Poésie en musique - chapitre 13
Chapitre 13
La littérature chevaleresque des cours de la Renaissance
Peu à peu, les communes du Moyen-âge se sont transformées en autant de seigneuries, dirigées par une famille dominante, dans toute l’Italie septentrionale et
centrale. Le Sud était resté plus proche du régime féodal (Royaume de Naples et États du Pape) sous la
direction d’un monarque absolu (de Frédéric II de Habsbourg aux Rois de Naples et des Deux Siciles,
français, puis aragonais puis espagnols, le Souverain Pontife dans les États du Pape).
Andrea Mantegna, La cour des Gonzague, Chambre des Époux, Château Saint-Georges Mantoue, 1465-1474.
Dans le centre et dans le nord, les classes bourgeoises dominantes (bourgeoisie industrielle, commerciale,
bancaire) ont d’abord dominé l’ancienne aristocratie féodale en la contraignant à s’établir en ville (dans ses
splendides palais encore existants), puis elles se sont fondues avec cette ancienne noblesse pour constituer
une nouvelle classe aristocratique dominante autour d’une famille principale (les Médicis à Florence, les
Este à Ferrare, les Gonzague à Mantoue, les Visconti et les Sforza à Milan, les Montefeltro à Urbino, les
Bentivoglio à Bologne, les Scaligeri à Vérone, les Malatesta à Rimini, les Petrucci à Sienne, etc.). Autour
de cette famille se formait une cour destinée d’abord à gérer l’administration de l’État, la diplomatie, le
prélèvement fiscal, la police, l’armée, etc., mais ces cours voulaient aussi montrer leur importance en créant
de grandes œuvres en architecture (palais, églises), en peinture et sculpture, en musique. En littérature, elle
eut aussi besoin de célébrer sa grandeur et ses ancêtres féodaux (vrais ou inventés), en faisant écrire aux
plus grands écrivains des épopées chevaleresques dans un style nouveau. Ces nouveaux aristocrates
voulaient perpétuer les coutumes et les idéaux de la chevalerie : honneur et courtoisie qui couvraient des
comportements souvent moins démocratiques (Voir le Margutte de Luigi Pulci).
Francesco del Cossa, Borso d’Este et sa cour, Palais Schifanoia, Ferrare, 1469-70.
La littérature chevaleresque avait été diffusée en Italie durant tout le Moyen-Âge, par exemple avec les romans d’Andrea da
Barberino (1370-1432) (les Reali di Francia, le Guerin Meschino) qui étaient encore très diffusés au XVIe siècle. Souvenez-
vous que Françoise de Rimini et Paolo Malatesta lisaient Lancelot. Nous avons parlé de Luigi Pulci à Florence (qui inspira
peut-être à Rabelais l’idée de Gargantua). Mais une république marchande comme Florence ne pouvait pas se référer
vraiment sans ironie à l’idéal chevaleresque, elle n’avait plus de guerriers à cheval (les nobles ne pratiquaient le cheval que
pour les défilés et la chasse) et utilisait peu les armes (elle a développé les mercenaires), elle ne pouvait qu’en rire comme fait
Pulci, et la véritable littérature chevaleresque se développa surtout dans une cour comme celle de Ferrare.
Après Pulci s’accentua encore la fusion avec la politique religieuse et les poèmes traitèrent surtout l’opposition entre le
christianisme et l’Islam (la Mezzaluna), partant des histoires de Charlemagne et de Roland, Olivier, Renaud, etc.. Citons Matto
Maria Boiardo (1441-1494) qui écrit le Roland amoureux entre 1476 et 1484, pour la cour des
Este à Ferrare, faisant une synthèse entre la tradition amoureuse bretonne (le Roi Arthur, etc.) et la tradition carolingienne (voir
un résumé, le texte et la traduction sur Internet en tapant le titre), et en racontant l’histoire de Roland amoureux de la princesse
du Katai, la très belle Angélique, qui lui préfère Médor, simple soldat de l’armée sarrasine.
