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 Suite page 5
La seconde partie du disque commence par Maria nella bottega d’un falegname, où, entre les commentaires des gens, Marie apprend d’un menuisier (on ne dit pas que c’est Joseph) qu’il taille trois croix dont une pour son fils :   Marie : “Falegname col martello                  “Menuisier avec ton marteau perché fai den den ?          pourquoi fais-tu den den ? Con la pialla su quel legno Avec ton rabot sur ce bois perché fai fren fren ? pourquoi fais-tu fren fren ? Costruisci le stampelle Fabriques-tu des béquilles per chi in guerra andò ?          pour ceux qui sont allés à la guerre ? Dalla Nubia sulle mani          et qui rentrent chez eux a casa ritornò ?"          sur les mains depuis la Nubie ?”                                  Le menuisier "Mio martello non colpisce, “Mon marteau ne frappe pas, pialla mia non taglia          mon rabot ne taille pas per foggiare gambe nuove  pour façonner des jambes neuves a chi le offrì in battaglia,          à ceux qui les ont effertes dans la bataille, ma tre croci, due per chi          mais pour trois croix, deux pour ceux disertò per rubare,          qui ont déserté pour voler, la più grande per chi guerra  la plus grande pour celui insegnò a disertare".          qui a enseigné à déserter la guerre”. "Alle tempie addormentate “Aux tempes endormies di questa città          de cette ville pulsa il cuore di un martello,  bat le coeur d’un marteau quando smetterà ?          quand cessera-t-il ? Falegname, su quel legno, Menuisier, sur ce bois, quanti corpi ormai,          combien de corps désormais, quanto ancora con la pialla de combien encore avec ton rabot lo assottiglierai ?"          vas-tu l’affiner ? Marie : "Alle piaghe, alle ferite         “Aux plaies, aux blessures che sul legno fai,          que tu fais sur ce bois, falegname su quei tagli  menuisier, sur ces coupes manca il sangue, ormai,          il manque désormais le sang perché spieghino da soli,          pour que ces visages con le loro voci,          qui pâliront sur tes croix quali volti sbiancheranno          s’expliquent eux-mêmes sopra le tue croci".          avec leur voix”.   Le menuisier : "Questi ceppi che han portato   Ils m’ont apporté ces troncs perché il mio sudore          pour que ma sueur li trasformi nell'immagine          les transforme en image di tre dolori,          de trois douleurs, vedran lacrime di Dimaco          elles verront les larmes de Dimacus e di Tito al ciglio          et de Titus sur les côtés il più grande che tu guardi          le plus grand que tu regardes abbraccerà tuo figlio".          embrassera ton fils”. "Dalla strada alla montagna  De la rue jusqu’à la montagne sale il tuo den den          monte ton den den ogni valle di Giordania  toutes les vallées de Jordanie impara il tuo fren fren ;          apprennent ton fren fren ; qualche gruppo di dolore          quelques groupes de gens qui souffrent muove il passo inquieto,          avancent d’un pas inquiet, altri aspettan di far bere          d’autres attendent pour faire boire a quelle seti aceto".          du vinaigre à ces soifs”. La chanson suivante est Via della Croce, Chemin de croix, où apparaissent tous les personnages de la Passion de Jésus, d’abord ceux qui le haïssent, les parents des enfants innocents tués par Hérode quand il cherchait Jésus, trente ans auparavant, puis les femmes veuves, celles que les Juifs accablèrent et traitèrent en esclaves depuis le début, avant Abraham ; les disciples sont un peu lâches, pris de terreur à l’idée qu’il pourrait leur faire signe et qu’ils pourraient connaître le même supplice que lui. Les hommes de pouvoir sont là aussi, mais ils ne font qu’épier les pauvres pour s’assurer qu’ils ne se révoltent pas, et parmi ces derniers les deux voleurs qui n’ont que leur mère pour les pleurer, eux qui ne sont même pas promis à une vie éternelle comme le disent leurs mères à Marie qui, elle, a la chance d’avoir un fils qui est “fils de Dieu” (Tre madri). Via della croce                          Chemin de croix (Fabrizio De André e Giuseppe Bentivoglio La buona novella 1970) Poterti smembrare coi denti e le mani Pouvoir te démembrer avec les dents et les mains sapere i tuoi occhi bevuti dai cani, savoir tes yeux bus par des chiens, di morire in croce puoi essere grato tu peux être reconnaissant de mourir sur la croix a un brav'uomo di nome Pilato.          