Storia dei popoli d’Italia e canzone - 2° partie suite 6
Les chansons critiques de cette « Renaissance » ne viendront donc que de l’intérieur de la classe dominante, les chansons dites « goliardiche », c’est-à-dire écrites par
des étudiants venus généralement de cette classe, intelligents, riches, qui pouvaient se moquer de leurs ancêtres. Une de ces chansons est restée célèbre, Il barone
Fanfulla da Lodi. Ce baron Bartolomeo Tito Alon est connu sous le nom de Fanfulla da Lodi, c’était un « condottiero », un chef de guerre né à Basiasco le 1er
septembre 1499 et mort à Pavie le 24 février 1525 (Voir ci-contre sa statue sur la place Raimondello Orsini de Lecce). En somme un de ces grands mercenaires au
service des puissances européennes, que l’on va mythifier comme des héros de la vaillance italienne ; il aurait entre autres participé avec Ettore Fieramosca (1476-
1515) à la fameuse Disfida di Barletta de 1503, dans les Pouilles.
Comme la chanson de Paolo Villaggio et Fabrizio de André citée plus haut sur Charles Martel qui revient de la bataille de Poitiers, celle-ci évoque Fanfulla aux prises
avec une fille facile qui veut le faire payer après lui avoir transmis une étrange maladie :
Il barone Fanfulla da Lodi
(Anonimo canto goliardico)
Il barone Fanfulla da Lodi
condottiero di gran rinomanza
fu condotto una sera in istanza
da una donna di facile amor.
Era nuova ai certami d'amore
di Fanfulla la casta alabarda
ma alla vista di tanta bernarda
prese il brando e si mise a pugnar
E cavalca, cavalca, cavalca
alla fine Fanfulla si accascia
al risveglio la turpe bagascia
“Cento scudi mi devi tu dar"
Vaffancul, vaffancul, vaffanculo
le risponde Fanfulla incazzato
venti scudi già ieri ti ho dato
ed il resto lo prendi nel cul.
Passa un giorno, due giorni, tre giorni
e a Fanfulla gli prude l'uccello
cos'è mai questo male novello
che natura ci vuole donar ?
Fu chiamato un famoso dottore
quello venne e poi disse : "Fanfulla
qui bisogna amputare una palla
se di scolo non vuoi tu morir"
Di Fanfulla l'uccello reciso
fu deposto in un'orrida bara
mille vergin facevano a gara
per cantargli codesta canzon :
«Facesti il fol, facesti il fol
chiavasti senza guanto, il guanto, il guanto
facesti il fol, facesti il fol,
chiavasti senza guanto e beccasti lo scol!»
La morale di questa vicenda
si riduce alla legge del menga :
chi l'ha preso nel cul se lo tenga
ed impari ad usare il golden !
Però oltre alla legge del menga
ci sta pure la legge del Volga :
chi l'ha preso nel cul se lo tolga
e lo metta nel cul del vicin !
Une satire sans pitié qui sera reprise à plusieurs reprises, dont une imitation récente sur Silvio Berlusconi, Il Ducetto Silviuccio d’Arcore (Voir le texte sur Internet :
ww.antiwarsongs-il barone fanfulladalodi), qui raconte ses démêlés avec Noémi et en conséquence le divorce de sa femme Véronique. La chanson reprend des
expressions citées dans des films (la legge del menga et la legge della Volga) à partir d’une chanson très connue Il Processo di Sculacciabuchi, peut-être de Giovanni
Rosadi (1869-1925), histoire du procès d’un prêtre pédophile : déjà à la fin du XIXe siècle, on savait les choses, on les évoquait en chanson, mais on n’en parlait pas
trop en public.
Une autre chanson plus récente sur la Renaissance est L’ammucchiata de Riccardo Marasco (1938-2015). Marasco était un important cantautore florentin, auteur et
interprète de chansons populaires surtout toscanes, du Moyen-êge à nos jours et dans la pure tradition de l’humour et de la satire de la région. L’Ammucchiata, de 1976,
est une chanson satirique sur les mœurs des nobles florentins et des artistes de la Renaissance. C’est un auteur intéressant, reçu aussi en France, populaire à Florence
mais resté marginal aux médias.
