Poésie en musique - chapitre 28
Chapitre 28
Ugo Foscolo
Ugo (Niccolò) Foscolo (1778-1827) naît en 1778 à Zante (Zacinto), île grecque des îles Ioniennes proches des côtes du
Péloponnèse, alors sous domination vénitienne ; il est fils d’un père vénitien médecin de vaisseau et d’une mère grecque, premier
né de 4 enfants, dont 2 garçons morts suicidés, Giovanni (Zante) à 20 ans pour dettes et Constantin à 51 ans. Bien qu’il se
donnât des ancêtres antiques (il change de prénom en souvenir d’un hypothétique ancêtre, consul romain du Ve siècle), c’était une
famille modeste qui vivait dans une petite maison, mais Foscolo se souvint toujours de son île natale, où il étudia jusqu’en 1792.
En effet, son père mourut en 1788, et sa mère se déplaça alors à Venise en 1789, ses fils la rejoignirent plus tard. Ugo continua
donc ses études de latin, grec, littérature, d’abord à Murano, puis en fréquentant assidûment la Bibliothèque Saint-Marc, enfin à
l’Université de Padoue.
François-Xavier Fabre, Portrait de Ugo Foscolo, 1813, Florence
Il commence à écrire dès 1794, et fut peu après introduit dans les salons de la noble vénitienne Giustina Renier Michiel et de sa
rivale Isabella Teotochi (première grande passion amoureuse du poète), où il rencontre d’autres
poètes et intellectuels (Ippolito Pindemonte, Saverio Bettinelli, Aurelio de’ Giorgi Bertola,
Melchiorre Cesarotti… ) et où on discutait beaucoup de la Révolution française. Il écrit en 1795 une
tragédie, Tieste, pleine de ferveurs jacobines. Il a pour modèle privilégié Vittorio Alfieri, et à ce
moment-là il est officier dans l’armée napoléonienne pour fuir la police romaine (mais il disait aussi
que Napoléon était un « tyran »). À partir de 1796, il prépare son Plan d’études, dans lequel il
enregistre ses auteurs préférés, Cicéron, Montesquieu, Rousseau, Locke, Thucydide, Salluste,
les grands historiens de l’Antiquité, les Saintes Écritures, Homère, Virgile, Dante, le Tasse, Milton,
Shakespeare, Alfieri, Parini, Marat, les auteurs anglais contemporains… Le livre fut interdit par la
censure vénitienne. Foscolo s’exila alors à Padoue et sur les Collines Euganéennes, tout en restant
en contact avec les éléments révolutionnaires radicaux de Venise, et en manifestant sa haine pour le
général Bonaparte qui venait de ratifier le Traité de Campoformio qui abandonnait la Vénétie à
l’Autriche.
Élisabeth Vigée Lebrun, Portrait d’Isabella Teotochi, 1792
Isabella Roncioni,1801
En 1797, il part à Milan, où il rencontre l’Association des hommes de lettres patriotes, le Cercle constitutionnel de Milan, et il écrit
plusieurs articles politiques. Amoureux malheureux de Teresa Pikler Monti, la femme de son ami Vincenzo
Monti, il se transfère en 1798 à Bologne, où il collabore au Genio democratico, qu’il venait de fonder avec son
frère Giovanni, en luttant pour la démocratie contre le gouvernement cisalpin, pour une distribution égalitaire
des richesses, pour une république. En 1799, il commence la publication des Dernières lettres de Jacopo Ortis
(nom dérivé de Jean-Jacques Rousseau et de Girolamo Ortis, étudiant frioulan qui s’était suicidé à Padoue
en 1796). Il tente de se suicider à cause de son amour malheureux pour Teresa Monti, inspiratrice de la
Teresa des Ultime lettere. Il s’enrôle dans la Garde Nationale de la République Cisalpine, et combat dans les
troupes françaises sous le commandement du général Masséna, il est blessé à une jambe, arrêté par les Autrichiens,
libéré par le général Macdonald, et participe alors à la défense de Gênes, où il est à nouveau blessé. Il éprouve de
grandes passions amoureuses pour une jeune florentine, Isabella Roncioni, et, de 1810 à 1803, pour la comtesse
Antonietta Fagnani Arese (1778-1847, morte de maladie vénérienne, Cf. image ci-contre à gauche), qui lui inspirent
plusieurs sonnets.