envers un brave homme dénommé Pilate. Ben più della morte che oggi ti vuole,        Bien plus encore que la mort qui te veut aujourd'hui. ti uccide il veleno di queste parole        c’est le venin de ces mots qui te tue le voci dei padri di quei neonati,           les voix des pères de ces nouveaux-nés da Erode, per te, trucidati.           massacrés par Hérode à cause de toi. Nel lugubre scherno degli abiti nuovi   Dans le lugubre sarcasme des habits neufs misurano a gocce il dolore che provi :    ils mesurent goutte par goutte la souffrance que tu éprouves : trent'anni hanno atteso col fegato in mano,    ils ont attendu pendant trente ans, la main sur le foie, i rantoli d'un ciarlatano.            les râles d'un charlatan. Si muovono, curve, le vedove in testa, En tête se déplacent, voûtées, les veuves, per loro non è un pomeriggio di festa ;          pour elles ce n'est pas un après-midi de fête ; si serran le vesti sugli occhi e sul cuore,          elles serrent leurs vêtements sur leurs yeux et leur coeur, ma filtra dai veli il dolore.                  mais à travers leurs voiles filtre la douleur. Fedeli umiliate da un credo inumano,          Fidèles humiliées par un credo inhumain che le volle schiave già prima di Abramo, qui les voulut esclaves déjà avant Abraham, con riconoscenza ora soffron la pena avec reconnaissance elles souffrent maintenant le martyre di chi perdonò a Maddalena ; de celui qui pardonna à Madeleine ; di chi con un gesto, soltanto fraterno,       de celui qui d’un geste, seulement fraternel, una nuova indulgenza insegnò al Padreterno,       enseigna une nouvelle indulgence à Dieu le Père, e guardano in alto, trafitte dal sole,       et elles regardent en haut, transpercées par le soleil, gli spasimi d'un redentore.                les spasmes d'un rédempteur. Confusi alla folla ti seguono muti, Mêlés à la foule ils te suivent muets, sgomenti al pensiero che tu li saluti : effrayés à l’idée que tu les salues : -A redimere il mondo-gli serve pensare, pour délivrer le monde - il leur sert de penser -il tuo sangue può certo bastare-. que ton sang peut sûrement suffire. La semineranno per mare e per terra Ils la répandront sur terre et sur mer tra boschi e città, la tua buona novella, dans les bois et les villes, ta bonne nouvelle, ma questo domani, con fede migliore, mais seulement demain, avec une foi meilleure, stasera è più forte il terrore. ce soir la terreur est plus forte. Nessuno di loro ti grida un addio Aucun d’eux ne te crie un adieu per esser scoperto cugino di Dio : pour être découvert cousin de Dieu : gli apostoli han chiuso le gole alla voce, les apôtres ont fermé leur gorge à leur voix, fratello che sanguini in croce. frère, toi qui saignes sur la croix. Han volti distesi, già inclini al perdono,   Ils ont des visages détendus, déjà enclins au pardon, ormai che han veduto il tuo sangue di uomo   maintenant qu’ils ont vu ton sang d’homme fregiarti le membra di rivoli viola,  décorer tes membres de ruisseaux violets, incapace di nuocere ancora.  incapable de nuire encore. Il potere vestito d'umana sembianza, Le pouvoir revêtu d’apparence humaine ormai ti considera morto abbastanza considère que tu es maintenant suffisamment mort e già volge lo sguardo a spiar le intenzioni et son regard se tourne déjàpour épier lese intentions degli umili, degli straccioni ; des humbles, des miséreux ; ma gli occhi dei poveri, piangono altrove, mais les yeux des pauvres pleurent ailleurs, non sono venuti a esibire un dolore  ils ne sont pas venus exhiber leur douleur che alla via della croce          interdite à l’entrée du chemin de la croix ha proibito l'ingresso          à ceux qui t’aiment comme eux-mêmes. a chi ti ama come se stesso. Son pallidi al volto, scavati al torace Ils ont le visage pâle, le torse creux non hanno la faccia di chi si compiace ils n’ont pas le visage de quelqu’un qui se réjouit dei gesti che ormai ti propone il dolore des gestes que désormais t’arrache la souffrance eppure hanno un posto d'onore.          