Francesco del Cossa, Borso d’Este, Palazzo Schifanoia, Feerrare, 1469-70
Toujours à Ferrare, Ludovico Ariosto (1474-1533) reprend l’histoire inachevée de Boiardo et écrit le Roland furieux entre 1505
et 1516. Les deux œuvres sont écrites en strophes rimées de 8 vers (de rythme ABABABCC). Elles seront suivies par Torquato
Tasso avec sa Jérusalem délivrée. Mais on pourrait citer aussi Alessandro Tassoni (1565-1635) qui écrit à Modène La Secchia
rapita (L’enlèvement du seau) en 1622, et l’abbé Gaetano Palombi (1755-1826) qui écrit Medoro incoronato (Médor couronné)
qui continue l’histoire de l’Arioste.
La letteratura cavalleresca delle corti del Rinascimento
A poco a poco, i comuni del Medio Evo si sono trasformate in tante Signorie, dirette da una famiglia dominante, in tutta l’Italia del Nord e nell’Italia Centrale. Il Sud
era rimasto più vicino al regime feudale (Regno di Napoli e Vaticano) sotto la direzione di un monarca assoluto (da Federico II d’Absburgo ai Re di Napoli e
delle Due Sicilie, francesi poi aragonesi e spagnoli).
Nel Centro e nel Settentrione, le classi borghesi dominanti (borghesia industriale, commerciale, bancaria) hanno prima dominato l’antica aristocrazia feudale
costringendola a stabilirsi in città (negli splendidi palazzi ancora esistenti), poi si sono fuse con quell’antica nobiltà per costituire una nuova classe aristocratica
dominante intorno ad una famiglia principale (i Medici a Firenze, gli Estensi a Ferrara, i Gonzaga a Mantova, i Visconti e gli Sforza a Milano, i Montefeltro ad
Urbino, i Bentivoglio a Bologna, gli Scaligeri a Verona, i Malatesta a Rimini, i Petrucci a Siena, ecc.). Intorno a quella famiglia, si formava una corte destinata
prima a gestire l’amministrazione dello Stato, la diplomazia, il prelievo fiscale, la polizia, l’esercito. ma quelle corti volevano anche mostrare la loro importanza
creando grandi opere in architettura (palazzi, chiese), in pittura e scultura, in musica. In letteratura, ebbe anche bisogno di celebrare la sua grandezza e i suoi
antenati feudali (veri o inventati) facendo scrivere ai più grandi scrittori delle epopee cavalleresche in uno stile nuovo. Quei nuovi aristocrati volevano perpetuare i
costumi e gli ideali della cavalleria : onore e cortesia che coprivano dei comportamenti meno civili (Cf. Margutte).
La letteratura cavalleresca era stata diffusa in Italia in tutto il Medio Evo, con i romanzi d’Andrea da Barberino (1370-1432) (I Reali do Francia, Il Guerin
Meschino) che erano ancora molto diffusi nel Cinquecento. Ricordate che Francesca da Rimini e Paolo leggevano Lancelot. Abbiamo parlato di Luigi Pulci a
Firenze (che ispirò forse a Rabelais l’idea di Gargantua). Ma una repubblica mercantile come Firenze non poteva veramente riferirsi senza ironia all’ideale
cavalleresco, non aveva più guerrieri a cavallo e usavano poco le armi, ne poteva soltanto ridere come fa Pulci, e la vera letteratura cavalleresca si sviluppò
soprattutto in una corte come quella di Ferrara.
Dopo di lui si accentuò ancora la fusione con la politica religiosa e i poemi trattarono soprattutto l’opposizione tra il cristianesimo e l’Islam (la Mezzaluna),
partendo delle storie di Carlomagno, Orlando, Olivieri, Rinaldo ecc. Citiamo Matteo Maria Boiardo (1441-1494) che scrive L’Orlando innamorato tra il 1476 e il
1484, per la corte degli Estensi a Ferrara, facendo una sintesi tra la traditionne amorosa brettone (Re Artù ecc.) e la tradizione carolingia (vedere un riassunto, il
testo e la traduzione su Internet battendo il titolo) e raccontando la storia di Orlando innamorato della principessa del Catai, la bellissima Angelica, che gli
preferisce Medoro, semplice soldato dell’esercito Saraceno.