La première strophe est une citation de Laurent de Médicis, au début de son Lamento di Bacco e Arianna. Giuliano était le frère de Laurent, tué en 1478 lors de la
révolte des Pazzi. Le jeu de mots de la 3e strophe est difficile à traduire : « l’uccello » est à la fois l’oiseau et le sexe masculin, on l’attrape à la chasse (acchiappare) ou
on le prend dans les fesses (chiappa). L’Impruneta est une commune à quelques kilomètres de Florence, longue à atteindre à pied. Carosello fut une émission
publicitaire des années 1960/1970, jusqu’en 1977, à l’heure limite où les enfants devaient aller se coucher après l’avoir regardée. L’emblème des Médicis comportait
alors six boules (« sei palle ») et on appelait les partisans des Médicis les « palleschi » contre ceux de Savonarole qui étaient les « piagnoni » (les pleurnicheurs). Les
Ciompi étaient les cardeurs de laine de Florence qui se révoltent contre leur statut d’infériorité en 1378. Le « Gruppo degli Otto » ou « gli Otto di guardia e di Balìa »
étaient les huit personnes du Conseil chargé de la police et de l’ordre public jusqu’au XVIII siècle, dont on voit encore aujourd’hui quelques plaques sur les murs de
Florence. La strophe 11 parle de Angelo Poliziano, le poète préféré de Laurent le Magnifique. Dans la strophe 12, Marasco parle de l’architecte Leon Battista Alberti
(1404-1472), du grand humaniste restaurateur du platonisme Marsile Ficin (1433-1499), cependant peu amateur de Plotin (205-270), et Lucrezia, n’est probablement
pas Lucrezia Borgia, qui n’a rien à voir avec Florence mais la poétesse florentine Lucrezia Tornabuoni (1427-1482), la mère de Laurent le Magnifique ; mais le texte
parle de la « tante » de Laurent (la zia de la strophe 6) et on ne connaît pas de tante de Laurent qui se soit appelée Lucrezia ; il Buonarroti est évidemment Michelange
(1475-1564). Le personnage de la strophe 13 est le grand organiste Antonio Squarcialupi (1418-1480) qui inventa un petit orgue portable considéré comme l’ancêtre de
l’accordéon, comme l’indique une note parlée (ces notes sont toutes les phrases entre parenthèses) de Marasco qui joue aussi sur l’òrgano, à la fois l’orgue et l’organe
(le sexe) ; Andrea del Castagno (1423-1457) est le peintre célèbre. Dans la strophe 14, l’Ammanati est Bartolomeo Ammanati (1511-1592), sculpteur et architecte ; « Il
Biancone » est la statue de Neptune de Piazza della Signoria, sculptée par Ammanati, peu aimée des Florentin et souvent objet d’actes de vandalisme ; « Il Settebello »
est le préservatif le plus connu en Italie, fabriqué par Hatù, usine proche de la Giordani … qui produit des voitures d’enfants. Le Pier Capponi (1440-1496) de la strophe
17 est le héros guerrier lors de l’assaut de Florence en 1530 par les Impériaux à qui il dit que s’ils faisaient sonner leurs trompettes, lui ferait sonner ses cloches. La
strophe 17 cite Galileo Galilei (1564-1642) et Benvenuto Cellini (1500-1571), le grand joailler et sculpteur dont on disait que l’autobiographie était un ensemble de
mensonges et d’inventions. Pier Soderini (1452-1522 -Strophe 19) fut le gonfalonier de la République qui dut s‘enfuir en 1512 lorsque rentrent les Médicis. Gautier de
Brienne, le duc d’Athènes (strophe 20) fut en 1342 le tyran de Florence, chassé par des nobles de la campagne du Mugello, parmi lesquels les Médicis ; après quoi
Marasco cite Petrarca (1304-1374) et Boccaccio (1313-1375), et dans la strophe 21, le céramiste Andrea della Robbia (1435-1525), le peintre Filippo Lippi (1406-
1469) et Filippo Brunelleschi (1377-1446), l’architecte de la coupole de Florence, avec les lansquenets allemands qui occupèrent et pillèrent Florence en 1530, suivis
dans la strophe 22 de Cimabue (1240-1302) et son élève Giotto (1238-1337)), dans la 23e le poète du Dolce Stil Nuovo, Guido Cavalcanti (1255-1300), dans la 24,
Pietro Aretino (1492-1558), dont les Ragionamenti et les Sonnets luxurieux étaient une satire féroce des mœurs en particulier sexuelles racontées par une prostituée ;
