux protégés à un grand marché national, il faut attendre le début du XXè siècle pour voir se transformer l'Emilie. Les structures démographiques (taux élevé de natalité et de mortalité, donc population à croissance lente) et socio-économiques  changent peu : on parle de « croissance sans développement ». L'Emilie prend du retard par rapport à la Lombardie, à la Ligurie et au Piémont : moindres ressources hydrauliques de l'Apennin par rapport aux Alpes, éloignement des ports, inconvénients qui ne seront compensés qu'après 1950 par l'utilisation des hydrocarbures et par le développement du port de Ravenne. Par contre, les courants de pensée du « Risorgimento » resurgissent après    l'Unité : dans la nouvelle Italie monarchiste,  Bologne devient une forteresse républicaine (Giosuè Carducci, 1835-1907, perd sa chaire à l'Université pour activités antimonarchiques. Son portrait à gauche) ; la « Società operaia » de Tito Livio Zambeccari (1802-1862. Son portrait à droite) voit le jour à Bologne en 1860 ; c'est à Bologne qu'est élu, en 1882, le premier député socialiste, Andrea Costa (1851-1910- Portrait ci- contre à gauche), et c'est là qu'est fondé le Parti Ouvrier en 1884 ; en 1914, Bologne élit le premier maire socialiste de l'histoire italienne.  La récession qui suit l'essor dû à la production militaire lors de la première guerre mondiale, fournit en Emilie une base au courant le plus violent du fascisme (Leandro Arpinati, 1892-1945). L'Emilie devient, pendant l'occupation allemande de septembre 1943  au 21 avril 1945 un des centres de la Résistance antifasciste et reste après la Libération une région ancrée à gauche : Giuseppe Dozza (1901-1974 - Son portrait à droite), premier d'une longue série de maires communistes, fait de Bologne un laboratoire politique qui constituera dans les années 70 un « modèle émilien » du communisme occidental, ouvert au dialogue avec toutes les forces dynamiques de la région, dont les catholiques (le cardinal Lercaro, 1891-1976). La violence du fascisme appela pourtant après la Libération, entre 1943 et 1949, une réaction violente des partisans antifascistes qui éliminèrent plusieurs centaines de personnes, qui ne furent pas toujours fascistes. 3) Le  XXè siècle est marqué par l'augmentation de la production agricole, le développement d'une grande industrie moderne, la croissance du tourisme sur la côte romagnole ; cette modernisation se traduit par un élargissement du secteur tertiaire (administration, instruction, santé, transports, commerce, crédit) et un taux d'urbanisation croissant, qui passe de 30% en 1901 à 31,6% en 1921 et à 37,5% en 1951. La démographie évolue vers des taux de basse natalité (en-dessous de 30 pour 1000 pour la première fois en 1922 et, malgré la propagande nataliste fasciste, à 22 pour 1000 en 1930, 20 en 1936) et de basse mortalité ; après 1975 le nombre de naissances descend au-dessous du nombre de morts et, malgré l'immigration venue d'autres régions d'Italie et de l'étranger, la population tend à diminuer. La seconde guerre mondiale, les grandes luttes politiques de la fin du fascisme et de la période 1946-1953, le nouveau contexte international (plan Marshall, puis CEE en 1957) suscitent une accélération du développement économique. La population agricole passe de 52% de la population active en 1952 à 34% en 1961, à 11% en 1988 ; le monde agricole traditionnel disparaît au profit d'une agriculture à haute productivité, liée en amont aux productions chimiques et mécaniques et en aval à une très active industrie agro-alimentaire. L'Emilie est la première région italienne pour la production agricole. La région est maintenant confrontée aux contradictions de ce développement : l' écologie exige que l'on garde intactes les zones humides que l'on tendait à assécher ; les extractions de méthane et d'eau ont contribué à accélérer l'abaissement du sol aggravé par l'accumulation des constructions urbaines et littorales ; il faut préserver les plages de l'érosion, lutter contre la prolifération des algues dues aux déchets industriels, essayer de