Accueil Actualités italiennes Nature Histoire Sructures Langue Création de formes artistiques Creation de culture materielle Chanson Voyages Contacts
Storia dei popoli d’Italia e canzone (suite 7)
Francesco De Gregori, L’agnello di Dio, se trouve dans son disque de 1996, Prendere o lasciare. Il se réfère à l’image sacrificielle de Jésus, “l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde”, et il décrit toutes les formes, bourreaux et victimes, sous lesquelles on le trouve aujourd’hui, la jeune prostituée slave ou africaine, le vendeur de drogue à la sortie de l’école, le soldat aux jambes fracassées après avoir tué (il a une tête entre les mains), le prisonnier, le suspect recherché qui ne sait où se cacher, celui qui a faim, le nomade perdu dans le désert : L’agnello di Dio                            L’agneau de Dieu (Francesco De Gregori con l’aiuto di Corrado Rustici Prendere e lasciare 1996) Ecco l'agnello di Dio                 Voilà l’agneau de Dieu chi toglie peccati del mondo.          celui qui enlève les péchés du monde. Disse la ragazza slava venuta allo sprofondo. c’est ce que dit la jeune slave venue à la catastrophe Disse la ragazza africana sul raccordo anulare.         c’est ce que dit la jeune africaine sur le boulevard de  ceinture. Ecco l'agnello di Dio                  voilà l’agneau de Dieu che viene a pascolare.         qui vient à sa pâture E scende dall'automobile per contrattare.         et descend de sa voiture pour discuter le prix. Ecco l'agnello di Dio          Voilà l’agneau de Dieu all'uscita dalla scuola. à la sortie de l’école Ha gli occhi come due monete, il a les yeux comme deux pièces de monnaie il sorriso come una tagliola. le sourire comme un piège Ti dice che cosa ti costa,          Il te dit combien ça te coûte ti dice che cosa ti piace.          Il te dit qu’est-ce que tu aimes. Prima ancora della tua risposta          Avant même ta réponse ti dà un segno di pace. il te donne un signe de paix. E intanto due poliziotti Et pendant ce temps deux policiers fanno finta di non vedere.         font semblant de ne pas voir. Oh, aiutami a fare come si può,                 Oh, aide-moi à faire comme on peut prenditi tutto quello che ho.         prends-moi tout ce que j’ai Insegnami le cose che ancora         Apprends-moi tout ce je ne sais pas encore non so, non so.                        ce que je ne sais pas. E dimmi quante maschere avrai                Et dis-moi combien de masques tu auras e quante maschere avrò.         et combien de masques j’aurai. Ecco l'agnello di Dio Voilà l’agneau de Dieu vestito da soldato, habillé en soldat, con le gambe fracassate, les jambes fracassées con il naso insaguinato. le nez ensanglanté. Si nasconde dentro la terra, Il se cache dans la terre tra le mani ha la testa di un uomo. Il a une tête d’homme dans ses mains. Ecco l'agnello di Dio Voilà l’agneau de Dieu venuto a chiedere perdono. venu demander pardon. Si ferma ad annusare il vento Il s’arrête pour sentir le vent ma nel vento sente odore di piombo. mais dans le vent il sent une odeur de plomb. Percosso e benedetto Frappé et bienheureux ai piedi di una montagna.          au pied d’une montagne. Chiuso dentro una prigione, Enfermé dans une prison, braccato per la campagna. braqué à travers la campagne. Nascosto dentro a un treno, Caché dans un train, legato sopra un altare. ligoté sur un autel. Ecco l'agnello che nessuno lo può salvare.                      Voilà l’agneau de Dieu que personne ne peut sauver. Perduto nel deserto,che nessuno lo può trovare.              Perdu dans le désert où personne ne peut le trouver. Ecco l'agnello di Dio senza un posto dove stare.              