7.3. Création de formes artistiques : architecture - la Villa Garzoni
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Sur les villas, voir aussi le dossier sur Florence, annexes 12 et 13 La villa Garzoni a Collodi (Toscana). Le site du village de Collodi est stratégique, à la frontière entre la République de Lucca et le grand-Duché de Toscane, et du haut de ses 244 mètres, il surveillait le passage dans la vallée de la Valdinievole. On ne connaît aujourd’hui Collodi que par Pinocchio, mais ce fut autrefois un lieu important, où les Romains installèrent probablement un dépôt d’armes et de matériel pour leurs troupes, à l’abri des inondations d’une vallée alors marécageuse et soumise aux crues de la rivière Pescia. Le nom du village vient à peu près sûrement d’un latin Forum Clodii, et on trouve encore, au milieu des oliviers, des morceaux d’anciennes voies romaines. Ce sont les Goths qui en firent probablement un village muré et fortifié ; les Longobards ont maintenu sa fonction stratégique et militaire. Sous Charlemagne, Collodi fut un fief des évêques de Lucca, puis passa à la République de Lucca, à laquelle il resta lié et il n’appartint jamais au Grand-Duché de Toscane, malgré les batailles où les deux États se disputèrent le site. Outre Lucca, le nom de Collodi évoque aussi le nom des Garzoni, la grande famille aristocratique du pays qui resta presque toujours gibeline. Castruccio Castracani (1281-1328), de la famille des Antelminelli, condottiere puis chef et duc de Lucca, participa à la bataille de Montecatini en 1315, où les troupes florentines guelfes furent défaites ; déjà à son époque, on connaît un conseiller de la ville appelé Lippo Garzoni, qui avait épousé  Contessa, fille de Bonagiunta Orbicciani, juge et notaire que Dante évoque dans le  chant XXIV du Purgatoire. En 1328, à la mort de Castruccio, les Florentins reprennent le pouvoir et Garzoni est exilé à Lucca, ses biens sont confisqués jusqu’en 1333, date à laquelle l’empereur commença à le réintégrer dans ses possessions, dont Collodi. Plusieurs Garzoni furent alors chefs de guerre au service de Pise, Milan ou Venise. Ils firent construire au XIVe siècle une première villa que l’on n’a pas retrouvée. Puis ils deviennent propriétaires du château, sur le terrain duquel ils font construire l’actuelle villa, avec un immense et magnifique jardin. On dit même que Paolo Lodovico Garzoni y reçut Napoléon I. La villa fut rachetée ensuite par Giancarlo Gardi et restaurée après sa mort en 1960 par la comtesse Adriana Graziani Gardi qui en fit un des plus merveilleux jardins d’Italie. La construction est appelée soit « castello » (elle se trouve en effet sur l’emplacement de l’ancien château, et on retrouve dans les souterrains des traces de pavements romains), soit « palazzo » (parce qu’elle est très grande et qu’elle a été l’habitation d’une famille importante), soit « villa » (à l’origine résidence de campagne des patriciens, puis luxueuse résidence des princes hors de la grande ville). Il faut penser que Lucca était la capitale d’un État indépendant, et, comme ceux de Venise, – l’autre république de l’époque –, les patriciens de Lucques avaient une grande affection pour leur résidence à la campagne, c’est pourquoi la région lucquoise possède beaucoup de châteaux, où les princes recevaient les rois, les ambassadeurs, les lettrés, les artistes, les ecclésiastiques… La villa « aux cent fenêtres » Elle fut édifiée par Romano Garzoni à partir de 1633, mais on en a déjà un premier dessin au début du XVIIe siècle, où la villa est beaucoup plus petite ; elle était terminée avant la mort en 1663 de Romano, qui en fut lui-même l’architecte passionné. Une rampe permet