puis dans la 25e les peintres Masaccio (1401-1428) et Giorgio Vasari (1511-1574), suivis de Piero della Francesca (1416-1492) et de Giuliano da Sangallo (1433-
1516) dans la strophe 27. Voilà enfin Dante Alighieri (1265-1321) « au regard de griffon » qui téléphone via delle Burella, une très ancienne rue de Florence (le « burella
» étaient des caves profondes qui servaient de glacières) et qui demande à Béatrice d’appeler Paolo Casella (vers 1250-1300), le grand musicien de Florence qui
apparaît dans la Divine Comédie, après que Dante ait retrouvé le concept central de « bolgia », les fosses de son Enfer. Fra Angelico (1395-1455) peint en rouge les
fesses des dames et des damoiseaux. On passe ensuite à Bernardo Rucellari (1448-1514), descendant d’un noble qui, en revenant d’une Croisade, inventa une teinte
pourpre ou violette à partir d’un lichen arrosé d’urine, ce qu’explique Marasco dans un commentaire parlé de sa chanson. Andrea Verrocchio (1435-1488), le grand
sculpteur, apparaît dans la strophe 31. Puis après une attaque à Leonardo da Vinci (1452-1519), vient le Maestro Isacco (Isaac van Schereberge), le grand musicien
d’origine hollandaise qui fut nommé Maître de Chapelle après avoir composé pour les Médicis une ode qui commençait par « Palle, palle ». On va vers la fin de cette
longue chanson avec Paolo Uccello (1397-1475), source d’un nouveau jeu de mots sur « l’uccello », et Luchino Visconti (1906-1976) qui travailla à Spoleto pour le
célèbre Festival de notre époque. Et tout se termine par l’évocation de la révolte des Pazzi en 1478, qui mit en cause la domination des Médicis, et par la condamnation
de Laurent le Magnifique par Jérôme Savonarole (1453-1498) et la mise au bûcher de ce dernier par les pouvoirs florentins. C’est en effet la fin d’une époque et le
début de la fin de la Renaissance après la mort de Laurent le Magnifique en 1492. Après, commencent les guerres d’Italie, la Réforme luthérienne, et on sera bientôt
entrés dans une nouvelle ère, qui prendra le nom de « baroque ».
La chanson est intéressante parce qu’elle inclut avec précision dans cette orgie médicéenne tous les grands noms de l’histoire de Florence, utile pour les non-florentins
que nous sommes. Presque tous les noms : on est frappé de constater l’absence de Sandro Botticelli (1445-1510). La langue populaire est plus réaliste et verte que la
nôtre… et elle peut nous paraître vulgaire si on oublie que c’est une « chanson » et pas ce qu’on appelle un texte « littéraire » : les paroles doivent être écoutées en
musique, et on l’entendra alors comme une tentative d’évoquer les modules musicaux de l’époque. Il n’y a d’ailleurs en réalité que peu de mots vulgaires (« culetto del
paggetto » …), et tout est dit à travers des images d’orgie sexuelle, où les rapprochements sont parfois possibles avec le film de 1973, La grande abbuffata, réalisé par
Marco Ferreri (1928-1997).
Probablement, si les Médicis avaient une sexualité libre avec leurs servantes et avec les dames de leur cour, ils n’ont jamais organisé de grandes orgies sexuelles
comme celle-ci, pas plus que tous ces grands artistes n’y auraient participé. Mais la fin de la chanson nous donne certainement une clé d’interprétation : la joie de vivre et
le goût de la beauté de la Renaissance ne furent le fait que d’un groupe restreint de la cour des Médicis et disparurent avec eux dès la fin du siècle dans le bûcher de
Savonarole. Cela relativise en temps et en profondeur cette « renaissance » dont, depuis le romantisme, on a parfois fait et dit n’importe quoi ; cette limitation n’empêche
pas qu’elle ait créé des œuvres admirables et universelles qu’on admire toujours. Cela termine aussi notre propos sur la question.
L’ammucchiata
(Riccardo Marasco,
L’ammucchiata, 1975)
Quant'è bella giovinezza
Que la jeunesse est belle
che si fugge tuttavia
qui s’enfuit pourtant
chi vuol'esser lieto, sia
Que celui qui veut être heureux le soit
di doman non v'è certezza
pour demain il n’y a pas de certitude.
Udite, udite, madonne e messeri
Écoutez, écoutez, dames et seigneurs,
l'istoria facèta che accadde l'altr'ieri.
l’histoire facétieuse qui est arrivée avant-hier.