mieux contrôler une croissance vivace mais désordonnée. Pour plus de détails sur l’Émilie-Romagne, voir : Touring Cub Italiano e Biblioteca di Repubblica Guida rossa Emilia Romagne, Milano, Touring Editore, 2005 ANNEXES 1) LA CIVILISATION VILLANOVIENNE (Musée archéologique de Bologne - Ci-contre la cour du Musée) Le village de Villanova, près de Bologne, a donné son nom a la civilisation dite de Villanova ou villanovienne que l'on situe entre la fin de l'Âge du Bronze et le début de l'Âge du Fer. En 1853, on y découvre un cimetière caractéristique avec des urnes à deux étages : ce cimetière relève de la civilisation dite des champs d'urnes dont l'origine se situerait au nord de l'Europe. Ainsi, on localise les villages de la civilisation villanovienne dans la zone centre-nord ( où s'étendra plus tard la civilisation Étrusque ) mais aussi en Italie du sud où elle fut très florissante. Les archéologues distinguent deux phases importantes : - la phase dite protovillanovienne de la fin des XI e  et X e  siècles marquée par la rupture avec la culture Apenninique précédente, avec comme caractéristiques la stabilisation des habitats, la prévalence de l'agriculture sur l'élevage et l'adoption du rite funéraire de l'incinération ; - la phase villanovienne en continuité avec la précédente au IX e  siècle ; l'expansion des communautés semble alors une véritable colonisation des zones les plus riches de la péninsule. Ce phénomène a pour épicentres principaux les zones des futures cités de Véies et Tarquinia. Son rayonnement atteint au nord la région Padane (zone de Bologne), la Romagne (zone de Verucchio) et les Marches (zone de Fermo). Au sud il se diffuse en Campanie  (zone de Capoue), dans la région de Sorrente et de Pontecagnano. Au VIII e  siècle, on assiste a la naissance d'une aristocratie, déjà patronne des mers qui augmente son pouvoir par la multiplication des échanges avec l'Orient méditerranéen et devient la protagoniste de la création des citées. L'art villanovien reflète ce dynamisme: au départ, il est illustré par un petit nombre de produits de l'artisanat tels les ossuaires biconiques  puis il se diversifie et se transforme à mesure que les techniques évoluent. En Italie du Nord (Bologne, plaine du Pô), les céramiques présentent de profondes cannelures, des sillons, des bouches greffées et comme en saillie hors du récipient (forme qui rappelle l'Europe centrale) puis petit à petit, les productions se combinent avec les élément de métal  comme les casques en plaques de bronze qui remplacent le casque ou l'écuelle de céramique qui couvrent généralement l'urne cinéraire en forme de double tronc de cône. Avec ces urnes surmontées du casque, le villanovien affirme ses origines de paysan combattant ; ainsi le défunt est présenté non en tant qu'individu mais en tant que représentant d'une classe sociale déterminée. La décoration  appartient encore au niveau statique : ligne, cercle, point avec une préférence pour les ensembles aux méandres ou (dans les exemples plus tardifs) pour les éléments séparés les uns des autres et réunis en forme de carré avec au centre une svastika (symbole religieux en forme de croix aux branches coudées orientées vers la gauche). Plus tard, les systèmes géométriques villanoviens sont abandonnés pour les canons géométriques grecs ; le changement est déterminé par l'installation en Etrurie d'artisans Eubéens (Eubée, île de la mer Egée) originaires de Cumes qui implantent des ateliers sur les territoires de Véies, Tarquinia et Vulci, introduisant la technologie de la céramique tournée  à pâte claire et dépurée. La production villanovienne est ainsi surtout constituée d'objets en tôle décorés au repoussé  (casque, bouclier, récipient, trône) qui cèdent peu à peu la place aux bronzes orientaux et orientalisants en Étrurie du Sud mais se prolongent tard au Nord ; la période orientalisante se caractérise encore par la naissance d'une culture figurative locale Parmi les premières apparitions de figures humaines, on peut noter le couvercle d'un ossuaire de la nécropole de Pontecagnano (Salerne). Dans le Latium, le villanovien prendra des formes diverses du fait de la préférence donnée aux urnes cabanes au détriment des urnes biconiques surmontées de l'écuelle ou du casque. Enfin, Tarquinia est dans la troisième phase du villanovien ( vers 650 av. JC ) le centre urbain le plus important et celui qui se développera le plus rapidement et régulièrement pour laisser apparaître la civilisation étrusque.                                                                                                                    