et pourtant ils occupent une place d’honneur. Non hanno negli occhi scintille di pena il n’y a pas dans leurs yeux d’étincelles de pitié non sono stupiti a vederti la schiena ils ne sont pas étonnés de te voir le dos piegata dal legno che a stento trascini plié par le bois que tu traines à grand-peine eppure ti stanno vicini.          et pourtant ce sont tes voisins. Perdonali se non ti lasciano solo, Pardonne-leur de ne pas te laisser seul, se sanno morir sulla croce anche loro ; s”ils savent qu’ils vont mourir sur la croix eux aussi ; a piangerli sotto non han che le madri, en bas il n'y a que leur mère pour les pleurer, in fondo son solo due ladri. dans le fond ce ne sont que deux voleurs.   La dernière chanson du disque de De André avant le Laudate hominem final est intitulée Il testamento di Tito, le Testament de Titus : c’est le nom d’un des deux voleurs qui seront crucifiés à droite et à gauche de Jésus, annoncé dans l’apocryphe intitulé La vie de Jésus en arabe ou L’Évangile arabe de l’enfance, Titus et Dumachus (Cf. Écrits apochryphes chrétiens, Pléiade, op. cit. p. 221). Titus énumère les dix commandements de Dieu : lui les a violés en son nom, mais les prêtres et les hommes de pouvoir les ont violés au nom de Dieu, c’est encore plus grave, et la preuve qu’ils ont violé le dernier « tu ne tueras point », ce sont précisément ces trois croix, qui suggèrent à Titus de dire à sa mère qu’elles ont suscité en lui l’amour de Jésus, de façon presque inattendue par rapport au reste de la chanson. Une autre chanson de Francesco De Gregori, L’agnello di Dio, se trouve dans son disque de 1996, Prendere o lasciare. Il se réfère à l’image sacrificielle de Jésus, “l’Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde”, et il décrit toutes les formes, bourreaux et victimes, sous lesquelles on le trouve aujourd’hui, la jeune prostituée par nécessité slave ou africaine, le vendeur de drogue à la sortie de l’école, le soldat aux jambes fracassées après avoir tué (il a une tête entre les mains), le prisonnier, le suspect recherché qui ne sait où se cacher, celui qui a faim, le nomade perdu dans le désert : L’agnello di Dio (Francsco De Gregori con l’aiuto di Corrado Rustici Prendere e lasciare 1996) Ecco l'agnello di Dio                  Voilà l’agneau de Dieu chi toglie peccati del mondo.          celui qui enlève les péchés du monde. Disse la ragazza slava venuta allo sprofondo. c’est ce que dit la jeune slave venue à la catastrophe Disse la ragazza africana sul raccordo anulare.          c’est ce que dit la jeune africaine sur le boulevard de ceinture. Ecco l'agnello di Dio                  voilà l’agneau de Dieu che viene a pascolare.          qui vient à sa pâture E scende dall'automobile per contrattare.          et descend de sa voiture pour discuter le prix. Ecco l'agnello di Dio                    Voilà l’agneau de Dieu all'uscita dalla scuola.            à la sortie de l’école Ha gli occhi come due monete,            il a les yeux comme deux pièces de monnaie il sorriso come una tagliola.            le sourire comme un piège Ti dice che cosa ti costa,                    Il te dit combien ça te couûte ti dice che cosa ti piace.                    Il te dit qu’est-ce que tu aimes. Prima ancora della tua risposta                    Avant même ta réponse ti dà un segno di pace.            il te donne un signe de paix. E intanto due poliziotti            Et pendant ce temps deux policiers fanno finta di non vedere.                     font semblant de ne pas voir. Oh, aiutami a fare come si può,          Oh, aide-moi à faire comme on peut prenditi tutto quello che ho. prends-moi tout ce que j’ai Insegnami le cose che ancora  Apprends-moi tout ce je ne sais pas encore non so, non so.                  ce que je ne sais pas. E dimmi quante maschere avrai          Et dis-moi combien de masques tu auras e quante maschere avrò.          et combien de masques j’aurai. Ecco l'agnello di Dio                      Voilà l’agneau de Dieu vestito da soldato,                      habillé en soldat, con le gambe fracassate,                      les jambes fracassées con il naso insaguinato.                      