Due freschi virgulti di nobil casata
Deux frais rejetons d’une noble maison
per vincer la noia t'inventonno l'ammucchiata
pour vaincre l’ennui ont inventé pour toi le sexe de groupe
A nord di Firenze, in quel di Mugello
Au nord de Florence, dans le Mugello
gli è sport diffuso chiappare l'uccello
c’est un sport répandu que d’attraper les oiseaux
(c'era molta selvaggina a' que' tempi)
(il y avait beaucoup de gibier en ce temps-là)
e i bimbi d'i' Medici, gaudenti per schiatta
les enfants des Médicis, jouisseurs de famille
correvano i' rischio di chiapparlo, sì, couraient le risque de le prendre oui
ma nella chiappa. mais dans les fesses.
"Fratello Giuliano" , diceva Lorenzo,
« Frère Julien », disait Laurent,
"su, diàmci da fare co' un po' di buon senso
« allons, commençons avec un peu de bon sens
bisogna trovare de' modi ben scaltri
il faut trouver des moyens bien astucieux
per metterlo in locum
pour le mettre in locum
ma... in un locum che sia d'altri
mais in un locum qui appartienne à un autre
« Allora bisogna, perché il gioco riesca,
alors pour que le jeu réussisse, il faut
che sia contorta, confusa la tresca
que l’intrigue soit tordue, confuse
così chi lo prende, ossia il ricevente
de sorte que celui qui le prend
non possa dir niente, quod ignorat offerentem " ,
ne puisse rien dire parce qu’il ignore qui la lui a offerte »
"Che cosa geniale, che grande trovata
« Quelle chose géniale, quelle grande trouvaille,
ma questo, fratello, lo sai, è l'ammucchiata
sais-tu, mon frère, est cette mêlée.
i' babbo è a Firenze, pe' far mercanzia
Notre papa est à Florence, pour faire des affaires,
facciamo la prova, si chiama bimbi ».
Faisons l’essai, on appelle les petits garçons, les
e bimbe più la zia
petites filles plus notre tante ».
La cosa doveva restare segreta
La chose devait rester secrète,
e invece si seppe anche all'Impruneta
au contraire on l’apprit même à l’Impruneta
perché babbo Piero pe' 'un perde' i' Carosello
car le papa Piero, pour ne pas perdre Carosello
fe' prima ritorno, e, aperto l'uscio, ritrovossi
revint plus tôt, et ayant ouvert la porte, il se retrouva
ni' bordello
dans un bordel.
Madonne, a Ser Piero per quella visione
Sainte Vierge, au Sieur Piero pour cette vision
di ciocce straziate, di lombi in azione
de tétons massacrés, de reins en action
gli venne un'idea, e in più un coccolone
il lui vint une idée et en plus un coup d’apoplexie
e disse spirando: "Schiaf.. schiaf... schiaf...
et il dit en expirant : « Fou … Fou… Fou
schiaffatemi sei palle in su i' blasone "
foutez-moi six boules sur ce blason ».
Osanna, trionfi, onori ad oltranza
Des Osannah, des triomphes, des honneurs à outrance
ai bimbi d'i' Medici offerse Fiorenza
aux enfants des Médicis offrit Florence
da Piazza del Duomo alla Signoria
De la Place du Dôme à la Seigneurie
si andava berciando : "a i' mucchio...
on allait en braillant : « Je suis dans la mêlée
a i' mucchio... sia icchè sia..."
je suis dans la mêlée … quoi qu’il en soit… ».
I Ciompi, le Arti, maggiori, minori
Les Ciompi, les Corporations, grandes et petites
i nobili tutti, i saggi, i priori
tous les nobles, les sages, les prieurs
e poi i' gonfalone co' i' gruppo degli otto
et les gonfaloniers avec le groupe des Huit
correvan pensando "io sopra, te sotto"
couraient en pensant « Moi dessus, toi dessous ».
Lorenzo da un lato palpava un paggetto
Laurent d’un côté pelotait un petit page
che intanto al Giuliano porgeva il culetto
qui en attendant tendait son petit cul à Julien
Dall'altro, solingo, il buon Poliziano
D’un autre, solitaire, le bon Politien
se lo trastullava con sua lesta mano
s’amusait de sa petite main leste.
L'Alberti palpava Marsilio Ficino
L’Alberti pelotait Marsile Ficin
seppur come chierico odiasse Plotino
bien qu’en tant que clerc il haïsse Plotin
a donna Lucrezia il bel Buonarroti
et à dame Lucrèce le beau Buonarroti
diceva : "Va meglio se prima lo scuoti"
disait : « Ça va mieux si tu le secoues avant ».