d’accéder à une terrasse scandée par un portique de 5 arcades dont l’arcade centrale est plus haute, et de là on se trouve en face d’une « palazzina » (un petit palais) d’été dont la façade incurvée est peinte en rouge ; elle est couverte d’une terrasse ondulée, limitée par une balustrade en marbre blanc ornée de mosaïques rustiques ; à la base, trois macarons et trois fontaines : un chef d’œuvre d’art baroque réalisé par l’architecte Ottaviano Diodati, un siècle après le palais principal. De là on parvient au monumental Palais, que l’on ne peut visiter en partie qu’avec un guide, y-compris les cuisines où Carlo Lorenzini prenait plaisir à s’attarder quand il venait voir sa mère depuis Florence. Le jardin paradisiaque. « Paradisiaque » n’est pas une simple image : car le jardin veut être une sorte de reproduction du Paradis Terrestre, la réalisation d’une philosophie et d’une vision du monde, depuis les jardins orientaux de l’Antiquité, les jardins gréco-romains, ceux de Frédéric II de Sicile, ceux que décrit Boccaccio dans le Décaméron, ou celui que réalisa Francesco Petrarca dans sa villa d’Arquà. Les grandes villas florentines et napolitaines de la Renaissance poursuivent cet idéal, et les grands jardins du monde, français ou anglais en particulier, continuèrent la tradition. Dans le jardin Garzoni, toute la pensée humaniste se réalise parfaitement. La visite part des anciennes écuries, restaurées et transformées en salles d’exposition (photos sur l’histoire de la Villa) ; de là on passe dans la partie basse du jardin à l’italienne enclos par un grand mur d’enceinte, et on va se trouver face à un ensemble de fontaines, de cascades, de buis taillés, d’escaliers baroques parcourus par des paons, des cygnes, des oiseaux, des grues, des écureuils, et par un ensemble de statues mythologiques qui alternent avec des représentations de paysannes, d’animaux exotiques. Des papillons sont maintenant visibles dans un monument moderne de verre, la Butterfly House, près des écuries à l’intérieur du jardin. On ne connaît pas le nom de l’architecte qui conçut le jardin, mais on fait l’hypothèse que c’était le comte Romano Garzoni lui-même. Le jardin acquit bientôt une renommée internationale et beaucoup de princes s’en inspirèrent ; parmi eux, même le roi de Naples Charles VII demanda un projet à Ottaviano Diodati pour son parc du palais de Caserta, mais il lui préféra finalement celui de Vanvitelli … moins coûteux. Mais ce paradis, image philosophique du monde, est aussi une marche vers le plaisir érotique : ayant monté les rampes baroques et vu tous les éléments qui les ornent, on s’apercevra que sont constamment présents Bacchus, les Faunes et les Nymphes ; l’eau est partout jaillissante, des jets étaient projetés à plusieurs endroits sur les visiteurs ou sous les jupes des femmes, des cascades ou de l’eau stagnante, créent une atmosphère de grande sensualité, et enfin la montée vers la statue de la Renommée (la « Fama ») aboutissait à de petits bains où des jeux de miroirs permettaient une communication très érotique entre les bains masculins et les bains féminins. Ce jardin devait être un lieu de plaisir. Parallèlement c’est la nature qui est célébrée, les  jeunes femmes qui évoquent le printemps et l’été, avec le jeune Bacchus de l’automne et le vieillard barbu de l’hiver, la représentation de Flore, de Cérès, protectrice des travaux agricoles, Diane, protectrice des bois et du gibier, Pomone qui présidait à la maturation des fruits, tout cela au milieu d’une végétation variée et luxuriante. Et enfin les symboles du pouvoir sont là, pouvoir divin avec Neptune, les bustes des empereurs, les blasons des Garzoni ; et ce pouvoir repose