Visite de Bergame
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Visita di Bergamo La ville semble avoir été fondée environ 1000 ans av. J.C., par un chef ligure, dit la légende, du nom de Cydno. Elle est occupée par les Gaulois Cénomans qui lui donnent son premier nom, Berghem (de berg, le mont et Hem, la maison = la ville sur la montagne) ; les Romains le changent en Bergomum, mais pour les Bergamasques, le nom reste Berghem ( hùra pour la ville haute et hùtta pour la ville basse). Les anciens habitants adoraient plus de 400 divinités qui protégeaient les récoltes, les semailles, les animaux de toutes sortes, les fleuves, les forêts, les charrues, les plats, etc. Cette religion s’intègre bien avec la religion romaine, mais le rapport sera plus difficile avec la religion chrétienne au IIe s., et il y aura des martyrs, parmi lesquels celui qui devient le patron de Bergame, Alexandre. C’était le porte-drapeau de la Légion Thébaine, qui opérait en Orient mais fut ramené en Europe par l’empereur Maximien. Quand l’ordre fut donné de rechercher les Chrétiens contre lesquels la persécution avait été proclamée, les soldats de la Légion, souvent chrétiens et commandé par saint Maurice, s’y refusèrent, si bien que la légende dit que l’empereur les aurait fait tous massacrer ; quelques- uns s’échappèrent, dont Alexandre, avec Cassius, Séverin, Secondo et Licinius. Ils furent arrêtés à Milan où s’était transféré l’empereur. Il est condamné à mort par décapitation et livré au bourreau, mais celui-ci a les bras qui se rigidifient au moment d’abattre la hache. Alexandre réussit à s’enfuir une seconde fois, et se réfugia à Bergame où il convertit de nombreux habitants, dont les futurs martyrs Fermo et Rustico et une certaine Grata. Il est à nouveau arrêté et décapité, mais des lys poussent dans le sang qui coule de sa tête. Grata et quelques autres viennent recueillir son corps pour l’ensevelir ; dans la montée, ils le posent pour se reposer, et s’aperçoivent que des lys ont poussé sous son corps ; une église sera construite à cet endroit, Saint Alexandre de la Croix, ainsi qu’une basilique sur le terrain de sa tombe. Plus tard, les Ostrogoths, qui étaient ariens, créèrent une seconde cathédrale dans la ville, dédiée à saint Vincent de Saragosse. En 1561, les Vénitiens firent abattre la cathédrale de saint Alexandre et transférer les corps des martyrs à Saint Vincent qui prit alors le nom de Saint Alexandre (Voir les fresques des églises Sant’Alessandro della Croce et Sant’Alessandro alla Colonna). Mais tout cela n’est que légende : Alexandre a existé mais n’était qu’un soldat de Bergame, converti au christianisme et décapité vers la fin du IIIe s. ou le début du IVe s. Les Longobards arrivèrent en 569 et consacrèrent la division entre ville basse et haute, en créant deux cours distinctes. Bergame devient en 1098 une commune libre autonome, qui réalisa de nombreuses constructions, couvents, églises, palais, fontaines, à l’intérieur de murailles ; elle est un grand centre commercial. Elle perd son autonomie en tombant aux mains des Visconti en 1332 pour 70 ans ; elle est ensuite annexée par Venise en 1428. Les transformations urbaines furent alors décisives : Venise fait englober une partie de la ville basse dans de nouvelles fortifications, construire d’autres édifices, cathédrale plus grande, marché ; croissance démographique, extension de la ville basse, construction de palais, développement culturel (Moroni, Lotto) : Bergame était le rempart occidental de la République de Venise contre les ambitions milanaises, le point de contrôle d’une grande route de marchés. D’où la construction d’une énorme enceinte fortifiée autour de la ville haute qui contribuera à isoler ces quartiers (1560-1623). À partir de la chute du pouvoir vénitien en 1797, Bergame stagne jusque vers 1830 ; le développement reprend par les opérations d’urbanisme des Autrichiens, la création d’un nouveau lycée et d’une nouvelle place dans la ville haute, l’arrivée de la ligne de chemin de fer Milan-Bergame  en 1857 ; les murailles vénitiennes sont largement abattues en 1900 ; la ville prend son visage actuel à travers les projets réalisés par Marcello Piacentini après la première guerre mondiale ; la richesse de la ville étant plus financière qu’industrielle, elle n’a pas connu de bouleversements fondamentaux. Partons d’un hôtel qui est dans la ville basse, viale Giovanni XXIII ; presque en face, l’église Santa Maria delle Grazie (seconde moitié du XIXe s.). Aussitôt après, la place Giacomo Matteotti, avec le Théâtre Donizetti (inauguré le 24 août 1791 par la Didone de Piccinni ; la façade est refaite en 1898 et il est restauré en 1903 et en 1964. Il a aujourd’hui 1300 places), le monument à Gaetano Donizetti édifié en 1897 pour le centenaire de sa naissance, l’édifice néoclassique de l’ancien Commandement Militaire Autrichien, et à gauche, dans la verdure, les monuments au Partisan (Giacomo Manzù, 1977) et à Cavour (Leonardo Bistolfi, 1913) et le palais Frizzoni, néoclassique, aujourd’hui siège de la Mairie. On traverse le « sentierone », zone piétonne qui longe la place, et on se trouve place Vittorio Veneto (photo ci-contre), avec la Tour de ceux qui sont tombée à la guerre (1924, hauteur de 45 m.), le palais de la Banque Populaire de Bergame (Muzio