Une forme indirecte de critique du pouvoir, fasciste ou autre :
les chansons « frondeuses » (Mario Panzeri, Gorni Kramer …)
1) Les chansons « frondeuses »
« Canzoni della fronda », « Chansons frondeuses », dit-on d’un certain nombre de chansons de l’époque fasciste. Elles nous donnent
une idée plus précise de l’esprit de la chanson italienne à partir de l’Unité. D’une part ces chansons nous apparaissent comme la
quintessence de la chanson frivole qui, pour des raisons différentes (censure fasciste jusqu’en 1944 et censure démocrate chrétienne par
la suite) domina la scène officielle, en particulier par le Festival de Sanremo dès 1951. On parla d‘« arriération culturelle » de l’Italie, de
la « passion pour la futilité jamais éteinte dans le code génétique des Italiens », d’un « retour au passé de 20 ans » pour les chansons
d’après-guerre, de chansons « qui exagéraient dans le sentimentalisme et le mélodrame », mêlés à « une gaieté insouciante de matrice
campagnarde ». Nous avions dit dans notre Histoire de la chanson en Italie que Sanremo n’était rien d’autre que l’appareil
idéologique de la Démocratie Chrétienne jusqu’aux années ’90 ; c’est dans le cinéma néoréaliste, dans la poésie de groupes musicaux
comme Cantacronache à Turin, qu’il faut chercher les amorces de renouveau par rapport à la tradition culturelle fasciste.
Pourtant il ne faut pas non plus négliger que ces chansons n’étaient pas réductibles aux comptines populaires dont elles s’inspiraient
souvent et dont elles prenaient la forme. Dans le cadre de ce qu’autorisaient le fascisme puis la DC, quelques paroliers et musiciens
introduisaient en sous-main des satires qui faisaient rire le public populaire, et dont le fascisme avait peur qu’elles ne fassent rire de lui,
de ses hiérarques, de son idéologie. Les censeurs étaient sans doute plus sensibles à ces messages subliminaux que ne l’était la masse
du public, mais il reste que parfois, même le Parti Communiste Italien utilisa une chanson comme Papaveri e papere dans une campagne
électorale, la DC fit de même : voilà l’ambiguïté de ces « chansons de la fronde », ni révolutionnaires et chansons de lutte, ni totalement
soumises aux idéologies dominantes, fascisme ou DC. Pourvu que l’on fasse rire … !
2) Quelques auteurs, compositeurs et interprètes
Mario Panzeri (1911-1991, Milan) : c’est une des grands paroliers et compositeurs de chansons, surtout à partir des années ’30 et
jusqu’au début des années ’80. Orphelin, il est élevé par son oncle avec ses frères et s’intéresse très
tôt au spectacle et à la chanson . Il commence à composer dans les années ’30 et l’une de ses
premières chansons est Conosco una fontana, de 1937. En 1939, la chanteuse Maria Jottini lance sa
chanson Maramao perché sei morto avec le Trio Lescano (Cf. plus loin) ; elle est écrite sur une
comptine populaire des Abruzzes. C’est un succès, dû non seulement à la qualité de la chanson et
aux chanteuses, mais à l’intervention de la censure fasciste. En 1940, il recommence avec Pippo non
lo sa, écrite avec Nino Rastelli sur une musique de Gorni Kramer ; il continue en 1943 avec Il
tamburo della banda d’Affori, écrite aussi avec Nino Rastelli sur une musique de Nino Ravasini, deux
autres chansons qui furent accusées par la censure fasciste de diffuser des idées contre le régime, et
qui eurent un grand succès, en Italie et à l’étranger. Malgré ses dénégations, Panzeri restera le
parolier de quelques grandes « chansons frondeuses », qui firent rire de quelques hiérarques
fascistes, dont Mussolini.
Il écrit quelques autres chansons dans les années ’40. Après la guerre, son succès repart avec
Grazie dei Fiori, écrite avec Gian Carlo Testori sur une musique de Saverio Seracini, qui, chantée par
Nilla Pizzi, obtient le premier prix au premier Festival de Sanremo en 1951. En 1952, il revient aux
allusions politiques avec Papaveri e papere écrite avec Rastelli sur
une musique de Vittorio Mascheroni ; le succès fut immédiat parce
qu’on y vit une satire de la vie politique, le « papavero » (le pavot et
le coquelicot) rouge représentant le Parti
Communiste, finalement détruit, tandis que la « papera », l’oison, l’oie de petite taille
représentait, à travers le personnage d’Amintore Fanfani (1908-1999), une Démocratie
Chrétienne finalement gagnante, et les Comités Civiques, durant les élections politiques
de 1953, où la D.C. obtint plus de 40% des voix, utilisèrent l’image du ciseau qui coupait
les coquelicots. Mais pour le PCI, « gli alti papaveri » représentèrent la DC vaincue par
les petits du peuple opprimé…
D’autres chansons continuèrent ensuite à faire de Panzeri un des plus grands paroliers de
l’époque, Casetta in Canadà (1957), Lettera a Pinocchio (1959), Non ho l’età (1964),
Nessuno mi può giudicare (1966), Fin che la barca va (1970), et beaucoup d’autres, qui
furent portées par des chanteuses comme Nilla Pizzi, Gigliola Cinquetti, Orietta Berti,
Caterina Caselli, France Gall, Tonina Torrielli, etc.