Il gran Squarcialupi con l'organo in mano
Le grand Squarcialupi son orgue à la main
faceva prodigi al di là dell'umano
faisait des prodiges au-delà de l’humain
e terrorizzava l'Andrea del Castagno
et terrorisait Andrea del Castagno
che pure avea indosso mutande di stagno
qui portait pourtant des caleçons d’étain.
(Lo Squarcialupi era un grande organista del Quattrocento e appunto a' que' tempi si usarono degli organi portatili, detti portativi, che, grazie alle loro modeste
proporzioni, si potevano tranquillamente tenere in mano durante processioni, feste, cortei così con la sinistra si manipolava il mantice, e colla destra si poteva compiere
dei grandi virtuosismi).
Vedendo quei nudi a buco ponzone
En voyant ces nus poussant fort dans le trou
pensò l'Ammannati di fare il Biancone
Ammanati pensa à faire le Biancone
frattanto Leonardo col suo acuto ingegno
Pendant ce temps Léonard avec son esprit aigu
pensò di inventare l'Hatù di buon legno.
pensa à inventer l’Hatù fait de bon bois.
I' mucchio pareva talmente attraente
Le tas paraissait tellement attrayant
che dall'aldilà ritornava la gente
que les gens revenaient de l’au-delà
e tutto era fatto in stile sì puro
et tout était fait en style si pur
che molti venivan perfin dal futuro.
que beaucoup venaient même du futur.
Messer Pier Capponi, esperto in campane
Messire Pier Capponi, expert en cloches
se la spassicchiava con sette puttane
se payait du bon temps avec sept putains
ma quando alle trombe ricorse Re Carlo
mais quand le roi Charles eut recours à ses trompettes
gli strinse i' campano, si mise a tirarlo
il lui serra sa clarine et se mit à la tirer
(eh, per la Patria si fa questo e altro...)
(Eh pour la patrie on fait ça et autre chose …).
Messer Galilei tagliavasi il fallo
messire Galilée se coupait le phallus
con lama Gillette per meglio studiarlo
avec une lame Gillette pour mieux l’étudier
(scienziati si nasce)
(on naît scientifiques)
Ne' mentre Cellini scolpivalo a spillo
Pendant ce temps Cellini le sculptait en pointe
con duro bulino per metterlo a un grillo
avec un burin dur pour le mettre à sa fantaisie
(oh... preziosità dell'orefice)
(Oh, préciosité de l’orfèvre).
Qua e là saltellava il Pier Soderini
Ça et là sautillait Pier Soderini
privato dei panni, coi soli calzini
privé de vêtements, rien qu’avec ses chaussettes
che, ebbro di gioia, frugava n'i' mucchio
Ivre de joie, il fouillait dans le tas
gridando all'intorno "in do' succhio succhio"
en criant tout autour : « Je suce, je suce ».
Il Duca d'Atene con la sua brigata
Le Duc d’Athènes avec sa bande
ingordo, sperava in un'altra cacciata
espérait goulûment une autre partie de chasse
Francesco Petrarca strusciandolo a un rovo
François Pétrarque en le traînant dans des ronces
tentava la strada di un dolce stil nuovo
tentait la voie d’un doux style nouveau.
Messer Boccaccio in veste di gala
Mesire Boccace en vêtements de gala
faceva con arte il maestro di sala
faisait avec art le maître de cérémonie
gridando consigli a dritta ed a manca
en criant des conseils à droite et à gauche
perché l'ammucchiata non fosse mai stanca
pour que la mêlée ne soit jamais fatiguée.
Andrea Della Robbia con Filippo Lippi
Andrea della Robbia avec Filippo Lippi
andavan tramando terribili inghippi
tramaient de terribles embrouilles
benché inchiappettato coi lanzi tedeschi
bien que Brunelleschi avec les lansquenets
da tre ciuchi matti fosse il Brunelleschi
se fasse baiser par trois baudets fous
(primo esempio di resistenza al nazismo in Italia)
(premier exemple de résistance au nazisme en Italie).
Confuso e avvilito piangea Cimabue
Cimabue pleurait confus et humilié
che, essendo normale, ne avea solo due
parce qu’il était normal et n’en avait que deux
e in ciò era battuto dal suo allievo Giotto
et qu’en cela il était battu par Giotto son élève
che come sapete ne avea sessantotto
qui comme vous savez en avait soixante huit.