sur le travail de la terre : les paysans et paysannes sont le thème de nombreuses statues, à commencer par le paysan qui verse de l’eau au pied du grand escalier double Nature divinisée, pouvoir économique, sources de plaisir pour ceux qui les possèdent : belle représentation de la vision du monde de cette aristocratie des XVIIe et XVIIIe siècles ; mais aussi, apparition de nouveaux éléments, comme le traitement de l’eau et de la verdure, l’introduction de mécanismes complexes, qui traduisaient par ailleurs les modèles introduits par le mouvement des Lumières, très implanté à Lucca, qui ouvrait les yeux sur la nature, la science, le plaisir de la vie, sous le regard de l’immense statue de la Renommée qui domine la scène, c’est-à-dire la « parole » qui s’épanche dans les deux fleuves « Pescia » (celle de Florence et celle de Lucca), enfin mêlées dans une seule cascade, beau symbole de réconciliation dans la beauté et la culture. Plan du jardin (Repris de : Nori Andreini Galli et Francesco Guerrieri, Il giardino e il castello Garzoni a Collodi, Società Dilezza, Collodi, 1975) LA PARTIE CENTRALE (de 1 à 44) 1. Faune : joueur de flûte, avec une peau de lion sur l'épaule = génie des bois, des eaux, des montagnes, confondu plus tard avec le dieu Pan, fécondateur et défenseur des troupeaux. 2. Flore : ancienne divinité italique, symbo1e du printemps, des fleurs, de la jeunesse ; déesse sabine, enlevée et épousée par Zéphir (cf. Botticelli, le Printemps). Répand les fleurs retenues dans sa robe. 3. Diane : déesse chasseresse et protectrice des bois et du gibier. Lune dans 1es cheveux (divinité céleste), chien à ses pieds, arc et flèche dans la main droite). 4. Faune qui joue des cymbales et presse un instrument de musique sous son pied droit = danse des satyres en compagnie de Bacchus à la poursuite des Nymphes. 5. Bacchus : fi1s de Sémé1é et de Jupiter, formé dans la cuisse de son père, suite à la mort de sa mère, élevé par les Nymphes, invente la culture de la vigne. Porte du raisin. Dieu de l'énergie vitale, de la nature, du vin, du théâtre, de la parole. 6. {Apollon et Daphné (copie de la sculpture du Bernin à Rome, 1621). Nymphe consacrée à Diane et à 7. la virginité, Daphné fuit les assiduités d'Apollon. Sur le point d'être saisie par lui, elle invoque son père, le fleuve Pénée, qui la transforme en laurier, dont Apollon fera un arbre consacré à son culte (cf. Ovide, Métamorphoses ; opéras de Gabriele d'Annunzio). À travers la métamorphose de la nature, on peut la rendre encore plus précieuse et en tirer gloire et renommée. 8. Cérès : divinité protectrice des travaux agrico1es. Porte un faisceau d'épis de céréales. 15.16.17.19.20.  Terme : divinité protectrice des limites des propriétés. Les pierres marquant ces limites leur étaient consacrées. 19 et 20 représentent des esclaves maures au crâne rasé. 10. Printemps = Jeune femme portant des fleurs, 11.  Eté = Jeune femme couronnée d'épis, portant une faucille, } les 4 dans des niches incrustées de rocailles 13. Automne = Jeune Bacchus porteur de raisin, 14. Hiver = Vieillard barbu se protégeant du froid dans son manteau. A ses pieds un fagot de bois. 12 Paysan : versant de l'eau d'un baril posé sur son épaule. Sculpture plus rustique appartenant aux premières réalisations du XVIIe s. Thème courant (cf. fontaine du jardin des Boboli à Florence). 18. Grotte de Neptune : sur la prernière terrasse (allée des Palmiers). Octogone décoré de rocailles et éclairé par un ocu1us dans la voûte. Niche centrale : Neptune sur son char tiré par des chevaux marins. Niches latérales : tritons et mascarons faisant jaillir de l'eau. Petites niches : fontaines de montres marins. Pavement de pierres et dessins en marbre noir et blanc. Une clé permettait de barrer l'entrée par des jets d'eau, une autre déclenchait des jets d'eau dans toute la grotte ; sous les escaliers, deux recoins servaient de buffet pour servir les rafraîchissements. 