le nez ensanglanté. Si nasconde dentro la terra,              Il se cache dans la terre tra le mani ha la testa di un uomo.              Il a une tête d’homme dans ses mains. Ecco l'agnello di Dio                      Voilà l’agneau de Dieu venuto a chiedere perdono.              venu demander pardon. Si ferma ad annusare il vento              Il s’arrête pour sentir le vent ma nel vento sente odore di piombo.              mais dans le vent il sent une odeur de plomb. Percosso e benedetto   Frappé et bienheureux ai piedi di una montagna.           au pied d’une montagne. Chiuso dentro una prigione,   Enfermé dans une prison, braccato per la campagna.  braqué à travers lacampagne. Nascosto dentro a un treno,  Caché dans un train, legato sopra un altare.  ligoté sur un autel. Ecco l'agnello che nessuno lo può salvare.                       Voilà l’agneau de Dieu que personne ne peut sauver. Perduto nel deserto,che nessuno lo può trovare.               Perdu dans le désert où personne ne peut le trouver. Ecco l'agnello di Dio senza un posto dove stare.               Voilà l’agneau de Dieu sans un lieu où aller. Ecco l'agnello di Dio senza un posto dove stare.      Voilà l’agneau de Dieu sans un lieu où aller. Oh, aiutami a stare dove si può                        Oh, aide-moi à rester où c’est possible e prenditi tutto quello che ho.                        et prends tout ce que j’ai. Insegnami le cose che ancora non so, non so.                Apprends-moi les choses que je ne sais pas, je ne sais pas. E dimmi quante maschere avrai,                        Et dis-moi combien de masques tu auras regalami i trucchi che fai,                                 Fais-moi cadeau des trucs que tu fais insegnami ad andare dovunque sarai, sarò.                Apprends-moi à aller où tu seras, j’y sera. E dimmi quante maschere avrò.                        Et dis-moi combien de masques j’aurai Se mi riconoscerai, dovunque sarò, sarai.                        Si tu me reconnais, partout où je serai, tu seras. De nombreux textes de chansons portent le titre de Giuda (Judas) pas toujours en rapport direct avec le personnage biblique, citons par exemple celles de Caparezza, Giuda me, le single extrait de son second album, Verità supposte, qui n’est qu’un jeu de mots à partir de « giù » (= en bas, c’est-à-dire le Sud de l’Italie) et de la préposition « da » (en remontant du sud), dans cette chanson qui se moque du « cavaliere », Silvio Berlusconi. Citons encore Giuda du groupe La fame di Camilla, dans Storia di una favola, 2009, qui ne semble rien à voir en commun avec Judas. Par contre, on peut écouter la chanson de Cecco Signa, Tutta colpa di Giuda, colonne sonore du film homonyme de Davide Ferraris de 2009, histoire d’un « brigand », trafiquant de marijuhana, qui se compare à Jésus, car il est là à cause d’un « judas » qui l’a dénoncé. Mais au moins deux chansons sont consacrées au Judas de la Bible, celle d’Antonello Venditti (Dalla pelle al cuore, 2007) et celle de Roberto Vecchioni (Il re non si diverte, 1973). La chanson de Venditti traite Judas comme « le traître absolu » et le seul à ne pas avoir obtenu de pardon, qui s’adresse à Jésus depuis l’enfer. Rien de bien nouveau. Vecchioni réévalue Judas comme le premier homme qui se sera suicidé pour faire de Jésus un « roi », « un homme à utiliser et à jeter » : il fait donc l’hypothèse que Judas a été indispensable à Jésus, il fallait qu’il le trahît pour qu’il soit crucifié et que l’humanité soit sauvée. Serait-ce une annonce des recherches actuelles ou du roman d’Amos Oz de 2014, Judas, où Shmuel affirme que Judas est « l'auteur, l' impresario, le metteur en scène et le producteur du spectacle de la crucifixion ». Déjà L’Évangile de Judas (entre 130 et 170) faisait de la dénonciation de Jésus un acte d’obéissance nécessaire pour assurer la rédemption. Judas serait-il une victime de la nécessité ? Vecchioni procède presque à sa réhabilitation, était-il prédestiné à ce rôle ou agit-il librement ?, vieux débat théologique du christianisme ! Et Vecchioni sort lui aussi de la culture religieuse dominante, préférant chanter ce personnage obscur mais essentiel, et exprimant sa critique de Jésus qui utilise Judas pour sa réussite. Giuda (Se non hai capito...) (Roberto Vecchioni Il re non si diverte 1973) È bello avere i tuoi trentatre anni          C’est beau d’avoir trente ans comme toi e accarezzare il capo di Giovanni           et de caresser la tête de Jean e dire a Pietro : “Queste son le chiavi  et de dire à Pierre : « Voilà les clés e ti perdono il monte degli Ulivi".           