et Piacentini, 1926), l’obélisque édifié en 1781 et  dédié à Napoléon en 1797, et le palais de l’Association des Artisans, bordé de portiques. À gauche de la Tour, la via Crispi fait partie du projet de Piacentini : au n° 2, édifice de Luigi Angelini  (1934), la Rotonda dei Mille qui couvre le monument à Garibaldi  (1885), la maison de la Rotonde (Enrico Sesti, 1938-39) et l’édifice isolé  de Barbero, Gambirasio et Zenoni de 1969. Un peu plus loin, l’église Sant’Alessandro in Colonna, précédée d’une colonne romaine reconstituée en 1618 posée sur le lieu où aurait été décapité saint Alexandre ; fondée au VIe s., l’église est reconstruite au XVe puis au XVIIIe s., le clocher est terminé en 1905 (Voir à l’intérieur les fresques à s. Alexandre, et dans la seconde Sacristie, la Déposition de Lorenzo Lotto ; l’orgue du presbyterium est de Giuseppe Antonio Serassi  de 1782 ; à gauche du presbyterium, chapelle du Patronage de la Vierge et autres fresques sur S. Alexandre). On peut redescendre la via S. Alessandro jusqu’à S. Leonardo, fondée au XIIe s., et restructurée au XVIIe s. Par la via XX Settembre, grande rue commerçante, et on revient à la place Dante, derrière le théâtre, structurée par Piacentini : Palais de Justice, de la Banque d’Italie et palais de la Chambre de Commerce, avec au centre la fontaine de G.B.Caniana. Plus à droite, on arrive à l’église S. Bartolomeo, façade d’imitation baroque (1897) : voir à l’intérieur la Vierge à l’Enfant avec des saints, de Lorenzo Lotto (1516) qui orne l’abside. En face, la Préfecture, bâtie en 1870 et restaurée en 1976. On passe sur la place della Libertà avec l’ancien palais Littorio, centre fasciste (1938) ; et on remonte le boulevard Vittorio Emanuele  qui continue la rue ouverte en 1838 pour relier la Foire à la ville haute, entre des édifices d’habitation des années ’30 à droite et quelques édifices plus modernes à gauche : maison de Sergio Crotti et Enrica Invernizzi (1971) au n° 17. Après le tunnel Conca d’Oro, on arrive au funiculaire qui monte à Bergamo alta : construit en 1886-7, long de 228 mètres, il fait un dénivelé de 83 mètres et offre de belles vues de la ville basse et sur les constructions de la pente. Du même lieu part à gauche une étroite montée piétonne très pittoresque qui conduit à la ville haute (salita della Scaletta). Le funiculaire traverse les murailles construites par les Vénitiens. Les anciennes murailles étaient très délabrées et en 1559, les Vénitiens décident de fortifier la ville haute, d’abord par une série de bastions de terre qui sont terminés en 1561 ; puis, le Sénat changea d’orientation et décida de construire une muraille continue enserrant toute la ville haute et en pierre ; il fallut donc tout recommencer entre 1565 et 1592, démolissant de nombreux quartiers et l’éboulement d’une partie des pentes. Les murailles n’eurent jamais aucun usage militaire, et, rachetées par la Commune en 1823, elles se transformèrent en une agréable promenade que vous pouvez faire en voyant au passage l’ancien couvent de S. Agostino, fondé  en 1290, l’église  en 1347, reconstruite en 1442 : le couvent se trouve sur un grand espace, la Fara  sur lequel on joue au ballon (le « Foppone » du mot lombard « foppa  » = le trou). Ce fut la première implantation des Ligures en 1000 av. J.C. ; les Vénitiens s’en servirent comme carrière pour la construction des murs et en 1630, on y ensevelit les morts de la peste ; c’est là que les Autrichiens exécutaient les condamnés entre 1848 et 1853 (voir le plan ci-dessus : suivre les pointillés). Remarquez les 4 portes dans les murailles portant le nom de 4 saints : Augustin, Alexandre, Laurent Jacques. On peut remonter par via Dipinta. Un autre avantage civil des fortifications militaires fut qu’elles interdirent toute spéculation foncière autour de la ville qui resta préservée de constructions abusives et garda son cachet ancien. Le funiculaire arrive place Mercato delle Scarpe (Voir le plan page suivante) ; la station est installée dans un édifice d’époque gothique (du bar intérieur, beau panorama). La ville avait ainsi plusieurs places spécialisées dans la vente de tel produit. Sur la droite, par la via Rocca (édifice de maisons médiévales, avec des portes des morts) on peut monter à la Rocca, forteresse commencée en 1331 par Jean de Bohême, complétée par les Visconti et par les Vénitiens, restaurée en 1920 ; elle abrite aujourd’hui le Musée historique de la ville (1797-1860). On remonte la via Solata pour arriver à gauche place Mercato del Fieno (voir les 3 maisons- tours du XIIIe s.), pour redescendre la via Pancrazio (voir la petite église San Pancrazio du Xe s. refaite au XVIe s.) jusqu’à la via Gòmbito, ancien decumanus de la ville romaine (Voir la Tour  du XIIe s. à gauche de laquelle descend la via Mario Lupo, une des plus anciennes de la ville avec ses maisons du XIIe s.), qui arrive au centre de Piazza Vecchia. C’est le centre politique et religieux de la ville, construit entre 1440 et 1493 en démolissant les maisons et boutiques médiévales. Au centre fontaine de 1780 ; en 1797 on dressa sur la place un arbre de la Liberté et on dansa tard dans la nuit Piazza Vecchia 1-Campanone (beffroi) et palazzo del Podestà 2-Palazzo della Ragione 3-Biblioteca 4-Santa Maria Maggiore 5-Duomo e Cappella Colleoni 6-Teatro