Poésie en musique - chapitre 25
Chapitre 25
La poésie et la musique populaire de Vénétie
Comme Naples, la Vénétie eut de nombreux théâtres et plusieurs conservatoires ; et il y eut une rupture culturelle entre classe
dominante et classes populaires moins importante que dans d’autres villes : ils avaient aussi la même langue, le vénitien, pendant
longtemps langue officielle de la République. Venise n’était pas une ville qui continuait une ancienne ville romaine ou grecque, elle
fut une création des premiers siècle du Moyen-Âge, et elle se développa dès le début avec cette langue commune à tous les
habitants. Encore au XVIIIe siècle, les ambassadeurs vénitiens à l’étranger écrivaient en vénitien leurs rapports au Sénat de la
République.
La poésie populaire existe donc dès les premiers temps, mais on pourrait, comme à Naples, parler plutôt de poésie « popolaresca
», écrite avec beaucoup de raffinement linguistique par des auteurs aujourd’hui anonymes. Le sujet des textes vénitiens est
généralement l’amour, mais exprimé de façon spécifique, d’une part lié à l’histoire de la ville, comme La guerriera, dont le mari est
parti en Orient pour la Croisade ; d’autre part, à la différence de la chanson napolitaine, c’est un amour heureux, léger, source de
plaisir et non de douleur, sinon celle de la séparation produite par les guerres permanentes.
Pavana veneta
La chanson vénitienne et vénète évoque aussi tous les aspects de la vie quotidienne, les métiers, les petits trafics locaux, les
histoires d’amour, les fêtes, le carnaval, les épidémies de peste, les grands événement et les grandes victoires sur les Turcs ou sur
les ennemis du Nord de l’Italie. C’est pour cela qu’elle reste très vivante encore aujourd’hui, et qu’elle est reprise par de nombreux
cantastorie et cantautori populaires (Voir sur ce site le chapitre 5, La chanson en Vénétie, de notre livre, Le pouvoir du chant, petit
tour en chanson des régions d’Italie, de 1968 à 2018).
Écoutons d’abord une chanson très populaire qui évoque le marchand qui trafique dans toute la lagune, Povero Barba Checo (Pauvre Père François), il raconte
d’abord l’histoire d’un homme trouvé mort, mais qui n’est pas enterré pour ne pas troubler les fêtes de Carnaval, puis il décrit ses itinéraires.
La poesia e la musica popolare nel Veneto
Come Napoli il Veneto ebbe numerosi teatri e parecchi conservatori, e ci fu una rottura culturale tra classe dominante e classi popolari meno importante che in
altre città : avevano in comune la stessa lingua, il veneziano, che fu per molto tempo la lingua ufficiale della Repubblica. Venezia
non era una città che continuava un’antica città romana o greca, fu una creazione dei primi secoli del Medio-Evo, e cresce
dall’inizio con quella sua lingua comune a tutti gli abitanti. Ancora nel Settecento gli ambasciatori veneziani all’estero scrivevano
le lore relazioni al Senato della Repubblica in veneziano.
La poesia popolare esiste dunque dall’inizio, ma si potrebbe come a Napoli parlare piuttosto di poesia « popolaresca », scritta
con molta raffinatezza linguistica da autori oggi anonimi. L’argomento dei testi veneziani è generalmente l’amore, ma espresso
in modo specifico, da una parte legato alla storia della città, comme La guerriera il cui marito è partito in Oriente per la Crociata ;
da un’ altra parte, a differenza dalla canzone napoletana, è un amore felice, leggero, fonte di piacere e non di dolore, se non
quello della separazione prodotta dalle guerre permanenti.
Il Bucintoro - Matrimonio col mare
La canzone veneziana e veneta evoca anche tutti gli aspetti della vita quotidiana, i mestieri, i piccoli traffici locali, le storie
d’amore, le feste, il carnevale, le epidemie di peste, i grandi eventi come le grandi vittorie sui Turchi o sui nemici del Nord-Italia.
Per questo rimane molto viva ancora oggi, e ripresa dai cantastorie e da molti cantautori popolari.
Sentiamo prima una canzone popolarissima che evoca il venditore che traficca in tutta la laguna, Povero Barba Checo (Povero Zio Francesco), racconta prima la
storia d’un uomo trovato morto ma che non viene sepolto per non disturbare le feste di Carnevale, poi descrive i suoi itinerari.
