Nouvelles de ces derniers temps : édition du 27 novembre 2016
Nouvelles de ces derniers temps, 27 novembre 2016
1) Sur l’émigration italienne en France. Un grand livre sur les Italiens à Lyon
Les éditions Lieux Dits (17, rue René Leynaud, 69001 Lyon) viennent de publier en octobre 2016 une seconde édition d’un
grand livre de Jean-Luc de Ochandiano, Lyon à l’italienne, deux siècles de présence italienne dans l’agglomération
lyonnaise, 272 pages intelligemment illustrées.
(Voir le compte-rendu de cet ouvrage dans « Actualité culturelle - Livres »)
2) Clôture de l’enquête sur la mort de Roberto Calvi (1920-1982)
L’histoire de l’Italie contemporaine est pleine de « mystères » jamais résolus : ce n’est pas étonnant dans cette partie d’un
pays traversé par les mafias du Sud au Nord, la corruption de l’État et des Services Secrets, des banques (dont parmi les
premières celle du Vatican, que le pape François n’arrive guère à réformer), et toutes les opérations clandestines que cela
recouvre. Parmi ces mystères, celui de la mort de Roberto Calvi le 18 juin 1982 (Voir Il Fatto Quotidiano du 10 novembre
2016)
Qui était Roberto Calvi, cet homme surnommé « le banquier de Dieu » ? Il était fils d’un fonctionnaire de la Banca
Commerciale Italiana de Milan ; après ses études à l’Université Bocconi (la grande université catholique qui forme une
bonne partie des « élites » économiques et politiques d’Italie), il combat sur le front russe dans le 5e Régiment de Cavalerie de Mussolini, puis en 1947, il
entre comme employé au Banco Ambrosiano dont il deviendra bientôt président grâce au soutien de Mgr Marcinkus, évêque américain qui est alors
président de l’Institut des Œuvres de Religion (IOR), la Banque du Vatican, qui est aussi l’actionnaire majoritaire du Banco Ambrosiano. Calvi est aussi
membre de la Loge P2, créée et dirigée par Licio Gelli.
En 1981 il est condamné à quatre ans de prison avec sursis et 19,8 millions de dollars d’amende pour exportation
frauduleuse de capitaux, en même temps qu’il est suspecté d’avoir couvert une dette de 1,3 milliard de dollars dans le
budget du Banco Ambrosiano : une des pistes de l’enquête est que cet argent aurait été utilisé par le pape Jean-Paul II
pour soutenir le syndicat Solidanosc en Pologne et les Contras au Nicaragua (groupes para-militaires de lutte contre le
gouvernement sandiniste communiste). En 1982, plusieurs cadres de la Banque se « suicident », et le 10 juin, il
disparaît de son appartement romain et gagne Londres sous un faux nom par des filières yougoslaves ; une semaine
après, sa secrétaire se « suicide » aussi, et le 18 juin 1982, on retrouve son corps pendu à un échafaudage sous le
pont « des Frères Noirs » de Londres, avec dans ses poches 50.000 francs en liquide … et des briques.
La justice anglaise conclut au suicide, mais les experts médicaux italiens jugent le suicide matériellement impossible et concluent au « meurtre ». L’enquête
est rouverte en 1992 ; un camorriste, Vincenzo Casillo, avoue le meurtre à son avocat qui est assassiné trois jours après avoir déclaré qu’il allait tout révéler
à une commission parlementaire. En 2005, on inculpe Giuseppe (Pippo) Calò, le « caissier de la mafia » (qui vivait déjà luxueusement dans l’hôpital de la
prison, servi par les détenus de droit commun !), et plusieurs autres personnes , de meurtre aggravé et prémédité. Roberto Calvi aurait été assassiné par la
mafia pour le punir de sa mauvaise gestion (l’argent de la Banque appartenait à la mafia), pour le faire taire parce qu’il savait trop de choses sur les
opérations frauduleuses de la Banque, et pour servir d’exemple aux autres collaborateurs externes à la mafia. Roberto Calvi avait d’abord été l’allié puis
l’ennemi juré du banqueroutier Michele Sindona (1920-1986), nommé par Paul VI conseiller financier du Vatican, membre de la Loge P2 et considéré comme
le banquier de la mafia sicilienne, compromis dans des assassinats et empoisonné en prison après avoir déclaré qu’il ferait des déclarations.