Sociale e Università 7-Torre del Gòmbito À droite en arrivant, la Bibliothèque (3 sur le plan de la page précédente), qui fut d’abord construite dès 1604 pour entreposer les archives communales, puis refaite en 1764, la façade est terminée en 1919. Elle contient plus de 150.000 volumes et 1274 incunables, dont certains très rares, les archives de la commune sous Venise (1428-1797), un recueil de textes et critiques de Torquato Tasso, des archives musicales, etc. Le portail baroque à gauche du palais appartient à l’ex- église San Michele all’Arco, construite au IXe s. sur les ruines d’un temple à Neptune et refaite en 1750. Vient ensuite (6 sur le plan) le Théâtre Social donnant sur la via Colleoni, construit en 1807, aujourd’hui récupéré comme lieu d’exposition, devant le bâtiment qui donne sur la place, qui abrite la Faculté de Langues de l’Université de Bergame. On arrive au Palais du Podestat (n° 1) construit en 1340 pour la famille de Gentilino Suardi et à partir de 1428 pour le Podestat vénitien ; le beffroi est du XIIe s., doté d’une énorme cloche (le « campanone ») du XVIIe s. ; à 22h, pour marquer l’heure de la fermeture des portes de la ville, elle sonnait 180 coups ; on l’entend encore pour les 12 coups de midi. Les Allemands essayèrent de la fondre pour en faire des canons, mais elle fut sauvée par l’évêque ! Au fond de la place, le palazzo della Ragione (n° 2 du plan). Il est déjà cité en 1160 comme « casa nova consulum » et en 1199 comme « palatium communis Pergami », il est contemporain de la formation de la Commune ; quand la piazza Vecchia est structurée, on inverse la façade principale de son côté et on ouvre les arcs actuels ; les Vénitiens y intègrent l’emblème du Lion de Saint Marc, qui est détruit par les Français en 1797 et refait en 1933. Après avoir brûlé en 1513, le palais est restauré avec la loge voûtée du rez-de-chaussée (et son grand méridien tracé sur le sol) et le grand Salon supérieur. Devant un pilier, grande statue de Torquato Tasso, de Giovanni Battista Vismara : Le Tasse a vécu quelques années à Bergame dont étaient originaires ses grands- parents paternels (photos ci-contre). Dans le grand Salon, fresques, dont celles de Bramante (1447) enlevées du palais du Podestat, et expositions. De l’autre côté du palais della Ragione, se trouve la place de la cathédrale. Celle-ci est édifiée sur l’ancienne cathédrale San Vincenzo, en 1459 sur dessins de Filarete, modifiés par Carlo Fontana en 1688, la coupole est encore modifiée en 1853 et la façade en 1886. À l’intérieur à une nef, en croix latine, voir les fresques dont celle de G.B. Tiepolo dans la 2e toile de l’abside, en partant de la gauche : Martyre de S. Jean Évêque ( 1743). En face de la cathédrale se dresse le Baptistère, sur fond du jardin de l’évêché, construit en 1340 par Giovanni da Campione ; prévu pour l’intérieur de S. Maria Maggiore, il fut ensuite déplacé et placé ici en 1898 après divers déplacements. À côté de la cathédrale se trouve l’église de Santa Maria Maggiore, édifiée en 1137 probablement sur un site plus ancien du VIIIe s. ; le clocher est élevé en 1436-1459 ; la nouvelle sacristie remplace l’ancienne en 1485-91. Bartolomeo Colleoni profite de la démolition de la vieille sacristie pour faire construire sa chapelle funéraire de 1472 à1476. À l’extérieur remarquez les deux porches de Giovanni da Campione (1 et  3 sur le plan ci-contre) : le premier en marbre rouge, blanc et noir de Vérone est de 1351-3, il est surmonté de 3 statues, les Ss Barnabé et Vincent et S. Alexandre à cheval ; dans le tabernacle supérieur, autres souvenirs de la tradition : la Vierge à l’Enfant et les Ss Esteria et Grata (1396) ; le second portail donne dans la petite nef de la sacristie (1367). Celle-ci (4) est une belle construction polygonale. Passer derrière l’abside médiane (5) et l’abside droite (6), en partie cachée par le clocher. On débouche sur la place Rosate et le 3e porche (7) portant en haut un tabernacle gothique avec statues du Père éternel, de Gabriel et de la Vierge de l’Assomption. On passe encore l’ancienne petite église de Santa Croce du XIe s., isolée et restaurée en 1937. À l’intérieur, la structure romane est transformée au XVIIe s. et des tapisseries couvrent les piliers et les tribunes des chantres, 9 sur la Vie de Marie (1583-6), 4 avec le Triomphe de Vespasien, 3 sur la Crucifixion (1698) et 3 du XVIe s. (Chasse au cerf, Paysages). On remarque : A - Monument sépulcral du cardinal Guglielmo Longhi (1319) de Ugo da Campione ; le cardinal n’avait jamais exercé à Bergame mais avait désiré y être enterré ; c’est lui qui avait défendu le pape Boniface VIII contre Philippe le Bel au Concile de Vienne ; B – Monument à Simon Mayr (1852), maître de chapelle dans cette église ; C – Monument à Gaetano Donizetti (1855) ; D – Passage de la Mer Rouge de Luca Giordano (1681) ; E– Confessionnal baroque de A. Fantoni : Dieu entre l’Innocence et la Foi (photo ci-contre) ; F – Transept gauche. Dans la chapelle latérale après la peste de 1576-77, Vierge avec les Ss Roch et Sébastien et Serpent de bronze (1587) ; G – Arc gauche du presbyterium, Naissance de Jésus (1593) ; H et I – Chaires en marbre (1591-1602). Coupole octogonale inscrite dans une ellipse (1614) ornée d’anges et de prophètes de Cavagna ; L – 6 candélabres