Poésie en musique - chapitre 12 - suite
Un autre aspect de la cour des Médicis : Luigi Pulci
Luigi Pulci, Morgante maggiore, canto XVIII, Il credo di Margutte
Filippino Lippi, Portrait de Luigi Pulci, Chapelle bracacci, Santa Maria del Carmine, Florence.
Louis Pulci (1432-1484) est né dans une famille noble déchue, et il eut une enfance difficile. Son père
mourut avant 1451, et laissa sa veuve avec trois enfants dans de mauvaises conditions. Tous durent donc
chercher un mécène, un protecteur ; Louis fut d’abord comptable d’un riche citoyen qui lui fit lire des livres
classiques, parmi lesquels Virgile. Il entra bientôt, à partir de 1461 au service de la cour des Médicis, où il
commença à écrire des vers satiriques, et presque aussitôt Lucrezia Tornabuoni, mère du Magnifique, lui
demanda d’écrire le Morgante, et Louis était très affectueusement attaché à Lucrèce et à Laurent. Mais ses
sonnets satiriques contre quelques puissants de la cour lui provoquent l’hostilité de plusieurs d’entre eux et,
malgré la protection de Laurent, devenu maintenant le maître de Florence après la mort de son père Piero en
1469, à partir de 1473 il fut mis à l’écart par les philosophes néoplatoniciens (Ficino, Pico, Landino) pour
son caractère trop joyeux et aussi pour des rivalités courtisanes avec le prêtre Matteo Franco (tous les deux
s’envoyaient des sonnets critiques violents). Louis se moquait aussi des pèlerins qui allaient à Rome et des
œuvres de Marsile Ficin qui critiqua beaucoup le Morgante quand il fut publié en 1478. Il fut finalement
obligé de quitter Florence pour Milan, Pise et Venise. Il mourut en accompagnant son nouveau protecteur,
Roberto Sanseverino de Bologne (1418-1487), et fut enterré comme hérétique hors de la terre consacrée,
de nuit et toutes lumières éteintes.
Morgante Maggiore, édition de 1674.
Son Morgante est un poème épique chevaleresque de1473, qui voulait réélaborer de façon plus digne un poème populaire, le Roland, plus
grossier et plus gauche. Il écrit donc une épopée chevaleresque qui n’existe plus dans la réalité du monde bourgeois de Florence, en
développant et en transformant Morgante, personnage à peine ébauché dans le Roland. Il raconte les aventures du géant musulman Morgante
(il mesure 8 mètres) que Roland convertit à la religion chrétienne. Il rencontre un jour un être appelé Margutte, qui se révèle être un demi-géant
(« géant nain », il ne mesure que 4 mètres), beaucoup plus petit que lui. Le style est celui, populaire, des cantastorie chevaleresques des XVe
et XVIe siècles, qui récitaient en public, accompagnés de musiciens. Margutte est la plus intéressante création de Pulci, avec sa vitalité, son
appétit pour la nourriture et pour les femmes, son habitude de tout voler, contre modèle du monde chevaleresque courtois et héroïque qui
n’existe plus, et expression d’un aspect de la vie de la cour des Médicis, surtout de la « bande » juvénile de Laurent. C’est peut-être pour
cela que Lucrezia Tornabuoni avait commandé à Pulci cette oeuvre écrite dans une langue populaire, savoureuse, quelquefois même
triviale, pleine d’expressions de la langue florentine parlée, qui disparaîtra ensuite dans les dictionnaires de l’Accademia della Crusca. Pulci a
influencé plusieurs écrivains, parmi lesquels Rabelais.