Antonio Berti, Tomba di Foscolo a Santa Croce, Florence, 1939.
Il a alors une intense activité littéraire, écrivant en faveur d’une république italienne indépendante après la chute du Directoire, et d’une
Italie unique héritière de la Rome antique. Il souffrit beaucoup du suicide de son frère Giovanni en 1801, mais continua à publier des
œuvres poétiques, des sonnets, des odes poétiques et terminant la publication de l’Ortis en 1802, il traduit des œuvres de Catulle. En
1803,il demande à Francesco Melzi d’Eril, président de la République italienne d’être de nouveau inséré dans l’armée française, et
devient capitaine à Valenciennes jusqu’en 1806, c’est là que commença une relation amoureuse avec une jeune anglaise Lady Fanny
Emeritt Hamilton, la femme de Lord Hamilton, dont il eut une fille. Il publie des traductions de l’Iliade et du poète anglais Laurence
Sterne (1713-1768). En 1806, il demande un congé et part pour l’Italie, il retrouve dans sa villa de Trévise Isabella Teotochi Albrizzi
(1760-0836), alors à la tête d’un des plus importants salons littéraires vénitiens, et il écrit I Sepocri (Les Sépulcres). En 1808, il obtient la chaire d’éloquence de
l’Université de Pavie, jusqu’à sa prochaine suppression par Napoléon, qui la soupçonne de libre pensée. En 1811, il fait représenter l’Ajace (Ajax), qui lui vaut la
surveillance de la police.
En 1812, après un séjour à Milan, il se transfère à Florence,écrit l’hymne Alle Grazie (Aux Grâces), vit un amour avec la siennoise Quirina Micetti Magotti
(1781-1847), fréquente le salon de la comtesse d’Albany, l’amie d’Alfieri. Il s’exile définitivement d’Italie en 1813, il n’avait plus aucune illusion de pouvoir créer
une Italie indépendante, il refuse de collaborer avec les vainqueurs autrichiens. Il part en Suisse, puis à Londres, pour fuir à la demande d’extradition de l’Autriche,
écrit la version définitive des Ultime lettere di Jacopo Ortis, qui connurent un immense succès jusqu'à devenir une sorte de manifeste du Risorgimento naissant,
plaçant Ugo Foscolo au premier rang des prosateurs de son pays.
Assisté par sa fille Floriana Emerytt, il se consacre à des études littéraires et historiques. Il mourut pauvre en 1827 à 49 ans.
Ses cendres furent transférées à Florence en 1871, pour le nouveau Royaume d’Italie, il était le nouveau héros laïque de l’Italie
unifiée.
Marco Pasato, Buste de Foscolo, 1861, Venezia, Palazzo Loredan.
Ugo Foscolo (1778-1827) nasce nel 1778 a Zante (Zacinto, isola greca nelle Isole Ionie vicino alle coste del Peloponneso),
allora sotto il dominio di Venezia ; è figlio di un padre veneziano medico di vascello e di una madre greca, primogenito di 4
fratelli, tra i quali 2 maschi morti suicidi, Giovanni (Zante) a 20 anni per debiti e Costantino a 51 anni. Benché si desse
antenati antichi, era una famiglia modesta che viveva in una casetta, ma Foscolo ricordò sempre la sua isola natìa, dove studiò
fino al 1792. Infatti suo padre morì nel 1788 e la madre si trasferì allora a Venezia nel 1789 ; e i figli la raggiunsero dopo. Ugo
continuò dunque gli studi di latino, greco e letteratura, prima a Murano, poi frequentando assiduamente la Biblioteca Marciana,
infine all’Università di Padova.
Comincia a scrivere dal 1794, e fu poco dopo introdotto nei salotti delle nobildonne veneziane Giustina Renier Michiel e la
sua rivale Isabella Teotochi (prima grande passione amorosa del poeta), dove incontra altri poeti e intellettuali (Ippolito
Pindemonte, Saverio Bettinelli, Aurelio de’ Giorgi Bertola, Cesarotti …), e dove si discuteva molto della Rivoluzione
francese. Scrive nel 1795 una tragedia, Tieste, piena di fervori giacobini. Ha per modello prediletto Vittorio Alfieri, e in quel
mentre è ufficiale nell’esercito napoleonico per sfuggire alla polizia romana (ma diceva anche di Napoleone che era un
« tiranno »). Dal 1796, prepara il suo Piano di studi, nel quale registra i suoi autori preferiti, Cicerone, Montesquieu, Rousseau, Locke, Tucidide, Sallustio, i
grandi storici antichi, le Sacre Scritture, Omero, Virgilio, Dante, Tasso, Milton, Shakespeare, Alfieri, Parini, Marat, gli autori inglesi contemporanei… Il libro fu
proibito dalla censura veneziana. Foscolo si esiliò allora a Padova e sui Colli Euganei, pur restando in contatto cogli elementi rivoluzionari radicali di Venezia, e
manifestando il suo odio per il generale Bonaparte che ha appena ratificato il Trattato di Campoformio che abbandonava il Veneto all’Austria.