en bronze de 1597, chœur en bois (1522-26) avec des Histoires de l’Ancien testament dessinées par Lorenzo Lotto ;  M – Marqueteries des dossiers des sièges dessinées aussi par L. Lotto ; N – autel gauche avec S. Jean l’Évangéliste de Gian Paolo Cavagna (1589) ; O – Assomption de la Vierge de Cavagna (1593) ; P – autel droit, Christ ressuscité et saints (1514) ; Q – Faux orgue, Adoration des mages ; R – transept droit ; fresque, l’Arbre de Vie selon S. Bonaventure (1347), recouvert en partie par le Déluge universel de Pietro Liberi (1661). S – La chapelle Colleoni, souvent considérée comme un des plus beaux monuments d’Italie. Le condottiere Bartolomeo Colleone naît vers 1395, fils de Paolo et de Riccadonna Saiguini, d’une noblesse citadine remontant au XIe s. qui devint une des grandes familles de Bergame en rivalité avec les Suardi ; la forme véritable du nom est « Colione » (= « couillon, de « coleus » = le testicule). La famille possédait un patrimoine foncier à Isola di Bergamo et s’empara du château de Trezzo d’Adda en 1404, lieu de grande importance stratégique, car il contrôlait un accès à Milan, ce pourquoi Barnabò Visconti l’avait fait construire. Le père de Bartolomeo y fut tué, dit la légende, par un de ses cousins qui l’avait aidé à conquérir le château et qui y emprisonna la mère de Bartolomeo qui avait alors 9 ans ; le château fut perdu en 1417 au profit du comte de Carmagnola, autre condottiere. Bartolomeo fut toujours très fier de son nom, que seul des apologistes ont interprété comme venant de « cum lione » (avec des lions) ou « caput leonis » (tête de lion) : en réalité, il est attesté comme « Coglione », et Bartolomeo s’était donné comme cri de guerre « Coglia ! Coglia ! » et fit représenter trois testicules sur son blason (Photo ci-contre) et sur le tombeau de sa fille Medea à Bergame ; certains auteurs pensent qu’il avait en effet  3 testicules et il était fier de sa virilité (« Tre volte maschio dalla triplice possa », disait de lui D’Annunzio, 3 fois mâle par sa triple puissance, et il eut, outre sa femme Tisbe, de nombreuses maîtresses qui lui laissèrent  8 filles et aucun garçon qu’il désirait pourtant pour en faire son successeur). Il commence sa carrière militaire comme écuyer à l’âge de 14 ans, fait partie de la cour de Jeanne II de Naples, se distingua au siège de Bologne pour le pape Martin V en 1425 et fut remarqué par Venise, au service de qui il entra en 1431. C’était le temps de la naissance des armées modernes. Bartolomeo commença à se battre sous les ordres du célèbre Carmagnola, un des rares à avoir vaincu le carré suisse en 1422 en utilisant une nouvelle technique, les cavaliers cuirassés transformés en fantassins inattaquables. Il ne réussit cependant pas à devenir capitaine général de l’armée vénitienne et, après la mort de Carmagnola, fut sous les ordres de Jean-François Gonzague. En 1433, il épousa Tisbe Martinengo, d’une grande famille de noblesse de Brescia. En 1441, il signa avec Venise une « condotta » qui lui gagna de nouveaux fiefs. Puis, la paix étant signée entre Venise et Milan, il passa au service des Visconti qui lui donnèrent un commandement de 1500 lances et à sa femme un château et des bijoux. Mais il fut soupçonné de trahison, emprisonné pendant un an à Monza, s’enfuit et prit du service auprès des Sforza où il s’illustra en reprenant le château de Bosco Marengo aux Français du duc d’Orléans. Il repassa au service de Venise en 1448 jusqu’à sa mort, se couvrit de gloire et amassa une grande richesse. Il remporta des batailles en étant un  des premiers à utiliser l’artillerie, considérée jusqu’alors comme immorale et contraire à la déontologie militaire. Le roi de Naples, René d’Anjou l’autorisa à ajouter à son blason les fleurs de lys angevines. En 1475, vieux, malade, désespéré par la mort de sa femme et de sa fille Medea, il rendit son commandement à Venise. Il mourut le 2 novembre 1475. Venise lui fit élever le monument convenu,  par Verrocchio. La chapelle fut construite de 1472 à 1476 par Giovanni Antonio Amadeo, une salle carrée pour les tombes et un espace plus petit pour les fonctions religieuses. La façade dépasse légèrement celle de S. Maria Maggiore, ce qui la met en valeur ; elle est en marbres polychromes, de style Renaissance, couverte de décorations symboliques de la vie du condottiere : vie d’Hercule dont il se sentait le descendant, épisodes de l’Ancien testament, médaillons et portraits d’apôtres et de personnages célèbres, Vertus, et sous les petites colonnes à la base des 2 fenêtres, symboles des canons que Colleone utilisa le premier. Dans le tympan du portail, Dieu avec des anges tenant une voile  La rosace symbolise la roue de la Fortune du guerrier représenté en statue au-devant, et elle fait allusion à Josué qui arrêta le cours du soleil (peinture à l’intérieur) ; il y a même en haut de la rosace une allusion à Moïse qui fit jaillir une source (comme Colleone fit réaliser des travaux d’irrigation dans le territoire de Bergame). À l’intérieur, face à la porte, tombeau du condottiere selon un modèle gothique réinterprété selon le style de la Renaissance : statue équestre de bronze doré de Sixte de Nuremberg, au-dessus de 2 sarcophages ornés de bas-reliefs, dans l’inférieur Le Christ devant Pilate, Montée au Calvaire, Crucifixion, Déposition