Povero Barba Checo
Pauvre Père François
(Zio Francesco)
(Alberto D’Amico, Aneme, 1986)
Povero Barba Checo
Pauvre père François
A xe cascà in canale
il est tombé dans le canal
Par no saver nuare
parce qu’il ne savait pas nager
A s’à negao
il s’est noyé
Mi l’ò recuperao
Je l’ai récupéré
mi l'ò messo qua drento
je l’ai mis là-dedans
par daerghe del bon tempo
pour donner du bon temps
al Carnevale.
au Carnaval.
No l'à volesto stare
Il n’a pas voulu rester
l'à volesto 'ndare via
il a voulu s’en aller
e si a se perdarà
et s’il se perd
sarà so dano.
Ce sera à ses risques et périls.
A rivedersi un altr'ano
Au revoir, à une autre année
tenive a mente questo
Retenez ceci
doman ve dirò resto
Demain je vous dirai le reste
e resto in pase.
Et je reste au village.
Mi gò dela fugasse
J’ai des fougasses
de quele de Malghera
de celles de Marghera
ho caminao par tera
J’ai marché sur la terre ferme
fin a Fusina.
Jusqu’à Fusina ( = vers le Nord, premier morceau de terre ferme)
Dal trasto a la santina
Du haut jusqu’en bas de la barque
un batelin da sciopo
un bateau de chasse
andeva de galopo
allait au galop
a la Zueca.
à la Giudecca
Ho caminà la seca
J’ai marché dans les bas-fonds
tuta la pescaria
sur toute la pêcherie
ho dà la popa indrio
j’ai dressé la proue vers l’arrière
ai do Castel.
Jusqu’aux Deux Châteaux ( = St André et St Nicolas sur le Lido)
Ho visto l'orto dei Abrer
J’ai vu le Jardin des Juifs ( = le cimetière juif sur le Lido)
con tute le Viniole
et toute l’île de Vignole
da le Viniole indrio
et de Vignole vers l’arrière
me so reduto.
Je suis revenu.
Ho caminà par tuto
J’ai marché partout
indove che i feva le scuele
là où on faisait l’école
ziogando la spineta
en jouant de l’épinette
le done bele.
Pour les belles femmes.
Écoutons ensuite La chanson des métiers, une dure critique des commerçants locaux, sous la forme d’une « villotta » populaire vénète, le boucher qui vend de la
viande de cheval pour du veau, le pharmacien qui vend des remèdes mortels, l’avocat qui donne toujours raison à celui qui a le plus d’argent, le cordonnier qui
met du carton à la place du cuir, le barbier qui te coupe la peau ; l’hôtelier qui met de l’eau dans le vin :
Ascoltiamo poi La canzone dei mestieri, una dura critica dei commercianti locali, sotto la forma delle « villotte » popolari venete, il macellaio che vende carne di
cavallo per vitello, il farmacista che vende medicine mortali, l’avocat che dà sempre ragione a chi ha più denaro, il calzolaio che mette cartone al posto del cuio, il
barbiere che ti taglia la pelle, l’oste che mette acqua nel suo vino :
La canzone dei mestieri
La chanson des métiers
(Michela Brugnera,
Torototela,
Canti popolari veneti, 1979)
Alberto: chitarra. chitarra 12, percussioni;
Loris: basso . mandollno, percussioni;
Francesco: flauto; Michela: voce
I becheri che vende la carne
Les bouchers qui vendent la viande
i dise' compare ciapè 'sto bocon'
disent : Mon ami, prenez de cette bouchée
i ghe dise « l'è vaca e cavalo »
ils disent que c’est du bœuf et du cheval
e par vedelo i lo fa passar
et ils le font passer pour du veau.
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
e par vedelo i lo fa passar. Et ils le font passer pour du veau.
I spizieri che fa medicina
Les pharmaciens qui vendent des remèdes
i xe la rovina de tanti malà
sont la ruine de beaucoup de malades
i ghe ordina un bon siropo
ils leur ordonnent un bon sirop
ghe se infie el corpo e no i può più
mais leurs corps enflent et ils n’en peuvent plus
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
ghe se infie el corpo e no i può più.
mais leurs corps enflent et ils n’en peuvent plus
Anca queli che fa i avocati
et ceux qui font les avocats
i va in cerca de le quistion
vont à la recherche de belles querelles
i magna e beve su le spale dei mati
ils mangent et boivent sur le dos des fous
e chi ga bezzi ga sempre razon
et celui qui a des sous a toujours raison.