Nel 1797, parte a Milano, dove incontra l’associazione di letterati patrioti, il Circolo costituzionale di Milano, e scrive parecchi articoli politici. Innamorato infelice di
Teresa Pikler Monti, moglie del suo amico Vincenzo Monti, si trasferisce nel 1798 a Bologna, dove collabora al Genio democratico, lottando per la democrazia
contro il governo cisalpino, per una distribuzione equa delle ricchezze, per una repubblica. Nel 1799, inizia la pubblicazione delle
Ultime lettere di Jacopo Ortis (nome derivato dalla fusione di Jean-Jacques Rousseau e di Girolamo Ortis, studente friulano
suicidatosi a Padova nel 1796). Tenta di suicidarsi per il suo amore infelice per Teresa Monti, ispiratrice della Teresa delle Ultime
lettere. Si arruola nella Guardia Nazionale della Repubblica Cisalpina e combatte nelle truppe francesi sotto il comando del generale
Massena, è ferito a una gamba, è arrestato dagli austriaci, liberato dal generale Macdonald, partecipa alla difesa di Genova, dove è
di nuovo ferito. Prova grandi passioni amorose per una giovane fiorentina, Isabella Roncioni e per la contessa Antonietta Fagnoni
Arese, che gli ispirano parecchi sonetti.
Carlo Labruzzi (1748-1817, Portrait de Teresa Monti (1805).
Ha allora un’intensa attività letteraria, scrivendo a favore di una repubblica italiana indipendente dopo la caduta del Direttorio, e di
un’Italia unita erede della Roma antica. Soffrì molto del suicidio del fratello Giovanni nel 1801, ma continuò a pubblicare opere
poetiche, termina e pubblica l’Ortis nel 1802, con sonetti, odi, traduce opere di Catullo. Nel 1803, chiede a Francesco Melzi d’Eril,
presidente della Repubblica Italiana, di essere di nuovo inserito
nell’esercito francese, e diventa capitano a Valenciennes fino al 1806, e
qui iniziò una relazione amorosa con una giovane inglese Lady Fanny
Emerytt Hamilton, moglie di Lord Hamilton, da cui ebbe una figlia.
Pubblica traduzioni dell’Iliade e del poeta inglese Laurence Sterne
(1713-1768). Nel 1806, chiede un congedo e parte per l’Italia, ritrova nalla sua villa a Treviso
Isabella Teotochi Albrizzi (1760-1836), allora a capo di uno dei più importanti salotti veneziani,
scrive I Sepolcri. Nel1808, ottiene la cattedra di eloquenza dell’Università di Pavia, fino alla
prossima soppressione da Napoleone, sospettoso del suo libero pensiero. Nel 1811, fa
rappresentare l’Ajace che gli vale la sorveglianza della polizia.
Nel 1812, dopo un soggiorno a Milano, si trasferisce a Firenze, scrive l’inno Alle Grazie, vive un
amore per la nobile senese Quirina Mocetti Magiotti (1781-1847), frequenta il salotto della
contessa d’Albany, l’amica dell’Alfieri. Si esilia definitivamente dall’Italia nel 1813, non aveva più
nessuna illusione di creare un’Italia indipendente, rifiuta di collaborare coi nuovi vincitori austriaci.
Parte in Svizzera poi a Londra, per sfuggire alla richiesta d’estradizione dell’Austria, scrive la
versione definitiva delle Ultime lettere di Jacopo Ortis.. Assistito dalla figlia, Floriana Emerytt, si
dedicò a studi letterari e storici, e morì povero nel 1827 a 49 anni. Le sue ceneri furono traslate a
Firenze nel 1871, nuovo eroe laico dell’Italia unita per il nuovo Regno d’Italia.