Nino (Giuseppe Gaetano) Rastelli (Milano, 1913-Roma, 1962), parolier connu pour quelques chansons comme
Papaveri e Papere, Tornerai (1936), Pippo non lo sa, Nessuno al mondo (Peppino di Capri, 1960), etc.
Mario Consiglio (Turin,1907- Milan, 1975) fait ses études musicales au Conservatoire Giuseppe Verdi de Turin.
Après avoir travaillé à la Radio, il commence à écrire la musique de chansons, et son premier succès est Maramao
perché sei morto ?, en 1939, suivie en 1941 de Il pinguino innamorato, sur un texte de Rastelli et Casiroli, lancée par
Silvana Fioresi : c’était le temps où on préférait les textes de non-sens qui permettaient d’échapper à la censure
fasciste, en gardant une forme légère, dans laquelle la chanson italienne finit par s’abâtardir. Consiglio sera aussi
interprète, en particulier avec Ernesto Bonino.
Maria Jottini (Alessandria, 1921 - Toscana, 2007), chanteuse qui commença sa carrière dès l’âge de 18 ans,
servie par sa voix particulière, grêle, un peu tremblante et bien rythmée ; elle obtient beaucoup de succès, un
peu à l’imitation des chanteuses américaines à la mode, et grâce à Pippo Barzizza ou plus tard à Dino Olivieri. À
la fin des années ’40, à la naissance de son fils, elle abandonne la scène et n’y reviendra qu’épisodiquement en
1958 et en 1987.
Le Trio Lescano : Alessandra (1910-1987), Giuditta (1913-1976 ? ou 2007 ?), Caterinetta (1919-1965) :
trois sœurs d’origine hollandaise par leur mère, chanteuse d’opérette et hongroise par
leur père, acrobate de cirque, les Leschan, qu’elles italianisent en Lescano quand
elles partent des Pays-Bas en Italie à la retraite de leur père. Les deux aînées forment d’abord un corps de
ballet avec leur mère, puis arrivent à Turin en 1935, où les trois sœurs forment un trio, avec pour modèles les
Boswell Sisters, puis les Andrews Sisters, trios féminins américains célèbres dans les années ’30 et ‘40.
Entrées dans le chœur de l’orchestre de Pippo Barzizza, elles acquièrent bientôt une immense popularité,
interprétant un grand nombre de chansons, souvent accompagnées d’autres chanteurs très connus et aimés
du public italien. En mars 1942, le roi leur accorda la nationalité italienne, et Mussolini, qui détestait la
musique « nègre » venue d’Amérique, les appréciait beaucoup, et on écrivit qu’il les saluait quand il passait
près de chez elles à Turin. Elles étaient devenues riches, et racontèrent qu’elles gagnaient mille lires par jour
; elles avaient pu acheter une Balilla à 4 portes.
En 1946, Caterina abandonna le groupe et fut remplacée pendant quelques années par la turinoise Maria
Bria, puis les deux sœurs partirent en Amérique du Sud. Le Trio a exécuté des chansons restées célèbres,
Bel Moretto (1936), Tornerai (1937), Non dimenticar le mie parole (1937, avec Emilio Livi), Ma le gambe (1938, avec Enzo Aita), Papà e
mammà (1938, avec le Quartetto Cetra), Addio tulipan (1941), La famiglia canterina (1941, avec Ernesto Bonino), Ciribiribin (1942), Le
tristezze di San Luigi (1942), etc. En 2010, un film plein d’inexactitudes fut réalisé à la Télévision italienne sous le titre Le ragazze dello
swing, et Angelo Zanio leur a consacré un site très détaillé : www.trio-lescano.it.
Silvana La Rosa, appelée Silvana Fioresi (Gênes, 1920-2002), chanteuse réputée, était née dans une famille
de musiciens, sa mère était harpiste, son père Antonio était violoniste dans l’orchestre de Pippo Barzizza, et son
oncle était le chef d’orchestre Armando La Rosa Parodi. Elle commença à chanter en espagnol au Salvador, où
son père était parti travailler, puis, revenue en Italie, elle étudia au Conservatoire de Turin. On l’appelait « le
rossignol de la radio », du titre d’une des chansons qu’elle interprétait (L’uccellino della radio, de Nizza, Morbelli
et Filippini). Elle chanta souvent en duo avec de grands interprètes (le Trio Lescano, Ernesto Bonino, Michele
Montanari …) et fut une des grandes interprètes de l’époque, jusqu’en 1976.