Luigi Pulci (1432-1484) è nato in una famiglia nobile decaduta, ed ebbe un’infanzia difficile. Suo padre morì prima del 1451, e lasciò la vedova in cattive
condizioni con tre figli. Tutti dovettero dunque cercare un mecenate, un protettore ; Luigi fu prima ragioniere di un ricco cittadino che gli fece leggere libri classici,
tra cui Virgilio. Entrò presto, dal 1461, al servizio della corte medicea, in cui cominciò a scrivere versi satirici, e quasi subito Lucrezia Tornabuoni, madre del
Magnifico, gli chiese di scrivere il Morgante, e Luigi era molto affezionato a Lucrezia e a Lorenzo. Ma i suoi sonetti satirici contro alcuni potenti della corte gli
crearono l’ostilità di parecchi, e, malgrado la protezione di Lorenzo divenuto adesso il padrone di Firenze dopo la morte di suo padre Piero nel 1469, dopo il 1473
fu emarginato dai filosofi platonici (Ficino, Pico, Landino) per il suo carattere troppo giocoso, e anche per rivalità cortigiane con il prete Matteo Franco (tutt’e
due si mandavano sonetti critici violenti). Luigi prendeva anche in giro i pellegrini che andavano a Roma e le opere di Marsilio Ficino che criticò molto il
Morgante quando fu pubblicato nel 1478. Fu finalmente costretto a lasciare Firenze per Milano, Pisa e Venezia. Morì accompagnando il suo nuovo protettore,
Roberto Sanseverino di Bologna, e fu seppellito come eretico fuori di terra consacrata, di notte e a lumi spenti.
Il suo Morgante è un poema epico cavalleresco del 1473, che voleva rielaborare in modo più dignitoso un poema popolare, l’Orlando, molto più rozzo e goffo.
Scrive dunque un’epopea cavalleresca che non esiste più nella realtà del mondo borghese di Firenze, sviluppando e trasformando Morgante, personaggio
appena abbozzato nell’Orlando. Racconta le avventure del gigante musulmano Morgante (misura 8 metri) che Orlando converte alla religione cristiana. Incontra
un giorno un essere chiamato Margutte, che si rivela mezzo gigante (« gigante nano », misura solo 4 metri) molto più piccolo di lui. Lo stile è quello, popolare, dei
cantastorie cavallereschi del ‘400 e del ‘500, che recitavano in pubblico accompagnati da musicisti. Margutte è la più interessante creazione del Pulci, colla sua
vitalità, il suo appetito per il cibo e per le donne, la sua abitudine di rubare tutto, contromodello del mondo cavalleresco, cortese ed eroico che non esiste più, ed
espressione di un aspetto della vita della corte medicea, soprattutto della « brigata » giovanile di Lorenzo. Forse per questo Lucrezia Tornabuoni aveva
ordinato l’opera al Pulci, scritta in una lingua popolare efficace, saporita, talvolta anche triviale, piena di espressioni della lingua fiorentina parlata che
scompariranno dopo nei dizionari dell’Accademia della Crusca. Pulci ha influenzato parecchi scrittori, tra cui Rabelais.
Morgante maggiore
115
Rispose allora Margutte : – A dirtel tosto,
Margutte répondit alors : – Pour te le dire en bref
io non credo più al nero ch’a l’azzurro,
je ne crois pas plus au noir qu’au bleu
ma nel cappone, o lesso o vuogli arrosto ;
mais au chapon, bouilli ou bien rôti
e credo alcuna volta anco nel burro,
et quelquefois je crois aussi au beurre,
nella cervogia , e quando io n’ho, nel mosto, à la cervoise, et, quand j'en ai, au vin nouveau,
e molto più nell’aspro che il mangurro,
Et beaucoup plus aux choses fortes qu'aux douceurs.
ma sopra tutto nel buon vino ho fede,
Mais au-dessus de tout j'ai foi dans le bon vin
e credo che sia salvo chi gli crede.
Et je crois au salut de ceux qui croient en lui.
116
E credo nella torta e nelle tortelle :
Et je crois à la tourte, et je crois au beignet.
l’uno è la madre e l’altro è il suo figliuolo ;
Car l'une est la mère et l'autre est son fils
e’l vero paternostro è il fegatello,
Le vrai Notre Père est le saucisson de foie.
e posson essere tre, due ed un solo,
Ils peuvent être trois, deux et un seul,
e diriva dal fegato almen quello,
Mais ce dernier au moins, descend tout droit du foie
e perch’io vorrei ber come un ghiacciuolo,
Et comme je voudrais boire comme un baquet,
se Maometto il mosto vieta e biasima,
Si Mahomet défend et réprouve le vin
credo che sia il sogno o la fantasima.