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
e chi ga bezzi ga sempre rason.
celui qui a des sous a toujours raison.
I calegheri fa scarpe e stivali
Les savetiers qui font des souliers et des bottes
no i vale credelo restar imbrogiai
ne veulent pas, croyez-moi, être escroqués
intanto al curame i fa un bel bocon
Ils se font une belle bouchée du cuir
e drento ale siole i ghe snacca el carton
et dans les semelles ils mettent du carton
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
e drento ale siole i ghe sgnacca el carton.
dans les semelles ils mettent du carton
I barbieri la barba desfando
Les coiffeurs en te faisant la barbe
i va dando na bela imbrogià
te font une belle escroquerie
el fero no tagia, i saoni cativi
le rasoir ne coupe pas, les savons sont mauvais
i scortega vivi senza pietà
ils t’écorchent vifs sans pitié.
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
i scortega vivi senza pietà
ils t’écorchent vifs sans pitié.
Ghe xe i osti che invece del vin
Il y a des hôteliers qui à la place du vin
de quel soprafin bevanda i ghe dà
de qualité supérieure, mettent de l’eau dedans
bevilo bevilo senza passion
bois-le,bois-le sans passion
a otanta al litro che xe de quel bon
à quatre-vingts le litre, c’est du bon.
Rit. O che passion che bel afar
Refrain : Oh quelle passion, quelle belle affaire
a otanta al litro che xe de quel bon.
à quatre-vingts le litre, c’est du bon.
Simplement, le soir, les paysans et les artisans urbains se racontent de vieilles histoires ou des légendes qui se transmettent depuis des années ou des siècles,
comme La fille du paysan, dont il existe de nombreuses versions : ainsi se passe la soirée. Michela Brugnera a recueilli une version du début du XIXe siècle,
quand les italiens partaient dans les armées de Napoléon, mais c’est probablement la reprise actualisée qu’une version plus ancienne qui se référait à d’autres
guerres :
Semplicemente, la sera, i contadini e gli artigiani urbani si raccontano vecchie storie o leggende che si trasmettono da anni o secoli, come La fia del paesan, di cui
esistono numerose versioni ; così passa la serata. Michela Brugnera ha raccolto una versione dell’inizio dell’Ottocento, quando gli Italiani partivano negli eserciti
di Napoleone, ma è probabilment la ripresa attualizzata di una versione più antica che si riferiva ad altre guerre :
La fia del paesan
La fille du paysan
(Anonimo, registrata da Michela Brugnera,
Torototela, Canti popolari veneti, 1979)
La fia del paesan
La fille du paysan
è sempre stat la più bella
a toujours été la plus belle
e l’à s’è fato remirar
et elle s’est fait regarder
e dai tre soldati armati
par les trois soldats armés.
El più bel dei lori tre
Et le plus beau des trois
Se l’è clapeda e menada via.
l’a prise et emmenée.
E l’à portata via lontan
Il l’a emmenée loin
I’ una prisione più fonda e scura.
dans une prison profonde et obscure.
E la xe stada sete a’
Et elle est restée là sept ans
Senza vedere nè sol nè luna.
sans voir ni le soleil ni la lune.
E ma in cao dei sete a’
Mais au bout de sept ans
E l’à s’à fato una finestrella.
elle s’est fait une petite fenêtre.
E la alza i ochi al ciel
et elle lève les yeux au ciel
E no la vede nissuno.
et elle ne voit personne.
E la sbassa i ochi al mar
et ell abaisse les yeux vers la mer
E la vede il suo buon padre
et elle voit son bon père.
« O papà, caro papà
« Oh papa mon cher papa
che cossa dice la gente in Francia ? »
que disent les gens en France ? »
« Tuti dice mal di te,
Tous disent du mal de toi,
perché sei stata figlia rubata ».
parce que tu as été une fille enlevée ».
« O no, no figlia rubà,
« Non, pas une fille enlevée,
che io son donna maritata ».
car je suis une femme mariée ».