Gorni Kramer (Francesco Kramer Gorni) (Mantova, 1913 - Milano, 1995), chef
d’orchestre, compositeur, instrumentiste, producteur dans la première télévision
italienne, et auteur de plus d’un millier de chansons. Son père était musicien et lui fit apprendre très jeune
l’accordéon puis la contrebasse au Conservatoire de Parme ; il lui donna le prénom de « Kramer » en
hommage à un champion allemand du monde cycliste de 1912 qu’il adorait, Frank Kramer. Gorni Kramer
constitua un groupe de jazz alors qu’il avait à peine 20 ans, cela le fit apprécier mais il fut exclu par l’EIAR,
où le fascisme interdisait le jazz, « musique de nègres ». Sa première musique est celle de Crapa pelada
(1936) de Tata Giacobetti que chanta Alberto Rabagliati ; il travailla ensuite avec Natalino Otto, le chanteur
de swing interdit lui aussi à la radio, et avec le Quartetto Cetra. Dans les années ’40, il écrit la musique des
comédies musicales de Garinei et Giovannini ; il travaille à la télévision avec son orchestre à partir de sa
création en 1954. C’est un des grands de la chanson italienne.
Le Quartetto Cetra : Il se forme au début des années ’40 avec Felice Chiusano (1922-1990),
Giovanni « Tata » Giacobetti (1922-1988), Lucia Mannucci (1920-2012), et Antonio Virgilio Savona
(1919-2003). Groupe qui dura le plus longtemps, ils furent aussi celui qui introduisit en Italie des
genres musicaux nouveaux comme le Rock and roll dès 1956, où ils chantent Rock around The
Clock, sous le titre italien de L’orologio matto (L’horloge folle) ; Guccini les comparaît aux Beatles.
Ils avaient déjà chanté le premier Boogie-woogie en 1945 (Pietro Wughi il ciabattino).
Ils commencent en 1940 sous la forme d’un quatuor masculin, inspiré par la tradition américaine
(les Mills Brothers…). Après le départ de Iacopo Jacomelli et l’arrivée de Savona en 1941, et
prennent le nom de « Cetra », de l’instrument (la cithare) qui avait 4 cordes. Lucia Mannucci,
l’épouse de Savona, rentre dans le groupe en 1943, alors que le groupe est déjà très engagé à
l’EIAR, puis à la radio puis à la télévision, où ils travaillent avec les plus grands chanteurs et
compositeurs.
En 1949, un de leurs premiers grands succès est Nella vecchia fattoria (Dans la vieille ferme),
adaptation d’une vieille chanson populaire américaine, où ils imitent les cris des animaux. Ils sont
acclamés au Festival de Sanremo de 1954. À partir de 1951, ils commencent à faire du théâtre,
participent à des revues. Ils sont parmi les plus appréciés à partir des années ’60, et s’engagent
parfois plus dès 1971, où ils dédient une chanson à Angela Davis (Angela) qui leur vaudra des
menaces auxquelles Savona répond par la chanson Sono cose delicate. Ils réduisent alors leur
participation à la RAI pour travailler à la Télévision suisse. Ils créent de nombreuses chansons et parodies, et leur dernière émission à la
TV est de 1994. Ils ont publié des dizaines de 78T de 1941 à 1954, puis des dizaines de 33T et de 45T ; ils participent à plusieurs films
de 1949 à 1961. Ils constituent un des groupes de chanteurs les plus intéressants de cette période
Rappelons qu’en France, les Frères Jacques sont actifs de 1948 à 1982.
Les chansons frondeuses - début
3) Crapa pelada de Gorni Kramer et Tata Giacobetti
Crapa Pelada
Tête pelée
(Testo : Tata (Giovanni) Giacobetti (1922-1988)
Musica : Gorni Kramer
Interprete : Quartetto Cetra
1936)
A voi, miei signori, io voglio narrare
À vous, messieurs, je veux raconter
la storia che tanto mi fa disperare.
l’histoire qui me fait tellement désespérer.
Son già sette mesi che vedo cadere
Il y a déjà sept mois que je vois tomber
dal capo i capelli bianchi,
de ma tête les cheveux blancs,
ormai son pelato, deluso, avvilito,
désormais je suis pelé, déçu, avili,
non so quali cure adottar.
je ne sais quels soins adopter.
Ma senti cosa dice
Mais entends ce que te dit
quel povero infelice :
ce pauvre malheureux :
« Non ti lamentar,
« Ne te lamente pas,
ma prova a cantar
mais essaie de chanter
con noi questa canzon ».
cette chanson avec nous ».
Crapa Pelada la fà i turtei,
Tête pelée fait des raviolis
ghe ne dà minga ai sò fradei.
mais il ne les donne pas à ses frères.
Oh ! Oh Oh ! Oh !
Oh ! Oh ! Oh ! Oh !
I sò fradei fan la fritada.
Ses frères font une omelette
ghe ne dan minga a Crapa Pelada.
Mais ils n’en donnent pas à Tête pelée
Oh! Oh! Oh! Oh! Oh ! Oh ! Oh ! Oh !