Voilà l’agneau de Dieu sans un lieu où aller. Ecco l'agnello di Dio senza un posto dove stare. Voilà l’agneau de Dieu sans un lieu où aller. Oh, aiutami a stare dove si può          Oh, aide-moi à rester où c’est possible e prenditi tutto quello che ho.          et prends tout ce que j’ai. Insegnami le cose che ancora non so, non so. Apprends-moi les choses que je ne sais pas, je ne sais pas. E dimmi quante maschere avrai,          Et dis-moi combien de masques tu auras regalami i trucchi che fai,                  Fais-moi cadeau des trucs que tu fais insegnami ad andare dovunque sarai, sarò. Apprends-moi à aller où tu seras, j’y sera. E dimmi quante maschere avrò.          Et dis-moi combien de masques j’aurai Se mi riconoscerai, dovunque sarò, sarai.          Si tu me reconnais, partout où je serai, tu seras. De nombreux textes de chansons portent le titre de Giuda, pas toujours en rapport direct avec le personnage biblique, citons par exemple celles de Caparezza, Giuda me, le single extrait de son second album, Verità supposte, qui n’est qu’un jeu de mots à partir de « giù » (= en bas, c’est-à-dire le Sud de l’Italie) et de la préposition « da », dans cette chanson qui se moque du « cavaliere », Berlusconi. Citons encore Giuda du groupe La fame di Camilla, dans Storia di una favola, 2009, qui ne semble rien avoir en commun avec Judas. Par contre, on peut écouter la chanson de Cecco Signa, Tutta colpa di Giuda, colonne sonore du film homonyme de Davide Ferraris de 2009, histoire d’un « brigand », trafiquant de marijuhana, qui se compare à Jésus, car il est là à cause d’un « judas » qui l’a dénoncé. Mais au moins deux chansons sont consacrées au Judas de la Bible, celle d’Antonello Venditti et celle de Roberto Vecchioni. La chanson de Venditti traite Judas comme « le traître absolu » et le seul à ne pas avoir obtenu de pardon, qui s’adresse à Jésus depuis l’enfer. Rien de bien nouveau. Vecchioni réévalue Judas comme le premier homme qui se sera suicidé pour faire de Jésus un « roi », « un homme à utiliser et à jeter » : il fait donc l’hypothèse que Judas a été indispensable à Jésus, il fallait qu’il le trahisse pour qu’il soit crucifié et que l’humanité soit sauvée. Serait-ce une annonce des recherches actuelles ou du roman d’Amos Oz de 2014, Judas, où Shmuel affirme que Judas est « l'auteur, l'impresario, le metteur en scène et le producteur du spectacle de la crucifixion ». Déjà L’Évangile de Judas (entre 130 et 170) faisait de la dénonciation de Jésus un acte d’obéissance nécessaire pour assurer la rédemption. Judas serait-il une victime de la nécessité ? Vecchioni procède presque à sa réhabilitation, était-il prédestiné à ce rôle ou agit-il librement ?, vieux débat théologique du christianisme ! Et Vecchioni sort lui aussi de la culture religieuse dominante, préférant chanter ce personnage obscur mais essentiel, et exprimant sa critique de Jésus qui utilise Judas pour sa réussite. Giuda (Se non hai capito...) (Roberto Vecchioni Il re non si diverte 1973) È bello avere i tuoi trentatre anni C’est beau d’avoir trente ans comme toi e accarezzare il capo di Giovanni et de caresser la tête de Jean e dire a Pietro : “Queste son le chiavi et de dire à Pierre : « Voilà les clés e ti perdono il monte degli Ulivi". et je te pardonne pour le Mont des Oliviers ». Manca soltanto lui e ben gli sta          Il ne manque que lui et ça lui va bien come ci insegnano si impiccherà. comme on nous l’apprend, il se pendra. Ma il primo a uccidersi               Mais le premier à se tuer per farti re è stato quello che non salverai      pour te faire roi a été celui que tu ne sauveras pas e ti serviva un uomo da usare e gettar via      et il te servait d’homme à utiliser et à jeter appeso ai nostri buoni "Così sia".      