Véronique Genestier 2) LES ETRUSQUES DANS LA PLAINE DU PO La civilisation étrusque en Emilie est trop peu connue. Quand on parle de cette civilisation, on pense à la Toscane, à l’Ombrie principalement mais peu à l’Emilie. Pourtant, les Etrusques arrivent très tôt dans cette région et l’Etrurie padane apparaît riche et très organisée. 1) Apparition de la civilisation En 800 av. J.C., une civilisation inconnue s’implante à proximité de Bologne tout en restant à l’état embryonnaire. Les premiers témoignages d’une culture et d’une  civilisation développée émergent vers 750 av. J.C. au milieu des vestiges de la civilisation Villanovienne. La question sur leur provenance est donc ouverte : les Étrusques sont-ils nés des Villanoviens ? Pourtant, l’influence asiatique de l’art étrusque ou de leur religion peut faire penser à une provenance orientale. Les théories sur l’origine des Etrusques sont nombreuses et différentes, mais le premier véritable changement par rapport aux autres civilisations réside dans le culte des morts : - incinération inspirée des Villanoviens (cendres des morts déposées dans des urnes cinéraires) - inhumation dans des nécropoles de grandes dimensions (architecture funéraire monumentale). 2) Organisation de la civilisation 2.1 Economie Elle est basée sur l’agriculture. Au début de leur apparition, les Étrusques habitaient en petits groupes autosuffisants ; ils cultivaient la terre et vivaient d’un modeste élevage et de leur artisanat (céramique, tissage). Ensuite, à partir du Ve siècle av. J.C., la grande expansion des Étrusques commence grâce à une agriculture de plus en plus riche. Leurs établissements se trouvent à proximité des cours d’eau où ils ont construit de véritables petites fermes avec des entrepôts pour la nourriture et des abris pour les animaux. La grande activité agricole de la plaine du Pô est liée au développement économique d’Athènes. Ce fut une grande période d’échanges entre l’Étrurie Padane et la Grèce ; ils se manifestent dans l’influence grecque sur l’art étrusque (formes figuratives de la peinture, amphores. Cf. amphore étrusque pour le vin). Les Étrusques ont aussi fait du commerce avec l’Europe centrale en Autriche, France, Hongrie, Suisse, Allemagne, Pologne et Suède ; ils exportaient du bronze, de la céramique  et également du vin (Chianti) qui concurrençait la bière celte : les guerriers aimaient beaucoup le vin étrusque et ils furent de très bons clients et comme les Étrusques étaient des hommes doués pour la vente et le commerce, ils savaient proposer avec leur vin des produits annexes pour la conservation de la boisson et pour le service (vases, coupes...). Pour leur commerce vers l’étranger, ils avaient établi des villes à des endroits stratégiques (cf. ci-contre  carte Etruria padana IV - V  secolo a.c.) : Mantoue, Spina et Marzabotto. La métallurgie était également un des points forts des Etrusques. Ils confectionnaient des armes, des canalisations et de magnifiques bijoux (granulation. Cf. ci-dessus une fibule ornée d’anilaux fantastiques). En grands navigateurs qu’ils furent, ils inventèrent l’ancre. Tous leurs travaux seront ensuite repris par les Romains. On trouve une autre création originale chez les Étrusques qui est celle de la mode des chaussures confectionnées à Bologne (et également à Florence). Il s’agissait d’élégantes petites sandales lacées autour de la cheville par des petites bandes d’or ou d’argent très en vogue à Athènes (on les retrouve aussi sur de nombreuses sculptures grecques). L’importante production agricole alliée aux exportations est à l’origine de l’intense développement de la vallée du Po’. 