Crapa Pelada la fà i turtei,
ghe ne dà minga ai sò fradei.
I sò fradei fan la fritada.
ghe ne dan minga a Crapa Pelada.
Crapa Pelada la fà i turtei,
ghe ne dà minga ai sò fradei.
Oh! Oh! Oh! Oh!
Crapa Pelada la fà i turtei,
ghe ne dà minga ai sò fradei. oh-oh-oh-oh
Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà.
Badabaddà badabbadà badabba babbarara pirulirulirulirulì
Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà, Crapa pelà.
Paaaaaaa pararappappa pappa paraparapà.
E la canzone ti fa dimenticar
Et la chanson te fait oublier,
scordar ciò che ti rattrista il cuore
ne plus penser à ce qui rend ton cœur triste
e sospirar ti fa.
et à ce qui te fait soupirer.
Chi lo sa se potrò ritrovare la folta chioma Qui sait si je pourrai retrouver ma chevelure épaisse ?
Prova, tenta ancor !
Essaie, tente encore !
Ho provato e riprovato ogni cura
J’ai essayé et essayé encore tous les soins
più sicura e consigliata
les plus sûrs et les plus conseillés
la chinina è di rigore ma la testa
la quinine est de rigueur mais ma tête
è ancor pelata, ancor pelata.
est encore pelée, encore pelée.
Coraggio amico, non ti disperar.
Courage, mon ami, ne te désespère pas.
Con la bulbocapillina, con Bay Rum
Avec la bulbomicilline, avec Bay Rum
e Petrolina ho provato e riprovato ma io sono
et Pétroline j’ai essayé et essayé encore mais je suis
ancor pelato ancor pelato.
encore pelé, encore pelé.
Perché ? Non so com'è.
Pourquoi ? je ne sais pas comment ça se fait.
Chissà perché ?
Qui sait pourquoi ?
Perché ? Perché ? Non so !
Pourquoi ? Pourquoi ?J Je ne sais pas.
Parapappa parapappa tarattatà parapà parapappa
parrappappà parappa pararara pam.
Sei tu ?
C’est toi ?
Crapa pelada, Crapa pelada,
Tête pelée, Tête pelée
Crapà Crapà Crapà Crapà.
Ooooooooooooooooooooooooooooooh
Bidibadi bidibadi bidiba bidiba bidibà bidibà bidibà bidibà
parappappà parappa pappa pappa pappappà
Crapa Pelada la fà i turtei
ghe ne dà minga ai sò fradei, oh-oh-oh-oh.
Crapa pelada,
Tête pelée,
con la parrucca
avec une perruque
forse potrai guarir !
peut-être que tu pourras guérir !
Cette chanson apparaît d’abord comme un texte comique de cabaret, qui fut à l’origine interprété par une star de la chanson, Alberto
Rabagliati ; elle est inspirée par une chanson comique populaire de Lombardie, en dialecte milanais. Le rythme de jazz, intégrant des
onomatopées, le nom de produits commerciaux en vente à l’époque, parfois le « scat » (suite de syllabes sans signification précise),
auxquels l’interprétation ultérieure du Quartetto Cetra avec sa basse, Felice Chiusano, donne un ton
totalement moderne (Cf. image ci-contre du Quartetto Cetra). Et cette référence à la musique anglo-
africaine mêlée aux références à la musique populaire italienne traditionnelle contribuèrent à irriter les
censeurs fascistes. C’est l’époque où, malgré l’hostilité du régime, le jazz américain pénètre largement
en Italie, en particulier par ses chanteurs et danseurs que fréquentent de plus en plus les compositeurs
italiens (Cf. sur Internet l’article de Jacopo Leone Bolis, Gorni Kramer antifascista sonoro).
Les historiens (Cf. les références sur le site www.galleriadellacanzone.it ) racontent que la chanson
s’était d’abord référée au Caravage (Michelangelo Merisi). Il serait tombé amoureux d’une certaine
Peppa Muggia, et quand il dut quitter Milan, celle-ci fut atteinte par une maladie, très courante alors, du
cuir chevelu, qui provoquait la calvitie. Quand le Caravage revint, elle lui prépara un plat de « tortelli »
qu’il aimait beaucoup et qu’il mangea entièrement à lui tout seul, et quand les frères de Peppa
arrivèrent, elle ne leur en offrit pas ; elle partit avec le Caravage, mais quand elle revint chez elle, son
frère Luca ne lui offrit pas de la « focaccia » qu’il préparait et se moqua d’elle en chantant « La crapa pelada l’ha fàa i tortei », ce qui fit
rire tout le monde.