et statues de Vertus, Résurrection ; dans le supérieur (celui de sa femme), Annonciation, Adoration de l’Enfant, Épiphanie. Au- dessus du tombeau, fresque de Tiepolo, Le Baptême de Jésus, et les figures des calottes, Sagesse, Justice, Charité, Foi. Au-dessus, toile de Giuseppe M. Crespi (1737), Josué qui arrête le soleil (cf. façade) et fresques de G.B. Tiepolo, Prédication de Jean-Baptiste, et  au-dessus de l’entrée, Décollation de Jean-Baptiste. À droite du sépulcre, Jacob lutte avec l’ange (Guglielmi, 1765), à gauche, Tobie rend la visite à son père (Diotti, 1823) En 1969, on a retrouvé les dépouilles de Colleone dans un cercueil de bois placé derrière de sarcophage du bas. Le tombeau de sa fille Medea, morte en 1470, est aussi de Giovanni Antonio Amadeo, transféré ici en 1842 : relief de la Pietà, et silhouette de la défunte, une épigraphe et Vierge à l’Enfant  avec les saintes Catherine et Claire. Sous le tombeau, banc en noyer avec marqueteries de Giacomo Caniana (1780-85). D’autres œuvres s’ajoutèrent au XVIIIe s. outre celles de Tiepolo, Job sur son tas de fumier (Gregorio Guglielmi, 1785) à droite de l’entrée, à gauche Judith (Luca Concioli, 1787) ; à droite de l’abside, David (Pitttoni,1745), à gauche, fresque de Cignaroli On peut juger, d’après l’importance et la qualité du tombeau, de la conscience qu’avait Colleone de sa valeur et de sa présence dans l’histoire de Bergame : défense militaire, travaux d’irrigation, bains de Trescore, marchés. Il avait obtenu pour la construction de son tombeau la destruction de l’ancienne sacristie, mais la construction de la nouvelle ne commença qu’en 1485. On peut encore suivre la via Colleoni : au n° 10, maison du XVIe s. à balcon ; au n° 11, le Luogo Pio fondé par Bartolomeo Colleoni, qui contient des fresques et le Portrait de Colleoni (Moroni). Plus loin, à droite, fontaine ancienne du XIe – XIIe s. à l’angle du Vicolo delle Carceri ; à gauche, via Salvecchio, avec au n° 19, le siège de l’Université dans un vieux palais décoré de fresques. Puis, à gauche, l’église du Carmine, refaite en 1451 puis en 1730 (bel intérieur et cloître du XVe s. La via Colleoni débouche place Mascheroni, avec la tour du XIVe s. qui donne accès à la Citadelle, construite par Bernabò et Rodolfo Visconti de 1355 à 1381 ; les Vénitiens la démolirent en partie en 1518 ; elle est en partie restituée par les restaurations de 1958-60. On y trouve le Musée de Sciences Naturelles « Enrico Caffi » et un Musée archéologique. De la place Mascheroni, on peut redescendre par la via Salvatore (Voir plan, et photo à gauche), puis à droite dans la via Salveccchio et à gauche dans la via Arena (photo à droite), qui autrefois conduisait à l’amphithéâtre romain, complètement disparu, une des rares rues plates de la ville haute, sur laquelle on trouve au n° 18 la casa Angelini, construite sur un édifice romain avec une tour du XIIIe s. : c’est là que Donizetti fit ses études avec le maître Simone Mayr ; l’église Santa Grata  (reconstruite en 1591 ; à l’intérieur, Histoires de S. Alexandre, de Carlo Ceresa). En face de l’église, palais della Misericordia Maggiore, dans lequel se trouve le Musée Donizetti. Au n° 24, au-dessus de la porte, bas-relief représentant Santa Grata qui porte la tête de Sant’Alessandro dans la main droite et un modèle de ville fortifiée dans la main gauche (Photo ci-dessous). On  arrive à S. Maria Maggiore et on peut descendre à droite dans la place Rosate (Lycée classique Paolo Sarpi), puis à gauche la place Terzi, où on voit le palais Terzi, à l’imposant portail, en face duquel une grande niche contient la Statue de l’architecture qui s’adresse bienfaisante au putto qui tient un dessin classique, tandis qu’elle néglige l’autre putto qui tient un dessin gothique. Ce palais fut résidence impériale de François I d’Autriche et de Frédéric I avec l’impératrice Marie-Caroline ; dans un souterrain existe encore un chemin muletier qui rejoignait la porte San Giacomo. On arrive place Giuliani ; au pied de l’escalier, grande fontaine (« fontanone ») de 1342, d’une capacité de plus de 20.000 hectolitres, qui fit installer ici le marché aux poissons ; au- dessus de la fontaine, le palais de l’Ateneo construit en 1759 comme Musée lapidaire et siège de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts. On termine par la via Donizetti : au n° 3 la maison de l’Archiprêtre, de 1520, belle demeure Renaissance ; au n° 18, le palais Pacchiani (XVIe s.) qui abritait l’hôtel des Monnaies possédé par la famille Rivola, remplacée plus tard par la famille Colleoni. C’est là qu’on frappait le « pergaminus » en 1238 et que le 25 mai 1254 les représentants de nombreuses communes se réunirent pour décider du système monétaire et choisirent le poids local bergamasque comme unité de mesure. Gaetano Donizetti est né à Bergame le 29 novembre 1797 dans une famille pauvre. Il écrivit 115 œuvres de musique religieuse, 13 symphonies, 18 quatuors, mais surtout  71 opéras. Il travailla avec Simone Mayr, compositeur et Maître de chapelle de la basilique, subventionné par le Pio Luogo dès l’âge de 8 ans ; puis il fut envoyé à Bologne dans la classe du père Stanislao Mattei, qui fut aussi maître de Rossini. Il composa en 1816 Pygmalion, son premier opéra qui ne fut créé qu’en 1960. En 1818 il crée à Venise