2.2 - L’urbanisme La région se développe autour d’un chef lieu (Felsina, actuelle Bologne) et sur une série de centres principaux avec chacun une fonction différente: - Spina, port de commerce vers la Grèce - Marzabotto vers la Toscane et le sud de l’Italie - Mantoue vers le nord du Po’ et l’Europe. Marzabotto et Spina sont donc deux sites importants où l’on peut voir les anciennes constructions étrusques : - cardo, axe principal est-ouest - decumanus, axe principal nord-sud - canalisations pour la distribution et l’épuration des eaux. Tout ceci sera repris par les Romains. Voir : Sassatelli Giuseppe, La situazione  in Etruria padana. In : Crise et transformation des société archaïques de l’Italie antique au Ve siècle av.J.C.. Actes de la table ronde de Rome (19-21 novembre 1987). Rome : École Française de Rome, 1990, Publication 137. 2.3 - La religion Elle est proche de la religion grecque, à savoir polythéiste. Les Étrusques croyaient beaucoup à la vie après la mort et leur art est fondé sur la religion et le culte funéraire ; les grandes nécropoles sont les vestiges les plus importants de cette civilisation. Les funérailles étaient des occasions de fête, banquets, danses et combats pour accompagner le mort dans sa nouvelle vie et les nécropoles sont recouvertes de fresques représentant ces divertissements. On connaît un autre aspect de la religion étrusque, qui est l’art de lire dans un foie pour voir le futur. Il est exercé par les haruspices. A Plaisance fut découvert un foie de bronze, symbole de cosmos pour les Etrusques ; il se présente comme un reflet de la voûte céleste. Les haruspices enlevaient le foie d’un animal sacrifié et lisaient le sort : ils prédisaient la fortune et la joie si le foie était sain ou la disgrâce si le foie était malade. Cette pratique vient de l’Orient ancien ; ceci pourrait être une indication sur la provenance des Étrusques. Leur art, leur religion, leur langue et surtout leur écriture ont influencé de nombreux peuples. Cette dernière était inconnue avant l’arrivée des Etrusques dans la plaine du Po et elle serait à la base de l’alphabet des populations alpines et allemandes. 3) Que peut-on voir des Étrusques en Emilie ? L’Étrurie padane était organisée en 12 villes : dodécapole (cf. carte) Il est très difficile de trouver aujourd’hui d’importants témoignages de la civilisation étrusque à cause des progrès rapides de l’urbanisation. Les 12 villes sont les suivantes : Bologne, Marzabotto, Spina, Mantova, Parma, Piacenza, Modena, Ravenna, Rimini, Ferrara, Cremona et Cesena. On peut voir les ruines d’une nécropole à Bologne, mais les deux sites majeurs sont Marzabotto et Spina. 3.1 - Marzabotto Là se trouvent les ruines d’une ville découverte en 1865. Elle témoigne des moyens de construction cités plus haut, à savoir les rues rectilignes à angles orientés suivant le cardo et le decumanus et les canalisations (Cf. image de gauche). 3.2 - Spina Cette ville a été le grand port commercial retrouvé à quelques kilomètres de Comacchio en 1922 quand on décida d’assécher la zone  marécageuse. On y découvrit une nécropole de 1213 tombes très riches et les objets et les fresques sont exposés au musée archéologique de Ferrare. En 1935, on découvrit une autre nécropole de 1810 tombes (Cf. le bas-relief et le vase en céramique grecque ci-contre). 3.3 - Autres villes On voit aussi avec intérêt des Musées archéologiques comme ceux d’Adria ou de Ferrara. Malgré sa grandeur et son intérêt, la civilisation étrusque est trop peu connue. Elle a exercé son influence sur des populations comme les Romains, mais les nombreuses invasions des Gaulois et ensuite des Romains ont eu raison d’elle. Les Etrusques disparaissent en 54 après J.C.                                                                        Marie-Hélène Leca                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                
Objets villanoviens - Louvre Stele felsinea n.10 - Bologna, Museo Civico Archeologico