Poésie en musique - chapitre 1 -suite
Jesce sole
Viens soleil
(Anonyme, vers 1200
Interprétation : NCCP)
Jesce, jesce sole
Viens, Soleil,
scagliente 'mperatore,
empereur de chaleur
scanniello mio d'argiento
mon médaillon d’argent
che vale quattuciento ;
qui vaut quatre cents ;
ciento cinquanta
cent cinquante
tutta la notte canta
toute la nuit chante
canta Viola, lu masto de scola. chante la Violette, le maître d’école
Masto masto,
Maître, maître
mannancenne priesto
envoie-nous en vite
ca scenne masto Tieste
car maître Thieste descend
cu' lanza e cu' spada
avec sa lance et son épée
cu l'auciello accumpagnato.
accompagné d’un oiseau.
Sona sona zampugnella
Joue, joue petite cornemuse
ca t'accatto la gonnella,
que j’attrape ta petite jupe
la gonnella de scarlato :
ta petite jupe écarlate ;
si nun suone te rompo la capa.
si tu ne joues pas je te brise la tête.
Nun chiovere
Pas de pluie
nun chiovere
pas de pluie
ca aggia ire a movere
car je dois aller retourner
a movere lu grano
retourner le blé
de masto Giuliano.
de Maître Julien.
Masto Giuliano
Maître Julien
manname 'na lanza
envoie-moi une lance
ca aggia ire in Franza
car je dois aller en France
da Franza a Lombardia
de France en Lombardie
dove stà madama Lucia.
où se trouve Madame Lucie
Nun chiovere,
Pas de pluie
nun chiovere,
pas de pluie,
jesce jesce sole.
sors, sors, Soleil.
À Cologne, Pétrarque contemple les lavandières…
À cette époque, les lavandières allaient laver leur linge sur le Vomero, la colline qui domine Naples, alors couverte de bois, de ruisseaux, de fontaines, elles
le redescendaient ensuite dans les familles des clients. Mais la chanson avait aussi un sens politique, revendication des terrains (les « mouchoirs ») qui
leur avaient été promis par le roi d’Aragon, mais jamais donnés. Les lavandières étaient souvent chantées par les poètes qui venaient contempler leurs
fessiers tandis qu’elles étaient penchées sur l’eau pour laver le linge, vision érotique très courante.
CANTO DELLE LAVANDAIE
Chant des lavandières
DEL VOMERO
du Vomero
Tu m'aje prommiso quatto moccatora
Tu m’as promis quatre mouchoirs
Oje moccatora, Oje moccatora !
oui des mouchoirs, oui des mouchoirs !
Io so' benuto se, io so' benuto
Je suis venu si, je suis venu
se mme le vuo' dare
si tu veux me les donner
me le vuo' dare, me le vuo' dare.
Veux me les donner, veux me les donner.
E se no quatto, embe' dammene ddoje
Et si ce n’est pas quatre, eh bien donne-m’e deux
dammene ddoje, dammene ddoje !
donne-m’en deux, donne-m’en deux
chillo ch'è 'ncuollo a tte
Celui que tu portes sur toi
chillo ch'è 'ncuollo a tte
celui que tu portes sur toi
nn'è robba toja
ne t’appartient pas
nn'è robba toja, nn'è robba toja.
Ne t’appartient pas, ne t’appartient pas.
Un autre chant populaire très repris dans toute l’histoire de la chanson napolitaine est Sia maledetta l’acqua, enregistrée ici par la NCCP. C’est une
chanson un peu plus tardive, qui joue sur un double sens permanent dans la chanson, la perte de la virginité, comparée successivement à la « langella »,
à la « cicinatella », à la « pignatella », toutes une sorte de cruche ou de fiasque ou de pot de terre cuite. La jeune fille se lamente donc d’avoir perdu sa
virginité en allant prendre de l’eau à la fontaine, autre thème populaire courant.
Sia maledetta l’acqua
Sia maledetta ll'acqua stammatina
Que l’eau soit maudite ce matin
che m'ha disfatt'oimè sò puverella.
Elle m’a détruite, pauvre de moi.
Me s'è rotta la langella
Mon broc s’est cassé
marammé che pozzo fare,
pauvre de moi, que puis-je faire ?
vicini miei sapitela sanare.
Mes voisins, ne pourriez-vous pas la rajuster ?
Pe' pruvar'acqua doce de piscina
Parce que j’ai essayé l’eau douce de la fontaine,
me so' spaccata la cicinnatella.
Ma fiasque s’est cassée.
Me s'è rotta la langella
Mon broc s’est cassé
marammé che pozzo fare,
pauvre de moi, que puis-je faire ?
vicini miei sapitela sanare.
Mes voisins, ne pourriez-vous pas la rajuster ?
Pignata rotta nun la vò nisciuno
une marmite cassée, personne ne la veut
ca po' t'attocca sta pure diuno.
Car après tu dois rester à jeun.
Me s'è rotta la langella
Mon broc s’est cassé
marammé che pozzo fare,
pauvre de moi, que puis-je faire ?
vicini miei sapitela sanare.
Mes voisins, ne pourriez-vous pas la rajuster ?
La pignatella l'hé 'a sapé guardare
Ta marmite tu dois savoir la conserver
ca po' ch'è rotta nun se po' sanare.
Car une fois cassée on ne peut plus l’ajuster.
Me s'è rotta la langella
Mon broc s’est cassé
marammé che pozzo fare,
pauvre de moi, que puis-je faire ?
vicini miei sapitela sanare.
Mes voisins, ne pourriez-vous pas la rajuster ?
Le chant populaire comportait aussi beaucoup de chants religieux, souvent de processions que Roberto De Simone a recueillis dans son anthologie Son
sette sorelle, rééditée en 2010 par les éditions Squilibri en CD avec un très beau livret. Un de ces chants a été interprété par la NCCP en 1973, Madonna
della Grazia. Il est étonnant par son rythme et sa mélodie, ne ressemblant en rien à ce que le deviendront les chants de procession après la Contre-
Réforme ailleurs qu’en Campanie. On y évoque surtout la Vierge, certes choisie par « le Père éternel », mais c’est elle qu’on invoque, selon le traditionnel
culte de la mère :
Madonna de la Grazia
Vierge de Grâce
(NCCP, Jesce Sole, 1973)
Regina de lu cielo
Reine du ciel
o Divina Maestà
oh Divine majesté
chesta grazia ca te cerco
cette grâce que je te demande
fammela pè pietà.
fais-la moi par pitié.
Madonna de la Grazia
Vierge de Grâce
ca mbraccio puorte grazia
toi qui portes la grâce dans tes bras
a te vengo pè grazia
je viens à toi pour une grâce
O Maria fance grazia.
Oh Marie fais-nous cette grâce
Fance grazia o Maria
Fais-nous la grâce oh Marie
comme te fece lu Pateterno
comme fit pour toi le Père éternel
ca te fece mamma de Dio qui fit de toi la maman de Dieu
fance grazia o Maria.
Fais-nous la grâce oh Marie.
Fammela o Maria
Fais-la moi oh Marie
fammela pè carità
fais-la moi par charité
pè li doni ca riveviste
pour (par ?) les dons que tu as reçus
dalla Santissima Trinità
de la Très-Sainte Trinité
Madonna de la grazia.
Vierge de Grâce
Scese l’angelo da lu cielo
l’ange est descendu du ciel
e te venne a salutà
il est venu te saluer
annunzià venne a Maria
il est venu annoncer à Marie
e nuie cantammo l’avemaria
et nous avons chanté l’Ave Maria
Madonna de la Grazia…
Vierge de grâce …
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