Enrico di Borgogna. Ayant épousé Virginia Vasselli  et alla s’installer à Naples où il composa 19 opéras. En 1830, il créa Anna Bolena à Milan, puis L’Elisir d’amore en 1832, puis à Naples Lucia di Lamermoor en 1835, Don Pasquale en 1843. En 1842, il est nommé maître de chapelle à Vienne. Atteint de syphilis, il vient mourir à Bergame le 8 avril 1848. Bergame crée peu à peu tous ses opéras. Il reste à voir un des plus importants monuments de Bergame, l’Accademia Carrara, un peu hors de la ville (Cf plan à gauche). On peut y descendre depuis la porte S. Agostino par la via della Noca ; ou bien à partir de San Bartolomeo par via Tasso, via Pignolo (voir les nombreux palais du XVIe s.), via S. Tommaso (l’église S. Alessandro della Croce, qui contient un Lorenzo Lotto, La Trinità, dans la sacristie). L’Académie est actuellement en restauration mais les principaux tableaux sont visibles au Palazzo della Ragione. Elle n’a rouvert que le 23 avril 2015. L’Académie a été construite de 1804 à 1810 par Simone Elia pour y déposer le legs très important fait par Giacomo Carrara en 1796. Elle compte plus de 2000 tableaux qui représentent les principales écoles de la peinture italienne et étrangère, avec une forte présence de la peinture bergamasque, lombarde et vénitienne : c’est le fruit de la passion de collectionnisme des nobles du XVIe au XVIIIe s., qui attira ensuite de nombreuses collections privées tout au long du XIXe s. Cela a formé un des plus riches musées italiens. Parmi les œuvres principales : les cartes de tarot faites par Bonifacio Bembo pour Filippo Maria Visconti, des œuvres de peinture vénitienne (Jacopo Bellini, Gentile Bellini, Antonio Vivarini), de la Renaissance (Botticelli, Storie di Virginia Romana, Luca Signorelli, Donatello, Benedetto da Maiano), des œuvres de Pisanello (Ritratto di Lionello d’Este, photo à droite), Mantegna (Madonna col Bambino), Vincenzo Foppa (I tre crocefissi, 1456), de nombreuses œuvres de Lorenzo Lotto (Nozze mistiche di S. Caterina, Lapidazione di S. Stefano, photo ci-dessous à droite), œuvres vénitiennes du XVIe s. (Tintoret, Titien, Bassano, etc), des œuvres lombardes (Gaudenzio Ferrari, Boltraffio), le bergamasque G.B. Moroni, Bambina si casa Redetti), peinture vénitienne du XVIIIe s., Guardi, Canaletto (Canal Grande visto da Ca’ Foscari, photo à gauche). Ce ne sont que quelques exemples d’un ensemble qui couvre une bonne partie de l’histoire de la peinture italienne. On a vu que Bergame a toujours été un centre culturel très riche, avec des peintres comme Giovanni Paolo Cavagna, Carlo Ceresa, πEvaristo Baschenis, etc. Mais un des plus grands est sans doute Lorenzo LOTTO (Cf Texte de Galienne Francastel, page suivante). « Le cas de Lotto doit être considéré en dehors des vicissitudes ordinaires de la pléiade vénéto-vénitienne. Il n'est ni un éclectique comme la plupart de ceux qui la composent, ni un imitateur des maîtres. Il est le seul à opposer à celle de Titien une esthétique personnelle qui entend, d'une part, conserver les anciennes valeurs et, de l'autre, en créer de nouvelles. Les deux hommes s'opposent d'ailleurs sous tous les rapports: Titien est un cynique, Lotto un inquiet, plein de réticences et d'attendrissements imprévus. Il possède au plus haut degré ce qui manque essentiellement à Titien: l'amour voluptueux des choses humaines, naturelles ou animales, contrecarré il est vrai sans cesse par un scrupule religieux. Il est peut-être plus représentatif que Titien de certains aspects de son temps, parce que Titien se met tout naturellement sur le plan des dirigeants tandis que Lotto reste dans l'ambiance du peuple moyen. Il plonge avec délices dans l'inquiétude religieuse qui déferle sur le siècle de la Réforme, ce dont Titien se moque éperdument. Pour pratiquer son art tel qu'il l'entend, et bien que probablement Vénitien de naissance, Lotto se contente de la province et d'une clientèle modeste, cependant que Titien accapare les cours princières. Errant, vagabond, presque toujours pauvre, Lotto finira sa vie dans un couvent de charité, affectant une humilité qui a une petite odeur de fausse résignation. Curieux et équivoque personnage, dont l'œuvre, inégale comme les humeurs, révèle parmi un fatras de grandes             « machines » des trésors de sensibilité artistique. Comme tant d'autres artistes de cette génération de 1480 à laquelle il appartient, il débuta avec un mélange d'Antonello de Messine, de Giovanni Bellini et de Giorgione. Mais, dès cette première phase, il prit des libertés avec le sacro-saint enseignement des maîtres. Ses vierges ne sont point des jeunes filles poétiques mais des femmes déjà faites à l'expérience de la vie. Il semble se servir pour elles de modèles vivants, car il y en a un qui revient à plusieurs reprises dans l'Assomption d'Asola, dans le retable de Sainte Christine au Tiverone, dans la Vierge de la Galerie Borghèse et dans celle de Recanati. Tel de ses Enfants, au geste naturellement incertain, s'enveloppe dans une petite robe à plis et martingale, inspirée à n'en pas douter de quelque modèle de la haute couture enfantine du temps. Ses portraits, admirables d'observation humaine, sont à l'opposé de la manière titianesque. Et, dès le début, ses tableaux se parsèment d'objets, d'animaux et d'oiseaux dont il serait vain