Enfin, début novembre dernier, après une première demande d’archivage du Procureur Tescaroli du 17 octobre 2013, la Gip (Juge des instructions
Préliminaires) Simonetta d’Alessandro décide d’archiver de la dernière enquête sur la mort de Calvi, tout en soulignant que l’hypothèse de l’homicide est «
difficile à surmonter » et que les Commissions rogatoires envoyées au Saint-Siège sur les affaires de Mgr Marcinkus (archevêque américain, ami et garde
du corps de Paul VI, 1922-2006. Il était le troisième personnage de l’État du Vatican après le pape, et il serait à la source de « l’empoisonnement » de
Jean-Paul I en 1978) se sont révélées « presque inutiles ». La juge parle explicitement « d’assassinat » commis « par une partie du Vatican, mais pas
tout le Vatican, une partie de Cosa Nostra, mais pas tout Cosa Nostra, une partie de la franc-maçonnerie, mais pas toute la franc-maçonnerie, en un mot la
contiguïté entre les sommets et eux seuls, dans une phase stratégique de politique étrangère, qui a brûlé des capitaux, qui selon les repentis, étaient de
provenance mafieuse. Il n’a pas été possible de faire plus ». Notons que le Vatican avait vivement protesté contre les accusations portées à Mgr Marcinkus,
mais sans jamais répondre sur le fond. Et soulignons que les dernières enquêtes de 2008 avaient aussi impliqué, outre Licio Gelli, des membres de la Banda
della Magliana, des hommes des Services Secrets italiens, un banquier suisse.
Mais les intérêts économiques et politiques dominants ont interdit d’aller plus loin dans cette dénonciation d’une affaire italienne et internationale, et la justice
doit « archiver ». Ce n’est qu’un des « mystères » qui resteront enfouis sans solution dans les cartons dela Justice italienne.
Qu’y avait-il donc dans la tête des papes pour confier la gestion des finances de l’Église à des hommes comme Calvi, Sindona, l’archevêque Marcinkus ?
étaient-il totalement ignorants et inconscients des réalités du monde, de l’existence de la mafia … ? ou étaient-ils totalement cyniques, comme les autres
hommes politiques, pour estimer que la gloire de Dieu (l’argent de Dieu) valait bien quelques assassinats ?
J.G., 25 novembre 2016
3) Bientôt le referendum constitutionnel (4 décembre 2016)
Encore quelques jours d’attente et on saura si les Italiens ont gardé quelque conscience civique ou s’ils sont déjà prêts à suivre n’importe quel bonimenteur
politique. Le premier Ministre, Matteo Renzi, commence à craindre le succès du « NON », et il utilise tous les moyens pour convaincre les hésitants. Il vient
de faire envoyer à tous les électeurs un document appelant à voter « OUI », aux frais du budget de l’État ; il multiplie les promesses, y compris celle de
réformer la loi électorale « Italicum » pour rallier quelques Démocrates de gauche, il n’en a converti qu’un, Cupiello. Il fait auprès des Italiens de l’étranger
un campagne dense et coûteuse, tellement qu’un membre des Comités pour le « NON » a passé par téléphone un message en napolitain pour appeler à
voter « NON ». Récemment à Zurich, la ministre Maria Elena Boschi a perdu le contrôle de ses nerfs parce que, dès le début de la réunion organisée par le
PD pour le « OUI », elle avait été interrompue par des opposants, alors qu’elle pensait être tranquille. Plusieurs recours ont été déposés devant plusieurs
tribunaux sur l’irrégularité de plusieurs points du referendum. Plainte a été déposée par le comité d’opposition pour protester contre l’abus que fait Renzi des
émissions télévisées pour le « OUI ».
La situation est tendue, on verra le résultat. Elle est aussi paradoxale : récemment l’Union Monarchiste Italienne (UMI) s’est prononcée pour le « NON »,
estimant que, certes, la Constitution actuelle n’était pas démocratique, interdisant un retour éventuel de la monarchie (art. 139), mais que les monarchistes
ne seraient jamais des « sujets » de Matteo Renzi, qu’ils invitent à retourner pêcher les grenouilles dans l’Arno ou à diriger les cuisines d’un futur
monarque … ! Et le périodique britannique L’Economist invite les Italiens à voter « NON », pour ne pas mettre en place en « homme fort » M. Renzi, mais
en indiquant aussi que le bénéficiaire de cette réforme pourrait bien être le M5S.