pendu à nos bons « Ainsi soit-il ». On peut écouter aussi la Maddalena du cantautore romain Alessandro Mannarino (1979- ), dans son second disque de 2011, Supersantos, où Judas est recueilli par Madeleine avant d’être emprisonné et de dénoncer Jésus comme celui qui avait apporté d’Orient de l’oppium ! Virgilio Savona a raconté dans une chanson une scène de martyre, Il proconsole Dione e il fante Massimiliano. Le “signe” dont il parle était le drapeau symbole de chaque cohorte, porté par le “signifer” : c’était une lance avec au sommet une pointe ornamentale ou une main levée en bronze doré ou blanche décoré de ghirlandes et de disques indiquant les centuries. Cela peut être aussi le bracelet que les légionnaires avaient à la cheville portant leurs données personnelles pour qu’on puisse reconnaître leur cadavre. L’épisode de Maximilien (274-295), né à Tebessa (Théveste) en Numidie (Algérie de l’Est), est raconté dans une Passio Sancti Massimiliani, procès-verbal de l’interrogatoire du légionnaire par le Proconsul Dion Cassius, et qui datait sa mort du 12 mars 295. Il posait tout le problème des rapports entre les Chrétiens et l’État romani : fallait-il en particulier effectuer le service militaire ? Les cas de refus n’étaient pas rares à cette époque, et le proconsul semble hésiter et faire preuve de patience, mais il ne peut laisser contester un des principes de base de l’empire. Maximilien est convaincu que le service militaire est négatif, parce qu’il comporte une violence contraire aux valeurs chrétiennes, dans ce monde romani qui ne connaît que la paix imposée par la force. Il est donc condamné non parce que “chrétien”, bien qu’on soit au temps des persécutions religieuses de Dioclétien, mais parce qu’il refuse le service militare impérial. Maximilien est le premier objecteur de conscience de l’histoire, et pendant la guerre du Vietnam, un groupe de clercs américains hostiles à la guerre se référa à Sanctus Maximilianus Ceci est une histoire vraie, arrivée il y a 1670 ans à Théveste en Numidie. Elle a été tirée de documents historiques recueillis par le manuscrit «  Actes sincères des premiers martyrs ». Dione proconsole romano          Dion proconsul romain fece condurre in catene al suo cospetto fit conduire devant lui dans les chaînes il 12 di marzo del 300 d.C.                Le 12  mars 300 après Jésus-Christ il fante Massimiliano. Le fantassin Maximilien. Gli chiese cos’era quella storia          Il lui demanda ce qu’était cette histoire che gli era stata dai capi riferita, qui lui avait été référée par ses chefs, se era una menzogna, o se era cosa vera. si c’était un mensonge, ou si c’était vrai. Rispose Massimiliano :         Maximilien répondit : « È vero, proconsole Dione, « C’est vrai, proconsul Dion, non prendo il Segno (1), non prendo la daga : je ne prends pas le Signe, je ne prends pas la dague  : Io, Massimiliano, sono cristiano         Moi, Maximilien, je suis chrétien e non combatterò per la coorte          et je ne combattrai pas pour la cohorte, Porto la pace non porto la morte ». Je porte la paix je ne porte pas la mort ». Dione gli disse : « Scellerato Dion lui dit : « Scélérat, chi ti ha condotto a questa conclusione qui t’a conduit à cette conclusion Se non accetti il Segno, se rifiuti la milizia Si tu n’acceptes pas le Signe, si tu refuses le combat sarai decapitato.          Tu seras décapité. Rinnega il gretto ciarlatano Renie le petit charlatan che ti ha ispirato stupide teorie.          