Su tutti si ergeva Guido Cavalcanti
Au-dessus de tous se dressait Guido Cavalcanti
co' un giovin di dietro e un giovin davanti
avec un jeune homme devant et un autre derrière
"È un gioco", diceva, "che proprio l'altr'ieri
« C’est un jeu », disait-il, « que justement avant-hier
con due cherubini facea l'Alighieri"
l’Alighieri faisait avec deux chérubins ».
Smarrito piangeva Pietro l'Aretino :
Égaré, Pierre l’Arétin pleurait :
"Di fronte a 'ste scene mi sento piccino.
« Face à ces scènes je me sens tout petit
Son tanto complessi quest'accoppiamenti
Ces accouplements sont si complexes
che son da bambini i miei ragionamenti."
que mes Ragionamenti sont faits pour les enfants ».
Con l'occhio voglioso ruggiva Masaccio :
L’œil envieux, Masaccio rugissait :
"Qui più non lo reggo, lo metto a casaccio !"
« Ici je n’en peux plus, je le mets au hasard ! »
ed agile spicca un salto a piè pari
et agilement il fait un saut à pieds joints
cadendo rubizzo in groppa al Vasari
tombant tout rougeaud sur la croupe de Vasari.
Partì di gran corsa l'illustre studioso
L’illustre savant partit au grand galop
portando in arcione quel genio focoso
en portant en selle ce génie fougueux
e il palio sottrasse a Pier della Francesca
et il soutira le palio à Piero della Francesca
che ad arte montava gentile fantesca
qui montait habilement une gentille domestique.
Nel mezzo alla mischia, sopra un piedistallo
Au milieu de la mêlée, sur un piédestal
vedevi solerte Giulian da San Gallo
on voyait minutieux Giuliano da Sangallo
che per il progetto di un suo campanile
qui pour le projet d’un de ses clochers
prendea le misure di un fallo maschile
prenait les mesures d’un phallus masculin.
Al Dante, grifagno, vedendo quell'orgia
À Dante, au regard de griffon, voyant cette orgie
tornò nella mente il concetto di bolgia
revint à l’esprit le concept de « bolgia »
e telefonò in via delle Burella
et il téléphona Rue des Burella
"Accorri, Beatrice, e porta Casella"
« Accours, Béatrice, et amène Casella ».
In quell'ammucchiarsi, direi psichedelico
Dans cet entassement, je dirais psychédélique,
spiccava serafico Fra' Beato Angelico
se détachait séraphique Fra Beato Angelico
che intinto il pennello nelle porporine
qui ayant trempé son pinceau dans la purpurine
dorava le chiappe a dami e damine
dorait les fesses de damoiseaux et des demoiselles.
Infin dall'Oriente arrivò Rucellari
Enfin de l’Orient arriva Rucellari
con panni viola, onori, denari,
avec ses vêtements violets, honneur, argent,
e il tutto dovendo ad una pisciata
et, comme il devait le tout à une pisse,
con nobile orina bagnò l'ammucchiata.
de sa noble urine il inonda la mêlée.
(perché non tutti sanno che i Rucellari diventarono famosi, potenti, ricchi e nobili per un caso fortuito.
Uno di loro, tornando dalle Crociate, che eran queste grandi gite di massa che si facevano allora in Medio Oriente, vero... organizzate dalla famosa agenzia di viaggi, la
Pontificia Pax Domini, preso da corporal bisogno, ebbe in sorte sul ponte della nave di bagnare una pianticella che portava come souvenir un lichene e si accorse che
questa... questo lichene fermentando nell'orina, che poi in seguito scientificamente sarebbe stata definita piscio, produceva la tinta viola. E così arrivati a Firenze
cominciarono a coltivare su larga scala questa pianticella e alla fin dell'anno la famiglia era convocata per dare l'obolo per farla fermentare, ecco... però gli rimase la
deformazione professionale)
Del fatto lagnossi il grande Verrocchio
Le grand Verrocchio se plaignit de ce fait
che tutto quel piscio avea preso in un occhio
car il avait reçu la pisse dans un oeil
Ma pronto Leonardo propose un canale
mais vite Léonard proposa un canal
che in Arno portasse quel piscio regale
qui porterait dans l’Arno cette pisse royale.
