5.3. La famille : le mariage homosexuel
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Les « unions civiles » et le mariage homosexuel en Italie. Le 21 juillet 2015, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné l’Italie pour le vide de sa législation concernant les couples homosexuels, et le 8 septembre, le Parlement européen a demandé à 9 États européens de se mettre en conformité avec la loi européenne : rappelons que, dans la loi italienne, le « mariage » n’est accessible qu’à des personnes célibataires de sexe différent, et aucune autre loi n’a encore été votée fin 2015, la « famille » étant « la société naturelle fondée sur le mariage » (article 29 de la Constitution), et ni « l’union civile », ni les « couples de fait » (« coppia di fatto ») ni les couples homosexuels ne peuvent être reconnus. L’héritage n’est reconnu pour les « couples de fait » que s’il y a un testament du « convivente » décédé, mais celui-ci ne donne droit qu’à la quote-part « disponible » des biens. Depuis 1986, de nombreuses lois ont été présentées au Parlement italien sans jamais aboutir. Voilà les principales. En 1986, la sénatrice Ersilia Salvato et les députées Romana Bianchi et Angela Bottari, soutenues par l’Interparlementaire des Femmes communistes et par l’Arcigay, commencent à discuter au Parlement un projet de loi sur les « unions civiles ». Le premier projet de loi est déposé en février 1988 par Alma Agata Cappiello, avocate et parlementaire socialiste, il reconnaissait les couples homosexuels, mais il n’est jamais inscrit au calendrier des Chambres, malgré l’audience du projet dans la presse et dans l’opinion. Dans les années ’90, plusieurs projets de loi sont déposés, en particulier sous la pression du Parlement Européen (Cf. Résolution pour la parité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne du 8 février 1994). Aucun des projets de loi présentés dans la XIII législature (1996-2001) n’arriva jamais à l’ordre du jour du Parlement, à cause de la pression de la hiérarchie catholique ; ils étaient présentés par Nichi Vendola, Luigi Manconi, Gloria Buffo, Ersilia Salvato, Graziano Cioni,Antonio Soda, Luciana Sbarbati, Antonio Lisi, Anna Maria De Luca, Mauro Paissan. Le 8 juillet 2002, durant le second gouvernement Berlusconi, un député du Parti Démocrate de Gauche (PDS, le prédécesseur de l’actuel PD), Franco Grillini, présente sa proposition de loi sur les PACS (Patto civile di solidarietà), à l’imitation de la loi française d’octobre 1999: le PACS est défini comme « un contrat conclu entre deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». Le contrat devait être signé devant «  l’officier d’État Civil de la commune de résidence de l’un des deux contractants ou devant un notaire ». Les contractants auraient bénéficié des facilités fiscales, des droits de succession, des subventions et chèques de soutien, de l’assistance sanitaire et pénitentiaire et de la possibilité de décider quoi faire sur l’état de santé du partenaire, mais on ne parlait pas du droit d’adoption. Mais le gouvernement avait d’autres chats à fouetter, entre autres ce qu’on appelé le « Lodo Schifani », l’amendement à la Constitution permettant à Berlusconi d’éviter la condamnation dans le procès SME, et le projet Grillini, signé pourtant par 161 parlementaires, passe à la trappe et n’est pas voté, malgré la demande d’une centaine de députés. « L’union civile » désigne les « convivenze » stables de gens liés par des liens affectifs et économiques et qui ne veulent ou ne peuvent pas légalement célébrer un « mariage ». En février 2007, deux ministres du second gouvernement Prodi, Barbara Pollastrini (Ministre de l’égalité des Droits) et Rosy Bindi (Ministre de la Famille) présentent le projet de loi sur le DICO (Diritti e doveri delle persone stabilmente conviventi) qui adoucit le projet de PACS pour satisfaire les catholiques : les concubins (Attention, en Italie « il concubinato » ne correspond pas au « concubinage » français : c’est l’état d’une femme entretenue par un amant marié avec une autre femme (de « con » (cum latin) combiné avec « cumbere (cubare latin) = être dans le même lit). En français le « concubinage » désigne simplement la situation juridique d’une couple de deux personnes qui vivent ensemble de façon durable et notable sans avoir célébré officiellement leur union) (« conviventi ») sont définis comme « deux personnes, qui peuvent être du même sexe, unies par des liens affectifs, qui vivent ensemble de façon stable et qui se prêtent assistance et solidarité matérielle et morale, non liées par des liens de mariage, parenté, affinité, adoption, filiation, tutelle ». On ne parle plus de « vie commune », on estompe le concept de « couple », en parlant de « personnes vivant ensemble ». À la différence du PACS, pas besoin d’aller chez le notaire, mais il suffisait d’envoyer à l’autre concubin une lettre recommandée avec accusé de réception ; les mêmes droits sont accordés que dans le projet de PACS ; pour garder le droit au logement du concubin mort, il faut justifier de trois ans de vie commune, tandis que la succession légitime n’intervient qu’après neuf ans de vie commune. Le texte ne plaît pas aux associations d’homosexuels, et déclenche l’hostilité des catholiques et du Vatican par la voix de Mgr Bagnasco, président de la CEI (Conférence des évêques italiens), qui déclare qu’ainsi demain on pourra consentir à l’inceste et à la pédophilie entre personnes consentantes. Le 12 mai 2007 à Rome a lieu une grande manifestation de cette opposition, le « Family Day », dans laquelle on retrouve Clemente Mastella et Giuseppe Fioroni, ministres du gouvernement Prodi qui a soutenu le projet ! En juin, c’est la communauté homosexuelle qui organise une Gay Pride en présence de trois ministres du gouvernement Prodi. En juillet 2007, Cesare Salvi (Sinistra Democraticca), Président de la commission Justice du Sénat, présente un nouveau projet, le CUS (Contratti di unione civile), où les « conviventi » devront se présenter devant un notaire ou un juge de paix, qui enregistrera la déclaration sur un registre spécial. Les drois prévus sont à peu près ceux du DICO. La droite berlusconienne se prononce contre ; Grillini est favorable au projet Salvi, mais critique les neuf ans prévus pour les droits de succession, et le fait que les pensions de réversibilité ne soient pas prévues. Six mois après, le gouvernement Prodi tombe quand Mastella passe à l’opposition, et le projet Salvi disparaît. Le 8 octobre 2008, les ministres Renato Brunetta et Gianfranco Rotondi proposent un nouveau projet déposé au Parlement par les députés Lucio Barani et Francesco De Luca, le DIDORE (DIritti e DOveri di REciprocità dei conviventi). Maurizio Gasparri, chef de groupe des sénateurs berlusconiens, refuse de mettre le projet à l’ordre du jour. En janvier 2014, Matteo Renzi presse le premier ministre, Enrico Letta, d’agir sur cette question, et celui-ci présente son projet, mais est éliminé par Matteo Renzi 15 jours après et celui-ci prend la présidence du Conseil. Le 26 mars 2015, après deux autres projets de 2014, la commission de la Justice du Sénat approuve le projet de loi (« disegno di legge ») présenté par Monica Cirinnà (PD), – grâce au soutien du M5S et du PD –, intitulé Disciplina delle coppie di fatto e delle unioni civili, qui n’utilise pas le terme de « mariage ». En plus des droits des couples hétérosexuels, le texte prévoit la possibilité d’adoption des enfants biologiques de l’un des concubins (« stepchild adoption », contre lequel font campagne quelques associations féministes et le journal de gauche La Repubblica : Cf. Il Fatto Quotidiano, 2 janvier 2016). On n’évoque pas encore celle d’enfants extérieurs au couple. 4038 amendements sont présentés en particulier par la minorité catholique du gouvernement et par le centre-droit présent au gouvernement, proposant entre autres de parler non de « couple » mais « d’amitié civilement notable » (« amicizia civilmente rilevante »), et de repousser à 26 ans l’âge de signature de ce contrat. Après la condamnation de la Cour de Strasbourg évoquée au début de l’article, la discussion s’accélère. Mais le 18 juillet 2015, la Conférence des évêques italiens a encore réitéré son refus, et Mme Maria Elena Boschi, ministre du gouvernement Renzi, a déclaré le 29 juillet qu’elle était catholique et d’avis différent de son Église, mais que la composition actuelle du Parlement ne permettrait pas l’adoption d’une loi. En effet, les groupes Ncd et Forza Italia (Fi) continuent à bloquer le projet Cirinnà, soutenus par le groupe Area Popolare de Maurizio Lupi. En août Luigi Brugnaro, maire de Venise, après avoir refusé, a finalement accepté une gay pride dans sa ville avec le chanteur Elton John. Le 29 août, Joe Formaggio, le « maire shérif » d’Albettone (province de Vicenza), de la Ligue du Nord, a proposé à sa commune de voter une « taxe sur les homosexuels » ! Au contraire, le 3 septembre 2015, le maire de Bologne a donné dans les crèches et les écoles primaires les mêmes droits aux parents homosexuels qu’aux hétérosexuels. Le 4 octobre, le cardinal Ruini rappelle le refus de l’Église catholique dans un article du Corriere delle Sera et critique l’ambiguïté de certains propos