Mais la reprise et l’adaptation de cette chanson traditionnelle ancienne n’avait pas plu à la censure fasciste, d’abord pour son style
musical insupportable pour qui parlait de musique « afro-demo-pluto-giuso-masso-epilettoide » à propos du jazz, mais surtout parce
qu’elle y vit une allusion méchante à la calvitie de Mussolini lui-même, qui contribuait à mettre en doute la beauté virile de la race
italienne et de son chef d’alors ; et le partage entre les « tortei » et la « frittada » ne faisait-il pas allusion à la « victoire mutilée » du
fascisme dans les colonies africaines dont le fascisme se lamentait ? Jacopo Leone Bolis souligne aussi justement la faim atavique du
personnage, – son second vice –, qui pousse chacun à ne jamais partager un plat avec ses « frères », – allusion aux conflits internes de
la hiérarchie fasciste ?.
Et enfin les auteurs de la chanson avaient écrit d’autres chansons dont les antifascistes s’emparaient en déformant leur sens, comme
l’innocente chanson d’Umberto Bertini et Paola Marchetti (1938), Un’ora sola ti vorrei, dont on disait que les ennemis de Mussolini la
chantaient en montrant du doigt le portrait obligatoire du Duce … « per dirti quello che non sai » ! (Je te voudrais une seule heure / pour
te dire ce que tu ne sais pas …).
Double censure d’un texte et d’une musique ! Rappelons les débats que provoqua l’arrivée du jazz en Italie (le mot était apparu aux USA
en 1917) dès les débuts du régime fasciste, dans lesquels les intellectuels se divisèrent entre partisans et critiques ; à l’intérieur même
du fascisme, les attitudes envers le jazz furent contradictoires, derrière les discours officiels de condamnation, le jazz pénétra facilement
en Italie, dans la famille même de Mussolini dont le fils Romano fut un grand pianiste de jazz.
Exemple de divisions : en juin 1926 et en 1930, le pianiste et chef d’orchestre Alfredo Casella (1883-1947) publia deux articles, Difesa
del jazz band, et Il Jazz è una musica seria, où il vantait l’énergie et l’élan vital de la culture musicale apportée par le jazz, alors que les
intellectuels du régime (dont Casella fera partie plus tard) parlaient du jazz comme musique décadente et indécente, parce que d’origine
négroïde ; ces articles lui valurent une violente campagne où on le dénigra au nom de concepts antisémites. Ce sont Filippo Tommaso
Marinetti et Bruno Corra qui répondirent d’abord à Casella dans leur article du 22 octobre 1937, Contro il teatro morto, contro il
romanzone analitico, contro il negrismo musicale. Manifesto futurista (Gazzetta del Popolo), qui suivit Aldo Giuntini dans son Manifesto
della aeromusica de 1934, où il défendait contre le jazz la musique académique et populaire italiennes. En 1932 et 1933, Luigi Russolo
qualifia les rythmes de jazz de « danses épileptiques d’Amérique », dignes des « races barbares » et non des races « supérieures »
comme la race latine ! (Voir l’article important de Camilla Poesio sur le jazz et le régime fasciste : www.academia.edu/12245673/ Il jazz
…).
Défendre le jazz devenait déjà en soi une manifestation de critique du fascisme, et Gorni Kramer fut radicalement écarté de la radio
fasciste jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, de même qu’un compositeur et chanteur comme Natalino Otto (1912-1969) avec
lequel travailla souvent Gorni Kramer.
4) Maramao perché sei morto ? de Mario Panzeri et Mario Consiglio.
Maramao perché sei morto ?
Maramao pourquoi es-tu mort ?
(Testo : Mario Panzeri (1911-1991)
Musica : Mario Consiglio (1907-1975)
1939
Interpreti : Maria Jottini (1921-2007) con Trio Lescano
Ripresa in seguito da Rita Pavone (1969), da Nicola Arigliano
e persino da Beppe Starnazza e i Vortici (1981).)
Quando tutto tace e su nel ciel la luna appare
Quand tout se tait et que le lune apparaît dans le cie
l
col mio più dolce e caro miao,
avec mon plus doux et plus cher miaou
chiamo Maramao.
j’appelle Maramao.
Vedo tutti i mici sopra i tetti Je vois tous les minous se promener sur les toits,
ma pure loro senza te
mais eux aussi sans toi
son tristi come me.
ils sont aussi tristes que moi.
Maramao perché sei morto ?
Maramao pourquoi es-tu mort ?
Pane e vin non ti mancava,
Le pain et le vin ne te manquaient pas,
l'insalata era nell'orto,
la salade était dans le jardin
e una casa avevi tu.
Et tu avais une maison.
Le micine innamorate
Les minettes amoureuses
fanno ancor per te le fusa,
ronronnent encore pour toi,
ma la porta è sempre chiusa
mais la porte est toujours fermée
e tu non rispondi più.
Et tu ne réponds plus.
Maramao ... Maramao ...
Maramao … Maramao …
fanno i mici in coro :
font les minous en chœur ;
Maramao ... Maramao ...
Maramao … Maramao …
Mao, mao, mao, mao, mao ...
Miaou, miaou, miaou, miaou, miaou …
Maramao perché sei morto ?
Maramao pourquoi es-tu mort ?