« Indove xe lo to marì ? »
« Où est ton mari ? »
« Il mio marito l’è andà a la guera »
« Mon mari est allé à la guerre ».
« E in che guera xelo andà ? »
« Et dans quelle guerre est-il allé ? »
« Ek xe andà a la guera de Napolione » « Il est allé à la guerre de Napoléon ».
La guerre est un sujet souvent évoqué dans ces poésies, parce que c’est la réalité quotidienne des populations de la Vénétie, comme de beaucoup d’autres
régions d’Italie. Beaucoup de poésies-chansons parlent de la guerre contre les Turcs, des victoires comme Lepanto (Calicanto, Venexia, 1997), ou cette
chanson, La guerrière, qui est un mélange de chanson d’amour et d’évocation de la guerre :
La guerra è un argomento spesso evocato in quelle poesie, perchè è la realtà quotidiana delle popolazioni del Veneto come di molte altre regioni d’Italia. Molte
poesie-canzoni parlano della guerra contro i Turchi, delle vittorie come Lepanto (Calicanto, Venexia, 1997), o quella canzone, La guerriera, che è un misto di
canzone d’amore e di evocazione della guerra :
LA GUERRIERA
La guerrière
(Int. : Michela Brugnera,
Canti popolari veneti
Dischi dello Zodiaco, 1979
Alberto : chitarra; Loris : chitarra ; Michela : Voce.)
No no pianger mio Bepino
Non ne pleure pas, mon petit Beppe
piangi forse pa 'ndar melitar
peut-être pleures-tu parce que tu pars à l’armée
no no pianger mio Bepino
Non ne pleure pas, mon petit Beppe
che ala guera te toca andar.
parce qu’il te faut aller à la guerre.
E mi taglio i miei biondi capelli
Je vais couper mes cheveux blonds
e me vesto da melitar
et m’habiller en militaire
e mi monto sul cavalo
et je monte sur mon cheval
che ala guera me toca 'ndar.
puisqu’à la guerre il me faut aller.
Co' so stada in cima al monte,
Quand je suis arrivé en haut de la montagne
un tenente mi fermò
un lieutenant m’a arrêtée
« ma voi siete una donzella
« mais êtes-vous une donzelle,
o l'amante de un melitar ?»
ou la maîtresse d’un militaire ? »
« No non sono una donzella
« Non, je ne suis pas une donzelle
nè l'amante de un.melitar
ni la maîtresse d’un militaire
mi so un povaro coscritto
je suis un pauvre conscrit
che ala guera me toca 'ndar ».
qui à la guerre s’en doit aller ».
Noi faremo una fontana
Nous ferons une fontaine
'na fontana in mezo al mar
une fontaine au milieu de la mer
e se la sarà 'na dona
et si elle est une femme
la se lavarà le man.
là elle se lavera les mains.
I soldai che va ala guera
Les soldats qui vont à la guerre
no i se lava mai le man
ne se lavent jamais les mains
ma soltanto qualche volta
mais seulement quelquefois
co el sangue dei cristiano.
avec le sang des chrétiens.
Noi faremo un bel giardino
Nous ferons un beau jardin
un giardino de rose e fior
un jardin de roses et de fleurs
e se la sarà 'na dona
et si elle est une femme
la se seglierà el miglior.
elle choisira la plus belle
I soldai che va ala guera
Les soldats qui vont à la guerre
no i racoglie mai dei fior
ne cueillent pas de fleurs
ma soltantola baioneta
seulement la baïonnette
par combater l'imperator.
pour combattre l’empereur.
E so mama sula porta
Et sa maman est sur la porte
so papà gera al balcon
son papa était au balcon
che i spetava la so figlia
qui attendait sa fille
comandante de un bataglion.
commandant d’un bataillon.
Verginella gero prima
Jeune fille j’étais avant
verginella io son ancor
je suis encore jeune fille
Mi go fato sete ani de guerra
J’ai fait sept ans de guerre
sempre al fianco del mio primo amor.
toujours à côté de mon premier amour.