(eh era un patito del progetto, Leonardo, una cosa incredibile, progettava sempre tutto tutto tutto e poi, insomma, poi 'un faceva niente, vero... dire... è morto, c'ha
lasciato du' quadri e tutti schizzettini in disordine perché lui era un genio. Un fiorentino che nel Quattrocento inventa la bicicletta e poi va a piedi l'è un bischero ! = un
couillon) ;
Vedendo ammucchiarsi miriadi di palle
En voyant s’entasser des myriades de boules
il musico Isacco pensò immortalarle
le musicien Isaac pensa à les immortaliser
co' un inno mediceo di note sì belle
par un hymne en l’honneur des Médicis fait de notes si belles
che fu nominato Magister Cappellae
qu’il fut nommé Maître de Chapelle
(perché lo Squarcialupi ormai in là cogli anni, vero, non ce la faceva più con quest'organo in mano e a un certo punto tirò il calzino. Allora i Medici pensarono : qui va
sostituito con uno che ce l'abbia duro, il nome,
e lo fecero venire dai Paesi Bassi, che si chiamava Isaac. Il Maestro Isacco arrivato a Firenze, per ingraziosirsi i nuovi padroni compose subito un inno polifonico che
cominciava "palle, palle" così, a iosa, senza dir quante. I Medici, entusiasti, lo fecero subito Maestro di Cappella.)
Ohibò, mi direte, fu un vero bordello
Fi donc, me direz-vous, ce fut un vrai bordel,
lo so, ma regista fu Paolo l'Uccello
je le sais, mais le metteur en scène fut Paolo Uccello
che dopo quel giorno, a giusta ragione
qui après ce jour, à juste raison,
dai posteri detto fu pur "l'Uccellone".
fut appelé par ses descendants « le grand Uccello ».
Si sa ch' avrìa giunto ben altri orizzonti
On sait qu’elle aurait atteint bien d’autres horizons,
quell'orgia, l'avesse diretta il Visconti
cette orgie, si c’était Luchino Visconti qui l’avait dirigée
Ma in ciò fu Fiorenza che l'ebbe nel dietro
Mais en cela c’est Florence qui l’a eu dans le derrière
essendo impegnato Luchino a Spoleto
Luchino Visconti étant déjà engagé à Spoleto.
In disparte solo i Pazzi
À l’écart seuls les Pazzi
disdegnaron giochi e lazzi
dédaignèrent les jeux et les blagues
e nel grande baccanale
et dans cette grande bacchanale
affilarono il pugnale
affilèrent leur poignard
per opporsi ai tristi intenti
pour s’opposer aux mauvaise intentions
di que' Medici potenti
de ces puissants Médicis
manutengoli e strozzini
complices et usuriers
tenutari di casini
tenanciers de bordels
cosicché a tutte l'ore
afin qu’à toute heure
si potesse fa' l'amore
on puisse faire l’amour
ben sapendo che qua in Terra
en sachant bien qu’ici sur la Terre
chi non ama poi fa guerra
celui qui n’aime pas finit par faire la guerre.
Poi al grido "pista, pista"
Puis aux cris de « Piste, piste »
giunse un sadomasochista
arriva un sadomasochiste
quel bon Fra' Savonarola
ce bon Frère Savonarole
scrutatore di lenzuola
scrutateur de draps de lit
che venendo da Ferrara
qui, arrivant de Ferrare,
non comprese quella gara
ne comprit pas cette épreuve
e a Fiorenza negò il gioco
et interdit le jeu à Florence
per finire lui sul rogo.
pour finir lui-même sur le bûcher.
La città gridava "Palle !"
La foule criait « Boules ! »
tra le fiamme rosse e gialle
au milieu des flammes rouges et jaunes
e il beato: "Brucio, brucio
et le bienheureux : « Je brûle, je brûle
che godìo questo caldùcio !"
et je jouis de cette petite chaleur ! »
Cosicché tra palle e fiamme
C’est ainsi qu’entre boules et flammes
si concluse quel bailamme
se conclut cette cohue
o se vuoi, in una vampata
ou, si tu préfères, dans une bouffée de chaleur
ebbe fine l'ammucchiata.
se termina la mêlée.
