7.6. Création de formes artistiques : cinéma et BD - Marcello Mastroianni
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Marcello MASTROIANNI : « l'arte di essere normale »
C'est le titre que La Repubblica donnait à un long article consacré à Marcello quelques jours avant sa disparition.
On aime Marcello, il nous ressemble tellement ! Sous son apparente humilité, il est capable avec la même simplicité d'être un Latin Lover
(La dolce vita), un ecclésiastique (La femme du prêtre), un homosexuel (Une journée particulière), un impuissant (Le bel Antonio) et
encore, et encore : des rôles d'abruti, de fanfaron, de salopard... tout sonne vrai quand c'est Marcello qui parle. Il incarne à lui seul le
cinéma italien de toute une époque. Et quelle époque ! Celle des Risi, De Sica, Scola et bien sûr Fellini, son alter ego.
Fellini et Mastroianni c'est la même personne dédoublée : Fellini vit dans un désordre permanent, il improvise tout le temps, les acteurs
n'ont pas de scénario à lire, il leur donne des dessins pour se faire comprendre, il a besoin de bruit autour de lui pour travailler.
Mastroianni c'est le calme et la « soumission » au metteur en scène, pas besoin de lui expliquer, il comprend, c'est Fellini qui le dit !
Cet acteur prodigieux a joué dans 150 films sans jamais lasser, tant il est subtil, moelleux, fluide. Marcello c'est l'italien sympathique sur qui
on projette ce qu'il y a de meilleur en nous, mais aussi à qui on pardonne les défauts parce qu'ils sont les nôtres.
Pas de performance d'acteur avec lui, mais une immense sympathie complice, il est exactement juste tout le temps, simple et naturel.
Enfant il ne rêvait pas de devenir acteur, c'est venu naturellement avec le temps. Né en 1924 dans un village de montagne, Fontana Liri,
près de Naples (comme sa grande amie Sofia Loren) il monte à Turin avec sa nombreuse famille. Son père faisant partie de cette première
vague de paysans méridionaux devenus ouvriers dans le Nord. En 1931 la famille déménage à Rome. Le petit Marcello joue dans la
paroisse locale. Pendant la guerre, il est envoyé dans un camp de travail allemand d'où il s'échappe et se cache travaillant comme
dessinateur.
Après la guerre, il s'inscrit dans une petite troupe de théâtre amateur avec Giulietta Masina comme partenaire. L'administrateur de la petite
troupe s'appelle Luchino Visconti. Le mari de Giuletta s'appelle Federico Fellini: La vie joue parfois de jolis tours !
Il a à peine 25 ans quand il commence à enchaîner les petits rôles secondaires dans les séries B qui le font connaître du public italien. Sa
voix inimitable ne plait pas aux producteurs : dans ses premiers films, il est doublé, c’est un comble !
Mais en 1960 il explose avec La Dolce Vita de Fellini. Il est le jeune premier désabusé témoin des derniers feux festifs des nuits romaines.
En un seul film, il devient LE jeune premier pour le public international, alors qu'il n'a plus l'âge du rôle depuis longtemps (il a 37 ans). Pour
jouer le rôle qui va lui donner la célébrité, il avoue très simplement que Fellini avait pensé à Paul Newman, mais Newman était trop beau,
trop célèbre. Fellini cherchait « un type anonyme au physique quelconque ». Pour avoir le rôle Marcello veut bien être ce « type
quelconque »
Un « type quelconque » qui va pourtant séduire le monde entier et quand Hollywood lui fait un pont d'or pour jouer les intellectuels
contemporains, à la lassitude élégante, il refuse. Il se dit paresseux, ayant la chance de « faire un métier qui ne demande aucun effort ». Il
passe de La grande bouffe à Casanova avec une facilité naturelle.
Sur le tournage du Temps des amants de V. De Sica, en 1968, le « latin lover » va rencontrer la bombe américaine de l'époque, Faye
Dunaway. C'est l'amour fou, elle veut qu'il vienne vivre en Amérique : il refuse. Elle veut des enfants : il n'en veut pas, il a déjà une fille. Il
est catholique, il ne peut, ni ne veut divorcer. Faye se lasse et repart seule aux Etats-Unis en 1971.
Il trouvera la consolation auprès de Catherine Deneuve rencontrée la même année sur le tournage de ça n'arrive qu'aux autres de Nadine
Trintignant. Chiara naîtra en 1972. Rarement fille aura autant ressemblé à son père que Chiara Mastroianni !