Une autre réalité afflige les Vénitiens, la peste. La poésie chantée par le Canzoniere popolar veneto dans El miracolo roverso
(1975), compare un épisode historique (1630) de peste apportée par l’ambassadeur de Mantoue qui provoqua 80.000 morts
dans le peuple vénitien, avec la pollution du port de Venise dans les années 1970. Mais à Venise, la poésie reste légère, et
malgré la mort qui s’approche, on doit vivre sans mélancolie, comme on vit déjà sans huile et sans sel :
Un’altra realtà afflige i Veneziani, la peste. La poesia cantata dal Canzoniere Popolare Veneto in El miracolo roverso (1975),
paragona un episodio storico (1630) di peste portata dall’ambasciatore di Mantova che provocò 80.000 morti nel popolo
veneziano, con l’inquinamento del porto di Venezia negli anni 1970. Ma a Venezia, la poesia resta leggera, e malgrado la morte
che si avvicina, si deve viver senza malinconia come si vive già senza olio e senza sale :
LAMENTI
Lamentations
Canzoniere Popolare Veneto,
El miracolo roverso
Cetra Folk, lpp 276, 1975)
I va digando che la morte viene
Ils sont en train de dire que la mort arrive
e che la porta via tute le bele
et qu’elle emporte toutes les belles filles
mi che so' bela cossa mai farogio
Moi qui suis belle, qu’est-ce que je vais faire ?
le mie belesse a chi ghe le darogio
À qui vais-je donner mes beautés ?
Le tue belesse a nissuno le vuoi dare
Tes beautés tu ne veux les donner à personne
perché soto la tera le vuoi portare
parce que tu veux les emporter sous la terre
ma soto tera no' se porta le belesse
mais sous la terre on n’emporte pas ses beautés
se porta li rosari de le messe
on emporte les rosaires des messes.
Voria morire e no' voria la morte
Je voudrais mourir et je ne voudrais pas la mort
voria sentir chi piansaria più forte
je voudrais entendre qui pleurera le plus fort
voria sentir li preti a cantare
je voudrais entendre chanter les prêtres
sentir voria el mio ben a sospirare
je voudrais entendre mon amour soupirer.
Sia maledeta la cativa sorte
Que soit maudit le mauvais sort
tuti i pianeti a mi me core drio
toutes les planètes me courent après
me core drio el male de la morte
le mal de la mort me court après
sia maledeta la cativa sorte.
que soit maudit le mauvais sort.
So' nata al mondo e bisogna che se more Je suis née au monde et il faut que l’on meure
questo xe un passo che tuti ha da fare
nous avons tous à faire ce pas
la xe 'na lege che dura in eterno
c’est une loi qui dure éternellement
chi no' more d'istà more d'inverno
Qui ne meurt pas en été meurt en hiver.
Vogio cantar e stare alegramente
Je veux chanter et vivre dans la joie
Vada in malora la malinconia
Que disparaisse la mélancolie
in casa no' go sal e gnanca ogio
Je n’ai chez moi ni sel ni huile
gnanca malinconia no' ghe ne vogio.
je ne veux pas non plus de mélancolie.
Pietro Longhi, Portrait de Marina Querini Benzon
Et finissons par une poésie chantée par un grand poète vénitien. Le texte et de 1788, du poète Anton Maria Lamberti (1757-1832), la
musique est du bergamasque Simone Mayr (1763-1846). Cette barcarole fut et elle est encor très populaire. Elle fut écrite pour la très vive
Marina Querini Benzon (1757-1839), la patricienne aux yeux bleus, au teint blanc comme le lait, aux cheveux blonds comme l’or, aimée
(dans ses années de maturité) par Byron, louée aussi par Stendhal, pour sa brillante conversation, et qui eut des mœurs très libres. Elle
quitta la terre dans sa Vénétie dans un âge avancé, monstrueusement grosse (elle aimait trop la polenta, qu’elle cachait entre ses seins pour
pouvoir en grignoter en permanence) et réconciliée avec le Ciel. Madame Benzon, irritée par cette barcarole, répliqua par une autre poésie-
chanson en dialecte vénitien (Cf. Venezia nel canto dei suoi poeti, scelti e illustrati da Raffaele Barbiera, Treves, 1925, pp. 118-123) :
E finiamo con una poesia cantata di un gran poeta popolare veneziano. Il testo è del 1788, del poeta Anton Maria
Lamberti (1757-1832), la musica è del bergamasco Simone Mayr (1763-1846), le maître de Donizzeti. Questa
barcarola fu ed è tuttora assai popolare. Fu scritta per la vivacissima Marina Querini Benzon (1757-1839), la patrizia dagli occhi
azzurri, dalla carnagione bianca come il latte, dai capelli biondi come l'oro, amata (nei suoi maturi anni), dal Byron, lodata anche dallo
Stendhal, per la sua briosa conversazione, e che ebbe costumi molto liberi. Lasciò la terra nella sua Venezia in tarda età,
mostruosamente grassa (le piaceva troppo la polenta, che nascondeva trai suoi seni per poterla mangiucchiare in permanenza) e
riconciliata col Cielo. La Benzon, adirata da quella barcarola, replicò con un’altra poesia-canzone in dialetto.