et je te pardonne pour le Mont des Oliviers ». Manca soltanto lui e ben gli sta                   Il ne manque que lui et ça lui va bien come ci insegnano si impiccherà.           comme on nous l’apprend, il se pendra. Ma il primo a uccidersi                   Mais le premier à se tuer per farti re è stato quello che non salverai           pour te faire roi a été celui que tu ne sauveras pas e ti serviva un uomo da usare e gettar via           et il te servait d’homme à utiliser et à jeter appeso ai nostri buoni "Così sia".           pendu à nos bons « Ainsi soit-il ». On peut écouter aussi la Maddalena du « cantautore » romain Alessandro Mannarino, dans son second disque de 2011, Supersantos, où Judas est recueilli par Madeleine avant d’être emprisonné et de dénoncer Jésus comme celui qui d’Orient avait apporté de l’opium ! Mais la vie de Jésus a suscité de nombreuses chansons, en particulier sur la période de Noël, par exemple sur le Massacre des Innocents. La chanson de Roberto De Simone, La strage degli Innocenti (La leggenda del lupino), interprétée par Concetta Barra en 1974 en est un bel exemple : La leggenda del lupino La légende du lupin (Testo e musica : Roberto De Simone Int. Concetta Barra, Nascette miezz’o mare 1974) Betlemme se iettaje lu banno À Bethléem on émit un ban contr'a criature sott'a duje anne. contre toutes les créatures en-dessous de deux ans Fuie Maria cu nu 'ruosso schianto Marie s’enfuit, le cœur brisé, lu figlie arravugliato int'a lu manto avec son fils enveloppé dans son manteau. e li Giudeie nun danno arricietto Et les Juifs n’ont pas donné trêve a ogni mamma sbatte lu core 'mpietto le cœur de toutes les mamans se brise dans leur poitrine. ah...fuje Maria e va pe' la campagna Ah, fuis, Marie, et va vers la campagne, ah... ca l'angelo da cielo l'accumpagna. Ah… car l‘ange t’accompagne depuis le ciel. Ovì lloco 'nu giudeo cu 'na brutta faccia Tu le vois ce juif à la sale figure te vo' levà lu figlio dalli braccia.          Il veut t’enlever ton fils des bras. Tremma Maria e corre senza sciate Tremble, Marie, et cours sans souffler lu Bambeniello zitto e appaurato. avec ton petit enfant muet et apeuré. E attuorne attuorne nun ce sta reparo Et tout autour il n’y a pas de refuge sule ciele scupierto e tiempo amaro. rien que le ciel découvertet le mauvais temps. Ah... curre Maria ca viento s'avvicina Ah… cours, Marie, car le vent approche ah... curre e annascunne a Gesù Bambino. Ah… , cours et cache l’enfant Jésus. Quanno 'a Maronna perza se vedette Quand la Vierge se sentit perdue a ogni fronna aiuto aiuto dicette. elle cria à l’aide à l’aide vers tous les feuillages alentour. « Frutto 'e lupino mio, frutto 'e lupino          « Mon cher fruit de lupin, fruit de lupin arapete e annascunna lu mio bambino ». ouvre-toi et cache mon enfant ». «  Vattenne ! » lu lupino rispunnette «  Va-t-en ! » répondit le lupin e forte forte li fronne sbattette.           et il secoua très fort ses feuilles. Ah... Lupino tu ca fuste amaro assaie Ah… lupin, toi qui fus très amer ah... sempe cchiù amaro addeventarraie. Ah…  tu deviendras toujours plus amer. E doppo ca lu lupino se 'nzerraie Et après que le lupin se soit refermé Maria a n'albero 'e pigne tuzzuliaie. Marie s‘adressa à un arbre de pin. « Frutto 'e pignuolo mio, frutto 'e pignuolo, « Mon cher fruit de pin, fruit de pin arapete e annascunna lu mio figliuolo ».  ouvre-toi et cache mon fils ». E subbeto lu pignuolo s'arapette  Et aussitôt le pin s’ouvrit e mamma e figlio 'nzino annascunnette.  jusqu’à cacher l’enfant et sa maman. Ah... reparate reparete Maria  Ah… cache-toi, cache-toi, Marie Ah... ca li giudeie so gghiute pe' nata via.  