Poésie en musique - chapitre 2
Chapitre 2
François d’Assise et la poésie en Ombrie - La lauda
La première poésie ombrienne
En Italie centrale (Ombrie et Toscane) et en Vénétie apparaissent au XIe siècle les premiers textes littéraires en langue vulgaire. Dans le Nord-Est, dans le
Montferrat, un trouvère provençal, Raimbaut de Vaqueras (1165 ?-1207) écrit un « contraste » en provençal-génois, première épreuve en dialecte de son
discordo (son descort = querelle, forme de poésie lyrique en vers divers et en strophes dissemblables) en cinq langues (provençal, italo-génois, français, gascon
et galégo-portugais, langue du nord-est de la péninsule ibérique). Plus tard il a influencé Pétrarque dans l’écriture de ses Triomphes. En Ombrie, le fond des
poésies est souvent religieux, lié aux cours judéo-italiennes. Le Ritmo di Sant’Alessio, originaires de Marches, raconte la vie de saint Alexis, ce patricien romain
parti en Syrie le jour de son mariage et, revenu pauvre, vient mendier sous l’escalier du palais paternel sans être reconnu avant sa mort (on montre encore
l’escalier dans l’église de Saint Alexis sur l’Aventin à Rome). Les marches furent aussi une région où se réfugièrent souvent les très populaires « Poverelli »
franciscains, ceux qui voulaient rester fidèles à l’idéal de François d’Assise.
Plusieurs textes manifestent aussi leur intérêt pour la vie civile, les conflits sociaux, ceux qui opposaient les communes : dans le Ritmo lucchese, on célèbre la
victoire de Lucques sur Pise en 1213, le Ritmo cassinese est un ensemble de 96 vers de la fin du XIIe siècle, trouvé à l’abbaye de Montecassino, véritable capitale
linguistique, culturelle et économique, concentration de courants latins, grecs et longobards. Le Ritmo est écrit en strophes monorimes d’un nombre de vers
dissemblables, à la façon des jongleurs populaires.
Le texte de François d’Assise (1182-1226) est considéré comme le vrai début de la poésie italienne, c’est le premier texte en langue vulgaire d’un auteur connu. Il
fut écrit par François dans un vulgaire ombrien, orné d’une partition musicale, selon l’usage liturgique et l’habitude des troubadours, il est achevé entre 1224 et
1226, en trois étapes. Notez d’abord l’usage de la langue dialctale ombrienne (les finales en -u, des formes comme se konfano, iorno, benedictione, nullu homo,
tucte, le peccata = neutre pluriel latin entendu comme féminin) et les nombreuses références bibliques, particulièrement au Psaume CXLVIII et à Daniel, III, 51-74
(à commencer par Altissimo où A est l’alfa et Onnipotente où O est l’omega, la formule Laudato sie, ou Beati quelli, le mot ka, etc.). La seconde mort est la
damnation éternelle.
La poésie de François est une belle expression de la religion populaire parallèle et largement extérieure à la religion officielle de l’institution ecclésiastique.
Pensons que nous sommes au temps du pape Innocent III (1161-1218) qui écrivait (Cf. Jean-Paul Migne, Patrologie latine, Paris, 1885, p. 1784) : « De même
que la lune reçoit sa lumière du soleil et pour cette raison lui est inférieure en quantité et qualité, dimension et effets, de même le pouvoir royal dérive de l’autorité
pontificale la splendeur de sa propre dignité, et plus il est en contact avec elle, plus il s’orne de lumière, et plus il en est distant, moins il acquiert de splendeur ».