LA BIONDINA IN GONDOLETA.
(Voix et piano : Élisabeth Renault)
La biondina in gondoleta
L'altra sera go menà:
Dal piaçer, la povareta
La s'ha in bota indormenzà. (si è addormentata subito)
La dormiva su sto brazzo;
Mi ogni tanto la svegiava,
Ma la barca che ninava (si cullava)
La tornava a indormenzar.
Fra le nuvole, la luna
Gera in çielo mezza sconta : (nascosta)
Gera in calma la laguna,
Gera el vento bonazzà.
Una sola bavesela (brezzolina)
Sventolava i so' caveli,
E façeva che dai veli
Sconto el sen no fusse più.
Contemplando fisso fisso
Le fatezze del mio ben,
Quel viseto cussì slisso, (così liscio)
Quela boca e quel bel sen;
Me sentiva drento in pèto
Una smania, un missiamento, (rimescolìo)
Una spezie de contento
Che no so come spiegar.
So stà un pezzo rispetando
Quel bel sen, e ho soportà,
Benchè Amor de quando in quando
El m'avesse assae tentà.
E ho provà a butarme zozo (a riposarmi)
Là con ela a pian pianin; (pian piano accanto a lei)
Ma col fogo da vicin
Chi avaria da riposar ?
Nho stufà po', finalmente,
De sto tanto so' dormir,
E go fato da insolente,
Nè m'ho avudo da pentir;
Perchè, oh Dio, che belo cosse
Che go dito, che go fato !.
No, mai più tanto beato
Ai mii zorni no son stà.
C’était aussi pour le peuple une occasion de se moquer des mœurs souvent trop libres des aristocrates vénitiens, et des patriciennes. La chanson de Lamberti
devint célèbre, Théophile Gautier raconte comment il l’a entendu chanter durant un voyage en gondole.
Era anche per il popolo un’occasione di prendere in giro i costumi spesso troppo liberi degli aristocrati veneziani, e delle patrizie.La canzone di Lamberti diventò
celebre, Théophile Gautier racconta come l’ha sentita cantare durante un viaggio in gondola.
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RETOUR A LA TABLE DES MATIERES CHAPITRE 26 - La poésie et la chanson populaire romaine, Giuseppe Gioachino Belli
La blondinette en gondolette
l'autre soir j'ai mené :
de plaisir la pauvrette
s'est endormie aussitôt.
de temps en temps je la réveillais,
mais la barque qui se balançait
l'endormait à nouveau.
Parmi les nuages la lune
était à moitié cachée dans le ciel ;
la lagune était calme,
le vent était paisible.
Seule une petite brise
agitait ses cheveux
et faisait que par ses voiles
son sein n'était plus couvert.
En contemplant fixement
les formes de ma belle,
ce visage si lisse,
cette bouche et ce beau sein,
je sentais dans ma poitrine
un désir, un trouble,
une sorte de contentement
que je ne sais comment expliquer.
Pendant un moment j'ai respecté
ce beau sein et j'ai supporté,
bien que l'Amour de temps en temps
m'ait beaucoup tenté.
Et j'ai essayé de me reposer
là tout doucement à côté d'elle ;
mais avec le feu si proche,
qui aurait pu se reposer ?
Je me suis finalement lassé
de tant de sommeil,
et j'ai fait l'insolent
et je n'ai pas eu à m'en repentir.
Car, oh Dieu, que de belles choses
j'ai dites et j'ai faites!...
et de toute ma vie,
je n'ai jamais été aussi heureux.