Sempre a Ferrara, Ludovico Ariosto (1474-1533) riprende la storia incompiuta del Boiardo e scrive l’Orlando furioso tra il 1505 e il 1516 Le due opere sono
scritte in ottava rima, strofe rimate di otto versi (di ritmo ABABABCC). Sarà seguito da Torquato Tasso colla Gerusalemme liberata.
Ma si potrebbe citare anche Alessandro Tassoni (1565-1635) che scrive a Modena La Secchia rapita nel 1622. E l’abate Gaetano Palombi (1755-1826) che
scrive il Medoro incoronato, continuando la storia dell’Ariosto.
La Renaissance est encore l’époque où presque tous les intellectuels occupaient une fonction à la cour d’un prince, d’un cardinal ou du pape, secrétaire, poète de
cour, ambassadeur, chef militaire, fonctionnaire, musicien, etc. Il n’y avait encore pratiquement aucun intellectuel et artiste
« indépendant », malgré l’idée d’une « autonomie » due à la grandeur de la culture classique qu’ils développent. Et les nobles de la
classe dominante seront souvent transformés en personnages mythologiques qui savaient pratiquer un
grand mécénat.
Aux Universités du Moyen-Âge s’étaient substituées les Académies de chaque cour princière dans cette
Italie sans unité et où les papes avaient constitué un royaume temporel puissant. On eut à Florence
l’Académie néoplatonicienne de Marsile Ficin, à Mantoue la Casa Gioiosa de Vittorino da Feltre, à
Ferrare le groupe de Guarino da Veronese, etc. C’est là que se formèrent dorénavant de grands
intellectuels comme Leonardo Bruni, Coluccio Salutati, Lorenzo Valla, Pietro Bembo, et de grands
artistes ; tous réalisaient ainsi une sorte de synthèse entre l’histoire économique, politique, sociale et la
culture intellectuelle, picturale, musicale, littéraire (ce que Marx appellera la « superstructure »), tout en
formant une caste d’intellectuels fermée autour du pouvoir central. C’est encore le cas de Niccolò
Machiavelli par exemple. Ils formaient ce qu’Antonio Gramsci nommera les « intellectuels organiques »,
dans ce cas de la classe dominante des cours. Ils deviendront bientôt des « courtisans » qui feront la
pensée et la mode des cours dont ils sont dépendants.
Titien, Portrait de l’Arioste, vers 1515, Minneapolis
Titien, Portrait d’isabelle d’Este, 1535, Vienne.
Ferrare, Château d’Este, 1385
Ludovico Ariosto (1474-1533) est très représentatif de cette réalité : en même temps que poète il fut
fonctionnaire et diplomate de la cour de Ferrare. Il était le premier des dix enfants de la noble famille des Ariosti, son père était
capitaine des gardes de la forteresse de Reggio Emilia qui appartenait alors aux Este de Ferrare. Suite à la guerre avec
Venise, la famille se retrouva à Ferrare à partir de 1482, où le père se retrouva Trésorier général des troupes. Là, Ludovico
reçut une bonne formation classique de grands éducateurs privés. En 1494, il est accueilli à la cour du duc Hercule I d’Este
(1431-1505) qui, aidé de sa femme Éléonore d’Aragon (1450-1493) était un grand mécène et avait déjà nommé ministre
Matteo Maria Boiardo. Ludovico exerce alors diverses charges économiques au service du duc puis du cardinal Hippolyte
d’Este (1479-1520), fils d’Hercule I, qui le chargea de tâches diplomatiques. Il écrivit malgré tout ses premières comédies,
représentées à la cour, et il commence l’Orlando furioso. Il est chargé de missions à Rome auprès du pape Jules II (1443-
1513) entre 1509 et 1512, puis auprès de Léon X (1475-1521) qu’il avait connu auparavant et qui était son ami. Entre 1518 et
1521, Ludovico fut au service du duc Alphonse I d’Este (1476-1534), pour lequel il dut escorter Charles Quint, et qui protégea sa production littéraire. Il meurt
en juillet 1533, après cette double carrière de poète, comédien et diplomate des Este, cette cour qui fut alors une des plus importantes d’Europe et qui accueillit
beaucoup ds grands intellectuels de l’époque.