Ah… car les juifs sont partis sur une autre route. E doppo ca lu Bambine se sarvaie  Et après que l’enfant se fut sauvé cu la manella santa lu carezzaie.  elle le caressa avec sa sainte petite main. « Pignuolo ca puozz'essere beneritto « Pin, que tu puisses être béni tu arreparaste a Ddio zitto zitto. tu as caché Dieu sans rien dire. si bbuono e doce tu aviste lu core Tu es bon et doux tu as eu du cœur de 'ncienzo santo purtarraie l'odore. tu garderas du saint encens l’odeur ». Ah... e quanno lu Bambino se sarvaie Ah… et quand l’enfant se fut sauvé Ah... 'na mana piccerella 'nce lassaie Ah… il nous a laissé une toute petite main Ah... pignuolo tu che a Ddio t'arapiste Ah…, pin, toi qui t’ouvris pour Dieu Ah... ce purtarraie la mana de Gesù Cristo. Ah… tu porteras pour nous la main de Jésus-Christ. Virgilio Savona a raconté dans une chanson une scène de martyre, Il proconsole Dione e il fante Massimiliano. Le “signe” dont il parle était le drapeau symbole de chaque cohorte, porté par le “signifer” : c’était une lance avec au sommet une pointe ornamentale ou une main levée en bronze doré ou blanche décorée de ghirlandes et de disques indiquant les centuries. Cela peut être aussi le bracelet que les légionnaires avaient à la cheville portant leurs données personnelles pour qu’on puisse reconnaître leur cadavre. L’épisode de Maximilien (274-295), né à Tebessa (Théveste) en Numidie (Algérie de l’est), est raconté dans une Passio Sancti Massimiliani, procès-verbal de l’interrogatoire du légionnaire par le Proconsul Dion Cassius, et qui datait sa mort du 12 mars 295. Il posait tout le problème des rapports entre les Chrétiens et l’État romain : fallait-il en particulier effectuer le service militaire ? Les cas de refus n’étaient pas rares à cette époque, et le proconsul semble hésiter et faire preuve de patience, mais il ne peut laisser contester un des principes de base de l’empire. Maximilien est convaincu que le service militaire est négatif, parce qu’il comporte une violence contraire aux valeurs chrétiennes, dans ce monde romani qui ne connaît que la paix imposée par la force. Il est donc condamné non parce que “chrétien”, bien qu’on soit au temps des persécutions religieuses de Dioclétien, mais parce qu’il refuse le service militare impérial. Maximilien est le premier objecteur de conscience de l’histoire, et pendant la guerre du Vietnam, un groupe de clercs américains hostiles à la guerre se référa à Sanctus Maximilianus ! Ceci est une histoire vraie, arrivée il y a 1670 ans à Théveste en Numidie. Elle a été tirée de documents historiques recueillis par le manuscrit «  Actes sincères des premiers martyrs  ». Dione proconsole romano                  Dion proconsul romain fece condurre in catene al suo cospetto fit conduire devant lui dans les chaînes il 12 di marzo del 300 d.C.                        Le 12  mars 300 après Jésus-Christ il fante Massimiliano.          Le fantassin Maximilien. Gli chiese cos’era quella storia           Il lui demanda ce qu’était cette histoire che gli era stata dai capi riferita,           qui lui avait été référée par ses chefs, se era una menzogna, o se era cosa vera.  si c’était un mensonge, ou si c’était vrai. Rispose Massimiliano :           Maximilien répondit : « È vero, proconsole Dione,           « C’est vrai, proconsul Dion, non prendo il Segno (1), non prendo la daga :   je ne prends pas le Signe, je ne prends pas la dague  : Io, Massimiliano, sono cristiano                   Moi, Maximilien, je suis chrétien e non combatterò per la coorte           et je ne combattrai pas pour la cohorte, Porto la pace non porto la morte ».           Je porte la paix je ne porte pas la mort ». Dione gli disse : « Scellerato           Dion lui dit : « Scélérat, chi ti ha condotto a questa conclusione  qui t’a conduit à cette conclusion Se non accetti il Segno, se rifiuti la milizia           Si tu n’acceptes pas le Signe, si tu refuses le combat sarai decapitato.                   Tu seras décapité. Rinnega il gretto ciarlatano           Renie le petit charlatan che ti ha ispirato stupide teorie.                   qui t’a inspiré ces théories stupides Avrai salva la vita e sarai riabilitato ».  