Mais la situation de plusieurs autres pays éclaire encore mieux la tentative de Renzi de renforcer le pouvoir central aux dépens du fonctionnement
démocratique de l’État : Trump aux États-Unis, Erdogan en Turquie, Poutine en Russie, récemment Fillon en France, et d’autres ailleurs, confirment ce
durcissement et ces tentatives de réformer des constitutions qui ne leur permettent plus d’exercer leur pouvoir tyrannique.. Pasolini aurait probablement
reconnu dans le démocrate-chrétien Matteo Renzi et ses alliés ex-communistes une belle illustration du « nouveau clérico-fascisme » dont il voyait déjà
apparaître les contours dès 1975 : une famille de petite bourgeoisie clientéliste avide de pouvoir personnel (Voir l’intervention sur la famille de Renzi de
l’anthropoloque Amalia Signorelli sur Il fatto Quotidiano du 9 août 2016). Mais Pasolini a déjà été assassiné ! Quant aux opposants, Renzi dit que ce sont
des rétrogrades hostiles à toute réforme : c’est plus commode que de discuter sereinement de ce projet de réforme constitutionnelle incompréhensible
dans sa forme, mal rédigé (tous reconnaissent que la Constitution de1948 était un modèle de clarté, que les constituants avaient d’ailleurs fait relire aux plus
grands maîtres de la langue italienne), mais clair sur le fond : limiter le pouvoir des citoyens, sans améliorer en rien le fonctionnement défectueux des
institutions ni le coût.
J.G., 25 novembre 2016
4) Rome : difficultés de Virginia Raggi dans son travail de réforme
On savait que Virginia Raggi devrait affronter une situation difficile à la tête de cette ville corrompue qu’est
Rome. Mais on pouvait espérer qu’on lui laisserait du temps pour organiser son équipe et pour traiter les
problèmes de la ville, les transports, le ramassage des ordures, le changement des responsables mafieux
par de nouvelles personnalités, pas faciles à trouver, etc. Non, cela ne se passe pas comme ça : toutes
ses décisions sont contestées, en particulier par le Parti Démocrate. Pourquoi ? il s’agit de montrer que le
M5S ne peut pas réussir à gérer une ville, alors imaginez s’il peut gérer le pays ! Or actuellement dans les
sondages, le M5S rejoint souvent et parfois dépasse le PD, dans ce cas à quoi servirait d’avoir fait une
réforme constitutionnelle ? C‘est le jeu politique habituel, qui ne ne porte pas la moindre attention à ce qui
pourrait améliorer la vie quotidienne des citoyens romains.
Il ne s’agit pas d’idéaliser le M5S, sur lequel pèse encore la dictature de Beppe Grillo, même après la disparition de Casaleggio. Mais on s’étonne que
beaucoup cherchent à déconsidérer le Mouvement en le qualifiant de « populiste » ; c’est en particulier le cas du nouveau correspondant du Monde en
Italie. Son prédécesseur était plus honnête, ou plus compétent, connaissant mieux l’Italie. On peut critiquer le M5S sur beaucoup d’aspects de son mode de
fonctionnement, mais il est injuste de le traiter de « populiste », l’assimilant ainsi dans l’esprit des lecteurs français à ce qu’on appelle ici le « populisme »,
c’est-à-dire l’extrême droite de Madame Le Pen.
J.G., 25 novembre 2016
5) La recherche du Trésor d’Alaric, roi des Goths
La valorisation de la légende d’Alaric était un des points forts du programme électoral du maire de Cosenza (Calabre), Mario Occhiuto. Outre l’intérêt
archéologique, on voulait retrouver les 25 tonnes d’or et les 150 tonnes d’argent que le roi des Goths aurait fait déposer dans sa tombe, selon le récit de
Cassiodore : de retour du sac de Rome de 410 apr. J.C., Alaric était mort à Cosenza et aurait été enterré avec ses trésors dans le lit du Busento.
Une convention vient d’être signée entre le Maire de Cosenza et la Surintendance aux Beaux-Arts pour pouvoir commencer les fouilles, les restaurations et
la publication des documents récupérés ; mais aucune ressource financière n’a été dégagée pour payer ces travaux. On attend pourtant de cette légende un
attrait touristique équivalent, dit le Maire, à celui du monstre du Loch Ness, qui n’était pourtant qu’une invention des autorités anglaises pour relancer
l’activité touristique des lieux. L’idée du trésor d’Alaric est ancienne et a déjà fait l’objet depuis 2012 de la prévision d’un Musée et d’un film. Le Musée
coûterait 7 millions d’euros, et pendant ce temps, dit Battista Sangineto, professeur de Méthodologie de la recherche archéologique de l’Université de
Calabre, tandis que les autres aires archéologiques de la ville doivent être fermées au public parce qu’elles ne sont pas bien entretenues, et cela est
contradictoire avec l’idée plus importante qui était de faire de Cosenza en 2033 une candidate à être la « Capitale de la Culture ». Elle fut « la ville des
Bruces » au IVe siècle av. J.C. puis « l’Athènes de la Calabre » aux XVe et XVIe siècles. La tombe du roi des Goths peut-elle faire oublier tout cela ?
J.G., 25 novembre 2016
Roberto Calvi. Pour fuir à Londres,
il avait rasé sa moustache !
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