de chercher l'origine dans quelque influence flamande. Le tapis oriental, l'animal qui apparaît à l'endroit le plus imprévu - comme ce chat qui se sauve effrayé par l'Ange dans l'Annonciation (1527) de Recanati (Photo ci-contre), ou comme ce drôle de petit monstre, mi-chien mi- belette avec sa clochette pendue au collier, qui élit sa place sur le cou du Vice poursuivant la Chasteté, ou encore ce merveilleux lézard dont l'enroulement se confond avec celui du châle froissé sur la table du Gentilhomme lisant  - tout cela est à cent lieues aussi bien du réalisme flamand que de Jérôme Bosch et mène en droite ligne à Caravage. Cet art révèle, en même temps que l'amour de la chose réelle, un goût intense du piquant et de l'inusuel, deux penchants qui, en dépit de leur apparente opposition, coexistent chez Lotto sans se nuire. Ils ne sont pas, d'ailleurs, la seule contradiction qui tiraille l'esprit de l'artiste. Mais plus les contradictions sont fortes et mieux il les surmonte. C'est quand son esprit cesse d'être en éveil - et ce nerveux a souvent connu des fatigues' et des dépressions - qu'il fabrique des œuvres insipides, comme le Saint Nicolas en Gloire des Carmes (1529) ou la Vierge et Quatre Saints de San Giacomo deIl’Orio (1456), à Venise. Il devait d'ailleurs, à ces moments-là, se faire immodérément aider par un de ses « garzoni » dont il changeait à chaque saut de son humeur. En revanche, quand il laisse les tentations les plus diverses se bousculer dans son âme, il devient créateur. Sa première bonne période est celle de Bergame et elle va de 1515 à 1526. Il est alors la proie d'une tentation sinon protestante, du moins réformiste. Les échos du luthéranisme parvenaient à cette époque en Italie du Nord sous une forme qui n'était pas encore altérée par les disputes. Ils se réduisaient à deux postulats essentiels : la liberté et la pureté. Liberté d'interpréter soi-même les textes sacrés, liberté de s'adresser à Dieu sans intermédiaires, liberté du comportement humain avec pour seul juge sa propre conscience. Quant à la pureté, elle signifiait, avant tout, le rejet d'un système ecclésiastique profondément corrompu. Lotto a été séduit comme il l'avait déjà été par l'art confus mais intense des artistes allemands. Toute la frange nordique de l'Italie, si bien préparée à la chose par les hérésies médiévales qu'elle avait nourries peu de temps auparavant, a subi comme lui cette double séduction. Rome était loin et défendait des positions insoutenables ; les intérêts du Nord, de Venise en particulier, étaient loin de se confondre avec les siens. La tentation était d'autant plus forte que, depuis quelque temps déjà, certains des patriciens vénitiens, scandalisés par les mœurs établies dans l'Église officielle, cherchaient à faire admettre au Pape la nécessité d'une réforme. De son côté le gouvernement vénitien, soucieux de ne pas altérer les excellents rapports commerciaux qui s'étaient établis par le truchement du « Fondaco dei Tedeschi » avec les pays germaniques, se montra durant toute la première moitié du XVIe siècle très réservé et très prudent, conformément à sa tradition, dans la répression de l'hérésie, allant jusqu'au refus de laisser convoquer le Concile sur le territoire de son domaine, à Vicence (1541). De sorte qu'à Venise il put y avoir impunément des groupements de luthériens, ou simplement de réformistes, peut-être les plus forts en Italie. Lotto ne semble pas y avoir officiellement adhéré. Mais les idées qui circulaient librement effleuraient sans cesse cet inquiet qui cherchait à donner un sens nouveau à sa religiosité profonde mais insatisfaite. Il prêtait l'oreille à tout ce qui venait aussi bien du côté luthérien que de celui des réformistes fidèles à la papauté et la première conclusion qu'il tira de sa participation à la fièvre du temps fut que l'art devait exprimer et révéler cette soif de libération qui secouait le monde. Corrège en était, vers 1514-1515, au même point que lui, mais il fut plus timide dans ses réalisations. Le retable de Lotto à Bergame, en 1516, proclame beaucoup plus hardiment que celui de Corrège à San Francesco de Correggio auquel on le compare souvent, que l'art doit être libre et Dieu accessible aux humains. C'était, dans un sens, une adhésion aux doctrines luthériennes; mais Lotto n'alla pas plus loin. Car, pour aller jusqu'au bout, il lui aurait fallu renoncer à ses croyances les plus chères : au culte de la Vierge et à la foi dans la secourabilité des saints. Il ne le pouvait pas, parce qu'il n'était point un théologien cherchant des satisfactions dans la volupté intellectuelle qui consiste à bâtir des systèmes logiques. Il était un bonhomme avide de chaleur et de sécurité, en qui le besoin d'adorer et de se sentir protégé l'emportait sur la révolte - semblable en cela à la masse du peuple italien avec qui il a plus d'affinité que n'importe quel autre peintre de son temps. C'est pourquoi la Vierge est vraiment le centre de ses préoccupations et non  point simple prétexte à faire un tableau. C'est elle qu'il veut peindre et il la peint comme une femme. Aucun peintre vénitien n'a encore féminisé la Vierge à ce point. Les Vierges de Lotto sortent du peuple: belles, mûres, sensuelles, maternelles mais coquettes et elles se mêlent au peuple comme le feront plus tard celles