C’est une période où l’Église est devenue une grande puissance féodale, très riche. Dans le texte de François au contraire, la lune et le soleil sont également
reconnus dans leur utilité et dans leur beauté. Toute la référence est aux quatre éléments de la nature, feu, air, eau, terre, dont nous sommes frères, sans aucune
allusion aux concepts théologiques ni au pouvoir de l’institution et à ses règles dictées par le pape. Nous sommes plus proches des paysans pauvres et opprimés,
et implicitement des protestations hérétiques ou de la pensée de Joachim de Flore (1135-1202), le cistercien calabrais qui prêchait un royaume d’amour et de
paix. François ne fait aucune critique de l’institution ecclésiastique (dont il ne voulut jamais faire partie, il refusa toujours d’être nommé prêtre, il n’avait qu’ne
dérogation pour dire la messe et prêcher), mais il veut vivre simplement en harmonie avec cette nature créée par Dieu, même dans la souffrance, sans besoin
d’autres commandements que ceux du Christ.
Dans le même sens iront les Laude et la poésie de Jacopone da Todi (1266-1306), le grand poète ombrien qui s’opposa à l’institution et fut martyrisé par le pape
Boniface VIII, ou les religieux des Abruzzes, d’où sortira le pape Célestin V (1281-1296), démissionnaire après quelques mois d’une charge devenue
insupportable. L’ordre dominicain sera plus intellectuel et conseiller des classes dominantes des villes italiennes, et il finira par diriger l’inquisition romaine contre
les « hérétiques ». Il sera source de peu de textes littéraires mais de quelques grands théologiens (Thomas d’Aquin, Albert le Grand …).
C’est dans cette tradition populaire que l’on retrouve le mieux l’alliance entre poésie et musique, nous n’avons aucune trace de musique accompagnant les textes
plus savants. François a au contraire écrit une partition musicale de sa Louange des créatures, dont malheureusement le texte original ne nous est pas parvenu.
Mais on sait que les Frères auraient dû apprendre l’hymne et le chanter partout après leur prêche, ils étaient des « jongleurs de Dieu ». Le texte de François a été
maintes fois chanté et enregistré (Voir la discographie de http://kalusconsentus.org/index.php/it/laudi ). Le plus récent est la mise en musique d’Angelo
Branduardi dans son disque de 2000, L’infinitamente piccolo.
À partir de François et de Jacopone, se développa un nouveau genre littéraire religieux, la « lauda », composition poétique populaire propre à la littérature
italienne et peu pratiquée dans les autres pays. Ces laude furent à l’origine chantées par le peuple de fidèles pour la glorification de Dieu, de la Vierge et des
saints, et on vit se créer en Italie centrale le mouvement des « laudesi » qui chantait soit en latin soit en langue vulgaire. Les Franciscains y participèrent
beaucoup, à commencer par un frère Benedetto, surnommé Cornetta, à l’occasion de la grande année liturgique de 1233 ; en 1260 commença à vivre le
mouvement des « flagellanti » (ou « disciplinati » ou « battuti »), confréries lancées par Raniero Fasani ( ? -1281) à Perugia, qui faisaient des processions en se
flagellant et en chantant des « laude » appelant à la pénitence ; c’est de là que vint par la suite le théâtre sacré italien. D’autres auteurs extérieurs au mouvement
des « flagellanti » composèrent aussi des laude, Ugo Panziera di Prato (1260-1330), Bianco da Siena (1350-1399), Leonardo Giustiniani (1387-1446) à
Venise, Feo Belcari (1410-1484) en Toscane, Lucrezia Tornabuoni (1425-1482) et Savonarole (1452-1498) à Florence … De nombreux manuscrits nous ont
conservé la musique de ces laude, mélodies populaires simples que le peuple pouvait chanter facilement.
La prima letteratura in volgare umbro
In Italia centrale (Umbria e Toscana) e in Veneto appaiono nel secolo XI i primi testi letterari in volgare. Nel Nord-ovest, nel Monferrato, un trovatore provenzale,
Raimbaut de Vaqueras (1165 ?-1207), scrive un contrasto in provenzale genovese, prima prova in volgare col suo discordo (= descort = querelle, forma di
poesia lirica in versi diversi in strofe dissimili) in cinque lingue (provenzale, italiano-genovese, francese, guascone e galego-portoghese, lingua del nord-ovest
delle penisola iberica). Più tardi ha influenzato il Petrarca nella scrittura dei suoi Trionfi. In Umbria, lo sfondo delle poesie è spesso religioso, legato alle corti dei
vescovi o al movimenti di contestazione. Si conosce anche un’elegia ebrea di un giullare in una lingua giudeo-italiano. Il Ritmo di Sant’Alessio, originario delle
Marche, racconta la vita del patrizio romano partito in Siria il giorno del suo matrimonio e, tornato povero, viene a mendicare sotto le scale del palazzo paterno
senza essere riconosciuto prima della sua morte (si vede la scala nella chiesa di Sant’Alessio sull’Aventino a Roma).