Pane e vin non ti mancava,
Le pain et le vin ne te manquaient pas,
l'insalata era nell'orto,
la salade était dans le jardin
e una casa avevi tu.
Et tu avais une maison.
Anche la nonnina triste e sola al focolar,
Même ta petite grand-mère triste et seule au foyer
seguita sempre a brontolar
continue toujours à grogner
e non vuol filar.
Et ne veut pas filer.
L'ultimo gomitolo con cui giocavi tu
Le dernier peloton avec lequel toi tu jouais
sul suo grembiule bianco e blu
sur son tablier blanc et bleu
non si muove proprio più.
Ne se déroule plus du tout.
Cette chanson de 1939 est apparemment légère, récit superficiel d’évasion et de distraction, et elle ne vise apparemment qu’à être un
peu drôle, simple histoire de chats. Or elle a fait l’objet de beaucoup d’attention de la part de la censure fasciste, elle a eu un très grand
succès, et elle est reprise plus tard par des chanteurs comme Rita Pavone, Nicola Arigliano, etc. Comment l’expliquer ?
1) Rappelons d’abord que 1939 est l’année de la mort de l’amiral Costanzo Ciano, qui était Président de la Chambre des Fasci (les
Faisceaux, chambre qui remplaçait alors le parlement) et père de Galeazzo Ciano (1903-1944), ministre des Affaires Étrangères et
gendre de Mussolini dont il avait épousé la fille Edda en 1930. La chanson de Panzeri et Consiglio ne fut publiée qu’après la mort de
Costanzo, et les deux auteurs étaient déjà connus pour leurs chansons frondeuses vis-à-vis des pouvoirs, et nous sommes dans un
temps où les gouvernants depuis la guerre de 1915-18, et en particulier le pouvoir fasciste, ont pris conscience de l’importance de la
chanson dans la détermination de l’opinion, comme l’avait manifestée en 1936 la chanson de Gorni Kramer, Crapa pelada, où l’on vit une
satire du crâne rasé de Mussolini lui-même.
Mario Panzeri n’était certes pas un antifasciste militant, mais il n’oublia jamais d’insérer dans ses
chansons quelques allusions antifascistes, et il fut l’auteur de nombreuses chansons que l’on appela
« chansons de fronde », comme celle-ci en 1939 ou, en 1940, Pippo non lo sa (Cf. plus loin), où l’on vit
une satire d’un des importants dirigeants fascistes, Achille Starace (1889-1945), ou, encore plus en
1943, sur musique de Nino Rastelli, Il tamburo della Banda d’Affori (Le tambour de la fanfare d’Affori) qui
commandait 550 fifres dans lesquels la censure voulut voir les 550 membres de la Chambre des Fasci e
delle Corporazioni et donc dans le « tambour » Mussolini lui-même. Panzeri, convoqué par Criscuolo, se
défendit avec beaucoup de « candeur », mais à partir de ce jour tous les paroliers furent contraints de
soumettre leurs textes à la censure avant publication. Et c’est alors que les trois sœurs Lescano furent
arrêtées pour espionnage, sous le prétexte que leur mère était juive ; « Avec le nez que vous avez »,
leur aurait dit un officier allemand, « vous ne pouvez être que juives » : tel fut en tout cas beaucoup plus
tard le récit d’Alessandra Lescano, mais en réalité, c’est probablement faux, et elle ne raconta cela que
pour montrer que le Trio n’avait pas collaboré avec le fascisme.
Panzeri fut encore l’objet d’interprétations politiques en 1952 lorsqu’il publia, sur une musique de Vittorio
Mascheroni, Papaveri e papere, où l’on vit dans les « papaveri » les grands dirigeants de la Démocratie
Chrétienne contestés par le petit peuple communiste des « papere ». Nous sommes au temps de
Guerreschi, de Don Camillo et de Peppone… (Cf. plus loin).
L’affaire de Maramao se déclencha quand commencèrent à Livourne, sa ville d’origine, les travaux pour l’édification d’un monument
funèbre en l’honneur de Costanzo Ciano, car une nuit des étudiants facétieux écrivirent sur la base du monument quelques vers de la
chanson. Filippo Criscuolo, alors chef de la censure fasciste (mais rappelons que le créateur du service de censure fut Galeazzo Ciano,
dès 1934), convoqua Panzeri qui se libéra en montrant que la chanson avait été écrite avant la mort de Ciano.
2) Mais la « candeur » de Panzeri n’était qu’apparente : il ne pouvait pas ignorer que, depuis des dizaines d’années, le personnage du
chat Maramao était chanté par le peuple italien. Vitaliano Brancati raconte dans son livre Ritorno alla censura (Bompiani, 1952)
que dans la nuit du 10 février 1831, un pauvre infirme un peu ivre se traînait dans les rues de Rome en chantant « Maramao perché sei
morto ? Pane e vino non ti mancava, l’insalata avevi nell’orto… ». Il fut aussitôt arrêté, sous l’inculpation de faire allusion aux récentes
funérailles du pape Pie VIII. Mais pourquoi devait-il faire allusion au pape ? Quelle référence pouvait-il y avoir aux jardins du Vatican
dans « la salade dans le jardin » ? Ce sont les questions qu’avant nous se posa le poète romain Gioacchino Belli (1791-1863) dans un
sonnet resté longtemps inédit, Er canto provvìdito :
Sta in priggione, ggnorzi, ppovero storto !