In morte del fratello Giovanni
Pour la mort de son frère Jean
(Testo : Ugo Foscolo, 1803)
Un dì, s’io non andrò sempre fuggendo
Un jour si je ne dois pas toujours fuir
di gente in gente, mi vedrai seduto
de peuple en peuple, tu me verras assis
su la tua pietra, o fratel mio, gemendo
sur ta pierre tombale, oh mon frère, gémissant
il fior de’ tuoi gentili anni caduto :
sur la fleur tombée de tes nobles années :
La madre or sol, suo dì tardo traendo,
Ma mère désormais seule, traînant avec peine sa vie
parla di me col tuo cenere muto :
parle de moi à ta cendre muette
ma io deluse a voi le palme tendo ;
mais moi c’est sans espoir que je tends mes mains
e se da lunge i miei tetti saluto,
et si je salue de loin les toits de ma patrie,
Sento gli avversi Numi, e le secrete
je sens l’hostilité des Dieux et les secrets
cure che al viver tuo furon tempesta ;
tourments qui furent la tempête de ta vie ;
e prego anch’io nel tuo porto quiete :
et je prie moi aussi pour le repos dans ton port.
Questo di tanta speme oggi mi resta !
Voilà ce qui me reste de tant d’espoir !
Straniere genti, l’ossa mie rendete
alors, peuples étrangers, rendez mes os
allora al petto della madre mesta.
Au cœur de ma triste mère.
Forme métrique classique du sonnet : ABAB ABAB CDC DCD.
Remarquez la forme circulaire du sonnet qui s’ouvre et se ferme sur l’image du poète exilé qui imagine la visite à la tombe de son frère, alors que la possibilité de
s’y rendre pour le pleurer lui est interdite. Entre les deux, on retrouve les thèmes familiers de Foscolo, le dialogue entre les vivants et les morts, le destin hostile,
les passions contre lesquelles il faut lutter pour trouver la paix en famille, avec des références à Catulle (Chant 101), Pétrarque (vv. 29-33 des Rime 268) et
Leopardi. Le thème de la mère est original, alors que le père n’est pas nommé. On a donc déjà un texte de style romantique ; l’exil n’est pas seulement la
situation de Foscolo, mais c’est celle de tous les hommes, déracinés. Et seule la mort permettra de retrouver, au moins sous forme d’ossements, la terre natale.
Notez aussi les métaphores (la fleur tombée pour la vie arrêtée, la cendre pour la tombe, les paumes des mains pour les prières, les toits pour la maison, la
tempête pour les douleurs, le repos dans le port pour la mort, la poitrine pour l’affection), beau symbole des angoisses de sa génération. Notez aussi l’abondance
des allitérations, des enjambements
A Zacinto
(Testo : Ugo Foscolo, 1803
Musica : Beppe Giampà, Della fatal quiete, 2016)
Nè più mai toccherò le sacre sponde
Jamais plus je ne toucherai ton rivage sacré
Ove il mio corpo fanciulletto giacque,
où reposa mon corps quand j’étais enfant,
Zacinto mia, che te specchi nell’onde
ma Zante, qui te regardes dans les eaux
Del greco mar, da cui vergine nacque
de la mer grecque, où naquit vierge
Venere, e fea quelle isole feconde
Vénus, qui rendit fécondes ces îles
Col suo primo sorriso, onde non tacque
par son premier sourire ; et alors il évoqua
Le tue limpide nubi e le tue fronde
tes nuages limpides et ta végétation,
L’inclito verso di Colui che l’acque
le vers fameux de Celui qui chanta
Cantò fatali, ed il diverso esiglio
la fatalité des eaux, et l’exil changeant
Per cui bello di fama e di sventura
après lequel embelli de renommée et d’aventure
Baciò la sua petrosa Itaca Ulisse.
Ulysse embrassa sa rocailleuse Ithaque.
Tu non altro che il canto avrai del figlio,
De ton fils, tu n’auras rien d’autre que son chant,
O materna mia terra ; a noi prescrisse
oh, ma terre maternelle ; à nous le destin
Il fato illacrimata sepoltura.
Ne prescrivit qu’une sépulture qui n’eut pas droit aux larmes.
