LA CHANSON DU VAL D’AOSTE
La chanson du Val d’Aoste
Le Val d’Aoste est un des 5 régions autonomes d’Italie, bilingue (italien et français) ou plutôt trilingue, si l’on considère que le dialecte valdostain est la véritable langue maternelle de
la région. Du Val d’Aoste sont originaires peu de cantautori ou de chanteurs qui ont pris une dimension nationale, la région est petite et n’a que 126.220 habitants. Le dialecte du Val
d’Aoste est une forme de franco provençal. Aoste a créé le BREL, Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique, qui organise un concours de dialecte Abbé Cerlogne. Le
franco provençal est reconnu par l’État italien comme langue minoritaire depuis le vote de la loi 442 de 1999.
La chanson évoque essentiellement la vie paysanne de la montagne, accompagne les manifestations traditionnelles comme les combats de vaches et de chèvres, jouant de
l’accordéon, du violon, de la flîte, de la clarinette, de la cornemuse, ou du « frustapot », l’harmonica de bouche. Pour les ethnologues, ces chants remontent souvent au peuple des
Salasses, chants religieux, d’amour ou de guerre contre l’occupant romain. Au Moyen-Âge, les troubadours passaient de château en château, chantant les histoires de Paladins ; plus
tard on chanta l’épopée des guerres napoléoniennes et de la guerre de 1915-18. Les paysans chantaient ensemble dans les étables, les auberges ou les caves. Les premiers
chansonniers paraissent en 1912 et 1932, et en 1948, l’adjoint régional Amato Berthet institue les concours régionaux de chanteurs et de chorales. L’hymne officiel de la Région
autonome est Montagnes valdotaines, harmonisé par Teresio Colombotto : « Montagnes valdotaines / vous êtes mes amours / Hameaux, clochers, fontaines / vous me plairez
toujours / Oilà ! Oilà ! Oilà ! / Les montagnards / Les montagnards ».
En 1990, un Mémoire de Maîtrise a été présenté à l’Université Lumière-Lyon2 par Margherita Vidossich sous la direction du Professeur Jean Guichard : elle y présente les chants
201 à 386 (amour et mariage) du chansonnier Emilio Tron, des vallées vaudoises du Piémont dont la langue et la culture étaient proches de celles du Val d’Aoste, ce sont des
cahiers manuscrits qui aidaient les groupes à interpréter les chants.
Parmi les cantautori, beaucoup sont en même temps des chanteurs dialectaux. Voyons d’abord un exemple caractéristique, Magui Bétemps (Maria Rita Maquignaz, Ivrée, 1947-
2005, Aoste), originaire de Valtournenche. Elle était surtout chansonnière, dénonçant les contacts trop étroits et souvent dépendants du Val d’Aoste vis-à-vis du Piémont et des autres
régions, la perte d’autonomie de la culture alpine régionale et de la langue héritée du franco-provençal. Elle a emprunté son nom de chanteuse à celui de son mari, Alexis Bétemps,
très grand connaisseur de l’histoire et de la culture valdotaines et président du Centre d’Études francoprovençales « René Willien » de Saint-Nicolas Maghi a commencé à travailler
avec le Groupe théâtral Lé badeun de Choueley (les fripons de Sorreley), en hommage auquel l’adjoint régional à la culture crée un Concours d’écriture théâtrale Maghi Bétemps qui
prime chaque année la meilleur pièce de théâtre écrite en dialecte franco provençal valdôtain.
Maura Susanna (1956- ) est une des voix les plus pures de la tradition populaire valdotaine. Elle n’a que 12 ans lorsqu’elle se révèle dans un
concours organisé par les Pères Canossiens de Saint-Vincent. Elle se consacra ensuite pendant un temps au théâtre en dialecte et en italien,
et elle revint à la musique en 1980 dans un concert de bienfaisance donné en faveur des victimes du tremblement de terre de Campanie. En
1982, elle fonda la coopérative « Ambrokal » avec Louis de Jyaryaot, Bessolo, Bianchedi, Servodidio et le groupe Trouveur Valdotèn. En
1983, elle publia un 33T consacré aux chansons de Maghi Bétemps, et elle commença à faire des concerts dans toute l’Italie. Elle chante des
chants populaires du Val d’Aoste, mais aussi du monde entier en français, catalan, espagnol, créole et japonais : la musique est pour elle le
langage le plus universel pour exprimer les sentiments de tous les hommes. Elle gère un restaurant au Col de Joux. En 1995, elle publie un
CD, Il viaggio, et elle rencontre Joan Baez
Un autre cantautore est Enrico Thiébat (Aosta, 1949-1992). Dès le Lycée, il a une passion pour la chanson, les caricatures et le cabaret, et il étudie la guitare et le chant. Il suit les
cours de Sciences Politiques à Turin, où il participe activement au mouvement de 1968 dans un centre culturel anarchiste. Il dessine et expose durant les années ’70. Au moment des
élections régionales de 1978, il inscrit sur les murs « Élections piège à cons » et chante des chansons contre les « politi…chiens » (Queun Casinò, Bosssa dei Boss). À partir de
1976, il participe cependant à une radio locale du Val d’Aoste. Il était surtout cantautore, réinterprétant Brel et des chansons populaires du Val d’Aoste, mais il était
aussi peintre et sculpteur.