Je crois qu'il n'est qu'un rêve et un fantôme ...
130
Mettimi in ballo, mettimi in convito,
Conduis-moi au bal ou dans un banquet,
ch’io fo il dover co’piedi e colle mani ;
Je fais mon devoir des pieds et des mains
io son prosuntüoso, impronto, ardito,
Je suis présomptueux, insistant, audacieux
,nn guardo più i parenti che gli strani :
Sans plus d'égards pour parents que pour étrangers :
della vergogna, io n’ho preso partito,
de la honte je ne fais plus aucun cas,
e torno a chi mi caccia, come i cani;
Je reviens comme un chien vers celui qui me chasse.
e dico ciò ch’io fo per ognun sette,
Ce que je fais, je le dis plutôt sept fois qu'une,
e poi vi aggiungo mille novellette.
Et j'y ajoute même mille petites nouveautés.
131
S’io ho tenute dell’oche in pastura
Ne me demande pas combien j'ai eu de filles
non domandar, ch’io non te lo direi ;
Qui travaillaient pour moi : je ne t'en dirai rien
s’zio ti dicessi mille alla ventura,
Et si je disais au hasard un millier
di poche credo ch’io ti fallirei ;
Je ne me tromperais, je crois, que de bien peu.
s’io uso a munister per isciagura,
Si par malheur je suis dans un couvent
s’elle son cinque, io ne traggo fuor sei :
Et si elles sont cinq, j'en corromps six :
ch’io le fo in modo diventar galante
Et je les rends toutes si bien galantes
che non vi campa servigial nè fante.
Que n'y échappe pas la moindre servante.
132
Or queste son tre virtù cardinale,
Or ce sont là trois vertus cardinales :
la gola, e’l culo e’l dado, ch’io t’ho detto ;
la gueule, le cul et le dé, comme je te l'ai dit ;
odi la quarta ch’è la principale,
Voici la quatrième, et c'est la principale,
aciò che ben se sgoccioli il barletto :
Puisqu'il me faut vider mon flacon jusqu'au bout.
non vi bisogna uncin nè porre scale
Je t'assure que je n'ai point besoin d'échelle ni de crochet
dove con mano aggiungo, ti prometto ; quand je peux prendre avec la main,
e mitere dapai ho già portate,
Et j'ai déjà porté bien des mitres de pape
col segno in testa, e dietro le granate.
L'emblème sur la tête et les balais derrière...
134
S’tu mi vedessi in una chiesa solo,
Si tu me voyais seul dans une église,
io son più vago di spogliar gli altari
Je suis plus pressé de dépouiller les autels
che ‘l messo di contado del paiuolo ;
Qu'huissier de tribunal de saisir le chaudron
poi corro alla cassetta de’ danari ;
Puis je bondis vers la cassette de l'argent ;
ma sempre in sagrestia fo il primo volo,
Mais je vole auparavant vers la sacristie
e se v’è croce o caici, io gli ho cari,
Là croix et calices, moi je les chéris,
e’ crucifissi scuopro tutti quanti,
Je sais dénicher tous les crucifix,
poi vo spogliando le Nunziate e’ santi.
Puis je dépouille les Madones et les Saints.
135
Io ho scopato già forse un pollaio ;
J’ai peut-être déjà vidé un poulailler
s’tu mi vedessi stendere un bucato,
et si tu me voyais étendre une lessive
diresti che non è donna o massaio
tu dirais que ce n’est ni une femme ni un fermier
che l’abbi così rassettato :
qui l’a mise en place comme ça :
s’io dovessi spiccar, Morgante, il maio,
Morgante, si je devais te dire toute la vérité,
io rubo sempre dove sono usato ;
je vole toujours partout où je suis présent ;
ch’io non istò a guardar più tuo che mio,
car je ne regarde pas plus au tien qu’au mien,
perch’ogni cosa al principio è di Dio.
puisqu’à l’origine toute chose est à Dieu.