Il est en prison, oui Monsieur, le pauvre infirme !
Io da l’abbile sce faria la bbava.
Moi j’en baverais ma bile.
Sta in priggione: e pperché ? pperché Aller en prison : et pourquoi ? Parce qu’il chantait
jer notte : « Maramao, perché ssei morto ? »
hier dans la nuit : « Maramao, pourquoi es-tu mort ? »
ebbè ? ssi è mmorto er Ppapa ? e cche cc'entrava Et alors ? Le pape est mort ? Qu’est-ce que ça avait à voir
de dì cche cojjonassi er zu’ trasporto ?
avec le fait de dire qu’il se moquait de ses funérailles
e cché ! ttieneva l'inzalata all'orto
et quoi ? il avait de la salade dans son jardin
er Zanto-padre ? E cché ! fforze maggnava. le Saint-père ? Et peut-être qu’il mangeait ?
Teste senza merollo : idee brislacche.
Têtes sans cervelle, idées farfelues.
Duncue puro a ccanta' ce vo' er conzenzo
Donc même pour chanter, il faut une approbation
de sti ssciabbolonacci a ttricchettracche !
de ces grands sabres de marionnettes.
Io me sce sentocrèpa da la rabbia.
Moi je me sens crever de rage.
« Ma », ddisce, « è ben trattato » : eh,
« Mais », dit-il, « il est bien traité » ; eh
bber compenzo belle compensation
d’avé la canipuccia e dde stà in gabbia
du fait d’avoir la corde et d’être en cage.
Le refrain de cette célèbre chansonnette est en réalité très ancien, si bien qu’on le retrouve cité, par exemple, par Belli, comme on vient
de le voir, dans son Er canto provvìbbito (Le chant interdit) mais aussi dans la dédicace au brigand Giuseppe Nicola Summa, appelé
Nino Nanco, capturé et exécuté sommairement le 13 mars 1864 à Lagopesole, fraction d’Avigliano de Potenza, par la Garde Nationale :
« Ninghe Nanghe, peccé sì muerte ?
« Ninghe Nanghe, pourquoi on meurt ?
Pane e vino nan t'è mancate
Le pain et le vin ne t’ont pas manqué
La 'nzalate sté all'uerte
La salade est dans le jardin
Ninghe Nanghe, peccé sì muerte ? »
Ninghe Nanghe, pourquoi on meurt ? »
(Er canto provvìdito).
3) Les origines de cette chanson doivent donc être recherchées dans une tradition populaire ancienne. Certains disent que Maramao
dérive de « Mara maje », c’est-à-dire « Amara me » (amère moi), que l’on trouve dans un chant populaire des Abruzzes. D’autres
disent que Maramao n’est pas un chat, mais l’esprit du Carnaval : dans quelques localités, on célébrait ses funérailles avec un cercueil
et un cortège.
Mais l’hypothèse la plus suggestive est celle qui réfère la phrase « Maramao perché sei morto ? » au célèbre mot du XVIe siècle « Vile
Maramaldo, tu uccidi un uomo morto » (Lâche Maramaldo tu assassines un homme mort). Fabrizio Maramaldo (1494-1552), chef de
guerre napolitain, s’était rallié aux Médicis contre l’armée de la République Florentine en 1530. Pour se venger du capitaine florentin
Francesco Ferrucci qui avait fait tuer le messager qui lui demandait de se rendre, avait déformé son nom en « Maramao », et avait fait
pendre de sa fenêtre des chats vivants pour qu’ils miaulent, Maramaldo, après l’avoir fait prisonnier blessé, le fit assassiner sur la place,
et là, Ferrucci aurait prononcé ces mots. Cela fit du nom de Maramaldo un symbole de cruauté lâche, mais assura aussi son avenir
politique favorisé par Charles Quint. Et quand il revint à Naples où l’empereur l’avait nommé Chambellan, il gaspilla sa fortune et mourut
brusquement, et on dit que cela fit chanter le peuple : « Maramaldo, tu avais tout, les femmes, la nourriture, … Maramaldo, pourquoi es-
tu mort ? ».
Cette chanson d’apparence frivole est donc en réalité le fruit de toute une histoire, et elle fait partie en ce sens de la meilleure tradition
italienne, elle a un fond historique accru par la susceptibilité des censures politiques; cela explique aussi la fortune qu’elle a eue dans la
société contemporaine. Mais qui ignore l’histoire l’entendra seulement comme le récit amusant de la mort d’un chat !
