LA PESTE
ANNEXE 5
Et pour finir, une chanson
La peste
tGiorgio Gaber
Anche per oggi non si vola
1974)
Un bacillo che saltella,
Un bacille qui sautille,
che si muove un po’ curioso,
qui s’agite un peu curieusement,
un batterio negativo,
une bactérie négative,
un bacillo contagioso.
un bacille contagieux.
Serpeggia nell’aria
Il serpente dans l’air
con un certo mistero,
avec un certain mystère
le voci sono molte
les rumeurs sont nombreuses
non è proprio un segreto,
ce n’est vraiment pas un secret
la gente ne parla a bassa voce,
les gens en parlent à voix basse,
la notizia si diffonde piano
la nouvelle se répand doucement
per tutta Milano.
dans tout Milan.
La gente ha paura
Les gens ont peur
comincia a diffidare,
ils commencent à se méfier,
si chiude nelle case,
ils s’enferment chez eux,
uno scoppio di terrore,
une explosion de terreur,
un urlo disumano,
un hurlement inhumain,
la peste a Milano.
la peste à Milan.
A Milano c’è gente che muore,
À Milan, il y a des gens qui meurent
la notizia fa un certo scalpore,
la nouvelle fait un certain tapage,
anche in provincia si muore.
même en province on meurt.
La peste si diffonde adagio,
La peste se répand lentement
poi cresce e si parla di contagio,
puis augmente et on parle de contagion,
c’è il sospetto che sia un focolaio
on soupçonne qu’il y a un foyer
che parte dal centro e si muove a raggiera,
qui part du centre et rayonne,
dilaga dovunque
partout elle s’étend
la peste nera.
la peste noire.
E’ scoppiata un’epidemia di quelle più maligne
Une épidémie a éclaté, des plus malignes
con bubboni che appestano uomini, donne e bambini, avec des bubons qui donnent la peste aux hommes, aux femmes et aux enfants
l’infezione trasmessa da topi usciti dalle fogne,
l’infection est transmise par des rats sortis des égouts
ma hanno visto abilissime mani lanciarli dai tombini, mais on a vu des mains très habiles les lancer des bouches d’égout
sono le solite mani nascoste e potenti
ce sont les mains habituelles cachées et puissantes
che lavorano sotto, che son sempre presenti.
qui travaillent par dessous et sont toujours présentes.
La gente si difende disperata,
Les gens se défendent désespérément
la peste incalza e viene avanti,
la peste harcèle et avance
si dilaga, si scatena agguerrita,
elle se répand, se déchaîne aguerrie
è anche peggio di quella del venti,
elle est même pire que celle de 1920
la peste ci viene addosso,
la peste nous saute dessus
la peste non si ferma più,
la peste ne s’arrête plus,
morti dappertutto
des morts de partout,
che vengono ammassati come animali,
qui sont entassés comme des animaux,
non fa neanche più effetto,
ça ne fait même plus d’effet,
sono cose normali,
ce sont des choses normales,
si fotografano i cadaveri,
on photographie les cadavres,
non fa neanche più schifo,
ça ne provoque même plus de dégoût,
ci si lava, ci si pettina,
on se lave, on se peigne,
si esce, si va al bar,
on sort, on va au bar,
si scansano i cadaveri,
on évite les cadavres,
non ci fai più caso
on n’y fait même plus attention
ci si abitua così presto,
on s’y habitue si vite,
in fondo ne muoiono tanti
au fond il y en a tant qui meurent
anche al week-end di ferragosto.
même le week-end du 15 août.
Un bacillo a bastoncino
Un bacille en petits bâtons
che ti entra nel cervello,
qui te rentre dans le cerveau,
un batterio negativo,
une bactérie négative,
un bacillo a manganello.
une bactérie en forme de matraque.
La chanson est écrite par Gaber en 1974, pendant la période qui suit le premier attentat néofasciste du 12 décembre 1969, place Fontana à Milan, dans la
Banque Nationale de l’Agriculture, à une heure où les paysans du marché venaient déposer l’argent de leurs ventes, faisant 17 morts et plus de 80 blessés. Ce
fut dans le cadre de la politique démocrate-chrétienne d’alors, dite « stratégie de la tension », qui devait lui conserver le pouvoir. Elle le perdra quand même 25
ans après (Voir notre dossier dans Histoire - de 1945 à 1992).
La peste d’aujourd’hui est donc le retour de « celle de 1920 » (« quella del venti », et non pas « quella dei venti », comme ont lu quelques traducteurs qui parlent
de « celle des vents ». Les années 20 sont précisément celles où arrive le fascisme mussolinien. La peste effrayante d’aujourd’hui (la chanson est toujours
actuelle) est donc moins le coronavirus que le risque politique d’une remontée d’un nouveau fascisme d’extrême-droite ! C’est le régime de la « matraque » qui
risque de revenir (« un bacille a manganello »).