L’Arioste publia son poème par trois fois, toujours à Ferrare, en 1516 (A), en 1521 (B°, et en 1532 (C). De son travail de composition, la première nouvelle sûre
est du 3 février 1507 ; puis elles deviennent plus nombreuses, surtout en 1509 et 1512, quand l’œuvre devait être déjà très avancée, bien que pas assez pour
satisfaire l’auteur.
Agramante était roi d’Afrique, fils de Troiano, tué par Roland.
L’œuvre fut mise en musique et a inspiré de nombreux musiciens, Jean-Baptiste Lully (1685), Marc-Antoine Charpentier (1685), André Campra (1705),
Antonio Vivaldi (1714 et 1727, que vous pouvez écouter sur https://www.youtube.com/watch?v=FNnht2vDkEU), Haendel (1733 et 1735), Niccolò Piccini
(1778),…
L’Ariosto pubblicò tre volte il suo poema, e sempre a Ferrara, nel 1516 (A), nel ’21 (B) e nel ’32 (C). Del suo lavoro di composizione la prima notizia sicura è in
data 3 febbr. 1507; poi si fanno piú numerose, specie nel 1509 e nel ’12, quando giá l’opera doveva essere assai innanzi, benché non ancor tale da soddisfare
l’autore.
Agramante era Re d’Africa, figlio di Troiano, ucciso da Orlando. L’opera era musicata e ha ispirato numerosi musicisti, Jean-Baptiste Lully, Marc-Antoine
Charpentier, André Campra, Vivaldi, Haendel, Niccolò Piccini …
Ludovico Ariosto, Orlando furioso
CANTO PRIMO : il contenuto del poema
1
Le donne, i cavallier, l’arme, gli amori,
Les femmes, les chevaliers, les armes, les amours,
le cortesie, l’audaci imprese io canto, les traits de courtoisies, les entreprises audacieuses, voilà ce que je chante,
che furo al tempo che passaro i Mori
celles qui se passèrent au temps où les Maures passèrent
d’Africa il mare, e in Francia nocquer tanto, la mer d’Afrique et firent tant de mal à la France,
seguendo l’ire e i giovenil furori
en suivant les colères et les fureurs juvéniles
d’Agramante lor re, che si diè vanto
de leur roi Agramant, qui se vanta
di vendicar la morte di Troiano
de venger la mort de Trojan
sopra re Carlo imperator romano.
sur le roi Charles empereur romain.
2
Dirò d’Orlando in un medesmo tratto
Par la même occasion je dirai de Roland
cosa non detta in prosa mai né in rima : des choses jamais dites en prose ni en vers :
che per amor venne in furore e matto,
lui qui par amour devint furieux et fou
d’uom che sí saggio era stimato prima ;
lui qui auparavant était homme estimé si sage ;
se da colei che tal quasi m’ha fatto,
si, par celle qui m’a presque rendu tel,
che ’l poco ingegno ad or ad or mi lima,
qui m’enlève peu à peu le peu d’esprit que j’ai,
me ne sará però tanto concesso,
il m’en sera pourtant laissé suffisamment
che mi basti a finir quanto ho promesso. pour qu’il me suffise à faire tout ce que j’ai promis.
à suivre CANTO VII : la bellezza d’Alcina
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