qui t’a inspiré ces théories stupides Avrai salva la vita e sarai riabilitato ». Tu auras la vie sauve et tu seras réhabilité ». Rispose Massimiliano :          Maximilien répondit : « La vita, proconsole Dione, « La vie, Proconsul Dion, non è nel Segno, non è nella daga : n’est pas dans le Signe, elle n’est pas dans la dague : Io, Massimiliano, sono cristiano         Moi, Maximilien, je suis chrétien e accetto con amore la mia sorte Et j’accepte mon sort avec amour e, con amore, accetto la morte ». et c’est avec amour que j’accepte la mort ». Massimiliano data la risposta,          Maximilien, ayant donné sa réponse, cadde in ginocchio – ed abbassò la testa. Tomba à genoux - et il  baissa la tête. Conclusions provisoires : 1) Autrefois, les peintres et les poètes ont souvent fait référence à la mythologie,  à l’histoire gréco-romaine et à la Bible pour comparer des contemporains qu’ils admiraient à des héros de l’Antiquité, mythologiques ou historiques. Les chanteurs italiens contemporains se servent plutôt de l’antiquité comme d’un miroir négatif du présent, la cruauté des jeux dans les stades de football comparée à la cruauté des jeux du cirque romain, Ulysse exploitant ses marins comparé à un patron moderne qui exploite ses ouvriers, Orphée qui se retourne délibérément pour qu’Eurydice reste aux Enfers comme symbole d’un amour malheureux ou impossible d’aujourd’hui. L’Antiquité a cessé d’être une référence positive pour devenir souvent une illustration des maux de la société capitaliste d’aujourd’hui : c’était déjà comme ça au moment de la guerre de Troie ! Et la venue du Christ, « ce grand révolutionnaire », dit-on souvent dans ce dernier tiers du XXe siècle, n’a pas servi à grand-chose, car les hommes sont aussi mauvais après qu’avant. 2) Quels éléments choisissent les « cantautori » ? Un nombre relativement limité de dieux, héros, empereurs, etc. sont retenus dans leurs chansons, Ulysse, Orphée et Eurydice, Ajax, Sapho, Alexandre le Grand, Néron, Héliogabale, très peu de personnages de l’Ancien Testament, le Christ et la Vierge Marie. Nous n’avons pas trouvé de chansons sur Achille, Priam, Hector et autres héros de la guerre de Troie, ni sur Jules César, Auguste et autres empereurs. Par contre la chanson populaire se concentrera sur les saints locaux ou internationaux, et la Vierge. Qu’est-ce qui commande ces choix ? D’abord la tradition : même Héliogabale n’est chanté qu’à partir d’un ouvrage antérieur d’Antonin Artaud (1896-1948) ; ou bien la permanence d’un nom de la mythologie dans le langage contemporain, comme le « Narcisse » de Giorgio Gaber. Ce peut être aussi l’intérêt personnel du chanteur, comme cela arrive chez Vecchioni, professeur de latin et de grec, spécialiste de l’Antiquité. Mais dans l’ensemble, il n’y a rien qui ne soit déjà présent dans la littérature ou dans l’opéra lyrique : les cantautori entretiennent la tradition, ne faisant que l’interpréter à nouveau et de façon nouvelle en fonction de la pensée et de la pratique de la société contemporaine. 3) Il reste ce besoin permanent de nous regarder dans le miroir de la société grecque ou romaine, soit pour traiter nos problèmes sociaux et politiques, soit pour parler de nos difficultés psychologiques privées et individuelles. Héritage d’une culture « classique », que l’on retrouve moins dans la culture populaire, plus marquée soit par d’autres références mythologiques, Dionysos plus qu’Apollon, comme dans la « tarentelle » méridionale soit par la culture chrétienne dans ses aspects les plus proches de la vie quotidienne du peuple, comme le culte des saints, protecteurs de l’agriculture, de la ville, etc.  ou de la Vierge, proche de la vie de toutes les mères. Un groupe rock récent du Trentin Haut-Adige se nomme cependant en 2003 The Bastard Sons of Dioniso ! Pourquoi cette permanence de la culture grecque et la mythologie dans notre société marquée par les idéologies héritées du christianisme ? Autant de questions à approfondir.   RETOUR A LA TABLE DES MATIERES                                 PARTIE 2