du pape. Notons que le 15 mars 2012, la Cour Constitutionnelle a pris la décision historique de déclarer que la différence de sexe des candidats au mariage (les « nubendi ») n’était pas un présupposé indispensable au mariage, il est donc possible de décider du mariage homosexuel sur le plan législatif : responsabilité des parlementaires qui votent les lois ! Le 6 juin 2013 et le 11 juin 2014, la Cour Constitutionnelle a déclaré l’inconstitutionnalité des normes qui imposent la dissolution automatique du mariage en cas de changement de sexe de l’un des conjoints. Mais en attendant, les Italiens qui le peuvent vont se marier à l’étranger, ce qui pose un nouveau problème : peut-on enregistrer en Italie un mariage contracté à l’étranger ? Pour le moment, la loi prévoit que toute union enregistrée à l’étranger peut être enregistrée en Italie, à condition qu’elle respecte les lois locales durant la célébration. Mais la Cour Suprême de Cassation, dans son arrêt de 2012, rejette la transcription d’un mariage homosexuel célébré à La Haye en 2002, par la Commune de Latina (Latium) ; par contre, en 2014, e Tribunal de Grosseto (Toscane) a ordonné à la Commune de Grosseto l’inscription dans son registre d’un mariage homosexuel célébré à New York le 6 décembre 2012 entre un architecte et un journaliste (68 ans), et sa décision a été annulée par la Cour d’Appel de Florence, sur recours du Procureur, pour « vice de forme », et du ministre Angelino Alfano (Centre droit) ; cela a provoqué une révolte de la majorité des maires toscans. Les deux intéressés ont évoqué la possibilité qu’ils quittent un pays aussi homophobe que l’Italie. Par contre, la Commune de Naples et son maire Luigi De Magistris ont décidé le 30 juin 2014 de transcrire les mariages homosexuels célébrés à l’étranger sur le registre de la Commune. Un certain nombre de Communes et de Régions ont décidé de prendre la même position, la Calabre, l’Ombrie, l’Émilie Romagne et la Toscane en 2004 ; le gouvernement de la XIVe Législature (2001-2006) avait fait un recours contre la décision des trois dernières Régions, la Cour Constitutionnelle a refusé les recours contre l’Ombrie et contre la Toscane. Le 7 septembre 2015, la Préfecture de Parme a accepté d’enregistrer un couple homosexuel qui avait contracté mariage en Argentine. La discussion est vive dans tout le pays. Le 27 décembre 2015, Thomas Mackinson publie sur Il Fatto Quotidiano un long article qui rend compte de la récente prise de position et de l’appel au PD d’Angela Boffari, une des premières députées à avoir déposé un projet de loi au Parlement en 1986 (Cf notre rubrique : Nouvelles de ces derniers temps). En Europe, les législations sont diverses : acceptent le mariage homosexuel : les Pays Bas (1er avril 2001), la Belgique (30 janvier 2003), l’Espagne (3 juillet 2005), la Norvège (11 juin 2008), la Suède (1er mai 2009), le Portugal (8 janvier 2010, sans adoption)), l’Islande (27 juin 2010), le Danemark (15 juin 2012), la France (12 février 2013), l’Angleterre (17 juillet 2013), la Finlande (28 novembre 2014), le Luxembourg (1er janvier 2015), la Slovénie (3 mars 2015), l’Irlande (22 mai 2015), la Grèce (23 décembre 2015). L’Union Européenne a déclaré dès 1994 l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes. L’Autriche n’accepte que les « unions civiles » (2010), et depuis janvier 2015 le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Malte n’accepte que les mariages homosexuels contractés à l’étranger. En Afrique, seule l’Afrique du Sud accepte le mariage homosexuel. En Asie, Israël reconnaît les mariages homosexuels contractés à l’étranger, et le droit des couples homosexuels d’adopter les enfants du partenaire ; depuis le 5 novembre 2015, le district de Tokyo a décidé de remettre des « certificats de couple » aux couples homosexuels. En Amérique, acceptent le mariage homosexuel le Canada (2005), les Etats-Unis (26 juin 2015) et en Amérique du Sud, l’Argentine (15 juillet 2010), l’Uruguay (5 août 2013) ; en Océanie, la Nouvelle Zélande (17 avril 2013). Dans l’histoire, on trouve des cas, dans l’Antiquité romaine et même dans la société chrétienne d’unions homosexuelles célébrées à condition que l’un de deux soit déguisé en personnage de l’autre sexe. Montaigne dit dans son Journal de voyage avoir rencontré deux cas de mariage homosexuel, à Vitry en France et à Rome. Mais en règle générale, l’homosexualité était condamnée comme activité sodomite et pratiquée clandestinement (Voir le site : matrimonio tra persone dello stesso sesso). Jean Guichard, 04 janvier 2016
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