Deux parties dans ce sonnet, une première de 11 vers, une seconde de 3 vers, toutes les deux au vocatif, toutes les deux introduites par un verbe au futur, le
premier à la première personne, le second à la deuxième. Dans la première strophe, le verbe futur qui évoque un avenir vide de présence dans l’île, s’oppose au
passé (« giacque ») qui rappelle le passé heureux dans l’île, un temps où son « corpo » s’assimilait à « Zacinto », lien impossible à rompre (« sacre », il est
sacré) et pourtant douloureusement rompu. Le corps de l’enfant était lié de même au sein de sa mère, qu’il ne reverra qu’après sa mort, c’est du moins ce qu’il
demande. Les enjambements (« onde / del greco mar », « nacque / Venere ») viennent renforcer les liens entre l’île passée dont il fait partie et l’île d’aujourd’hui
dont il est séparé, en même temps que sont soulignés les liens parentaux, Vénus féconde les îles comme lui-même a été engendré sur l’île ; sa naissance se
rattache à celle, magique et mythologique, de Zacinto, le poète est donc aussi exclu (« esiglio ») de ce monde magique, fait d’autant plus regrettable que le
poète d’aujourd’hui se rattachait aussi au poète antique, Homère (non cité, sinon comme le chantre d’Ulysse), dont il partage la même gloire (« inclito »), ce que
nous font remarquer les correspondances « bello / Venere », « fama / inclito », « sventura / esiglio ».
Dans la deuxième phrase de 3 vers, « il canto » reprend le « non tacque » de la première, comme « figlio » répond à « Ulisse » et « materna terra » à
« Itaca », soulignant par opposition l’effacement définitif du poète de son île maternelle ; et avec le futur « avrai » on est revenu au « né toccherò » initial.
(Voir pour une analyse approfondie l’article des Chroniques italiennes : Chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr)
Alla sera
(Testo : Ugo Foscolo, 1803, Sonnet introductif
Musica : Beppe Giampà, Della fatal quiete, 2016)
Forse perché della fatal quiete
Peut-être parce que de la fatale paix
tu sei l’immago a me sì cara vieni,
tu es l’image même, ta venue m’est si chère,
o sera ! E quando ti corteggian liete
oh Soir ! Et quand te courtisent joyeusement
le nubi estive e i zeffiri sereni,
les nuages d’été et les zéphyrs sereins,
e quando dal nevoso aere inquïete
et quand de l’air neigeux tu conduis dans l’univers
tenebre e lunghe all’ universo meni
tes longues ténèbres inquiétantes
sempre scendi invocata, e le secrete
tu descends toujours quand je t’invoque et tu sais
vie del mio cor soavemente tieni.
trouver doucement les voies secrètes de mon cœur.
Vagar mi fai co’ miei pensier su l’orme
Tu me fais divaguer en pensée sur les traces
che vanno al nulla eterno, e intanto fugge
qui vont à l’éternel néant, et pendant que le temps
questo reo tempo, e van con lui le torme
s’enfuit méchamment, et que vont avec lui les hordes
delle cure onde meco egli si strugge ;
d’angoisses, qui le détruisent en même temps que moi ;
e mentre io guardo la tua pace, dorme
et tandis que je regarde ta paix, dort
quello spirto guerrier ch’entro mi rugge.
Cet esprit guerrier qui rugit en moi-même.
C’est un des derniers des 12 sonnets écrits par Foscolo en 1803, les premiers datent de 1798, mais Foscolo a voulu le mettre en tête de l’édition définitive. Le
thème est le soir, vu comme image de la mort, vue comme « fatal quiete », la paix, le repos fatal, dans une contradiction entre ce désir de paix et l’angoisse de la
vie qui le tourmente. Ainsi le soir peut apporter de beaux couchers de soleil ou de sombres ténèbres d’hiver, tous deux désirés par le poète. Et le « nulla eterno »,
c’est-à-dire qu’après la mort il n’y a plus rien, s’oppose au temps immédiat et fuyant qui emporte toutes les adversité, tandis que la nuit apaise les agitations des
rébellions intérieures.
La forme lyrique est très classique, avec ses latinismes (reo, aere, secrete, torme, cure) et sa rhétorique littéraire (allitérations, enjambements…) mais déjà très
romantique dans l’expression de passions excessives, la mélancolie du ton pour dire la brièveté et l’adversité de la vie (la mort de son frère), dans cette période
où Foscolo expérimente la décadence de l’Italie (le traité de Campoformio signé par Bonaparte …).
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