Le texte est d’abord une parodie du Credo chrétien (Cf.les trinités de la strophe 115) :
115 - Jeu de mots sur « aspro » (âpre comme le vin) et « l’aspro », monnaie turque d’argent, tandis que le « mangurro » était une autre monnaie turque de
cuivre, de peu de valeur, imitation du sequin en laiton.
116 - « Mère et fille » = allusion à la Vierge et à la Trinité, tandis que le « foie » est l’Esprit Saint. Le « ghiacciuolo » est un petit baquet, petit récipient pour
transporter l’eau ou d’autres choses. Le Coran déconseillait le vin, pour cela Margutte considère Mahomet comme une imagination d’esprits malades.
131 - « Tenir les oies au pâturage » = expression populaire pour indiquer les femmes qui se prostituent au profit d’un homme protecteur. - « cinq … six » = s’il y
a 5 religieuses, je les emporte toutes - « galantes » portées facilement à faire l’amour » - « servante ni domestique » = sœur converse.
132 - « Vider son flacon jusqu’au bout » = expression populaire, raconter tous les secrets - « L’emblème sur la tête … » = signes distinctifs des condamnés à
des peines infamantes, une mitre ronde sur la tête (alors que celle des évêques avait deux pointes), et balais derrière le dos.
134 - « L’huissier de tribunal » était l’officier du podestat qui allait dans les campagnes (il « contado ») pour saisir les biens des débiteurs - « Sacristie » = là
étaient déposés les ornements sacrés, dont les calices de métal précieux.
135 - « vidé » = nettoyé - « étendre une lessive » = replier la lingerie étendue pour sécher - « Spiccare il maio » = indique le bouquet de fleurs que les
amoureux laissaient sur la porte des jeunes filles qu’ils courtisaient, expression populaire pour « dire la vérité ».
Voir le texte complet dans : Luigi Pulci, aux bons soins de Franco Ageno, Milan, Naples, Riccardo Ricciardi, 1955, 28chants, 1178 pages avec
notes et index.
Il testo è dapprima una parodia del credo cristiano (Ved le trinità della strofa 115).
115 - Giuoco di parole su « aspro » (come il vino) e « l’aspro » = moneta turca d’argento, mentre il « mangurro » era un’altra moneta turca di rame, di poco
valore, imitazione della zecchino in ottone.
116 - « madre e figlia » = allusione alla Vergine e alla Trinità, mentre il « fegato » è lo Spirito Santo. Il « ghiacciuolo » è un bigoncio, piccolo recipiente per
trasportare l’acqua o altre cose. Il Corano sconsigliava il vino, perciò Margutte considera Maometto come un’imaginazione di spiriti malati.
131 - « Tenere le oche in pastura » = espressione popolare per indicare le donne che si prostituiscono a profitto di un uomo protettore. - « cinque … sei » = se
ci sono cinque monache, le trae tutte fuori - «galante» = inclini a fare facilmente l’amore - « servigial nè fante » = serva, suora conversa -
132 - « sgocciolare il barletto » = espressione popolare = raccontare ogni segreto - « segno in testa, ecc. » = erano distintivi che si mettevano sui condannati a
pene infamanti, mitra arrondata sulla testa (e non a due punte come quella dei vescovi), e « granate » dietro alle spalle.-
134 - « il messo di contado » era l’ufficiale del podestà che andava nel contado a sequestrare i beni dei debitori - « sagrestia » = qui erano disposti gli arredi
sacri, tra cui calici di metallo prezioso -
135 - « scopato » = nettato, vuotato - « stendere » = ripiegare i furti di biancheria stesa ad asciugare - « spiccare il maio » = indica il mazzo di fiori che gli
innamorati lasciavano sulla porta della ragazza corteggiata, espressione popolare per « dire la verità ».
Vedere il testo completo in : Luigi Pulci, Morgante, a cura di Franco Ageno, Milano Napoli, Riccardo Ricciardi, 1955, 28 cantari, 1178 pagine con
note e indici.
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