Parecchi testi manifestano anche gli interessi per la vita civile, i conflitti sociali, quelli tra i diversi comuni (Nel Ritmo lucchese, si celebra la vittoria di Lucca su Pisa
del 1213). Il Ritmo cassinese
Il testo di Francesco d’Assisi (1182-1226) è considerato come il vero inizio della poesia italiana, è il primo testo in volgare di un autore noto. Fu scritto da
Francesco in un volgare umbro, ornato da lui di uno spartito musicale, secondo l’uso liturgico e le usanze trobadoriche. Il testo è scritto tra il 1224 e il 1226, in tre
tappe.
Notate prima l’uso di lingua dialettale umbra (le finali in -u, forme come se konfano, iorno, la desinenza -ano per il futuro, ène per è, messor per messer…) mista a
latinismi (parole come honore, dignu, benedictione, nullu homo, tucte, le peccata = neutro plurale latino inteso comme femminile) e a numerosi riferimenti bibblici,
particolarmente ai Salmi, quello CXLVIII, e a Daniele III, 51-74 (a cominciare con Altissimo dove A è l’alfa e Onnipotente dove O è l’omega, la formula Laudato sie,
o Beati quelli, la parola ka, ecc.). La « morte secunda » è la dannazione eterna.
La poesia di Francesco è una bell’espressione della religione popolare parallela ed esterna alla religione ufficiale dell’istituzione eclesiastica. Pensiamo che siamo
al tempo di Papa Innocenzo III (1161-1218) che scriveva (Cf. J.P. Migne, Patrologie latine, Paris, 1855, p. 174) : « Così come la luna riceve la sua luce dal sole
e per tale ragione è inferiore a lui per quantità e qualità, dimensione ed effetti, similmente il potere regio deriva dall’autorità papale lo splendore della propria
dignità, e quanto più è con essa a contatto, di tanta maggior luce si adorna, e quanto più ne è distante, tanto meno acquista splendore ». È un periodo in cui la
Chiesa è diventata una grande potenza feudale, ricchissima. Nel testo di Francesco, la luna e il sole sono ugualmente riconosciuti nella loro utilità e nella loro
bellezza. Tutto il riferimento è ai quattro elementi della natura, fuoco, aria, acqua, terra, di cui siamo fratelli, senza nessuna allusione ai concetti teologici nè al
potere dell’istituzione e alle sue regole dettate dal papa. Siamo più vicini ai contadini poveri e oppressi, e implicitamente alle proteste dei movimenti ereticali o al
pensiero di Gioacchino da Fiore (1135-1202) che prediceva un regno d’amore e di pace. Francesco non fa nessuna critica del potere ecclesiastico (di cui non
volle mai far parte : non volle mai esser ordinato prete), ma vuol vivere semplicemente in armonia con quella natura creata da Dio, anche nella sofferenza, senza
bisogno di altro comandamento che quelli di Cristo.
Nello stesso senso andranno le laude e la poesia di Jacopone da Todi (1268-1306), il gran poeta umbro, o i religiosi dell’Abruzzo dai quali uscirà il papa
Celestino V (1201-1296), dimissionario dopo pochi mesi. L’ordine domenicano sarà più intellettuale e consigliere delle classi dominanti delle città italiane, e finirà
col dirigere l’Inquisizione romana contro gli « eretici ». Sarà fonte di pochi testi letterari ma di alcuni grandi teologi (Tommaso d’Aquino, Alberto Magno… ).
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