Le temps qui passe ne l'éloigne pas des plateaux, au contraire, il accepte de vieillir et donc, il joue les vieillards : Casanova dans La nuit
de Varennes en 1982, Ginger et Fred en 1985 jusqu'à l'admirable Ils vont tous bien en 1990, réflexion sur la solitude la vieillesse et
l'ingratitude des enfants, il est touchant à pleurer.
Marcello meurt à Paris le 19 décembre 1996 d'un cancer du pancréas à l'âge de 72 ans. Il préparait une pièce de théâtre qu'il aurait dû
jouer à Paris en 1997 s'il en avait eu le temps !
Se sachant malade, il avait griffonné sur un bout de papier ses volontés « pour après » aussi simplement que ça : « laissez-moi mourir en
paix, pas à l'hôpital, chez moi. Je veux être enterré à côté de ma mère ». Mais Chiara étant enceinte de 8 mois, elle ne pouvait pas
prendre l'avion pour Rome, alors Catherine Deneuve a organisé une cérémonie simple à l'église St Sulpice de Paris pour que le cinéma
français puisse lui faire ses adieux.
Il en fut tout autrement à Rome. Le cercueil fut exposé sur la place du Capitole. Ce fut un vrai hommage national, avec discours officiels
du maire de Rome et tous les médias présents, et la musique de Nino Rota pour l'accompagner. Le convoi salué par des gardes nationaux
en grand uniforme a emprunté ensuite la via dei Fori Imperiali fermée pour l'occasion, pour que la foule massée tout le long du trajet
jusqu'au Colisée puisse l'applaudir, comme cela se fait en Italie.
Marcello voulait des funérailles simples, mais quand on est Mastroianni, cette dernière volonté ne vous appartient plus.
Annie Chikhi
Février 2016
Quelques films avec Marcello Mastroianni :
* 1944 : Les Enfants nous regardent (I bambini ci guardano) de Vittorio De Sica
* 1950 : Dimanche d'août (Domenica d'agosto) de Luciano Emmer, rôle d'Ercole
* 1953 : Le Chemin de l'espérance (Il viale della speranza) de Dino Risi, rôle de Mario
* 1954 : La Chronique des pauvres amants (Cronache di poveri amanti) de Carlo Lizzani, rôle d'Ugo
* 1957 : Nuits blanches (Le Notti bianche) de Luchino Visconti, rôle de Mario
* 1958 : Le Pigeon (I Soliti ignoti) de Mario Monicelli, rôle de Tiberio
* 1960 : La Dolce vita (La Douceur de vivre) de Federico Fellini, rôle de Marcello Rubini
* 1960 : Le Bel Antonio (Il Bell'Antonio) de Mauro Bolognini, rôle d'Antonio Magnano
* 1961 : La Nuit (La Notte) de Michelangelo Antonioni, rôle de Giovanni Pontano
* 1961 : Divorce à l'italienne (Divorzio all'italiana) de Pietro Germi, rôle de Ferdinando Cefalú
* 1963 : Huit et demi (Otto e mezzo) de Federico Fellini, rôle de Guido Anselmi
* 1963 : Les Camarades (I Compagni) de Mario Monicelli, rôle du professeur Sinigaglia
* 1965 : Casanova 70 (Casanova '70) de Mario Monicelli, rôle du major Andrea Rossi-Colombetti
* 1968 : Le Temps des amants (Amanti) de Vittorio De Sica, rôle de Valerion
* 1971 : La Femme du prêtre (La Moglie del prete) de Dino Risi, rôle de Don Mario Carlesi
* 1973 : La Grande Bouffe (La Grande abbuffata) de Marco Ferreri, rôle de Marcello
* 1976 : Todo modo d'Elio Petri, rôle de Don Gaetano
* 1977 : Une journée particulière (Una Giornata particolare) d'Ettore Scola, rôle de Gabriele
* 1980 : La Cité des femmes (La Città delle donne) de Federico Fellini, rôle de Snàporaz
* 1980 : La Terrasse (La Terrazza) d'Ettore Scola, rôle de Luigi
* 1982 : La Nuit de Varennes d'Ettore Scola, rôle de Casanova, Chevalier de Seingalt
* 1985 : Macaroni (Maccheroni) de Ettore Scola, rôle d'Antonio Jasiello
* 1986 : Ginger et Fred (Ginger e Fred) de Federico Fellini, rôle de Pippo Botticella (Fred)
* 1987 : Les Yeux noirs (Oci ciornie) de Nikita Mikhalkov, rôle de Romano
* 1997 : Voyage au début du monde (Viagem ao Princípio do Mundo) de Manoel de Oliveira, rôle de Manoel