Citons pourtant avant de conclure la partie centrale de la chanson de Caparezza, Sono il tuo sogno eretico (2011), entre la première sur Jeanne d’Arc (1412-143) et la
troisième sur Giordano Bruno (1548-1600). Au vers 4, il joue sur le sens de « mettere a fuoco » qui signifie en photographie mettre au point :
Sono il tuo sogno eretico
Je suis ton rêve hérétique
(Caparezza,
Il Sogno eretico,
Universal Music, 2001)
… (Caparezza-Savonarola)
Invece io sono domenicano
Au contraire moi je suis dominicain
ma non chiedermi come mi chiamo,
mais ne me demande pas comment je m’appelle
qua è sicuro che non me la cavo,
ici, il est sûr que je ne m’en tire pas,
mi mettono a fuoco non come la Canon,
on me met au feu comme un Canon
detesto i potenti della città
je déteste les puissants de la ville
detesto Sua Santità,
je déteste Sa Sainteté
un uomo carico d'avidità
un homme plein d’avidité
che vende cariche come babbà.
qui vend des charges comme des babas au rhum.
La tratta dei bimbi come geishe
La traite des enfants comme des geishas
cresce in tutto il clero ma nessuno
augmente dans tout le clergé mais personne
ne parla e il millequattro non è annozero
n’en parle et l’an 1400 n’est pas l’année zéro
ed ora mi impiccano, mi appiccano come un
et maintenant on me pend, on me pend comme un
bengala a capodanno,
feu de Bengale pour le jour de l’an,
di me rimarrà un pugno di cenere
de moi il restera une poignée de cendres
da gettare in Arno !
à jeter dans l’Arno !
(voci)
(des voix)
Accendevi i falò laggiù,
Tu allumais des feux là-bas
bruciavi i libri di belzebù,
tu brûlais les livres de Belzebuth
era meglio mettere su
il aurait mieu valu installer
i carboni del barbecue !
les charbons du barbecue !
(rit.)
(refrain)
Mi bruci per ciò che predico,
Tu me brûles pour ce que je prêche
è una fine che non mi merito,
c’est une fin que je ne mérite pas
mandi in cenere la verità
tu mets en cendres la vérité
perchè sono il tuo sogno eretico,
parce que je suis ton rêve hérétique
io sono il tuo sogno eretico
je suis ton rêve hérétique
io sono il tuo sogno eretico
je suis ton rêve hérétique
io sono il tuo sogno eretico ammettilo
je suis ton rêve hérétique, admets-le
sono il tuo sogno eretico. …
je suis ton rêve hérétique.
« Hérétique », c’est ainsi que l’Église catholique a appelé ceux qui, à l’intérieur et à l’extérieur, pensaient différemment d’elle ou contestaient son pouvoir. De ce point de
vue, la « Renaissance » avait beaucoup d’aspects hérétiques, et à partir du Concile de Trente, l’Église rétablira sa domination idéologique et sur le clergé et sur les
fidèles, pour tenter de compenser les victoires des « hérésies » vaudoise, luthérienne, calviniste et autres … et les armes de l’inquisition, militaires et idéologiques, déjà
existantes depuis trois siècles, vont se renforcer.
J.G., 6 septembre 2019
à suivre
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LE BARON FANFULLA DE LODI
Le baron Fanfulla da Lodi,
Condottière de grand renom,
Fut conduit un soir sur sa demande
Chez une dame d’amour facile.
Elle était novice aux duels d'amour
La chaste hallebarde de Fanfulla
Mais à la vue d'un si bel atour,
Il prit son épée et se mit à combattre.
Et il cavale, cavale, cavale
Enfin Fanfulla s’écroule.
Au réveil, l'abjecte putain
Lui dit: « Cent écus, tu dois me donner ».
Va te faire foutre, va te faire foutre
Lui répond Fanfulla en colère
Je t'ai déjà donné vingt écus hier
Et le reste, tu te le mets dans le cul
Un jour passe, deux jours, trois jours
et l’oiseau de Fanfulla le démange
quel est donc ce mal nouveau
Que la nature veut nous donner ?
On appela un célèbre docteur
Il vint, et puis il dit : « Fanfulla
il faut amputer une couille,
si tu ne veux pas mourir de la vérole »
L’oiseau coupé de Fanfulla,
Fut déposé dans une horrible bière.
Mille vierges firent une compétition
Pour lui chanter cette chanson :
« Tu fis le fol, tu fis le fol,
tu baisas sans gant, sans gant, sans gant
Tu fis le fol, tu fis le fol,
tu baisas sans gant et tu attrapas la vérole ! »
La morale de cette histoire
se réduit à la loi de la menga :
Qui l'a dans le cul se le garde
Et apprenne à se servir de capote.
Mais au-delà de cette loi,
Il y a aussi la loi de la Volga :
Qui l'a dans le cul l'ôte du sien
Et le mette dans le cul du voisin !