5) Pippo non lo sa
Pippo ne le sait pas
(Testo : Mario Panzeri e Nino Rastelli
(Pippo est le diminutif de Filippo et Giuseppe)
Musica : Gorni Kramer
1940)
Pippo Pippo non lo sa
Pippo Pippo ne le sait pas
che quando passa ride tutta la città
que quand il passe toute la ville rit
e le sartine dalle vetrine
et que de leurs vitrines les petites couturières
gli fan mille mossettine
lui font mille petites simagrées
ma lui con grande serietà
mais lui avec un grand sérieux
saluta tutti fa un inchino e se ne va
salue tout le monde avec une révérence et s‘en va
si crede bello come un Apollo
Il se croit beau comme un Apollon
e saltella come un pollo
et il sautille comme un poulet.
Pippo Pippo non lo sa
Pippo Pippo ne le sait pas
che quando passa ride tutta la città
que quand il passe toute la ville rit
e le sartine dalle vetrine
et que de leurs vitrines les petites couturières
gli fan mille mossettine
lui font mille petites simagrées
ma lui con grande serietà
mais lui avec un grand sérieux
saluta tutti fa un inchino e se ne va
salue tout le monde avec une révérence et s‘en va
si crede bello come un Apollo
Il se croit beau comme un Apollon
e saltella come un pollo
et il sautille comme un poulet.
Sopra il cappotto
Sur son manteau
porta la giacca
il porte sa veste
e sopra il gilet la camicia
et sur son gilet sa chemise
Sopra le scarpe porta le calze
sur ses souliers il porte ses chaussettes
non ha un botton
Il n’a pas un bouton
e con le stringhe tien su i calzon
et il tient son pantalon avec ses lacets
Ma Pippo Pippo non lo sa
Mais Pippo Pippo ne le sait pas
e serio serio se ne va per la città
et tout sérieux il s’en va par la ville
si crede bello come un Apollo
il se croit beau comme un Apollon
e saltella come un pollo
et il sautille comme un poulet.
Ma Pippo Pippo non lo sa
Mais Pippo Pippo ne le sait pas
e serio serio se ne va per la città
et tout sérieux il s’en va par la ville
si crede bello come un Apollo
il se croit beau comme un Apollon
e saltella come un pollo
et il sautille comme un poulet
Ma Pippo Pippo non lo sa
Mais Pippo Pippo ne le sait pas
che quando passa ride tutta la città
que quand il passe toute la ville rit
e le sartine dalle vetrine
et que de leurs vitrines les petites couturières
gli fan mille mossettine
lui font mille petites simagrées
Sopra il cappotto
Sur son manteau
porta la giacca
il porte sa veste
e sopra il gilet la camicia
et sur son gilet sa chemise
sopra le scarpe porta le calze
sur ses souliers il porte ses chaussettes
non ha un botton
il n’a pas un bouton
e con le stringhe tien su i calzon
et c’est avec ses lacets qu’il tient son pantalon
ma lui con grande serietà
Mais lui avec un grand sérieux
saluta tutti fa un inchino e se ne va
salue tout le monde par une révérence et s’en va
si crede bello come un Apollo
Il se croit beau comme un Apollon
e saltella come un pollo
et il sautille comme un poulet.
Qui était donc ce Pippo ? Le copain de Mickey dans la BD, qu’on commençait à connaître en Italie depuis Noël
1932 ? Un pauvre idiot du village ? L’employé maladroit d’un magasin ? Alors que le compositeur posait à Pippo
Barzizza la question de savoir quelles musiques souhaitaient avoir les Italiens de 1940, celui-ci lui répondit qu’il ne
savait pas. « Pippo ne le sait pas », se répéta le compositeur tout en écrivant une musique plaisante, appelée «
Foxtrot » sur la partition mais en réalité un mélange de jazz et de charleston avec le rythme de foxtrot, cette
musique « négroïde » qui déplaisait à Mussolini mais qu’aimaient tellement les chanteurs de l’époque, des sœurs
Lescano (que Mussolini et Ciano admiraient beaucoup) à Natalino Otto. En 1940, c’est Silvana Fioresi et le Trio
Lescano qui assurèrent le succès de la chanson, et en 1967 Rita Pavone, en version beat.
Mais les censeurs fascistes, alors très pointilleux (on était au début de la guerre et les nazis commençaient à
intervenir dans la politique italienne), convoquèrent Panzeri, parce qu’ils n’aimaient pas la musique et parce qu’ils
avaient vu dans le texte une attaque à un hiérarque fasciste, responsable de la politique du sport et Secrétaire du
Parti National Fasciste, Achille Starace (Cf. photo ci-contre), qui adorait se pavaner dans les rues vêtu de son
uniforme et couvert de médailles ; il était aussi détesté parce que c’est lui qui avait imposé le salut fasciste au lieu
de la poignée de main. Et pour la censure, c’étaient un peu tous les hiérarques qui défilaient avec arrogance dans
leurs vêtements fascistes rutilants et décorés.
suite et fin
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