21. Paysan avec un dindon et un groupe de singes qui jouent au ballon. Sur la balustrade de la petite exèdre, douze petits singes jouent au ballon: deux équipes de trois joueurs (sorte de jeu de paume). En haut, deux singes spectateurs, un singe gonflant un ballon (à gauche), un autre à droite compte les points sur une tablette. Au milieu, niche avec un paysan portant un dindon qui jette de l'eau. En dessous un couple de chiens. 22-30 et 33-40. Bustes d'empereurs (peu reconnaissables) alternant avec des personnages féminins. Vases de fleurs et de citronniers symétriquement sur la balustrade inférieure. 31.32. Deux satyres du cortège de Bacchus, un satyre mâle, un satyre femelle. 41. Pomone : déesse latine qui présidait à la maturation des fruits et à la culture des jardins. Jeune femme couronnée assise portant une corne d'abondance pleine de fruits. 42. Les deux fleuves Pescia (Florence avec le Marzocco et Lucques avec le Chien) en haut de la cascade, deux femmes assises versent de l'eau dans les vasques en gradins. Au milieu de la cascade, grand mascaron souriant, caché dans la végétation. En bas, quatre cygnes jouent à s'asperger d'eau. Cascades analogues dans les jardins des Indes. 43. La Renommée : jeune femme en vol munie d'une trompe. Dans la grotte, un dauphin qui jette de l'eau alimentant le petit bassin. En haut à droite se trouvaient au XVIIIe s. des petits thermes où les bains des hommes et des femmes n'étaient séparés que par des paravents légers complétés par d'érotiques jeux de miroirs. En dessous, un « café-bar » dont il ne reste que : 44. Statue de turc assis : avec un petit chien sur les genoux. II - DU PETIT LAC DE LA RENOMMÉE A L'ENTREE DU CHATEAU Descendre par « l'allée des camélias » à travers un bois frais (petites allées). On traverse le « pont du diable » au-dessous du labyrinthe, où on descend. 45. Paysan qui vide un baril, dans une grotte avec deux escabeaux de pierre. Inscription sur les délices de ces thermes, lieux de  plaisir. 46. Samson tue le Philistin avec une mâchoire d’âne (Cf. Livre des Juges, 15-9). C’est le pendant de la statue d’Hercule et de l’hydre. 47. Hercule et l'hydre à trois têtes, à l'autre bout du pont. Second des travaux d'Hercule contre l'Hydre de Lerne qui infestait l’Argolide.          48. Mendiante avec un enfant dans les bras. 49. Mendiant demandant l'aumône appuyé contre un tronc. 50. Vieille femme au tablier relevé qui semble semer. 51. Paysan avec une serpe tenant des fruits dans son chapeau de paille. 52. Jeune paysanne avec un panier de fleurs et un chapeau incliné sur la tête. De là on arrive à l'entrée du château (visite guidée) En redescendant on longe un petit bois de bambou atteignant 40 cm de diamètre et poussant en été, de 15 à 20 cm par jour. On passe le pont du diable (tracé de l'ancienne voie romaine de Collodi à Pescia) et on arrive au Théâtre de verdure. 53. Sanglier : copie du « Porcellino » de la Loggia du marché neuf de Florence. 54. Buste de femme qui prolonge le boulevard des Empereurs 55. Thalie, muse de la Comédie, couronnée de lauriers, un masque à la main. 56. Melpomène, muse de la Tragédie 57.58. Candélabre de pierre, petits monstres dont la gueule ouverte crache des flammes. ET PROFITEZ DE VOTRE PASSAGE À LA VILLA GARZONI POUR ALLER VISITER LE PARC PINOCCHIO, ET LA VILLE  DE  LUCCA (Cf notre dossier sur Pinocchio et Collodi dans la rubrique « Littérature »
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