Tu auras la vie sauve et tu seras réhabilité ». Rispose Massimiliano :           Maximilien répondit : « La vita, proconsole Dione,           « La vie, Proconsul Dion, non è nel Segno, non è nella daga :           n’est pas dans le Signe, elle n’est pas dans la dague : Io, Massimiliano, sono cristiano                    Moi, Maximilien, je suis chrétien e accetto con amore la mia sorte            Et j’accepte mon sort avec amour e, con amore, accetto la morte ».            et c’est avec amour que j’accepte la mort ». Massimiliano data la risposta,           Maximilien, ayant donné sa réponse, cadde in ginocchio – ed abbassò la testa.            tomba à genoux - et il  baissa la tête. Conclusions provisoires : 1) Autrefois, les peintres et les poètes ont souvent fait référence à la mythologie,  à l’histoire gréco-romaine et à la Bible pour comparer des contemporains qu’ils admiraient à des héros de l’Antiquité, mythologiques ou historiques. Les chanteurs italiens contemporains se servent plutôt de l’antiquité comme d’un miroir négatif du présent, la cruauté des jeux dans les stades de football comparée à la cruauté des jeux du cirque romain, Ulysse exploitant ses marins comparé à un patron moderne qui exploite ses ouvriers, Orphée qui se retourne délibérément pour qu’Eurydice reste aux Enfers comme symbole d’un amour malheureux ou impossible d’aujourd’hui. L’Antiquité a cessé d’être une référence positive pour devenir souvent une illustration des maux de la société capitaliste d’aujourd’hui : c’était déjà comme ça au moment de la guerre de Troie, disent les chanteurs ! Et la venue du Christ, « ce grand révolutionnaire », dit-on souvent dans ce dernier tiers du XXe siècle, n’a pas servi à grand-chose, car les hommes sont aussi mauvais après lui qu’avant. 2) Quels éléments choisissent les « cantautori » ? Un nombre relativement limité de dieux, héros, empereurs, etc. sont retenus dans leurs chansons, Ulysse, Orphée et Eurydice, Ajax, Sapho, Alexandre le Grand, Néron, Héliogabale, très peu de personnages de l’Ancien Testament, mais surtout le Christ et la Vierge Marie. Nous n’avons pas trouvé (cela ne veut pas dire pour nous qu’il n’y en a pas, la recherche est ouverte) de chansons sur Achille, Priam, Hector et autres héros de la guerre de Troie, ni sur Jules César, Auguste et autres empereurs. Par contre la chanson populaire se concentrera sur les saints locaux ou internationaux, la Vierge et Jésus. Qu’est-ce qui commande ces choix ? D’abord la tradition : même Héliogabale n’est chanté qu’à partir d’un ouvrage antérieur d’Antonin Artaud ; ou bien la permanence d’un nom de la mythologie dans le langage contemporain, comme le « Narcisse » de Giorgio Gaber. Ce peut être aussi l’intérêt personnel du chanteur, comme cela arrive chez Vecchioni, professeur de latin et de grec, spécialiste de l’Antiquité. Mais dans l’ensemble, il n’y a rien qui ne soit déjà présent dans la littérature ou dans l’opéra lyrique : les « cantautori » entretiennent la tradition, ne faisant que l’interpréter à nouveau et de façon nouvelle en fonction de la pensée et de la pratique de la société contemporaine. 3) Il reste ce besoin permanent de nous regarder dans le miroir de la société grecque ou romaine, soit pour rappeler nos problèmes sociaux et politiques, soit pour parler de nos difficultés psychologiques privées et individuelles. Héritage d’une culture « classique », que l’on retrouve moins dans la culture populaire, plus marquée soit par d’autres références mythologiques, – Dionysos plus qu’Apollon, comme dans la  « tarentelle » ( méridionale –, soit par la culture chrétienne dans ses aspects les plus proches de la vie quotidienne du peuple, comme le culte des saints, protecteurs de l’agriculture, de la ville, etc.  ou de la Vierge, proche de la vie de toutes les mères. Un groupe rock récent du Trentin Haut-Adige se nomme  The Bastard Sons of Dioniso ! Pourquoi cette permanence de la culture grecque et la mythologie dans notre société marquée par les idéologies héritées du christianisme ? Autant de questions à approfondir. Jean Guichard, 20 avril 2018
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