du Baroche. Celle de San Bernardino, à Bergame (1521) est un chef-d'œuvre de féminité avec sa robe aux draperies élégantes et le geste plein d'orgueil maternel qu'elle a pour présenter l'Enfant. Tout est chef-d'œuvre d'ailleurs dans ce magnifique tableau : les angelots cabriolant dans l'air pour soutenir la tenture du trône, la composition en champignon et l'ange-scribe au pied du trône, qui a la noblesse et le regard d'un renard mal apprivoisé. Notons que tout ce déploiement de hardiesse et de liberté s'opère à travers des formes qui restent belliniennes. Lotto ne suivra pas Corrège dans son évolution vers les formes antiques vues à travers Michel-Ange. Jusqu'au bout il n'y aura chez lui ni athlètes, ni muscles saillants, ni rondeurs lourdes destinées à faire sentir le poids du volume. Il reste fidèle au type humain tel que l'a déterminé Bellini, mais il lui imprime un mouvement endiablé et il l'inonde de sentiments violents. Trois ans plus tard, et toujours dans une excellente forme, ce hardi précurseur du baroque qui s'était révélé à San Bernardino, nous réserve une surprise d'un autre genre: il exécuta à Trescore près de Bergame, sans doute sur la demande du commanditaire qui, en bon provincial, vivait encore dans les idées du siècle passé, des histoires de Saintes (Sainte Barbe, Sainte Claire et Sainte Catherine). Or, il se trouva que cette formule archaïque lui convint à merveille parce qu'elle lui permit de juxtaposer à volonté le miraculeux et le quotidien, le réalisme et la fantaisie. Ces scènes éclatent de joie et de vitalité et l'on a peine à croire qu'elles soient l'œuvre de l'homme grincheux, amer et faussement résigné qui nous apparaît quinze ans plus tard dans un Carnet de comptes commencé en 1538 et mené ensuite jusqu'à sa mort. Si l'on se fie d'ailleurs au langage des œuvres qui, après tout, sont un document aussi valable que les écrits, cette date de 1538 marque approximativement le moment où la faculté créatrice de Lotto est pratiquement épuisée. Après la grande période de Bergame, qui se termine en 1527 avec l'extraordinaire Annonciation de Ponteranica, il en a encore une, excellente, qui va jusque vers 1534- 1535 mais où se glissent déjà des inégalités. Cette période de travaux dispersés est marquée par un changement de coloris qui de tranchant devient fondu et qui affectionne des roux en opposition avec des grisailles blondes. Elle se distingue aussi de la précédente par un luminisme plus accentué, très proche de celui de Corrège qui le précède de quelques années dans cette voie (la Vierge adorant l'Entant de Corrège aux Offices, qui n'est pas encore un « nocturne» mais un « crépuscule », est de 1522) et qui, vers 1530, arrivera avec son Adoration des Bergers de Dresde à la même intensité de contrastes que Lotto dans sa Nativité de Sienne en 1527 (pl. p. 142). Elle est ponctuée par quelques œuvres de grande classe, comme l'Adoration des Bergers de Brescia (1528), la Sacra Conversazione de Vienne (v. 1529), ou la prédelle de Sainte Lucie à Jesi (1532) et surtout par trois ou quatre inoubliables portraits: le portrait du Gentilhomme au lézard (Venise) celui d'André Odoni (Hampton Court) et du Gentilhomme sur la terrasse (Cleveland) ainsi que les deux portraits d'hommes souffrants de la Galerie Borghèse et de la Galerie Doria, qui pourraient avoir été faits à sa propre image. Sa conception du portrait en tant que tel change très exactement à la limite de sa période bergamasque. D'un simple portrait qui tirait toute sa valeur d'une pénétration psychologique aiguë (le Gentilhomme de Trévise de 1526 ou le .Jeune homme de Milan) il devient un tableau très composé où le cadre et les accessoires se chargent, eux aussi, d'apporter des renseignements sur l'esprit, le caractère, la santé ou les occupations de l'homme représenté. Cette nouvelle orientation, dont le modernisme mène aux grands portraits d'apparat du XVIIe siècle, tourne court, elle aussi, après 1540. Lotto va se mettre alors à faire comme tout le monde, comme tous ceux qui, ignorant Titien par ailleurs, font pourtant des portraits à la manière du grand maître vénitien, les seuls sans doute que la clientèle trouve satisfaisants. La même lassitude et le même renoncement seront désormais visibles dans toute une dernière période de son œuvre, où reprenant ses anciens thèmes et ses anciennes compositions, Lotto se répète lui-même tout en sacrifiant au goût courant de l'époque. Il n'aura plus envie de lutter et de chercher; il ne saura pas, malgré les géniales velléités de modernisme qui parsèment son œuvre, la couronner dans sa maturité par la définition décisive d'un système neuf et cohérent. C'est. pourquoi, face au Titien de la dernière manière, sa place est, malgré tous ses mérites, parmi les attardés du Quattrocento » (Galienne Francastel, L’art de Venise, Éditions Pierre Tisné, 1963, pp. 148-152).
La Ville Haute vue du col S. Vigilio
remparts au bastion de Santa Grata
ville haute, tour de Gambito, « Campanone » à dr. et coupoles de la cathédrale et de S. Maria Maggiore
Bergamo, vers l’abside de S. Maria Maggiore ; la fontaine du XVIIIe s. de Piazza Vecchia (1780), don du Podestat Alvise II Contarini.
Lotto, Storie di Santa Barbara, Martirio in piazza del Mercato, Trescore , 1524
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