Louis de Jyaryot (Luigi « Louis » Fosson, 1948- ) est un compositeur et chanteur, considéré souvent comme le plus grand interprète en dialecte valdôtain,
originaire de Brusson dans le Val d’Ayas. Il a publié plusieurs disques, dont La noela tradixion (La tradition nouvelle, 1978) et La mineur (2003. Sa chanson Lo
meis de May (le mois de mai) est très connue. La Saison Culturelle d’Aoste a organisé une soirée en hommage à ce chanteur en avril 2018 (Voir le site varasc.it ).
Signalons le groupe Trouveur Valdotèn (= trouvères valdotains), formé au début des années ’80 par la famille Boniface du Val d’Aoste, et qui se donne pour but
de redécouvrir le patrimoine musical de la région et des régions voisines, Piémont et Savoies. Ils font de nombreux concerts et un Festival de musique
traditionnelle locale, Ététrad ; celui de 2013 avait pour centre la commune d’Avise. Ils chantent en dialecte valdotain et en français, et jouent des airs de danses
valdotaines (Voir leur site sur Google).
Citons encore pour le Val d’Aoste ceux qui chantent en dialecte de la région, Susanna Maura (1956- ), qui chante des chants traditionnels de la région, mais aussi des chants
populaires du monde entier en plusieurs langues ; Louis de Jyaryot, originaire d’Ayas, Philippe Milleret (1981-) « cantautore » folk et blues.
Naïf Hérin (Christine Hérin, Aosta, 1981- ) ne chante qu’en italien et en français. Elle a déjà publié plusieurs CD, le plus récent est de 2015, Un Tipo Atipico (Tributo Ivan Cattaneo).
Elle participe au Festival de Sanremo en 2009, et collabore avec des chanteuses comme Paola Turci et Arisa.
Le groupe Dari se forme à Aoste en 2004, composé de Dario Pirovano, Alberto Oscarelli, François Domaine, bientôt remplacés par William Novelli et Andrea Cadioli. C’est un groupe
rock qui a publié plusieurs disques, Sottovuoto generazionale en 2007, In testa en 2010, Vado forte muoio giovane en 2017. Le groupe fait de nombreux concerts dans toute l’Italie.
Ils parlent beaucoup des problèmes actuels de la mondialisation, où les humains perdent peu à peu toute référence et sombrent dans une déception de la vie contemporaine.
Les Illogicist apparaissent à Aosta en 1997, c’est un groupe de death metal, forme dérivée du hard rock, caractérisé par ses rythmes agressifs.
Losbastardos se crée à Aosta en 1994 et ont publié trois albums. Leur nom indique combien leur musique est un mélange de genres.
Le groupe L’Orage est plus caractéristique du Val d’Aoste, il se définit comme groupe de « rock des montagnes ». Il naît en 2009, projet d’Alberto Visconti et Rémy Boniface, membre
avec son frère Vicent Boniface du Trouveur valdotèn. Leur nom vient d’une reprise de la chanson homonyme de Georges Brassens. Il sont publié plusieurs albums.
Citons Kina, c’est un groupe punk anarchiste d’Aoste formé en 1982, composé de Alberto Vertella, Giampiero Capra, et Sergio Milani, auxquels s’ajoute plus tard Stefano Giaccone ;
ils publient chez Blu Bus Dischi leur premier disque, Irreale realtà, en 1985, suivi de Cercando en 1986, Se ho vinto, se ho perso en 1989, La gioia del rischio en 1993, Parlami ancora
en 1993, Troppo lontano … e altre storie en 1995, Città invisibili en 1996. Ils jouent surtout dans les centres sociaux en Italie, et ils vont en Hollande, Espagne, France, Suisse,
Danemark, Belgique, Allemagne. En 1994, le groupe fait un concert pour Silvia Baraldini avec les « Bisca 99 Posse », « Casino Royale », etc. Le groupe se dissout en 1997 pour se
refonder sous le nom de Frontiera en 1998, qui fait des dizaines de concerts en Italie et en Europe.
J. G. 5 juin 2018